4
•V,
HISTOIRE
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE.
TOME I.
H I S T O I R
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE
Par 3 ACQVES LENFANT-
ENRICHIE DE PORTRAITS.
TOME PREMIER.
A UTRECHT,
Chez, CORNEILLE GU1LL. LE FEBVRE.
M- D C C. XXXI.
A S O N
ALTESSE ROYALE
MONSEIGNEUR
L E
PRINCE ROYAL
ONSEIGNEUR,
Cejl pour faîisfaire a l'ordre dun époux qui riejî
plus , mais dont la mémoire me fera toujours chère , que
j'ai l'honneur d'offrir cet Ouvrage aV-A.R. Il Vous a
été dtftiné, MONSEIGNEUR , des que le dcf-
E F I T R E-
fein en a été conçu, Feu mon Mari touché ', frappé \ Ç$je
puis bien ï ajout tr, plein d admiration pour les grandes
qualités qui éclattent dans V- A. R. cher choit a lui dé-
dier un Ouvrage qui lui permît d exprimer les Centime ns
de fin cœur ; & ceft pour répondre a fis intentions , que
jai l'honneur de présenter à V A. R* la Guerre des
Huflîtes.
Jefpere au Elle j trouvera des évenemens qui ne
fieront pas indignes de [on attention. La matière en efi
intereffante pour un Prince qui aime a sinftruire , t$
dont les récréations même ne font agréables , qù autant
quelles font utile s. Combien de fois ï Auteur ne s encou-
rage oit-il pas lui-même , par ïefpérance d achever enfin
un travail qui put plaire àVA.R 1 Dieu lui a fait cette
grâce ^ MONSEIGNEUR. S il ri a pas eu lac on-
Çolation de te préfenter lui-même , il a eu celle de ï ache-
ver , ($ fes derniers ordres ont été quon le dédiât a
Votre Altejfe Rojale.
*Je fçaice quilpenfioit, Çf avec quelle fatisfaéïion il
parloit des vertus qui éclattent dans Votre Augufle per-
fonne. Oferois-je Vous dire 3 MONSEIGNEUR,
ce quiladmiroiten Vous , Ç*f ce qui Vous attire l'efkime?
la vénération^ l amour de tout le monde ? Ce riejï pas
E P I T R E.
feulement ces talens de ïefprit , cette manière ingénieufe
& délicate de penser & de vous exprimer ; ces reparties
fines & a propos , qui charment & qui (urprennent ;
ceflce goût exquis pour les occupations qui conviennent
a un grand Prince : cefl cet amour pour lesfciences uti-*
les , qui le mettent en état de régner par lui-même , &
de régner pour le bonheur des peuples qui lui font fournis,
en profitant des lumières de ceux qui ont médité fur le
caraftere des hommes , fur les maximes dun bon gou-
vernement , fur 'les vrais intérêts des Etats, Ce fi cette
douceur , cette modeflie , cette affabilité , à qui feules il
appartient de gagner les cœurs que la rigueur affujettit y
mais quelle ne captiva jamais. Cefl C4tte générofité at-
tentive aux miferes pour les foulager , Çtf au mérite pour
le louer ou le récompenfer. Cefl enfin cette pieté éclairée
& folide , également ennemie de la Çuperflition & des
vices , qui fait fon capital d'honorer Ç<f d'aimer Diett
fincérement , & défaire du bien aux hommes créezj a
ï image de Dieu. Voila , MONSEIGNEUR, les
qualité zj qui font les grands Princes, & ce font celles
que tout le monde voit avec admiration dans Jr. A. R,
Puifife le Seigneur conferver un Prince qui nom eflfi
cher , Çf qui nom pre fente dans ï avenir de fi heur eu fie s
a ij
E P I T R E-
ejherances ! Ce font les vœux de celle qui a ïhonnewr
d'être avec le plus profond refpefi ,
MONSEIGNEUR,
DE VOTRE ALTESSE ROYALE
La très-humble & très-
obéïfîante fer van te
LaVeuve LENFANT,
née M. E. de V je n o u r s.
: : : : : : : : ^
•«? 4£? &I? s1? SÂ? «i? «î? «H? x
§8*
AVERTISSEMENT
L'H i s t o i r e de la Guerre des Hujfites eft le dernier
Ouvrage de feu M. Lenfant. Il Ta écrit avec
beaucoup de diligence , & comme s'il a voit prévu fa fin
prochaine, ilfehâtoitdelefinir. Ilavoitrevû la copie
du I. Tome, & lifoit actuellement celle du II. lors qu'il
fut frappé d'apoplexie. Sans cette mort fubite il auroit
continué fon Hiftoire jufques vers l'an 1460. au lieu
qu'elle finit au commencement de l'année 1454.
Comme il avoit formé le deflein d'écrire l'hiftoire du
Concile de Bafle, & que la guerre des Huffitess&zvz.
dans l'intervalle entre ce Concile & celui de Confiance,
il entreprit de raconter cette fameufe guerre , qui fut ex-
citée par la fierté & la dureté avec laquelle les Pères de
Confiance traitèrent l'affaire de ^ean Hhs & du Huf-
fitifme , qui ravagea pendant pluiieurs années la Bohè-
me,h Adoravie , & les Provinces voifines 5 &qui coûta
tant de fang à X Allemagne. Cette hiftoire lioit enfemble
les deux Conciles. Le premier avoit allumé la guerre:
le fécond fut affemblé pour l'éteindre. Il étoit donc bien
naturel que M. Lenfant écrivît l'hiftoire de cette guerre.
D'ailleurs l'objet eft très-digne de la curiofité publique,
& l'on peut dire qu'elle n'a pas été fatisfaite par divers
Hiftoriens, qui n'ont pas eu les Mémoires que notre
Auteur a recherchez & lus avec beaucoup de foin.Mais,
commençant à fe défier que fa vie fut allez longue pour
vj AVERTISSEMENT.
écrire l'hiftoire du Concile de Bafle avec la même éten-
due & la même exaétitude qu'il avoit écrit celle du
Concile de Confiance, il réfolutde comprendre dans
un même Ouvrage, &les évenemens de la guerre des
Huflïtes, & les principales opérations du Concile de
Balle : c'eft auffi ce qu'il a exécuté.
Pour enrichir cette hiftoire,qui dans quelques endroits
auroit été un peu féche , il y a inféré dans leur place celle
des plus mémorables évenemens de l'Europe, fur tout
lorfqu'ils ont du rapport aux affaires éccléfiaftiques.
Quoique l'Auteur approchât d£ la fin defacourfe,
on ne verra nulle part un Ecrivain las , fatigué , qui com-
mence à languir. C'efttoujoursle même génie 5 la mê-
me dextérité à développer les évenemens , à les mettre
dans un beau jour. La narration eft vive , élégante , fuc-
cinéte. Les hommes, leurs caraétéres, font bien repré-
fentez 5 mille particularitez femées de toutes parts pi-
quent agréablement la curiofitédu Leéteur.
Comme il doit être naturellement fort furpris, qu'un
Royaume Catholique, tel qu'étoit la Bohême, fefoit
foulevé d'une manière fi générale & fi opiniâtre contre
les Chefs de l'Eglife ? à ca^fe du fupplice d'un feul hom-
me, M. Lenfant commence fon hiftoire par découvrir
l'origine &"lescaufes d'un mécontentement invétéré;
qui regnoitfecrettement, & prefque fans fe faire fentir,
dans Tefpritdetf Bohémiens. Jl remonte pour cet effet à
la naiffance du Chriftianifme en Bohême, où il fut porté
par les Grecs. Les Latins leur enlevèrent enfuite ce
Royaume , mais ils ne leur enlevèrent pas l'affeétion des
peuples. Le rit Grec & le rit Latin furent long-temps
en concurrence : le premier ne fut même tout-â-fait
proferit que fous Charles 7/^ père & prédeceffeur de
U^encejlas , & ne le fut que par des moyens violens,
AVERTISSEMENT. vij
Tout cela & quantité d'autres griefs, rendant le Clergé
& les Moines odieux aux peuples , le fupplice de ^ean
Hus , l'affront fait à la nation Bohémienne , ne fit qu'al-
lumer un feu caché fous la cendre, & fournira cette
nation un juftefujet de faire éclatterfon ancienne aver-
fion pour les Eccléfiaftiques. C'eft ce qu'on verra dans
les cinq premiers Livres, qui contiennent les prélimi-
naires de la guerre, & qui font voir que les grandes &
fubites révolutions font comme des embrafemens qu'-
une étincelle n'allumeroit pas , fi elle ne tomboit fur une
matière toute prête à s'enflammer.
On auroit bien voulu mettre à la tète de cette Hiftoire
une préface où l'on rendît compte du deflein de l'Au-
teur, du plan qu'il s'eft formé, & des raifons qu'il a
eues , des recherches qu'il a faites , des Ecrivains qu'il a
confultez 5 de la créance qu'ils méritent 5 en un mot de
toute l'œconomie de cet Ouvrage. C'eft ce que M.
Lenfantsctoit propofé de faire , commeonle voit par
une note qui eft eft au bas de la p. 1 1 o. mais fa mort a
été fifubite, qu'il n'a pu ni diéter lui-même rien fur ce
fujet , ni en inftruire fes amis : outre que fa Bibliothèque
ayant été vendue par auttion , & difperiee, on ne peut
raffembler les Auteurs qui lui ont fourni les matériaux
dont il a compofé fon Hiftoire *. Au refte , on a enrichi
cet Ouvrage de Portraits comme les Hiftoires des Con-
ciles de Pife & de Confiance.
On n'a plus qu'un mot à dire dans cet Averti jfement.-
C'eft que l'Auteur y donne des Huffites une idée , qui ne
répond pas tout-à-fait à celle que plufieurs perfonnes en
ont. Il les a peints comme des hommes barbares, fan-
* On en trouvera îa Lifte ci- defïbus , telle que l'Auteur Tavoit envoyée lui-
même au Libraire, & écrkc de fa propre main, pour être imprimée après la
Préface»
viij AVERTISSEMENT.
guinaires , tels qu'il les a trouvez dans Balbin , & dans
plufieurs Hiftoriens Calixtins ou Catholiques , auffi bien
que dans quelques Ecrivains Proteftans, comme dans
Theobald, ou Thibaut, dont pourtant M. Lenfant s'eft
un peu défié, comme il le témoigne dans une note p. 94.
On ne prétend pas juftifier des vengeances inhumaines $
maison croit avoir desraifonsd'affurer que les Hifto-
riens de M. Lenfant en ont plus dit qu'il n'y en avoit 5 &c
que les Huffites ou les Taborites, car il s'agit propre-
ment de ceux-là, n'ont fait qu'ufer de repréfailles con-
tre des ennemis qui a voient commencé la tragédie, &
donné l'exemple des cruantez.
On a joint à cette Hiftoire la f Ditfertation de M. de
Beaufobrç fur les Aâamites de Bohême , parce que M,
Lenfant l'a voulu , comme on le voit par une Remar-
que qui eft au bas de la p. 3 8. On y a ajouté , première-
ment quelques nouvelles preuves , par lefquelles l'Au-
teur confirme fon fentiment : fecondement une Diifer-
tation qui n' avoit point paru, dans laquelle il fait l'hif-
toire de X Adamifme depuis fa naitfance , & montre que
cette héréfie îïa jamais exifté.
IC'eft celle qui a été publiée dans le IV, Tom. de la Bibliothèque Germanique.
p. 11?.
A Berlin le \6. Mai
1730.
TABLE
TABLE
DES AUTEURS
Citez^ dans cette Hifioire.
jHPj Neas ( Sylvïus ) Hift. Bohem.
VitaFrider.II.
Europa.
Epiftolae.
Alexander ( Natalis ) Hift. Ec«l. T. VIII.
Angeli (^jindrea') Annales Marchi» Bran-
deb.
Anonymi Hiftor. perfecut . Bohcm.
----- Le redoutable Aveugle.
%Antilogia Tapa. Bafil.
Aretin ( Léonard)) De Reb. Italicis.
Aventinus ( Johannes) Annales Boïorum.
Auguftinus {Qlomucenfis ) Catalogus Epifco-
porum Olomucenfium.
Balbin ( Bohujlas ) Epitom. Rer. Bohem.
Mifcellanea.
Balseus ( Johannes ) Defcription du Royaume
de Bohême, en Allemand.
Baronius ( Cefar. ) Annal. Eccl.
Bayle (Tierre) Dictionnaire Hiftorique &
Critique.
Beaufobre (ifaacde) Dhfertation fur les
Adamites.
Becmann ( JeanChriftoph. ) Oratio in Jubilaeo
habita.
Bellarminus ( Cardinalis ) De Script. Eccl.
Bibliotbeca Tatrum. Tom. IV. Part. II.
Bilejov. apud Balbin Epit. Rer. Bohem.
Bollandus. Vitae Sanc"torum.
Bout (Johannes Cardinalis ) deReb. Liturg.
Bonfinius ( jLnfnius ) de Rébus Ungaricis.
Brejlau ( Manufcrit de ) Guerre des Huflites.
Bzovius ( Abraham ) Continuatio Annalium
Baronii.Tom.XV.XVI.
Camerarius ( Joach. ) De Frat.Orthodox. Ec-
clef, in Bohem. Morav. & Polon.
Carolus ( IV ) Vita ab ipfo compofita.
Tom J.
Cave (WtùMmus) Scriptor.Ecclefiaft.Hift.
Literar.
Cernitius ( Johann. ) Hift. Brandeb.
Choifi ( l'Abbé de ) Hiftoire Eccleitaftique.
Chriftannus ( de Scala ) Hiftoria Bohenuar.
Cochlée ( Jean ) Hift. Huffit.
Comenius ( jimos ) Hift. Fratr. Bohem.
Oncitia ( Edit. Reg. Paris. ) Tom. XXVI.
Cofmas ( Vragenfis ) Chronica Bohemica.
Cromerus ( Martinus ) Hift. Polon.
Cufpinianus ( Johannes ) de Vitis Imperat«-
rum.
Damalvicz ( Stephanus') Vitac Epifcoporum
Vvladifl.&Gnefn.
Daniel ( Le Tere ) Hiftoire de France.
Dlugos C Johann, ) Hiftoria Poloniae.
Dubravius ( Johannes ) Hiftoria Bohemir.
Du Pin (Elites) Bibliothèque des Auteurs Ec«
clefiaftiques.
Eggs C Georgius ) Purpura do<5ta.
Fabricius (Georgius ) De Rébus Mifnicis, &
Saxonicis.
Fafciculus Rerum expetendarura & fugienda-
rum.
Fleury ( Abbé du Ltc-Dteu ) Hiftoire Ecclefiaf-
tique.
Frcher ( Marquard. ) De Rébus Bohemicis.
Gaguinus ( Robertus ) Hiftoria Franc.
Georgius ÇJacofas Fridericus) Grayamina
Imperii,
Gerbais (Dofteurde Sorbonne) Sa Tradudioa
du Tanormitanus touchant l'autorité du
Concile de Bafle.
Gobelini Terfona Cofmodromium.
Gobelin (Johan.) Commentarii in Vit.Pii M.
Gregorii XL Papa Epiftolae.
Gregor. Vil. Tapa Epiftolae.
GrofTerus ,Memorab. Lu£âtiar.
TABLE DES AUTEURS.
x
Hagec ( Vvenceflaus ) Hiftoria Bohcmix.
Hankius ( Martinus ) de Silefiis Eruditis.
Hardt (Herman vonder ) Act. Concil. Conf-
tantienf. Helmftad,
Henelii ( Nie. ) Silefiographia.
HofTman ( Chrijîian. Godofr. ) de Script. Lufa-
tia?.
Hus ( Johannis ) Opéra.
Illyricus ( Matthias Flacius ) Catalogus teftium
veritatis. »
Johannis ( Ceorg. Cbriflian.) Notas ad Serrarii
Rer. Mogunt. Libros.
Jus Canonicum.
Juftinianus ( Horat.) Hiftoria Concilii Flo-
rentin!.
Kalendarium Hufïiticum.
Koelerus (Johann. David ) de Rockyfane.
Krantzius ( jilbertus ) Wandalia , Saxonia.
Kufterus (Georg. Godeffr. ) Memorabil. Tan-
gramund.
Labigne (Margarinde) Magna Bibliotheca
Patrum.
Leibnitz, MantifTa Codicis JurisGentium.
I-anglet ( Du Frefnoj ) Libcrtez de l'Eglife Gal-
licane.
Limborch (Thilippus a) Hiftoria Inquifitionis.
Lobineau ( Gui .Alexis ) Hiftoire de Bretagne.
Lupacius ( Trocopius ) Ephemeris Rerum Bo-
hemicarum.
Maimbourg ( Louis ) Hiftoire du grand Schif-
me d'Occident.
Manlius ( Chriftopbor. ) Rerum Lufatic. Com-
mentar.
Marfiliusde Padua , Defcnfor Pacis:
Merian ( Mattbœus ) Topograph. Bohem.
Meyeri Magnum Chronicon Belgicum ap.
Tiflerium.
Mife( Jacques de)
Neu'brigf Johannes )
Niderus ( johannes ) de Vifionibus.
Niem ( Tljeodoric de ) de Schifmate. Bafilese.
1566.
Pagi C Francifcus ) Breviar. Pontifie. Roman.
PanoimitanusC Johannes Thudefcus ) Tra&at.
de autorit. Concil. Bafil.
Fareus ( David ) Hift. Ba varie. Palat,
Taris ( Hift. Academ. Parif. Tom. IV. V. )
Photii Epiftolae.
Platina de Vitis Pontif. Romanorum.
Poggius Florentinus. Hiftoria Florentins.
Polydorus ( Virgilius. )
Pontanus ( Georgius Barthold ) Bohemia Pia.
Pontanus ( Jacobus. ") Sa Traduction Latine
de l'Hiftoire des HufTites par Tlnbaut.
Rapin T'hoyras Hiftoire d'Angleterre.
Raynaldus (Odoric) Ccntinuatio Annalium
Baronii. Tôm. XVII. XVIII.
Reynerns (Johannes') De Waldenfibus.
Roo ( Gérard ) Hiftoria Auftriaca.
Schlecta ( Jean ) Epift. ad Erafm.
Schmid ( Jean jlndré ) de Fatis Calicis Euchar.
de Concil. Mogunt.
Schminkius ( Job. Hermann. ) DiiTert. Hift. de
Wenceflao.
Schoetgcnius ( Cbrift. ) de Nolis in Veftitu;
— - — de Flagellantibus.
Serarius (Nicolaus) Rerum Moguntinarum
Tom.I.FrancofurtiadMœnum. 172 z.
Seyfrid ( Vvilhelmus ) DiiTert. Hift. de Johann.
Hus. Jenas. 171 1.
Spondanus ( Henricus ) Continuatio Anna-
lium Baronii. Tom. I.
Stranski ( Taulus ) Refp. Bohem.
Strauchius ( JEpdius ) DiiTert. de Waldenfib.
Witteb. 1659.
Strudovvski ( Georg. ) Morav. Sacra.
Struvius (Burcardus Gcîtbeljf.us ) Syntagma
Hiftoriae Germanica?.
Suetonius ( Tranquillus ) Vit. Caefar.
Thibaut ( Zacharias Tlwbaldus Junior) Bellum
Huiïiticum
Thomafius (_ jacobus ) DiiTertatio de Petro
Drefdenfi.
Thvvrocs Chronic. Hungar.
Trithemius ( Johannes, Abbas) Catalog.
Script. Eccl.
Chronic. Hirfaugienf.
Chronic. Spanhemienf.
Varillas Hiftoire du Wiclefianifme.
Vegetius ( Flavius ) De re militari.
\zttot(jîbbéde) Hiftoire des Chevaliers de
Malte.
*/
MEMOIRE HISTORIQUE
DE LA VIE, DE LA MORT , ET DES OW RAGES
DE FEU M. LENFANT,
Tiré delà Bibliothèque Germanique , Tom. XVI. p. iij.
JAcc*ues Lenfant naquit à Basoches cnBeauffelc 13. Avril
i 66 1 . Il étoit fils de Paul Lenfant Miniftre du St. Evangile à
Chatillon fur Zoin , 6c mort à M 'arbourg au mois de Juin \6%6.
& de Dame Anne Dergnoup àzPreffïnville décédée à Berlin le 6.
Décembre 1692. #
Mr. Lenfant étudia en Théologie à Saumur, où il logeoit chez
Mr. Cappel {Jacques fils de Loiiis) Profeiîeuren Hébreu _, dont il a
toujours été fort aimé & fort eftimé. Il alla enfuite continuer [qs
ctudes à Genève (i"). Au fortir de France, dit-il en quelque en-
droit (a) , fai trouvé dans Genève une nouvelle & phfs tendre Patrie, (a) Btbiittb.
On m'y a fait mille fois plus de grâces &plus d'honneur, que je n'en puis Germ- T,V1,
mériter ..-. . Aufft depuis que j'en fuis forti 3 j' ai toujours fait profef P '
fïon d'aimer & d'honorer Genève comme ma mère. lien partit vers la
fin de l'année 1 6 8 3 . & paiTa à Heidelberg 3 où il reçut l'importions
des mains au mois d'Août 1684. Il y exerça fonMiniftere avec
beaucoup d'honneur , en qualité de Chapelain de Madame l'E-
leétrice Douairière Palatine , ôc de Pafteur ordinaire de PEglife
Françoife.
L'invafion des François dans le Palatinat obligea Mr. Lenfant
de fortir d'Heidelberg en 1688. Deux Lettres qu'il avoit écrites
contre les Jefuites , & qui font inférées à la fin de fon Préfervatify
ne lui permettoient pas de demeurer à la diferétion d'une Société ,
dont on ne vante pas la generofité ni la clémence. Il quitta donc
lePalatinatau mois d'O&obre 1688. avec la permiflîon de fon
Eglife & de [qs Supérieurs , & arriva à Berlin au mois de Novem-
bre fuivant.
Quoique l'Eglife Françoife de Berlin eût déjà un nombre fufïï-
(z.) Uneperfonnequi a été long-temps auprès de Mr. Lenfant , lui a fouvent oui dire,
gu'il ayoit été le premier Propofhnt qui eûtprêché a l'Hôpital de Genève.
çij
xij MEMOIRE HISTORIQUE
fant de Pafteurs , le feu Roi ( i) de glorieufe mémoire ne ïaiiïa pas
de lui donner encore Mr. Zenfant, qui commenta Tes fondions le
21. Mars, jour de Pâques 1689. Il les a continuées dans cette
Eglife pendant 3 9. ans & quatre mois.
Ilépoufa en 1705. Demoifelle Emilie Gourgeœud de Venours >
d'une Maifon illuftre de Poitou , dont il n'a point eu d'enfans.
Le Dimanche 25. Juillet de cette année 1718. il avoit prêché
a fon ordinaire dans k>n Eglife , fur Matth. VII. 24. 25. mais le
Jeudi fuivant 19. du même mois, il fentitune légère attaque de
paralyse vers les cinq heures de l'après-midi. Il avoit paru fe por-
ter fort bien tout le jour. Cette attaque quilefurprit chez un de
fcs amis , n'empêcha pas qu'il ne vînt feul 6c à pied chez lui. Un au-
tre de fes amis, qui vint le voir fur les fix heures, remarqua qu'il
avoit la bouche un peu de travers , & quelque difficulté à parler.
On ne crut pas néanmoins que cet accident eût de dangereufes
fuites , parce qu'il parut allez bien remis dès le lendemain. Mais le
quatrième d'Août , vers les fept heures du foir , l'accident revint
beaucoup plus violent que la première fois. Il tomba dans une
efpece de léthargie , ne parla plus que par monofyllabes , 6c mê-
me avec une extrême peine, 6c expira enfin le Samedi fepciéme
d'Août, entre fix & fept heures du matin > après avoir vécu foi-
xante-fept ans , quatre mois ôc fix jours.
Mr. Lenfant étoit d'une taille un peu au deiîous delà médio-
cre : il n'étoit ni gras , ni maigre. Son vifage eft bien reprefenté
dans fa Taille- douce. Onappercevoit quelque chofe de fin 6c de
pénétrant dans fes yeux. Son air étoit fimple, 6c plutôt négligé
que recherché. Il neparloitpas beaucoup, mais il parloit bien.
Il difoit les chofes d'une manière fine 6c délicate,6c les aflaifonnok
d'un air qui les faifoit encore trouver meilleures. Lorfque Ton met-
toit quelque matière fur le tapis, 6c qu'il s'élevoit quelque difpuce,
il ne s'irritoit jamais. L'ironie le fervoit à propos dans ces occa-
fions-là.
Il aimoit la focieté , & paflbit peu de jours fans voir quelqu'un
de fes amis. Mais fes ouvrages n'y perdoientrien. Il revenoit à fon
travail avec de nouvelles forces , le reprenoit fur le champ , à l'en-
droit où il l'avoit lailïé, & ne compofoit jamais mieux que lorfqu'il
s'étoit égayé dans une compagnie agréable. Il étoit bon ami, fans
faire trop l'emprefîé , 6c n'étoit ennemi de perfonne. Jamais il ne
(i) CeftFridcric, Eleâeurde Brandebourg, qui avoit fuccedé à l'Eleveur Frideric Guil»
fnurne mort le zp. d'Août 16ZZ > & qui depuis fut Roi de Pruffe*
DE LA VIE DE M. :L ENFANT. xiij
s'eft refufé aux prières & aux befoins de qui que ce foit. Il en ufoic
avec cette générofité envers les perfonnes qui lui avoient donné
dejuftesfujetsde plainte. Ilpofledoit ces vertus bienfaifantes &
pacifiques , qui font les vertus eflentielles du Chrétien. Tout à
fait défînterefle , il ufoit de fon crédit & de fcs amis pour faire du
bien aux autres, & ne lesemployoit jamais, ou très-rarement, pour
lui-même.
Je ne parlerai point de ks talens. Ceux qui l'ont oui , ou qui
l'ont connu , en font témoins , & [qs Ouvrages en inftruifent les
autres. J'ai témoigné Peftime que j'en fais dans le premier extrait
de fon Concile de Pife , Tome VIII. de cette Bibliothèque > où je
renvoyé le Lecteur.
Il a eu la réputation d'excellent Prédicateur, & il l'étoit. Il
avoit la voix belle , la prononciation diftinde & variée. Son flile
croit pur, clair, grave jiln'étoitnideftitué, ni trop chargé des
©rnemens de l'Eloquence. Ses exprenlonsétoient bien choiiîes, &
il favoit donner un beau tour à toutes chofes. Sans s'arrêter à éplu-
cher les mots d'un texte , il en donnoit le vrai fens , il en marquoit
les matières principales , &; les traitoit en maître.
Le mérite de Mr. Lenfant a été fi bien reconnu, qu'il a eu tou-
tes les diftindions honorables qui peuvent illuftrer un homme de
fon cara&ere. Il fut Prédicateur de la feue Reine, charlotte So-
phie y princefle qui avoit infiniment d'efprit , & beaucoup de con-
noiflànces. Après la mort de Ja Reine, il fut Chapelain du feu Roi.
Il étoit Conseiller du Confîftoire Supérieur , & Membre d'un.
Corps nommé le Confeil François , & formé pour diriger les affai-
res générales de la Nation. Il fut agrégé en 1 7 1 o. à la focieté de
la Propagation de la Foi, qui eft établie en Angleterre, & le 2,
Mars 1 7 24. à l'Académie des Sciences , fondée à Berlin par le feu
Roi.
Mr. Lenfant fît un voyage en Hollande & en Angleterre en l'an-
née 1 707. Il eut l'honneur de prêcher devant la Reine de la Gran-
de Bretagne (a) , & s'il eût voulu fe réfoudre à quitter l'Eglife de (») ** Reine
Berlin qu'il aimoit , & dont il étoit tendrement aimé , il auroit pu Ame'
demeurer à Londres avec le titre honorable de Chapelain de la
Reine , qu'on lui offrit. Il fit depuis des voyages , à Helmftad en
ï 7 1 2. à Zeipfic en 1 7 1 5 . à Breflau en 1725. Son but étoit de dé-
couvrir les livres rares & les manuferits dont il avoit befoin pour
compofer les Hiftoires qu'il a écrites. Mr. le Comte deScbœffgotfehs
Gouverneur pour fa Majefté Impériale delà belle & grande pro-
fit ii j
xiv MEMOIRE HISTORI QJJ E
vince de Silèfie . lui témoigna beaacoup d'eftime à Breflau. Il
lui avoit été recommandé par feu Mr. le Comte de Rabutin , Sei-
gneur plein d'efprit & de générofité , qui étoit alors Miniftre de
l'Empereur à la CourdePrufTe, 6c quihonoroic le mérite de Mr.
Zenfant.
Ce Seigneur eut cela de commun avec plufieurs autres Grands,
comme on le voie par les lettres que Mr. Zenfant en a reçues pen-
dant fa vie. Il y en a de feue Madame Y EleBrice de Brunfwic-Zune-
bourg Princeffe palatine 5 de Madame la Princejfe de Galles , à
prefent Reine de la Grande Bretagne 3 de feu Mr. le Comte de Fle-
ming $ de l'illuftre Chancelier de France , Mr. Dagueffeau 3 &c.
Il y en a aufîi de quantité de fçavans , Protejlans ou Catholiques ,
parmi lefquels il faut difbinguer un Abbé qui fe diftingue fî fore
d'ailleurs, je veux dire Mr. l'Abbé Bignon.
Je ne fçais fi ce fut M. Zenfant , qui forma le premier le defîein
de la Bibliothèque Germanique ( 1 ) , ou s'il lui fut fuggeré par quel-
qu'un des membres de cette focieté de Sçavans , qui ont pris Je
nom d'^w^w^.jlss'allembioient ordinairement chez lui, &ce
furent ces Mrs. qui lui inspirèrent d'écrire l'Hiftoire du Concile de
Confiance , & qui l'encouragèrent à une entreprife qu'il a fi bien
exécutée, & qui lui a fait tant d'honneur. A l'égard de la Biblio-
thèque Germanique , il eft l'Auteur de la Préface qu'on trouve à la
tête du I. Tome de cet Ouvrage.
Mr. Zenfant fe fit connoître de fort bonne heure dans la Repu-
blique des Lettres, Son coup d'eflai fut I. les Confedèrations géné-
rales fur le Zivre de Mr. Brueys. Il les écrivit en l'année 1683.
lorfqu'il n'avoit encore que vingt-deux à vingt-trois ans, & on
les imprima à Rotterdam l'année fuivante. Ilparoît par des Let-
xun xlÎv tres ^e ^eu ^r* Sity^e (a)> 4ue cec Ouvrage fut bien reçu du Public.
& xlv. de Voici le Catalogue des autres.
M. B*yie , de II. Zettres choifics de St. Cyp'ien. 8 . Amfterd. 16 8 8 .
l7%\, III. Z' innocence du Catéchifme de Heidelberg. 1690. Cette pie-
ce a été réimprimée en 1723. à la fin du Préfervatif
IV. De Jnquirenda veritate 4. Genev. 169 1.(2). C'eft une Tra-
(1) Cet Ouvrage commença en 1720. Mr. Lenfctnt y a toujours eu beaucoup de part;
mais il ne s'eft mis proprement du nombre des Auteurs que depuis le Tome IV. inclulive-
ment.
(z) On apprend par une Lettre de Mr. Lenfctnt à Mr. Du Sautet publiée dans les "Nouvelles
Littéraires du 1 5. de Février 171 6". que cette traduction fut achevée en 16*8]. mais qu'elle ne
fut imprimée qu'en 1 6$ 1 . à eau Ce du de'fordre quifurvint dans les affaires du Libraire qui en avojt
entrepris l'imprejjion. On trouvera dans les mêmes Nouvelles Littéraires la Lettre que le P, Mq-
Ubrancbe écrivit à Mr. Lenfant fur fa Traduction.
DE LA VIE DE M- LENFANT, xv
duction Latine de la Recherche de la Vérité du P. Malebranche. M.
Lenfant manda à M. Bayle le deiïein qu'il avoit de traduire ce Li-
vre. Mr. Bayle en donna avis au P. Malebranche > & lui fit connoî-
tre fbn Tradu&eur. Une perfonne qui a été long-temps auprès de
Mr. Lenfant 3 lui a oiii dire la même chofe.
V . Ht (ioire de la Papeffe Jeanne fidèlement tirée de la Differtation
Latine de Mr. de Sphanhcim, Profe fleur en Théologie à Leyde. 8.
Cologne (c'eft à Amfterdam) 1694. La IV. Partie eft de Mr,
Des-Vignoles 3 qui y a ajouté plufieurs articles dans une féconde
Edition faite à la Haye en 1720. Mr. Lenfant n'a point eu de parc
à cette Edition. Voyez l'Avertiflement du Libraire.
VI. Remarques fur l'Edition Grecque du N. T eftament par Mr.
Mill, du y. Juin 1708. Cette pièce eft dans la Bibliothèque choifie
de M. le Clerc. Tom. XVI. p. 275.
VII. Lettre Latine fur le même fujet du 31 Décembre 1708.
Ibid. Tom. XVIII. p- 209.
VIII. Lettre Latine a Mr. Des-Vignoles fur l'Edition du iV". Tef-
tament donnée par M. Kufter. Le 17. Juin 171 o. Ibid. Tom.
XXI. p. 97.
IX. Réflexions & Remarques fur la Difpute duV '. Martianay avec
un Juif 3 inférées dans les Nouv. de la Rep. des Lettr. Mai 1709.
p. 479. & Juin, p. 599.
X. Mémoire Hifiorique touchant la Communion fous les deux cfpe-
ces: inféré dans les Nouv.de la Rep. des Lett. Septemb. 1709. p.
XI. Critique des Remarques du P. Vavafleury#r les Réflexions du.
P. Rapin , touchant la Poétique , inférée dans les Nouv. de la Rep.
des Lett. Fevr. 1710. p. 1 2 3 . &. Mars.p. 253.
XII. Réponfede M. Lenfant à M. Dartis au fujet du Socinianif-
me. C'eft une brochure imprimée à Berlin en 171 2.4.
Il faut joindre à x:et article une autre Brochure 3 imprimée aufîï
à Berlin en 1719.ou.Mr. Lenfant répond à diverfes chofes avan-
cées par le même M. Dartis , dans une Lettre qu'il a intitulée,
Lettre paftorale. M. Lenfant n'a pas daigné répondre depuis à
d'autres Ecrits du même Auteur. Il avoit befoin de fon loifir ail-
leurs.
XI IL Lettre fur le fens littéral des anciens oracles , à l'occafion de
la Differtation fur le Pfeaume CJtT : inférée dans VHifioire Critique
de la Republique des Lettres , Tom. VI. p. 43 .
XIV. Lettre fur une Difpute avec le P. Vota Je fuite , inférée dans
la Bibliothèque Choifie , Tom. XXIILp. 327,
xvj MEMOIRE HISTORI QJJ E
XV. Hifioire du Concile de Confiance , tirée principalement d* Au-
teurs qui ont a(ftjlé au Concile. Enrichie de Portraits. 4. Amfterdam.
chez P. Humbert. 2. Voll. 17 14.
Seconde Edition fort augmentée. Amft. 1728. (1)
XVI. Apologie pour /' Auteur de l 'Hifioire du Concile de Confiance,
contre le Journal de Trévoux du mois de Décembre 1 7 1 4. Amft . 1 7 1 6 .
in 4. CetteApologie a été inférée dans la fecondeEdition de YHif*
toire du Concile de Confiance.
XVII. Difcours prononcé a Berlin dansl'Eglife de Werder le 16.
Décembre de l'année 1 7 1 5 . jour de Jubilé , fur les 15. premiers ver-
fets du Chapitre JCL1V. de ï ' Ecclèfiafiique , imprimé à Berlin in 4.
& réimprimé plus correctement in 11. à Amfterdam 171 6. chez.
H . Wytwerf.
XVIII. TraduBion du 2f. Te pâment avec des Remarques , &
à! amples Préfaces , par Mrs. de Beaufobre & Lenfant 4. Amft. chez
P. Humbert. 1 7 1 8 . 2 . Voll.
XIX. Le Poggiana , ou la vie > le caraïlere , les fentences , & les.
bons mots deVoGGE Florentin , avec l' Hifioire de Florence écrite par
le Pogge. Et un Supplément de diverfes Pièces importantes. 8. Amft.
1 720. chez P. Humbert.
XX. Lettre a M. de la Motte , pour fervir de Supplément a*
Poggiana. Bibl. German. T. I. p. 11 2.
XXI. Lettre a M. de la Crofe fur quelques eorredions àuPoggia-
na> inférée dans la Bibliothèque Germanique , Tom. I.p. 240.
XXII. Rèponfe aux Remarques de M. de la Monnoye fur le Pog-
giana : inférée dans la Bibliothèque Cerm. Tom. IV. p. 70.
XXIII. Lettre à M. Des-Vignoles fur les Prières des Payens. Ib.
p.189.
XXIV. Difertation fur cette que ft ion : Si Pythagore & Platon
ont eu connoiffance des Livres de Moïfe & àe ceux des Prophètes : infé-
rée dans la. Bibliothèque Germ. Tom. II. p. 114.
XXV. Eclaircifementfur ce qu'il avoitfait défendre Charles VI.
de Charlemagne : inférée ibid. p. 173.
XXVI. Lettre fur les paroles inutiles. Matth. XII. 3 6. inférée
dans la Biblioth. Germ. Tom. III. p. 9 8.
XXVII. Prèfervatif contre la réunion avec le Siège de Rome > 0»
Apologie de notre féparation d'avec ce Siège. 8. Amfterd. chez P.
(i) Voici le jugement qu'en porte le P. Nicemn dans tes Me moires feur fervir i VHtfloiri des
Hommes Illujlres dans la Republique des Lettres , Tom. I X. p. zj i . „ Il efl peu d'Hiftoire aufli
,, cxaûe & aufli fagement e'erite que celle-ci, qui pour être de la main d'un Proteftant, ne
;, porte aucune marque de partialité'.
Humbert
DE LA VIE DE M. LENFANT. xvij
Hîtmbert 1723. V. Voll.en y comprenant Y Innocence du Cathc-
chifmede Fîeidelberg démontrée contre deux Libelles d'un Je fuite du Va
latinat , où l'on a joint des difconrs fur les Catechifmes , fur les Formu-
laires , & fur les Confeffions de Foi.
XXVIII. Hifioire dû Concile de Pi fe^ & de ce qui s* cft pafié de plus
mémorable depuis ce Concile jufqu au Concile de Confiance. Enrichie de
Portraits. 4- Amfterd. chez P. Humbcrt 1724. 2. Voll.
XXIX. Sci^e Sermons fur divers Textes. 8. Amfterd. chez P.
Fîumbert. 1728.
XXX. Une Préface générale fur Y Ancien & le Isfouv. Teftament.
Elleeft à la têce d'une Bible Françoife, imprimée*» 8. en 1728. à
Hannover &àLeipfig.
XXXI. Des Remarques fur le Livre du P. Gisbert de Y Eloquen-
ce Chrétienne , dont voici le titre . L'Eloquence Chrétienne dans l'idée
& dans la pratique. Par le P. G 1 s B e R.t , delà Comp. de Je fus. Nou-
velle Edition où l'on a joint les Remarques de Mr. Lenfant in 12,
Amft. chez Jean F rider ic Bernard 1728.
XXXII. Enfin le dernier Ouvrage de M. Lenfant , celui fous
lequel il a fuccombé , eft YHifloire de la Guerre des Hujfites & du
Concile de Bajle (1) , qu'on donne prefentement ici en 2. Voll.
L'Hiftoire de la Guerre des Huffites commence où celle du
Concile de Confiance finit , & s'étend jufqu/à l'année 1 4 5 3 . Com-
me ce fut dans cet intervalle que fe tint le Concile de Balle, l'Au-
teur en a rapporte les Sellions 6c ks réfolutions, avec les princi-
paux événemens qui concernent cette AlIembléeEccléiiaftique.
Ainfi l'on peut donner hardiment à fon Livre le titre à'Hiftoire de
la Guerre des Huffites &du Concile de Baflc. Je ne doute pas même
qu'il ne l'eutintitulé de la forte , Ci lorfqu'il entreprit l'Hiftoire de
cette Guerre, il n'eût eu le deflein d'écrire celle du Concile de
Balle, avec la même étendue 2c les mêmes détails que fes Hiftoi-
res des Conciles précédens. Mais comme il voyoit fa courfe s'a-
vancer , & qu'il fentoit peut -être diminuer fes forces, il voulut,
pour dégager fa parole., inférer dans la Guerre .des HiiTites ce
qui fe pafla de plus important au Concile de Bafle.
Une faut pas que la mort imprévue de l'Auteur prévienne le
Public coni-re cet Ouvrage Pofthume, comme s'il l'avoit laide
imparfait. Le manuferic en étoit déjà copié 3 lorfque M. Lenfant
(1) Il y a une Lettrede Sa Majefte' Pruffienneaux Mngiftrats deSnfle , en date du i. Dé-
cembre I7I4- l'ar laquelle Sa Majcfté les prie de communiquer à Mr. lenfant tous les Adct
«jui font dans leurs Archives touchant le Concile de Balle. \\ e« a eu en effet diverfes Pièces
«lontil a fa'tufagc.
Tom. J. î
xviij MEMOIRE HISTORIQUES.
mourut II en avoir relu lui-même les deux tiers: Tes amis ont eu
foin de revoir le refte , où il n'a fallu corriger que quelques fautes
dans les citations marginales, dans la ponctuation ou dans l'or,
thoeraphe H eft pourtant vrai qu'il auroit poulie ion Hiitoire
jufques vers l'an 1 460. s'il avoit plu à Dieu de le confer ver encore
quelques mois.
Il a laifle auffi plufieurs Remarques fur divers Ouvrages , ÔC
Quelques petits Traitez qui avec le temps pourront voir le jour.
Te finirai ce Mémoire par le récit d'un événement qui eft cer-
tain mais fur lequel je ne ferai aucune réflexion. Lorfque le Roi
de Pologne étoit à Berlin , ( c'eft à la fin de Mai & au commence-
ment de Tuin de cette année 1 7 1 8 .) M. Lenfant fongea qu'on lui
ordonnoit de prêcher. Il s'en défendait fur ce qu'il n'étoit pas pré-
paré & ne fçachant quel fujet il devoit prendre , on lui dit de
prêcher fur ces paroles d'E/aU XXXV 111. 1 . Mets ordre aux affat-
les de ta maifon, car tu t'en vas mourir. Il raconta ce longe a quel-
ques-uns de fes amis , mais il n'en dit rien a M- fa femme de peur
del'allarmer. Onnefçauroic dire fi ce fonge fit quelque impre -
fion fur fon efpric : il n'etoit ni crédule ni fuperftincux , mais il eh.
certain qu'il fe hâtoit extrêmement de finir fon Ouvrage.
Son corps fut inhume à Berlin le 9. d'Août 17*8, au pied de la
Chaire de l'Eglife Françoife , que l'on appel e 1 Eghfe ^erder^
caufe du quartier oà elle eft fituée. Ceft celle ou feu M ,J^nt
prêchoit ordinairement, depuis l'année 1 71 5- <\" ilpl«aSa Ma-
jefté d'affecta à chaque Eglife fesPafteurs particuliers au lieu
qu'auparavant elles écoient toutes fervies par les mêmes Paftcurs
tour a tour.
^^àÈk^^È^^Mt^ÈÈ^àÈkkk^'^^^*^^
. * AVIS
SUR CETTE NOUVELLE EDITION.
IL eft bon de prévenir le Leéteur fur quelque défiance
qu'on a voulu lui infpirer au fujet de Cette édition.
L'Editeur déclare qu'il a religieufement confervé tout
le texte de feu M. Lenfant, à 1 exception des fautes d'im-
prefïîon qu'il y a trouvées en afTez grand nombre. Pour
rendre intelligibles quelques endroits qui nel etoient
pas, on a eu recours aux originaux. En voici un exem-
ple. Page 95. de l'Edition d'Amfterdam , on lit : // (Zis-
ka) brûla le Village Çf Nicolas qui fe fauva dans le
Château. En confultant l'Auteur cité à la marge, on a
trouvé \ Il brûla le Village, & Nicolas fe Jauva dans
le Château.
On a cru aufïî devoir corriger quelques fautes de
François , que FHiftorien n'auroit pas laiffées , s'il a voit
donné lui-même l'édition de fon Livre. On trouve plu-
fîeurs fois, il dejîfla , ils defiflerent. On n'a point fait
difficulté d'écrire , il fe defifla , ils fe defiflerent. On a
encore mis indiquer , indiqua h Concile, au lieu d'/;z-
dire, indit.
On n'auroit point rendu compte au Public de ces dé-
tails , s'il n'eût été néceffaire de détromper ceux qui au-
ront lu dans les Gazettes , les avis qui y ont été inferez
contre la nouvelle édition des Conciles de M. Lenfant,
LISTE DES PORTRAITS
INSEREZ
DANS CETTE HISTOIRE.
TOME
I.
JEAN Z I S K A 5 Chef des Hnffices. pag. i oo
PROCOPE RASE, furnommé le Grand. 2 1 6
JEAN DE ROCKISANE, Archevêque de Prague. z6i
BOUCLIER HUSSITTQUE. 166
AMEDE'E VIII. dernier Comte 6c premier Duc de Savoye ,
élu. Pape par le Concile de Balle fous le nom de Félix V. 4 2.9
TOME II.
ALBERT Empereur. 1
LADISLAS Roi d'Hongrie. 34
GEORGE CASTRIOT SCANDERBERG. U
jENEAS SYLVIUS PICOLOMINI, Cardinal &
dans la fuite Pape fous le nom de«Pie II. 94
GEORGE PODIBRASKloudePODIEBRAD. 96
HISTOIRE
HISTOIRE
DELA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BAS LE-
LIVRE PREMIER.
I. îl IF L y avoit environ fîxfiécles que la Bohême était L'Egiifeae
Chrétienne 3 lorfqu'elle fut agitée parles trou- Bohême ori-
blés dont on entreprend d'écrire l'Hiftoire. Il Q^cqu™60
n'eftpas indiffèrent à cette même Hiftoire, par
rapport à mon fujet, de fçavoir fi ce fut des Grecs
que la Bohême reçût la Religion Chrétienne ,
comme plufîeursHiftoriens de Bohême le foûtiennent ( i ) , ou fi
ce fut des Latins , comme les Hifloriens Latins le prétendent , ôc
(i ) Btlejov. ap. Balbiu. Epit. Rer. Bohem. p. 7. 8. Stramk^ Bojcm. Refp. Cap. VI. p.ZÔ^*
Âm. Comen. Hiit. Fratr. Bofecm. p. 4,
Tom. /, A
% HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
entre autres après Baronius ,lejefuite JBalbin dans Ton Abrégé de
F Hifioire de Bohème. Les Révolutions qui arrivent dans la Reli-
gion au (fi - bien que celles qui arrivent dans l'Etat font plus ou
moins furprenantes félon qu'elles font fubites , ou qu'elles partent
d'une origine éloignée, &on prend plaifir à fçavoir l'un & l'autre.
Il faut donc tâcher d'éclaircir ce fait , en gardant une entière
impartialité entre les Hiftoriens. Ceux de Bohême qui affirment
que les Bohémiens ont reçu le Chrillianifme des Grecs font fuf-
. pects aux Latins , parce que félon eux ils font Picards & Huffites.
<a)Prt«;« (a) Mais d'autre côté les Hiftoriens Latins ne font pas moins fiijf-
Stransky Sec- petUà ceux de Bohême, comme trop attachez au Siège de Rome.
ta Picardus, {, . • • 1 r • 1
BUejovms , Sans prendre parri , ni pour les uns , ni pour les autres , nous nous
Huffita. ap. attacherons uniquement à la vérité de l'Hiftoire , autant que
Baibix. p.78. 1 j -
1 ' nous pourrons la découvrir.
Premièrement donc ce qu'il y a de certain, de l'aveu de tous
lesHiftoriens, cyefl que la Bohême, auiîî- bien que le Royaume
de Moravie ( 1 J fut convertie par Methodius & Cyrille Confiantin ,
furnommé le Philofophe , tous deux Moines Grecs de l'Ordre de
S. Bafile (2). II. Que ces deux Apôtres furent envoyez en Mora-
vie 6c en Bohême par l'Impératrice Theodora , & par l'Empereur
Michel ion fils, à la follicitation de Suatopluc le vieux , Roy de
Moravie , qui voyant la converfion des Myfiens , des Bulgares , ÔC
des Ga^ares faite par les mêmes Moines , voulut faire jouir tes
(b)Baibh. Etats du même avantage, (b) Ce fut même, pour mieux réuiîîr
ubi fupr. p. c[ans cette fainte entreprife qu'ils apprirent la Langue Efclavonne
Mar^Mo- qui étoit celle des Peuples de Bohême & de Moravie. III. Il
rar.Lib.'*. femble qu'il foit allez clair parla que la Bohême &la Moravie
Op. m. p. onc rç<^ la Religion Chrétienne des mains de l'Eglife Grecque.
D'où il fuit aufïï fort naturellement que ces Eglifes fe fervoient
d'abord du Rit Grec. Ceft fur quoi il eft bon de faire quelques
réflexions pour l'éclaircifiement de ce fait.
Onnefçauroitcontefter que les EvêquesdeRome n'ayent eu
beaucoup de part à ces converfions de la Bohême, de la Mora-
vie, & des Régions circonvoifines , comme cela paroît par la
(c)Tratic. Lettre à" Adrien II. au Moine Cyrille (c.) Il ne paroît pas moins
v*gu Brcv ■ pHiftoire , que les deux Moines Grecs dont on vient de
Gcit. Pohtl- r * j , r \ ÎC'J
fie Roman, parler, n'ayent eu beaucoup de correipondanceavec le biege de
-p.I 2. (1) La Moraviectoit alors un Royaume. Elle fut convertie avant la Bohême.
1 1 5 ' (2 ) Jean George Stredouskj dans fa Moravie facree prétend que Metbodius & Cyrille n'e'toient
pas Moines. Ses raifons ne paroiflent pas alTez fortes pour s'éloigner du fentument gênerai»
Sac r . Morav, H;fl. Lib. 1 . Cap. 2 . p. $ 1 • £4.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. T. 3
Rome. S'il en faut croire Bollandus dans Ces Vies des Saints,
Cyrille & Methodius furent invitez à venir à Rome par Nicolas 1.
qui mourut en 867. (a) Mais il faut bien remarquer que ce ne fut (a) BoiUnd
qu'une invitation, &; non un ordre, 6c que ces Moines répondi- Vit. San&
rent qu'on leur faifoit beaucoup d'honneur. (1) Ils y allèrent en J£ îr£"£
effet fous Adrien fécond fuccefîeur de Nicolas I. IV. Le même Pontif.Rom.
Auteur raconte qu1 'Adrien II avecfon Clergé trouvant mauvais Tom* IL £•
que ces deux Moines chantafTent les Heures Canoniales , 6c difîent
la Mefîe en Langue Efclavonne, entreprit de les en cenfurer, Ôc
de le leur interdire. Cequiparoît bien un Acte d'autorité , mais
les Moines ne s'y voulurent pas foumettre. Cyrille défendit fî bien
fa caufe , que le Pape convaincu delà folidicé de Ces raifons , fut
obligé de leur céder , & de permettre de faire le Service Divin en
Moravie 6c en Bohême dans la Langue de ces Païs. Le Pape
Jean VIII. fuccefîeur à' Adrien confirma la même Concefïïon ,
comme cela paroît par une Lettre de ce Pape au Roy de Moravie,
où il appuyé même de paflages de l'Ecriture l'ufage de célébrer le
Service Divin dans toutes les Langues du Monde, avec cette ex-
ception, que par honneur on liroit l'Evangile en Latin, 6c qu'après
on l'expliqueroit enEfclavon. (b) Innocent IV. autorifa aufîî le (b) Bar»».
même ufage vers le milieu du XIII. Siècle, (c) Lejéfuite Ealbin Ann 88°-
regarde même comme un privilège fort glorieux aux Efclavons jw*^*
de pou voir fefervir de leur propre Langue dans le Service Divin. Rom'pon-'
Il y a une autre particularité confidérable là-defïus. C'en: que fe- ^ T',IIIf p*
Ion le fentiment de Chriftannus 3 qui le premier a écrie l'Hiftoire (cj spond.
de la Bohême, Cyrille Se Methodius tr&duibrènt la Bible en Lan- inn* IZ*°*
gage Efclavon. Comme l'ufage de la Langue vulgaire } ou mater-
nelle, fait une partie confidérable du Rit Grec, voilà déjà cette
partie en ufage en Moravie 6c en Bohême, avant que les Papes s'en
fuflent mêlez , &même confirmée depuis par eux pendant plu-
fieurs fiécles , ce qui n'eft pas un petit acheminement aux origines
du Hufïïtifme. Paflons plus avant dans cette recherche.
1. Quoique la conféquence ne foit ni certaine , ninécefïaire ,
il eft pourtant fort naturel de juger que les Royaumes de Moravie
6c de Bohême ayant reçu des Grecs la Religion Chrétienne, ils
en reçurent aufïï les ufages , U les dogmes. 2 . L'ufage de la Langue
(1) Nicolao Papafedente, Saniïi Cyrillus & Methodius Orientales Monttchi qui in Moravia
fidem Chrijlt diffeminarant , ab eodem Nicolao Romam venir e Literis Apoftolicis junt invitati , ut
legttur in eorundem Sanâorum FÎMap. Bolland. ad diem IX. Mardi. Vuonuncio , inquit Aud.
ejufdem Vit*, Mi percepto valdègavijtfunt , grmias agentes Deo } <}i(7a nviti eranthabtti , quoi
wererentur ab Apoftojtca je de vocari. Pagi, ubijupr.
Aij
4 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
Efclavonne dans le Service Divin s'introduifit dans ces Pais par
les Moines Grecs avant la permiffion des Papes , de l'aveu de
leurs Hiftoriens , puifqu' Adrien II, ne fit que la confirmer ,
comme on vient de le voir. Cet ufage efl un grand préjugé que les
Grecs uférent à l'égard de leurs Néophytes , Moraves & Bohé-
miens, de la même autorité qu'à l'égard des RuJJes , ou Mofco-
vites 3 à qui , félon le P. Pagi , ils permirent l'ufage de l'Eclavon
(a) t*%. ubi dans le Service Divin, (a) 3 . Il y a un autre fait aidez important par
fupr.p. 114. rapporta cette difcuffion. C'en: que Methodius l'un 6qs Conver-
tifleurs de la Bohême fut mandé à Rome par Jean VIII. pour
rendre raifon de fa Foy , à caufe de quelques erreurs qu'on lui
attribuoit ( quafi aliter doceret quam coram Afoftolica Sede frofeffus
(b) Tctg. ubi fuiffet. (b) Or fur quoi pouvoit être fondée cette accufation , fi ce
fupr.p. 154- n'eft, furcequ'ilfuivoitle Rit Grec, & qu'il enfeignoit les Dog-
mes en quoi les Grecs differoient des Latins > Il efl: vrai que Me-
thodius s'en retourna juftifïé. Mais qui s'en étonnera? D'un côté
il n'y avoir pas une fi grande différence entre les Dogmes Grecs >
& les Latins, que Methodius ne pût prendre un tour pour les ac-
commoder enfèmble par complaifance pour le Pape. De l'autre,
ce dernier avoir grand intérêt à ménager les Moraves & les
Bohémiens dansun temps de Schifme, où ils auroient pu fe joindre
ouvertement aux Grecs. 4. Les Moraves & les Bohémiens ayant
été convertis par les mêmes Apôtres que les Bulgares , il n'eu: pas
vraifemblable qu'ils ayent reçu une autre Foy que ces derniers.
Or que les Bulgares ayent d'abord reçu le Rit Grec, c'eft ce qui
paroîtmanifeftementpari'entreprifedeiV/W^j /.qui les fît re-
baptifer, ou confirmer de nouveau , comme le Patriarche Pho-
tius s'en plaint amèrement dans fa Lettre aux Patriarches d'O-
(c) Epift. 5. rient, (c) Cyrille donc , & Methodius envoyez par l'Impératrice
Edit. Mon- Theodora, &par fon fils Michel, après avoir convertîtes My-
fiens , les Bulgares 3 les Ga^ares Peuples voifins du Pont~Euxin>
ks Triballes , les Bofniens 3 & les autres Peuples Efclavons , allè-
rent dans le même efprit, & par les mêmes ordres chez les Mora-
ves, où ils employèrent environ quatre ans à laconverfion de ce
Royaume-là. De là ils pafîérent en Bohême avec le même deflein
qu'ils exécutèrent vers l'an 867. Jufques-là ilneparoît point que
l'Eglife Latine fe foit mêlée de la converfion des Moraves , & des
Bohémiens. L'Ouvrage étoit fait , lorfque Cyrille & Methodius
furent invitez à Rome par Nicolas I. qui mourut cette année-là,
& lorfque l'année fuivante ils rendirent raifon de leur converfion
ET DU CONCILE DE BASLE. ïUi /. "" j
à Adrien II. Quant à ce que difent les Annaliftes Latins ; que ces
deux Papes, & enfuite Jean VIII. y intervinrent depuis, on ne
veut pas le contefter , & on ne fait nulle difficulté d'ajouter foy
aux Bulles & aux Brefs de ces Papes dans cette affaire. Mais la
raifon en eft bien facile à comprendre 5 c'eft que le Siège de Rome
ne voulut pas renoncer à fa prétention d'être le premier Sié^e ni
les Papes à celle de la Monarchie univerfelle 3 comme ils la foû-
tiennent encore, & contre les Grecs , & contre les autres qui fe
font féparez d'aveG eux, en établiflant partout desEvêques in
fartibus infidelium , comme ils s'expriment. On peut donc tirer
plufieurs eonféquences de cette difcufîîon. La première que les
Princes de Moravie & de Bohême s'adrefïerent d'abord non à
l'Eglife Latine, & aux Empereurs d'Occident , mais à l'Eglife
Grecque, & aux Empereurs d'Orient , pour la converfion de leurs
Sujets. Cec^mérite une grande attention. On fçait que les affaires
étoient alors fi brouillées entre les Grecs & les Latins, que c'efl
de là que vint le grand Schifme. Nicolas I. fe déclara pour Ignace
dépofé par l'Empereur Michel qui mit Photius en fa place iur le
Siège de Conftantinople. Eft-il bien croyable que dans cette fi-
liation réciproque l'Empereur M ichel eûctfbuffert que les deux
Moines Grecs qu'il envoy oit en Moravie & en Bohême luifîilenr/
l'affront d'y établir le Rit Latin ? La féconde , que ces converfrons
fe firent par des Moines Grecs. La troifîéme, qu'il n'y a nulle
raifon de croire que ces Moines ayent enfeignéaux Moraves &
aux Bohémiens une autre Foy qu'aux Bulgares , & aux autres
Peuples de la Langue Efclavonne, & qu'au contraire il y a de
ïrès-fortes raifons de croire que les uns & les autres reçurent la
même Foy, comme cela paroît par la remarque précédente. La
quatrième, que l'ufage de cette Langue a fubfïfté dans le Service
Divin jufqu a Alexandre II. & Grégoire VII. qui le leur défendit ,
mais qu'il fur rétabli dans la fuite par Innocent IV. dans le XIIL
Siècle, comme on l'a déjà dit, & qu'il fubfïftoit encore en plu-
fieurs lieux dans le XVII. félon le Jefuite Balbin.{*) La cin. ,.,
quiéme, c'eft que la Bible ayant été traduite en Langue Éfcla- ^)utJufr'
vonne, ces Peuples étoient à portée de choifir les Dogmes, les
Cultes , & les Rices qui leur paroiflbient les plus conformes à
cette Règle Divine.. Le Lecteur intelligent jugera aifément de
l'utilité de ces remarques précédentes pour la fuite de cette Hif-
toire. En voici une autre qui n'y fervira peut-être pas moins.
II. Il eft bien rare que les révolutions dans la Religion, non Changement
Aiij
C HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
dans h Relu plus que dans les Etats , arrivent tout d'un coup. Elles ont ordi-
hêm<r B°* nairement leurs degrez , & ce n'eft pas une des moins confidéra-
bles parties de l'Hiftoire , d'en rechercher l'origine &. les pro-
grès. Les révolutions de Bohême en matière de Religion, dont
nous écrivons l'Hiftoire, ont eu fans doute leurs degrez comme
les autres. Il eft vrai qu'on fait dire aux Pères du Concile de Bafle ,
qu'avant Jean Hus , il n'y avoit point eu de Royaumes plus atta-
chez à la Religion ( Catholique) que celui de Bohême, ( i ) Le Car-'
dinal Julien alors Préfldent du Concile de Bafle donnoita peu-
près le même éloge aux Bohémiens , dans une Lettre qu'il écrivit
auxHuiïites au temps de ce Concile. C'étoit fans doute pour les
piquer d'honneur, ou par ignorance des changemçns quiétoienc
fa) wà arr*vez auparavant dans la Religion en Bohême. ( a ) Jean Czfcho-
w$. rod compatriote de Balbin n'a pas oublié non plus ce prétendu ar-
rachement des Bohémiens au Siège de Rome avant Jean Hus , de
même que Dubravius dans fon Hiftoire de Bohême. Cependant
il paroît par l'Hiftoire , qu'il y a bien des reftri&ions à apporter a
cet éloge 3 fi c'en eft un. Déjà il eft clair par les remarques précé-
dentes , que la Bohême &. la Moravie reçurent d'abord le Rit
G rec. Or félon les principes de l'Eglife Latine , il s'en falloit beau-
coup qu'alors la Foy du Royaume de Bohême ne fut dans toute fa
pureté. Quoique les controverses entre l'Eglife Grecque & l'Eglife
Latine ne fuilènt pas de grande importance , à les regarder en
elles-mêmes, on ne les envifageoit pas de cet œil départ & d'au-
tre 3 comme cela paroît allez par l'emportement avec lequel
Photius parle des Dogmes que les Occidentaux enfeignoientaux
Bulgares après leur converfion. » La joye, dit ce Patriarche,
» qu'on avoit conçue de ces converfions s'eft changée en triftefle ,
» Ôc en confu/îon. A peine y avoit-il deux ans que cette Nation
» avoit embraflè le pur Chriftianifme, qu'il eft forti du Pais des
m ténèbres, (car ils font d'Occident ) des hommes impies , 6c
* exécrables _, qui , comme des facriléges , ont ravagé la vigne du
rh) Thct. ubi x Seigneur, (b) Enfuite ilfaitl'énumération des Dogmes que les
fupr.p.4p. x> Evêques Latjns vouloient introduire en Bulgarie, comme de
*°* «jeûner le Samedy, de fegorger de lait & de fromage la pre-
» miere femaine du Carême, d'empêcher les Prêtres de fe marier,
» de confirmer de nouveau ceux qui l'avoient été par les Prêtres
» Grecs , fous prétexte que le droit de confirmer n'appartient
(i) C'efl: li Religion Romaine* dans le fens du Concile de Bafle, ante Hujfi tempera nullunf
tottmpefljte Regnumfutjfe Bohemuo religiojtus. Balb. ubtftipr. p. $44.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. 1. 7
» qu'aux feuls Evêqucs , enfin d'enfeigner que le S. Efprit nepro-
» cède pas du Père ieul , mais du Père & du Fils. » Ce qu'il prend
pour une innovation diabolique , contre un Symbole reconnu de
tous lesConcilesOecumeniquesJ& pour un blafphême qu'il réfute
avec autant de prolixité que de véhémence II faut bien remarquer
que Photius ne reproche point ici aux Latins le retranchement de
la Coupe , fans doute parce qu'on ne s'en étoit pas encore avifé en
Occident. Mais comme depuis ce temps-là laCommunion fous les
deux efpéces y a paflé pour une erreur , il s'enfuit de là qu'au com-
mencement la Foy de Bohême ne fut pas pure non plus à cet égard,
puifque conftamment les Grecs communioient le Peuple fous les
deux efpéces , comme ils le font encore aujourd'hui. C'efl ce qui
paroît clairement par cette même Lettre de Photius 3 où il trouve
fort étrange que les mêmes Prêtres qui diftribnent au Peuple fidèle le
Corps & le Sang de J. C. Payent pas le droit de le confirmer. Ainfï voilà
la Bohême dans l'erreur dès fa première origine, car les Latins
ne gardoient pas plus de modération à regard des Dogmes des
Grecs qui divifoient les deux Eglifes. Et il eft fort vraifemblable
que cela dura tout autant de temps que la Moravie 6c la Bohême,
comme les autres Peuples du Langage Efclavon , furent des
Royaumes libres, & plus du reflort de l'Empire d'Orient, que
de celui d'Occident. Ainfi fe pafla le IX. flécle, où l'Egiife de
Bohême fut Grecque , & par conféquent dans l'erreur , & non
pas pure félon les principes de l'Egiife Latine.
III. Il n'en fut pas tout-à-fait de même dans le X. fïécle. Les u Religion
Papes ayant eu beaucoup de part dans ce fiécle-là au gouverne- A
ment de l'Egiife de Bohême , tâchèrent d'y introduire le Rit
Latin, mais non fans oppofition. On apprend de Balbin que le
premier Evêque de Prague nommé Bithmarle Saxon fut demandé
par Boleflas 1J. furnommé le Pieux 3 Roy de Bohême , à Otton II.
environ l'an 976. & que cet Empereur l'ayant agréé, Bithmar
fut confacréf>ar l'Archevêque deMayence, foit Guillaume, foit
Hatton 3 il n'importe. Ce qui eft plus important , c'efl que le Pape
Jean JCJV. entra fort avant dans cette affaire, & que même, il
ne voulut confirmer l'Evêque qu'à condition qu'il établiroit à Pra-
gue le Rit Latin , & non celui de Bulgarie, ou de Ruffie 3 ou de la
Zangue Efclavonne 3 (1) ce qui eft une preuve afTez évidente que
(1) Vtrumtame» nen fecundumritum , autfetlam Bulgarie* Gémis, vel RuJJiœ,aHt Sclavonic*
Lmgttajed magisjequens conjhtutatf décréta Apojloltca, uivim potiorem ad placitum Eccle/ia totius
tn hoc opus Clencum, Latmis apprime Literit érudition. Chron. Magdeb. apud Francijc. Pari
Brev.Rom.Pout.Tom.il. p. 23 8. JBalkin.ubi fupr.p. u$.
9
de Bohême
dans le X.
ik'clc.
S HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
le Rit Grec écoic alors enufage en Bohême : & même de l'aveu
de Balbin cela ne pue s'exécuter que fort lentement. Cette condi-
tion paroiffant dure aux Bohémiens , ils envoyèrent une Députa-
tion folemnelle pour redemander l'ufage de la Langue Èfcla-
fr) Hifl.per- vonne, & ils l'obtinrent. L'Auteur (a) dont je tire ce fait le place
fie. Ecd. Bo- à l'an 977. & par conféquent fous le Pontificat de Grégoire V. Te
KJ48.P. 15. n al nen remarque de bien certain iur l état de la Religion en Bo~
hême fous Adalbert fuccefleur de Dithmar dans l'Evêché de Pra-
(b) ubi fupr. £ue en 979- fel°n le calcul de flalbinib) qui m'a paru le plus jufVe.
r- 1 jz. & Il y a pourtant bien de l'apparence que le Rit Latin l'emporta fous
N- ce Prélat, fur tout s'il eft vrai qu'il fit une bonne partie de fes étu-
des en Italie , & qu'il en apporta beaucoup de bons livres , comme
le dit Haçec Hiftorien de Bohême. Ce qu'il y a de certain , c'eft
que ce Prélat fut plus d'une fois à Rome pour éviter la perféçution
des Payens qui étoient encore en grand nombre en Bohême.
Ayant été élu Evêque de Prague du confentement unanime du
Prince, de tous les Grands, du Clergé, & du Peuple environ
l'an 980. il fut confirmé par l'Empereur Qtton lit dont il reçut
l'invefliturepar/^ enfle & l'anneau felon l'ufage de ce temps -là.
(c) spofid.Ba- (c) De retour à fon Evêché fon Miniftere fut traverfé par les
000. aBaib Payet^5 avec tant de fureur, que n'y pouvant réfifter il fe réfugia à
ubi %r. Rome, où il réfigna fon Epifcopat , pour fe retirer dans un Mo-
naflére , où l'on prétend qu'il demeura cinq ans. Après ce temps ,
à la réquificion du frère de Bolejîas , & de l'Archevêque de
[i)P*gi. ubi ^fayence j }e Pape Jean JCV. (d) renvoya Adalbert à fon Eglife en-
° ■ viroiil'an 9.94. A peine y réfida-t-ij quelque temps qu'il fut obligé
de retourner à Rome. Les raifons qu'en rendent les Hiftonens
méritent attention , par rapport à notre fujet. Je les rapportera^
dans les termes de Balbin fur Pan 9 8 1 . &. les fuivans. » La féconde
» fuite à' Adalbert à Romeferoit, dit-il 3 honteuiè à la Bohême,
» fi l'on ne faifojt réflexion que la Religion Chrétienne y écoip
* alors dans fon berceau, & que des Chrétiens, fortis tout rer
»cemmentdu fein de l'idolâtrie, retenoient encore beaucoup de
p leur ancienne fuperitition. C'eft ce qui chafla Adalbert de la
» Bohême, parce que , comme le rapporte Hagee, les Chrétien?
=>y y i voient fans nulle diftin&ion des jours facrez & profanes,
» qu'ils fe marioient fans Prêtres à laPayenne. Us n'enterroient
p pas leurs mores dans les Egfifes , mais par tout indifféremment ,
* dans les coteaux, dans les bois , dans les fépultures de leurs
« Ancêtres, où l'on oiFre du feu aux Dieux Mânes 5 outre cela-
m leurs
ET DU CONCILE DE BASLE. Lïv. I. y
» leurs Ecclcfiaftiques menoient une vie infâme , ne voulant point
3. renoncer à leurs femmes , malgré les remontrances de leur
j'Evêque. (a) On comprend aifément par ce dernier Articleque (a) Baltm^
le Rat Latin n'etoit nullement du goût des Bohémiens , qu1 'Adal- ut>i fopr-
bert voulut vainement l'introduire 3 & que les contradictions qu'il
eut ci effrayer , ne lui venoient pas moins de ces Chrétiens , à qui le
Culte Latin ne plaifoitpas , que des Payens. On peut pour for-
tifier cette conjecture rapporter ce que dit Stranski de l'état de la
Religion en Bohême dans ce temps-là. Depuis ce temps, dit-il
(c'eft-à-dire depuis l'élection de Dithmar le Saxon , donné par
l'Empereur , & confirmé par le Pape ) la Bohème fe trouva partagée,
en trois ScEles de Religion. Les uns , dont le nombre diminuoit tous les
jours , étoient Payens. Entre les Chrétiens les uns fuiv oient le Rit
Latin , les autres le Rit Grec. Enfin par fiucccjjîon de temps le Para-
7ii finie fut aboli , la Noblejfie , & la plufpart de ceux qui avoient com-
merce avec les Allemands , abandonnèrent le Rit Grec, & il n'y eut plut
que le Peuple qui content delà Religion dôme fti que fie tint inviolable-
ment au Rit Grec. Ce furent ces gens-la qui donnèrent tant de peine à
Adalbert. (b) On prétend que Grégoire V '. voulut engager ce Pré- (b)S*r*dh
lat à retourner à Prague, mais que ne pouvant s'y réfoudre, il de- Refr- B^i-
mandapermiffion d'aller plutôt prêcher l'Evangile en Pologne, p* z?l'
dans les autres endroits de la Bohême, en Hongrie, 6c en Pruffe,
où il fut maflacré par les Payens en 997. (c) C'eft ce qui l'a fait (c)B*/£.ubî
mettre entre les Martyrs, ôc comme tel il a été canonifé. Le fait, fupr.p. ijo,
6c le temps de fa mort fontalTez unanimement atteftés. Pour fa vie,
6c fes voyages 3 l'hiftoire en eft fi embroiiillée,que Balbin lui-même
quia tout difeuté avec beaucoup de foin , ne feait pas trop bien à
quoi s'en tenir. Quoiqu'il en foit, voilà prés de deux Siècles pen-
dant lefquels le Rit Latin eft fort chancelant en Bohême, 6c par
conféquent la Foy des Bohémiens fort fufpecte , au moins félon
les principes des Latins, tels qu'étoientles Pères du Concile de
Bafle qui y comme on vient de le dire , rendent témoignage à
l'orthodoxie delà Bohême jufqu'à Jean Mus. Continuons cette
difcudïon, elle eft d'autant plus nécellàire quinfenfiblement elle
nous mènera jufqu'au Huflitifme.
Il eft certain que pendant long-temps les Evcques de Rome eu-
rent beaucoup de peine à foumettre les Bohémiens au Rit Latin.
L'ufage de la Langue Efclavonne dans le Culte Divin leur renoic
toujours fort au cœur, 6c ils ne le voyoientpas s'abolir infenfi-
blement par les inhibitions de Rome fans une très-grande répu^
Tom. /. B
io HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
gnance. Le Pape Alexandre II le leur défendit vainement,,
comme en convient le P. Pap fur le témoignage du Cardinal
(a)P*£.ubi Bona. (a) Ce fut pour les fatisfaire que vers la fin de l'onzième
r.ipr.p. 410. siècle Wratiflas Duc de Bohême envoya une Ambaflade à Gré-
Rcb.Lîturg. go ire VII. pour lui demander la confirmation de ce Privilège
Cap. ix. accordé, comme on l'a vu., par quelques-uns de Tes Prédecef-
€b)ubi fa». ^eurs- Le Pape le refufa pour de bonnes raifons , dit Balbin , (b)
p. 2o<?. on en peut juger par la Pièce même. La voici : » Grégoire
» Eve que , Serviteur des Serviteurs de Dieu , à W^R atislas ,
» Duc de Bohème , falut & Bénédiction Apoflolique. Entre autres
» demandes que Votre Alteiîè nous a faites par fes Lettres , vous
*> avez requis que félon la coutume nous permiflions chez vous
» Pufage de la Langue Efclavonne dans le Culte Divin. Sçachez'
«donc, notre très -cher Fils, que nous ne pouvons nullement
» acquiefeer à votre demande. Car en méditant fréquemment fur
«l'Ecriture Sainte, nous avons trouvé qu'il avoit plu, & qu'il
» plaît au Dieu tout puifîant, que le Culte facré fe fît en Langue
«cachée, afin qu'elle ne foit pas entendue de tout le monde, de
» principalement des plus fimples. En effet , fi tout le monde chan-
» toit publiquement en langage entendu , le Culte tomberoit ai-
» fément dans le mépris , & dans le dégoût. Ou bien , il pourroit
« arriver que des gens du commun répétant fouvent ce qu'ils n'en-
» tendroientpas, tomberoient dans toutes fortes d'erreurs qu'il
» feroit mal aifé d'arracher du cœur des hommes. (1) Et il ne faut
» point alléguer ici qu'on a quelquefois accordé cette permiifion^
«aux plus îîmples, fur tout lorfqu'ils étoient nouvellement con-
vertis, comme on faifoit aufll dans la primitive Eglife, ayant
»égard à la {implicite, & à la bonne foy du commun peuple. Mais
»on a éprouvé que de là font fortis plufieurs maux , & plusieurs
«héréfies: à préfent que l'ordre Chrétien eft établi Ôc fixé,, il ne
«convient plus d'avoir cette connivence. Nous ne devons donc
"pas accorder ce que votre peuple demande mal à propos, &:
«nous le défendons par l'autorité de Dieu, & du bienheureux S.
» Pierre , vous exhortant pour la gloire du Dieu Tout-puiiTant à
» vous oppofer en toute manière à cette vaine témérité. » A Rome
TanMLXXIX. (2) Ainfi fe pafTa le Siècle XL où la Bohême fut
(1) Autjiah ait quibu s h omitiibu s mediis non pojfet itttelligi, per crebramcjtts iterationem neqiie
tamen intelletltonem facile errores quivis pojjent ftippttllulare, quos e cordibtts hominum evellere dijfi-
tt le foret.
(2) J'ai traduit cette Pie'ce fur la Tradu&ion Latine que l'Auteur de la Verfe'cution de Bo~
iîme a tirée de l'Htjioire de Bohême de Hagec 3 p. 2 3 G, écrite en Bohémien. Comme le premier
ET DU CONCILE DE BASLE, Ziv. I. ri
flottante entre les deux Rites , les Papes faifant tous leurs efforts
pour afïujettir la Bohême au Rit Latin , §c les Bohémiens n'y ré-
liftant pas avec moins de vigueur.
IT. PalTons au XII. Siècle. Lescommencemens de ce Siècle ne Li Région
fourniflènt rien par rapporta la Bohême. Ce fut vers la fin que de Bohême
les Vaudois fuyant la perfécution de France fe réfugièrent en di- *fe. ' ie~
vers endroits de l'Europe, &. en particulier en Bohême. Il n'eft
pas furprenant que les Hiftoriens ayent jugé fort différemment
des Vaudois 3 ceux qui en ont écrit fe trouvant eux - mêmes dans
des principes de Religion fort différents. Les uns en font des
m on lires d'erreur & d'impiété 3 les autres des Saints & des
Martyrs. Qui a tort, ou qui a raifon dans ces divers jugemens,
c'efl une décifion qui n'eft point de mon reiïbrt 3 en qualité d'Hif-
corien. Ce qui en efl , c'efl que ces Hiftoriens , fî partagez d'ail-
leurs fur le caraclere des Vaudois , conviennent qu'ils furent bien
reçus en Bohême , &: que leur doctrine y fie des progrès, (a) Ecou- 00 &-«tw
tons là- deflus deux Hiftoriens de Bohême, PunProteftanc, Tau- Bohem.cap.
tre Catholique Romain. Je les place félon l'ordre du temps où ils xxxv.
.ont écrie. LeProteftant ., c'efrPaulStranski $ le Catholique Ro- j^w'|*o_
main , c'eft Wencejlas Hagec. Comme la pureté de l'obfervance hem. p. 17a.
Grecque 3 dit Stranski , s'alteroit in fenjîblcment parmi le peuple , [oit Stt™JiDif-
a caufe des refies du Paganifme , fait par les fugge fiions des Latins 3 il Waldens.
arriva fort a, propos en Bohême l* an 1 176. quelques perfonnages pieux v'tteb- a"n-
chaffez^de France & d'Allemagne 3 difciples ^Pierr.eValdo,
eflimables non feulement par leur pieté 3 mais auljt par leur connoijfance
dans V Ecriture. S* étant habituez^ à Zatec & a Lani villes de Bo-
hème, ils fe joignirent à ce qu il s'y trouvoit de partifans du Rit Grec ,
& corrigeaient modeftement par la parole de Dieu les défauts qu'ils
croyoient remarquer dans leur culte. ( b ) Le Catholique Romain (b) Strawf^
parle ai nfi. L'an 13 41. des Hérétiques nommez^G rxjbeh h ai m er, hemîcap!
cyefi-à-dire , h abitans de Cavernes , s* introdui firent de nouveau dans VI. p. zjz»
le Royaume de Bohème. Nous en avons parlé cy-dejfusl'an 1 1 7 6. Lis
habitoient dans les Killes clofes , fur tout à Prague , oà ils pouvoient
mieux fe cacher. Lis y prêchèrent dans quelques maifons 3 mais fort en
cachette. Quoiqu'ils fuffent connus d'une partie du Peuple 3 on ne laiffoit
pas de les tolérer , car ils fav oient cacher leur méchanceté fous des
habits fort fimplcs , <&fous une grande apparence de pieté, (c) (c) Hift.
Boh.p. 55».
de ces Auteurs r/avoit pas l'original du Bref de Grégaire VII» je le donne ici tel qu'il fe trouve
parmi les Lettres de ce Pape au Tome XXVI. de l'e'dition des Conciles du Louvre. Il y»
quelques variations, mais c'eft la même chofe quant au fonds»
Bij
ïi HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
LesVaudois. y# Aufli JEneas Sylvius prétend-il que les Huifttes croient une
branche des Vaudois, auffi- bien que les ^icléfîtes. (i) Cefl ce
qui m'engage à parler d'eux un peu plus amplement pour mieux
faire voir les variations de la Bohême en fait de Religion avant
JeanHus, Iin'eftpas néceflaire de marquer ici les divers noms
(a) Voyez qu'on a donnez aux Vaudois, (à) foie pour les rendre odieux y
Bibiistb. ra- foie par quelque autre raifon. Il n'effcpas befoin non plus d'entrer
Part°lT"IV ^ans *a difcullion de ce que les Vaudois 6c les Albigeois , ainfi
nommez de la Ville & Albi en Languedoc , enfeignoient de corn-
(b)Limborch mun ou de différent. Le fçavant Auteur , (b) qui a mis au jour
(phiiippus) j€s Sentences prononcées contre les uns 6c les autres par le Tri-
Vaut»}.' bunal de l'Inquifîtion , prétend avoir découvert entre eux des
différences très-confidérables. Mais, comme il le remarque fort
bien , il ne faut pas faire trop de fonds fur ces Actes, quoiqu'ils
foient authentiques , parce qu'il y a beaucoup de variations èc de
corruptions, & que dans quelques endroits on parle du même
dogme attribué aux mêmes gens > tout autrement que dans
(c) limboreb d'autres, (c) Il ne faut pas non plus s'en rapporter légèrement à
ubi fupr.p. piL1fiears Annaliftes 6c Hiftoriens ? qui femblent avoir pris à tâche
de rendre odieux les Vaudois 6c les Albigeois. Il faut feulement
tâcher d'éclaircir la vérité du fait y au travers des ténèbres que la,
longueur du temps 6c les préventions y ont répandues.
L'opinion la plus générale efl que les Vaudois furent ainfî ap-
peliez d'un nommé Pierre de Vaud , ou de Waldo , Marchand de
Lyon fort riche, natif de J^*W Village du Dauphiné proche de
cette Ville. Cet homme frappé de la mort fubite d'un citoyen de
Lyon , réfolut en 1 1 6o. de fe jetter dans la dévotion 6c dans la
pénitence , 6c de racheter fes péchez par des aumônes aux pau-
vres qui venoient à lui en foule, 6c c'effc de laque les Vaudois fu-
rent auffi appeliez Pauvres de Lyon. Non content de leur diftri-
buer des biens temporels , il voulut auffi les inftruire dans la pieté ,
&; pour y réunir il traduifit lui-même, ou fk traduire le Nouveau
Teftament qu'il leur expliquoit félon Ces lumières. Après avoir
dogmatifé, 6c fait desDifciples en très -grand nombre pendant
plufîeurs années , malgré l'Evêque de Lyon ( Jeande Bellesynains)
il en fut enfin chafTé aveefesadhérans. Ayant été excommuniez,
6c enfuite condamnez fous Alexandre III. en 1 1 79 . dans le Con-
cile de Latran,, les Vaudois fe répandirent dans toute l'Europe.
(1) Ab Ecde/îaCatbolicarecedentes impiam Vtldenfium ftftfitn atqtte infamant ttmplexi futit.
Hiit. Bohem. G*/. XXXV. p. m. G6<
ET DU CONCILE DE BASLE. Zlv. 1. 13
Sans ramafler ici toutes les opinions qu'on leur a imputées , je
me bornerai à celles qui ont du rapport avec le Huffitifme, & je
ne mefervirai que du témoignage de leurs adverfaires. Un certain
Dominicain nommé Reiner , qui de ion propre aveu avoit été
Héréfiarque, c'eft- à- dire apparemment , l'un des Chefs des
Vaudois , qu'il appelle aufli Leoniftcs , en parle ainfi dans un Traire
qu'il compofa contre eux 3 après les avoir abandonnez. »De tou~
» tes les Se&es , dit-il , il n'y en a point de plus dangereufe que celle
» des Zeonifies 3 & cela par trois raifons. La première 3 c'en: que
» c'eft elle qui a le plus duré , quelques uns difent depuis Sylveftre,
» d'autres depuis le temps des Apôtres. La féconde , c'eft qu'elle
» eft le plus généralement répandue , car il n'y a prefque point de
»païs où elle n'ait pénétré. Latroifiémeeft, que toutes les au-
»tresSec1:es font horreur par leurs exécrables blafphêmes contre
» Dieu , au lieu que celle - ci a une grande apparence de pieté ; ils
» vivent juftement devant les hommes , ils ne croyent rien touchant Le
» Divinité qui ne /bit bon , feulement ils blafphement contre l'Eglife
» Romaine & contre le Clergé , ce qui leur attire la foule du peuple. Ec
» comme il eft dit dans le Livre des Juges , que les renards de Samfon
»av oient des faces différentes ,. mais que leurs queues étaient liées en-
nfemble , ainfi les Hérétiques , quoique divifez entre eux fe réiï-
» niflént pour combattre l'Eglife Enfuite il réduit leurs
3>fentimens à trois clafTes. 1. Aux blafphêmes contre l'Eglife Ro-
umaine 3 fes Statuts 3& fon Clergé :. 1. Aux erreurs touchant les Sacre-
» mens &les Saints. 3 . Aux deteflations déte (labiés de toutes les cou- •
» tûmes honnêtes & approuvées de l'Eglife. (a) Il entre enfuite dans (a)BiMot.
»>un long détail de ces clalîes 3 par lequel il paroît en effet qu'à Prt-r-ubi fu-
»la réferve de leurs dogmes contre la Religion & l'Eglife Ko- '
semaine, il ne les aceufe d'aucune erreur.
J'appuyerai ce témoignage de l'autorité d'un autre Hiftorieir
qui dans cette affaire ne fçauroit être fufped , puifqu'il fut depuis
Pape fous le nom de Pie II. C'eft celle d'JEneas Sy'lvius déjà ciré.
Voici les Dogmes qu'il attribue aux Vaudois dont il fait defeen-
dre les Hulfites. » Les Dogmes, dit-il ', de cette peftiferée fadion
» qui depuis long-temps a été condamnée , font, que le Pape de
v Rome n'eft pas plus que les autres Evêques ; Qu'il n'y a nulle
>■> différence entre les Prêtres 3 &; que ce n'eft point la dignité qui
«les diftingue_, mais la bonne vie j Que les âmes au fortir du corps
» font auffi-tôt envoyées, ou aux peines, ou auxjoyes éternelles j
» Qu'il n'y a point de Purgatoire 5 Qu'il eft inutile de prier pour
Biij,
*4 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
» les morts, & que cette pratique n'a été inventée que par l'a va-
»rice des Prêtres s Qu'il faut abolir les Images de Dieu , & des
» Saints; Qu'il fe faut mocquer de l'eau bénite , & des bénédic-
tions des Rameaux ; Que les Religions des Moines Mendiants
«font des inventions des mauvais démons -y Que les Prêtres doi-
« vent être pauvres 3 ôc/e contenter d'aumônes -, Qu'il eft per-
»mis à tout le monde de prêcher l'Evangile ^ Qu'il ne faut to-
lérer aucun péché capital, quand même ce feroit pour éviter
«un plus grand mal j Que foit Séculier 3 foit Ecclellafiique qui fé
» trouve en péché mortel , eft dépouillé de fa dignité , & qu'il ne
«faut pas lui obéir j Qu'on ne doit pas regarder comme des Sacre-
*»mens, ni la Confirmation que les Evcques donnent avec le
» Chrême , ni Y Extrême OnHion , Que la Confefjion auriculaire n'eft
?> qu'un badinage., {nugacem effe) &, qu'il fuffit que chacun con-
» felïe à Dieu (es péchez dans fon lit ; Qu'il faut adminiftrer le
» Baptême avec de l'eau de rivière , fans y mêler d'huile 5 Que
«l'ufage des cimetières n'a été introduit que pour le profit , Se
» qu'on peut enterrer les corps dans quelque terre que ce foit j,
» Que le monde eft le temple de Dieu ^ 8c que ceux qui fondenc
»des EglifeSj des Monafteres 3 des Oratoires , bornent fa Ma-
» jefté , comme s'il étoit plus propice dans un lieu que dans un au-
v tre 5 Que les habits facerdot aux > les ornemens des autels \ les robe s ",
»les corporaux , les calices , les patènes , ôc les autres vafes de cette
« forte ne fervent à rien j Qu'en quelque temps , & en quelque lieu
» qu'un Prêtre fafîele Corps de J. C. & qu'il l'adminiftre à ceux
" qui le demandent , cela eft indiffèrent, pourvu feulement qu'il
ç prononce les paroles Sacramentales } ( 1 ) Que c'eft en vain qu'on
» implore les fuffrages, (ou l'interceflion) des Saints qui régnent
» dans le Ciel , parce qu'ils ne peuvent être d'aucun fecours j Que
» c'eft du temps perdu que de chanter les Heures Canoniales >
» Qu'il ne faut s'abftenir de travailler que le Dimanche 3 Qu'il
» faut rejetter abfolument les Fêtes des Saints , Qu'il n'y a aucun
(a) Mne*i » mérite dans les jeûnes établis par l'Eglife. (a) Ce qui fe rapporte
S!p,Um.?8. "à Peu-près à ce qu'en a écrit Zacharie Thibaut (b) Protcftant
£b)iheobai- Bohémien en ces termes : » Il fuivoit 3 ( Jean Hus ) dit-il , la Doc-
trine quelesVaudoisenfeignoienten 1 160. fçavoir,quelePape
» n'eft pas plus que les autres Evêques 8c Ecclefiaftiques , J. C.
«ayant égale le plus petit au plus grand ; Que c'étoit une chofe
(1) Sacerdotetn quoeunque hco , qnocunque tempore , facrum CbriJH corpus (onfeere ptjft , pe-
Wibufqi'.e mitiijlrare fitjficere , fiverbn Stcramentaljatarîtttnf dfCftt,
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. 1. 15
* rifible de prier pour les morts en Purgatoire, & que ce n'étoit
» que des rufes pour attraper de l'argent, comme fontces coureurs
» d'Egypte 3 (ou les Bohémiens. ) Qu'il falloitrejetter l'invocation
»des Saints , 6c leurs fêtes ; Que l'abftinence pouvoir fervir a
» dompter la chair , mais qu'elle n'avoit aucun mérite , puifque
»les bonnes œuvres elles- mêmes n'en avoient pas, fuivant cette
«parole de J. C. Isfous fommes des fcrviteurs inutiles 3 Qu'il falloic
«rayer du nombre des Sacremensla Confirmation , & YExtrème-
"Onciion, & qu'il ne falloit point employer d'huile au Baptême s
s> parce que Jean~Bapti(le , J. C. & les autres n'y avoient employé
» que l'eau, (a) Ce n'eftpasicilc lieu d'examiner fi cet Auteur a (ayriuk
rapporté bien jufte les lentimens de Jean Hus , fur tout au fujet BelK HulL
des Sacremens. Tout ceci a été remarqué feulement pour faire
voir qu'il y avoit un grand rapport entre la doctrine des Huflites y
principalement des Taborites , & celle des Vaudois; Voici en-
core une nouvelle preuve delà non-Catholicité des Bohémiens
avant Jean Hus. On apprend de Hagec que fur la fin du XII.
fiéclele Pape Celefiin 111. ayant envoyé en Bohême le Cardinal
Pierre de Capouë pour obliger les Prêtres à garder le célibat 3 peu
s'en fallut qu'il ne fût lapidé. Ce même fait efk confirmé par le „ x ,.r
F ère François P'agi. (b) Tom. 111. p.-
V I. Il n'efl pas moins clair que pendant tout le XIII. fiécle on I$6: . ,
t»ia r 11/*» • r a , Religion de
communia en Bohême lous les deux elpeces , puifque même dans Bohême
l'Eglife Latine le retranchement de la Coupe ne prévalut que danskxiiï.
depuis le Concile de Latran tenu en 12 15. ce retranchement iexiv.
ayant été regardé comme un réfultatduDogmede la Tranfub-
ftantiation qui y fut introduit alors pour la première fois folem-
nellement. Je trouve beaucoup de vraifemblanceàce que difent
quelques Auteurs 3 (c). que le retranchement de la Coupe ne ie (c%s**ui&
clifia en Bohême que vers le milieu du XIV. fiécle . lorfque £**î7:>Afl"
l'Empereur Charles /Payant fondé TUniverfité de Prague y ap- EccL Bob.
pella des Do&eurs d'Allemagne, de France & d'Italie, qui dé- P;*8-1*-?'*
*■ . , . O 3 3 1 Ain. Comen.
clamèrent contre la Communion fous les deux efpéces^ comme contre Hfft. Fratt>
une erreur Grecque. Mais ce nefut pas fans de vigoureufes oppo- BohJm- P'
fitions de la part des Bohémiens. Il y eut fur tout deux Dodeurs "
qui fefignalérent en faveur de la Communion fous les cfeux efpé-
ces, fçavoirjEAN Milicius Chanoine & Prédicateur de Pra-
gue, & Conrad Stiekna fon Collègue. Je ne fçai point de
nouvelles de ce dernier 3 qui mourut en 1369 , fi ce n'èft qu'il
étoit Autrichien , qu'il a paiTé pour un des plus éloquens hommes
16 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
de fon temps, 6c qu'il eut beaucoup à fouffrir des Moines , donr
E^h«n b5i ^ n'épargnoic pas les déréglemens dans fes Sermons & dans Tes
p. Mart. écrits , non plus que ceux du haut Clergé, ôc qu'il prêchoit con-
Hiji.pnficut. cre je juxe avec tanc je véhémence, qu'il obligea ks Dames de
20. 5f^»ii Prague a quitter leurs dorures Scieurs broderies pour s habiller
p. 258. Lai- jjmpjeraenjc. (a) Comme on a plus de lumières fur Milicius , il
RJr.Bohem. mérite d'autant plus de trouver place ici, qu'il y a parcage entre les
p. 405. 407. Hiftoriens fur fcs fentimens touchant la Religion, 6c que cette
difcuflion n'effc pas indifférente «teette Hiiloire.
Milicius, fa VII. Jean Milicius, au rapport de Balbin, étoit né en Mo-
Vi?- ravie de parens d'une fortune médiocre , & non de la Mailon des
Barons de Milicien de Talemberg , comme quelques-uns l'ont cru,
Ayant été fait Archidiacre de Prague fous l'Archevêque Ernefi
il qujtta cette dignité pour vivre en fon particulier, 6c s'occuper
à la Prédication. Il prêchoit d'abord en Bohémien, mais enfuite
il le fit en Allemand 3 en faveur des marchands 6c autres étran-
gers qui venoient à Prague. Iifetrouvoitunfigrand concours de
peuple à fes Sermons , que quelquefois il étoit obligé d'en faire
trois fois par jour. C'étoit un homme d'une vie fort auftere, «Se
d'une grande abftinence, ne mangeant ni chair ni poiflon, 6c ne
biivanc jamais de vin. Ayant fuccedé à Conrad^ Autrichien ^ dont
on vient de parler, dans la chaire de Prédicateur d'une Eglife de
Prague , il y fit beaucoup de fruit , fur tout par rapport à la réfor-
mation des mœurs. Il ramena plus de 3 00. femmes de la débau-
che& de la proftitution , & fit du lieu où elles exerçoient leurs im-
puretez, une maifon de pénitence où il les nourrilloit, pendant
que dans une autre ma.ifon il inftruifoic de jeunes Ecclefiafliques
dans la Théologie. Il mourut en 1374. 6c laiffa divers Ouvrages
de pieté , comme des Pofiillçs , des Sermons , un Traité de la croix.
(h) Baii fo ^es tribulations de l'Eglife de Dieu , dignes de voir le jour , au,
Epit. Rcr." jugement de Balbin. J'aifuivile récit de ce Jefuite fur l'Hiftoire
Bohcm. p. je Milicius. Voyons à préfent quelle a été fa Doctrine, (b)
. • • VIII. Tous les Hiftoriens Proteftans 6c Catholiques Romains
* témoignent unanimement que Milicius fut un précurfèur du Huf-
fitifme , à la réferve du Jefuite que je viens d'alléguer 9 qui a fait,
comme il a pu , fon apologie , pour foûtenir fon fyftême de la pu-
reté delà foy en Bohême juÇcpi'àJean Mus. Il faut mettre à la;
tête des Hiftoriens Proteftans Mathias Flaccius lllyricus , qui a
mis Milicius entre fes témoins de la vérité , fur la foy de Jacques de
Mifc , qui dans un Traité de l'avènement derÂnte-Chriitfait
mention
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. I. i7
mention d'un certain fçavant nommé Milicx^ qu'il appelle fa-
meux & vénérable prédicateur à Prague. 11 raconte, {Jacques de
%£ife) die Xllyricus 3 comment ce pieu xMilicius ayant été pouflé
par le St. Eiprit à s'enquérir dans l'Ecriture touchant l'avéne.
ment de l'Ante-Chrift, il avoit trouvé qu'il étoic déjà venu de
fon temps. Milicius àjoutoit ^ félon Jacques de Mife , qu'il avoir,
été contraint par le St. Efprit à prêcher publiquement à Rome >
& devant l'Inquifiteur, que ce grand Ante-Chrift prédit dans
l'Ecriture étoit arrivé y que l'Eglife étoit defolée par la négligence
des Pafteurs -y qu'abondante en richefles temporelles elle étoic
dépouillée des ipirituelles , qu'ainu* s'accompiiiïoit l'Evangile,
abundat iniquitas. Que dans l'Eglife il y avoit des idoles qui dé-
truifoient Jerufalem , & défoloient le Temple 3 mais qu'elles-
étoient couvertes du voile de l'hypocrifîe. Qu'il y avoit beaucoup
de gens qui renonçaient à J. C. par leur difïïmulation , qui le
connoilïant tk fa vérité n'ofoient le confefler devant les hommes .
qui fçachant la vérité retenoient la juftice de Dieu captive, (a) A U)Càt*hg<.
l'égard de Stranski, il dit pofitivement que Milicins & Conrad telhverit'
s'oppoférenc ouvertement aux mandemens de l'Archevêque
Ernefl , par lefquels il vouloir bannir de la Bohême tout "autre
rit & dogme que le Romain, (b) L'Auteur de la perfécution des (h)nbifapr^
"Eglises de Bohême n'eft pas moins formel là-deflus. Jean Milicius^ P* 27i*
dit - il , fut établi prédicateur dans la Cathédrale du Château , à eau Ce
de fa rare érudition & de la fainteté de fa vie. Il étoit fuivi d'un grand
concours dépeuple , quilexhortoit à la fréquente Cotnmunion fous les
deux efpéces , fc plaignant de la défolation fpirituelle , & taxant beau-
coup d'abus & d'abominations, (c) Je ne compte pas plufieurs autres (') P- J> 2t*
Proteftans alléguez par Balbin lui-même, parce que je n'ai pules
confronter. Il ne fe trouvera pas moins d'Auteurs Catholiques
Romains qui ont autant blâmé la doctrine de Milicius qu'elle eft
louée par les Proteftans. Les trois continuateurs des Annales de
Baronius s'accordent à en faire un hérétique, & même un hé-
jéfiarqne fort dangereux. Voici ce qu'en dit Henri de S ponde l'un
<de ces Continuateurs fur l'an 13 74.» Il y avoit en ce temps -là en.
«Bohême un chanoine de Prague nommé Mallœfïus , qui fous
» des dehors de fainteté } publiant diverfes erreurs , avoit prefque
» fait une feàe. Grégoire (Jfl. ) ordonnai l'Archevêque de Pra-
» gue& à fes fuffragans de le pourfuivre 5c Ces fe&ateurs , &: ex-
porta l'Empereur Charles IV. à l'aider dans cette pourfuite.
?> L'Hérétique Illyriçus qui l'appelle Milice ,Pa mis dans fon ca-
Tom- !• C
i8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSÎTES
(a) spmd. » ralogue. (a) Bzovius n'en donne pas une autre idée. » Les héré-
nnn. 1374. „ f]es , dit-il , puiluloient en Allemagne , tant par la lecture d'un
55 Livre intitulé, le miroir des Saxons , que par la prédication êc
«les écrits de Mallœfius Chanoine de Prague Comme ce
« MalUJius fous des dehors de fainteté répandoit dans le public
«plufieurs erreurs téméraires , iniques, fchifmatiques , &même
» quantité d'héréfies , & s'attiroit grand nombre de Sectateurs de
» fa perfidie, Grégoire J^J. ordonna à l'Archevêque de Prague ,
»>&aux Evëques de Zuthomils s dcJBrejlaw 6c d'Olmutsc-dc pour-
»fuivre cet hérétique 6c fes adhérens , 6c écrivit à l'Empereur
ib)Btov. » Charles IV. pour l'exhortera les affilier, (b) Odoric Raynaudeft.
n"1 Vh4" encore plus précis, 6c fait de Milicius un portrait plus affreux ,
aufîî-bien que plus détaillé. Milicius , dit-il , infecloit de nouvelles
erreurs la Pologne , la Bohème , la Silêjîe &les Provinces circonvoi-
Jïncs , & il avoit déjà détourné beaucoup de gens de la vérité Catholi-
que. Le Pape en ayant été informé ré primanda vivement l'Archevêque
de Gncfne de fouffrir quon empoifonnàt ainfi fon troupeau.
Bi-efdu Pape j x Enfuite l'Annalifte rapporte les propres paroles de la Lct-
à l'Archeve-
« Ville & dans votre Dïocéfe deGnefne. Si ces faits font vérita-
«bles, nous en avons une vive douleur, parce que ces chofes ne
« doivent nullement être tolérées. Et nous forâmes fort furpris de
« la négligence de votre fraternicé , 6c de celle des autres Prélats
«dans les Villes 6c Diocéfes defquelsce Milicius &c fes complices
» fe trouvent , aufîî-bien que delà négligence des Inquifiteurs de
« l'héréfie f hœreticœ pravitatis ) députez pour cela dans vos quar-
tiers, de n'avoir pas procédé contre de tels déteftables ennemis
«de la Foy Catholique, 6c de ne nous avoir point informez de
«tout, comme vous y étiez tous obligez. C'eft pourquoi nous
» vous ordonnons exprefîément par ces Lettres Apoftoliques de
«vous en informer à fond, 6c fi ces faits fe trouvent véritables,
«vous procéderez félon les Loix Canoniques contre ledit Milix.
«6c (es adhérens 6c fauteurs, s'il s'en trouve dans vos Villes 6C
«Diocéfes, Ôc vous réfuterez dans vos Prédications les erreurs
?» contenues dans le Mémoire cy-joint, 6c les ferez réfuter par des
« Ecclefiaftiques Séculiers 6c Réguliers qui foient bien verfez dans
«les faintes Lettres.» La Lettre eft dattée d'Avignon du mois de
Janvier 1374*
ET DU CONCILE DE BASLE. Xlv. /. i9
X. A cette Lettre Raynaud joint celle du même Pape à l'Em- Lettre du Pa.
pereur Charles IV. fur le même fujet , en ces termes : » Nous avons Pcà rE-"pe-
» appris depuis peu par plufieurs relations de gens dignes de foy , nXe'fujet.
5> qAn certain Milicius Prêtre , autrefois Chanoine de Prague ,
« fous prétexte de fainteté , mais dans le fond par une audacieufe
»> témérité , ayant ufurpé l'office de Prédicateur qui ne lui appar-
tient pas, a entrepris de prêcher publiquement dans votre
» Royaume de Bohême, 6c dans vos autres Domaines, plufieurs
» erreurs , non feulement téméraires 6c iniques , mais aufli héré-
» tiques ôc fchifmatiques , très-certainement fcandaleufes ôc dan-
» gereufes pour les fidèles , principalement pour les iimples. Qu'il
«a engagé dans la fe&e dont il eft le damnableinftituteur 3 plu_
» fleurs perfonnes de l'un ôc de l'autre fexe , leur enfeignant des
» erreurs déteftables, 6c des actes pernicieux au préjudice de la
»Foy Catholique, 6c au mépris des facrez Canons , comme cela
»efl contenu dans les articles du Mémoire cy-joint. «Enfuitele
Pape marque à l'Empereur qu'il a écrit aux Archevêques 6c aux
Evêques nommez cy-defîus , de pourfuivre ce Milicius ôc fes par-
rifans , 6c il prie ce Prince de prêter le bras fécuiier à ces Prélats ,
quand il en fera requis, afin que le Royaume de Bohême foit to-
talement & promptement purgé de ces taches, (a) De ces aétesil (a)R*/#.
paroît i. que Milicius & déféré en Cour de Rome pour héréfie. ^am^x.?'
2. que c'étoir un Prédicateur couru ôc applaudi , mm feulement
en Bohême , mais en Moravie , en Siléfie , ôc en Pologne. 3 . qu'une
partie de ces Provinces étoient infectées de ces hère fies , pour par-
ler le flyle de la Bulle. Il eft vrai que le Pape ajoute cette claufe,
fi ces faits font véritables. Mais ilnepouvoit pas parler autrement,
n'en feachant rien que par le rapport d'autrui.
XL On peut joindre quelques faits à ces témoignages 6c à ces Difcuflïo*
autoritez. Le premier , c'eft que Milicius fut cité à Rome , ôc qu'il îc ;iuclil,cs
y comparut plus d'une fois. Il eft vrai que Balbin témoigne qu'il nant mm-
en revint abfous. Ce qui ne s'accorde pas avec ce que d'autres di- c:ui'
fent , que preflé par les aiguillons de fa confeience , il alla à Rome,
6c qu'il écrivit à la porte de quelques Cardinaux , que l'Ante-
Chrifi ctoit déjà venu , & qtiil fiégeoit dans l'£glife. (b) Quoi qu'il (bj Kift.ftr-
en foit , il eft certain qu'il fut fort fufpect d'héréfie , & que meme-j?' Eccl^
il fut déféré à Rome comme hérétique par JeanKlonkot Do&eur
de l'Univerfité de Prague, fi l'on en croit une vie de Jean Mili-
cius alléguée par Balbin. Il eft vrai qu'on voit dans cette même
vie que Milicius fut juftiiié à Prague par l'Archevêque Jean de
Cij
io HIST. DE- LA GUERRE DES HUS SITES
Genftein mort à Rome en 1 3 s>8 . & à Rome par le Cardinal d'^flbe,
fryBaib. ubi ôc qu'il fut abfous par Urbain V. mort en 1370. (a) Mais il n'y a
&pr.p. 407. p0jnc je contradiction dans ces faits. Jean Hus lui-même fut
jultifié par l'Archevêque <S£/'»£* , & l'Evêque de JSfa%areth iftjui-
fiteur de Bohême lui donna un témoignage qu'il produifit à Conf-
|b) oper.Hm tance , 011 il ne laifla pas d'être brûlé pour {es opinions, (b) D'ail-
Tom. i. leurs il faut bien qu'après ion abiolution , Milicius ait continué
dedogmatifer, puifque l'Archevêque Erncft le fit mettre en pri-
fon. Il l'en fit à la vérité bientôt fortir, mais ce fut plus parla
t).7«.ty/v. crainte du peuple que parlaperfuafion de Ion ortodoxie. (c) Le
Hift-Bohem. fécond fait 3 c'eft que les œuvres de Milicius furent miles parmi
Ibeôb. Bell, les deux cens beaux volumes hérétiques que l'Archevêque Sbinh
Huilu.p.2. fit brûler en 141 o. Balbin attribué cette exécution à l'cgarddes
œuvres de Milicius à l'ignorance de l'Archevêque Sbinko. On
convient allez qu'il étoit fort ignorant. Cependant cette exeufe
n'eft nullement recevablc. Les Docteurs de i'Univerfité qui lui
prefenterent ces Ecrits dévoient apparemment les connoître. Ec
même l'Archevêque leur donna quelques jours pour les lire, ou
au moins pour les parcourir. Or îi les œuvres de Milicius n'euf-
fent pas été fufpe&es , quelle apparence qu'ils les euflent confon-
dues avec les Livres de Wiclef, de Jean Hus &c de Jérôme de Pra-
gue, qui furent brûlez alors dans le Palais Epifcopal ? De ces témoi-
gnages & de ces faits il refaite certainement que Milicius prêchoic
une doctrine à plu (leurs égards fort différente de celle de Rome ,
ôc que par conîéquent la Ville de Prague qui couroit en foule à
fes Sermons n'étoit pas en ce temps - là r'ort bonne Catholiques la.
Romaine. Ce que dit iW^'# pour exeufer ce Docteur Bohémien
n'a pas allez de force pour détruire des faits fi unanimement attef-
tez. 11 allègue un diplôme de l'Empereur Charles IV. publié après
la mort de Milicius, & mis en 1375. dans les Archives de l'Arche-
vêché par l'Archevêque Jean, où Milicius eft appelle par l'Em-
(d) Tsaiï. p. pereur l'honorable Milicius de bonne ?némoire. {à) Celafe peut, mais
4°2' il ne s'enfuit nullement de là que Milicius ne s'écartât pas en plu-
fieurs cliofes de la Catholicité de Rome. Car quoiqu'environ
cinquante ans après Jean Hus déclamât fortement contre cette
Eglife dans fa Chapelle de Bethléem , qui peut douter que s'il
fut mort à Prague avant le Concile de Conftance, il ne fut mort
en odeur defainteté, &que Wenceflas n'en eut parlé avec hon-
neur ? On dira que Charles IV. étoit un Prince fort Catholique,
au lieu que la religion.de WenceJIas a été fufpecte. J'examinerai
ET DU CONCILE DE BASLE. Zùv, /. 21
ce dernier fait dans fon lieu. A l'égard de Charles IV. ]q ne doute
point de fa Catholicité. On trouve même parmi Tes Conftitiu
lions appelléesCV*™//»^ des Loix fort féveres contre les Héréti-
ques, (a) Mais tout ce qu'on peut conclure de là , e'eft que Milicius (0 Rubric*
ne fut ni convaincu, ni condamné, & qu'il eut toujours alfez de
crédit 6c d'amis pourfe tirer d'affaire 3 ou qu'au moins il en fut
quitte pour quelque temps de prifon, ou pour l'exil, où un Hif-
torien die 3 qu'il futenvoyé en 1366. (b) Jenefçais'il en revint, (b)f.Jm-
ou s'il y mourut. Ce dernier eft le plus vraifemblable , puifque £»»• Fi:ltr*
s'il avoit été enfeveli à Prague 3 Balbin n'auroit pas manqué de
fortifier l'apologie de Milicius , comme il a fait à l'égard de Con-
rad Stiekna enterré dans le cimetière de l'Eglife du Château. Mais-
dans le fond cela ne prouve rien , comme on va le voir.
XII. Pluileurs Auteurs font fucceder à Milicius Matthias liMthïat &i
DE J a n A w 3 dit le Purifiai , parce qu'il avoic étudié à Paris. ^"^c.m-
On peut le regarder auffi comme un Précurfeur de Jean Hus- munion fous
Voici ce que j'en trouve dans le Calendrier de Lupacius , Auteur lcs dca* cÇr
Bohémien iouvenr allègue avec éloge par Balbin.» En 1394.1e
» 3 o. Novembre mourut Matthias de Janow Bohémien , furnom-
«méle P 'a n fien , pour avoir étudié 9. ans à Paris. Il eft enterré
» dans l'Eglife de Prague. C'étoit un homme de bien , & un Prêtre
«pieux, ardent zélateur de la vérité de J. C. àc de la Doctrine
« Evan°-elique 3 & qui combattit avec chaleur les abus & les cor-
ruptions qui s'y étoientgliflees. Entre autres ouvrages il a écri&
«un livre de l'Ante- Chrift que quelques - uns attribuent à Jean
» Hus. Il a aufli écrit un Livre de la fréquente Communion du
» Corps & du Sang de J. C. On lit ces paroles à la fin de ce Livre.
Fin. ( explicit ) du Livre de Maître Matthias le Parifien originaire
de Prague 3 illuftre far fa merveilleufe dévotion , & qui par fon ajji-
duitè à prêcher a foujfcrt une grande perfécution, & cela à caufe de Itù
vérité Evangelique. lllyricus n'a pas oublié Matthias dans forv
Catalogue des témoins de la vérité , Se il s'étend même fore fur forv
fujet. » Il dit qu'en 13 80. il avoit compofé un grand Livre fur.
« l'Ante-Chrift , où il prouve qu'il eft venu , infinuant allez claire-
«ment que c'eftle Pape lui-même. Il y parle fortement contre
» les vices de les turpitudes du Clergé, & contre fa négligence dans
xi le Gouvernement de l'Eglife. Il dit que Jes fauterelles de l'Apo-
«calypfe font les hypocrites qui régnent dans l'Eglife, que les
«oeuvres de l'Ante- Chrift confident dans les fables & les in^
a y entions humaines 3. & dans le culte des idoles &, des faufles re--
• C 113 .
%% HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
» liques, & que chaque Ville a fon Saint qu'elle ferc au lieu de J. C
» Il foutienc qu'on ne d oit point attacher le culte divin aux temps .
» aux perfonnes Seaux lieux, comme fi on etoit plutôt exaucé dans
«un lieu ou dans un temps que dans un autre. Il reproche aux
» Moines d'avoir abandonne l'unique Sauveur J. C. pour des
» François ôc des Dominiques , qu'ils regardent comme leurs
» Sauveurs , &' dans lefquels ils s'applaudiflent en inventant des
» menfonges à leur honneur , de négliger 6cd'enfevelir la Parole
>y de Dieu pour mettre en fa place leurs Régies & leurs Canons ,
»defe regarder comme les feulsfpirituels, 6c de regarder les Sé-
culiers comme des profanes. Enfin il prédit qu'il viendra un
«temps où Dieu fufeitera des D odeurs pieux & brûlants de l'el-
» prit de du zèle d'Elie 3 qui découvriront 6c rejetteront les erreurs
»dei'Ante-Chrift, 6c l'Ante-Chrifl: lui-même.» Il cite dans cet
ouvrage ceux de plufîeurs autres Auteurs fur le même fujet, com-
me l'Ecrit de l'Univerfité de Paris touchant les dangers del'E-
fa) ïfi/hU- alifeen i \ 89. (a) les Sermons de Guillaume de S. Amour , (b) 6c de
tiiverf. Paris. O J ' K , v, ^ ' j-n* J *
T0m.1v. p. Milicius. (c) Je trouve a peu près la même prédiction du même
*38- Matthias dans la Préface qu'il a mife a la tête de l'Ecrit de l'Uni-
^bIj/l^ verfité de Paris qu'on vient d'alléguer , ÔC qui eft inférée dans
144* l'antilogie. (d ) L'Auteur anonyme des perfécutions des Eglifes de
li^vnn.l. Bohème nous apprend quelques particularitez touchant Mat-
xiv.p.17^2. thias. Il Huit 3 dit-il, Confefeurào. Charles I V. & il eut beaucoup
} dV ' . < de fart a [es bonnes grâces. Il fut encore plus zglê dèfenfeur de la Com-
muni on fous les deux efpêces que fesprcdecejjeurs. Outre le livre de
l'Ante-Chrifr. dont on vient de parler, cet Auteur témoigne que
Matthias compofa un traité de la Vie Chrétienne , un autre de
Y Hypocrifie , 6c un de la Communion fous les deux efpêces. Il ajoute
qu'un jour Matthias avec quelques autres hommes doctes alla
trouver l'Empereur pour le prier d'afïémbler un Concile œcu-
ménique, afin d'y travailler à la réformation de PEglife s que
l'Empereur lui répondit que cela n'étoit pas en fon pouvoir , ce
droit appartenant au très-faint Père le Pontife, 6c qu'il lui en écri-
roit 5 mais que le Pape irrité de cette demande preiTa fi fort l'Em-
pereur de reprimer ces hérétiques , que ce Prince entêté de
l'autorité du Pape bannit fon Confefîeur du Royaume quoiqu'il
l'aimât. Il y revint, dit l'Anonyme, maisilpaiïalerefte de fa vie
(e]H;/h en fon particulier, 6c mourut en 1394. le }o. de Novembre, (e)
prfic. Euh Le même Auteur témoiene que depuis que Matthias fut banni,
fiobem. p. O 1 l * r , ri
on abolit la Communion fous les deux elpeces, non ieuiemenc
p
il. Z2.
ET DU CONCILE DE BAS LE. Ziv. I. 23
dans PEglife du Château, 6e à Prague, mais partout le Royau-
me. Il ajoute qu'on ne l'adminiftroit plus ainfi que dans des mai-
fons particulières, 6e à la fin, dans des bois Se dans des endroits
cachez , mais que ce n'étoit pas fans péril de la vie. On s'en faifif-
foitfur les chemins, on lesdépoiiiiloit, on lesmaflacroit, on les
noyoit, de forte qu'ils furent obligez de s'ailembler à main armée,
Scbienefcortez. Cela dura, dit-il, décote 6e d'autre, jufqu'au
temps de Jean Hus. On apprend de Thibaut que les livres de
Matthias furent brûlez à Prague avec ceux de Wiclef&c des autres
dont on vient de parler, (a) Voici une autre particularité qui dé- {&) BtiLHuf.
couvre bien , 6e le caractère de Matthias , 6e l'état où étoit alors P* 9'
la Religion en Bohême: elle eft tirée de Stranski. ^S) Après la mort (b) ,p. 25.8»
de Conrad & de Milicius , & fous le Règne de Wenceflas fucccfjeur
de Charles I V. Matthias de Janow furnomme le Parifien , avoit ac-
coutumé de faire le fervice à la manière des Grecs 3 dans l'Eglife du
J?alais Royal, & y pre choit fréquemment. L'Auteur de l'Hiftoire
des Frères de Bohême dit à peu - près la même chofe de ce Mat-
thias. Mais ce qui rend le témoignage de ces Auteurs incontefta-
ble , c'eft qu'au Concile de Balle Rocki^ane , l'un des principaux
députez de Bohême à ce Concile , foutint à Jacques de Polemar
Archidiacre de Bologne, qu'environ 25 ans avant Jacobel ou Jac-
ques de Mifc , f&par confequent avant Jean Hus contemporain
de ce dernier ) Matthias Bohémien furnomme le Parifien , avoic
tenté d'introduire la Communion fous les deux efpéces $ qu'il y
avoit invité le peuple, 6e que même il avoit adminiftré l'Eucha-
rifbie de cette manière , mais qu'ayant été reprimé par le Magi f-
trat, l'affaire n'eut pas de fuite, 6e que Polemar convint à peu-
presdufait, ajoutant que Matthias s'étoit rétracté en 1389. (c). (cj yon&
je ne feache qu'un Auteur Catholique qui ait parlé de Matthias , Harât.Tom.
c'eft. Jean Cochlée Chanoine de Breflaw , qui dans fon Hiftoire p, iQ'jlf,
des HufTites fait parler ainfi Maître Jean Przjbram célèbre , 6e par Andr.
ion zèle pour le Huïïitifme, 6eenfuite par fa rétractation. Je de- HisC-Jc.
clarc, dit-il , que quelque chofe que raye avancée auparavant ffe n'ap- Euchar.p.p.-
prouve aucun des Ecrits , des dits & des faits df Maître Jean Hus , ô£
de Maître Matthias , qu'autant qu'ils font approuvez^de Dieu , & de
l'Eglife Catholique , & entièrement conformes à la vérité Catholique (d)Lib.n,
& aux Saints Docteurs . (d) P- 8o*
XIII. Il eft- donc clair par tous les faits qu'on vient d'établir , Diwfitéd*
qu'avant Jean Hus la Religion avoit fouvent varié en Bohême , B^|a^,, °'
& que le Catholicifme y avoit fouftert bien des éclipfes. A-uifo
24 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
JEneas Sylvius n'a-t-il point fait difficulté d'appeller la Bohême
(i)H!ft.Boh. l'afyle des hérétiques, (a) ( velut h&reticorum afylum) en parlant
L.'xxxv. p. £g Pierre de Drefden qui étant fufpeck dans Ton pais de la lèpre
m' 6*' Vaudoife , comme il parle , étoit retourné en Bohême. Ainfi on
peut partager la Religion de Bohême en quatre périodes. La prer-
miereeft Gm^«^, & comprend un fiécle & demi ou environ. La
féconde eft flottante entre le Rit Grec & le Rit Latin , malgré
les oppofitions des Papes, ce qui dure environ deux fiécles. La
troifiéme peut être marquée à l'arrivée des Vaudois , & aux ten-
tatives de Conrad Stiekna , de Jean Mllïciùs , & de ^Matthias de
Janaw , pour la reforme de la Religion. La quatrième c'eft le
fin fjîti fme , où nous allons entrer. Si donc les Pères de Bade, 6c
quelques Dodeurs après eux ont avancé qu'avant Jean Husla.
Religion a.voit été pure, ils n'ont pd le faire fans fortir de leurs:
principes, ou ils ont ignoré les diverfes faces de la Religion en,
Bohême pendant plufieurs fiécles, ou enfin ils ont voulu rendre
Jean Hus & lesHufTites odieux , 6c en mênle-temps porter les-
Bohémiens à ne pas dégénérer de la Foy de leurs ancêtres 3 6c les
picquer d'honneur par leur prétendue confiance dans la Catholi-
cité. Pour nous qui n'avons point d'autre vue que d'inftruire le
Public de la vérité, nous rapportons les faits tels que nous les
trouvons dans PHifioire. Après les réflexions préliminaires du
Livre fuivant , nous marquerons l'Epoque de la Guerre des Huffî-
$es à la fia du Concile de Confiance.
HISTOIRE
I S T O I R E
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE.
LIVRE II.
ES chofesn'avoientguéres change de face en Eu- Vétzt&c
rope depuis le Concile de Confiance. L'Italie étoic lEuroPe'
en proie aux mêmes factions. L'Efpagne étoit ex-
pofée aux troubles d'une minorité. La France Ôc
l'Angleterre le difputoient le terrain avec difFerens fuccès. La
Hongrie ne s'étoit pas relevée defes pertes depuis la journée de
Tficopoli) ce qui empêchoit l'Empereur Sigsmo?idde donner Ces
foins à pacifier l'Allemagne. Ce Concile aflcmblé pour pacifier
Tom. /. D
x6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
routes chofes ne fît guéres que des mécontens. Les Polonois s'en
retirèrent mal fatisfaits , à caufe de la mollefle qu'on avoit témoi-
gnée à la condamnation du Libelle diffamatoire de Falkcnberg.
Les François ne furent pas plus contents au fujet des propofirions
de Jean Petit , dont on ne put obtenir la condamnation. Le *Wi-
cléfifmen'étoitpasafiez éteint en Angleterre pour n'y pas caufer
du refïentiment de la flctriflure de Wiclef. Les bûchers de Jean
Hus 6c de Jérôme de P raque furent comme deux grands tifons
jettez en Bohême pour y mettre le feu 6c dans tout le voifinage.
C'eft de quoi il s'agit dans cette Hiftoire.
Origine du H. Quoique dans l'hiftoire des Conciles de Pife 6c de Confiance
Huifitifmc. on ait eu plufieurs fois occalion de parler, 6c même fort ample- \
ment , de Jean Hus 6c des Hufïites,nous nefçaurions nous dif-
penfer de reprendre l'affaire du HuJJîtifme dès fa première ori-
gine , en évitant autant qu'il fe pourra les redites. Jean Hus na-
quit le 6. de Juillet de l'an 1373. fous le Règne de l'Empereur
Charles IV. ( 1 ) 6c fous le Pontificat de Grégoire Jfl. ( 2 ) environ
5 ans avant le grand fchifme d'Occident, que l'on peut regarder
comme une des femences du HuJJîtifme. L'Hiftoire ne nous ap-
prend rien du père 6c de la mère de Jean Hus , fi ce n'eft que c'é-
toient des gensde probité , mais peu diftinguez par leurnaiflance*
Tout le monde fçart que c'etoir. la coutume en ce remps-là de dé-
iïgner les hommes illuffres par le lieu de leur naiilance , ou par
quelque autre caradere femblable , plutôt que par le nom de leur
famille. C'eft. pour cela que ce Dodeur Bohémien n'éft connu
que fous le nom de Jean Hus , ou plutôt de Jean de Hus 3 (Huffius)
parce qu'il naquit à HuJJînet^ petite ville ou bourg vers le midi
de la Bohême dans le diftrict ou cercle de Prachin fur les fron-
tières de la Bavière. On a allégué dans YHiftoire du Concile de
Confiance plufieurs exemples d'un ufage aufïi général & aufTi an-
cien, & on pourroit en faire un gros volume. Ainfi Grimoire de
Nazianzf fut appelle delà ville de ce nom en Cappadocc. Apollon
nius de Tyane de la ville de ce nom dans la même Province de
l'A fie mineure. Dans le XIII. fiécle Pierre de Tarentaife , qui fut
Pape fous le nom à' Innocent IV. fut ainfi nommé de Ja ville de
Tarentaife en Savoye fa patrie. Au XV. fiécle Nicolas de Cufa
Cardinal célèbre quoique de bafîè naiffance , prit le nom de Cufa-
( I ) Ce fut cette année que Charles IF. ayant acheté' du Margrave Otton la vieille Marche de
Brrmdebourg, fon fils Sigifmond en fut déclaré Margrave & Eleveur. Charles i F. fut cou?
ronné Roy de Bohème en IJ47. & mourut Ci} 1378.
^(2) Elu en 1371» & mort eii 1378.-
ET DU CONCILE DE BASLÊ. Zlv. 12. 27
d'un bourg fur la Mofelle où il étoit né. Jean Tritbême Abbé de /a. Se rid
Sponheim fut ainfi appelle de Trïttcnheim bourg fur la même Differt. Hift'.
rivière (a). T'ai ramalïé cous ces exemples pour confondre unie^nbT"'
Hiftorien François qui a voulu rendre la naifîance de Jean Hus 1711. p. 10.
fufpecte , parce qu'on ne fcavoir pas le nom de fon père (b) ^ Varilîas*
ttt Ti a • r • 1 /- • I / r, Hiit.duWi-
1 1 1. 11 eit certain que les parens prirent grand loin de fon édu. clef. p. 6$.
cation. Ayant perdu fon père en bas âge , ia mère lui fit appren- ann- l6*z-
dre les premiers élemens de la Grammaire i Huffînet^ où il y Education
avoit une Ecole. Enfuite elle le mena à Prachetit^ ville du même dc ^emHuSt
diflrict., où il y avoit un Collège illuftre. Il rit bientôt de grands
progrès dans les Letcres, & s'attira l'amitié de Ces maîtres par fa
modeftie & fa docilité, comme cela paroît par le temoignao-e
que l'Univerfité de Prague lui rendit après fa mort(c). Quand il (c} Grée*;
fut aiTez avancé pour aller étudier à Prague, fa mère l'y mena Hmmr. in
elle-même. On rapporte que cette pauvre femme pleine de zèle ^fj!*!Pt
pour l'éducation de fon fils avoit pris avec elle une oye(i) 6c nnfiid.d Hu«
gâteau pour en faire préfent à fon Régent. Mais par malheur Mm,p' ™'À
l'oye s'envola en chemin , de forte qu'à fon grand regret , elle
n'eut que le gâteau à préfenter au maître. Touchée jufqu'au vif de
ce petit accident , elle fe mit plu fleurs fois en prières pour deman-
der à Dieu qu'il voulût être le père 6c le gouverneur de fon fils.
Quand il eut fait à Prague un bon fondement de litérature, fes
Maîtres remarquant en lui beaucoup d'ouverture 6c de vivacité
d'efprit, auflî-bien qu'une grande avidité pour les fciences, ju-
gèrent à propos de le faire immatriculer dans le livre de l'Uni-
verfité. Elle avoit été fondée en 1347. (2) Par l'Empereur Char-
les IV. fvoy de Bohême, 6c confirmée par Clément VI. On yen- .
ieignoit non feulement la Jurifprudence 6c la Médecine , mais
auffi la Théologie, ce que les Papes refuférent depuis à plufieurs
Académies au rapport de Balbin. Elle fut partagée en quatre
Nations, la Bohémienne , ï 'Allemande , la Polonoifc , & la Bava-
roife. Charles y établit huit ProfefTeurs , tant Bohémiens qu'Alle-
mands & Autrichiens , qui félon la conjedure du même Auteur,
avoient étudié dans l'Univerfité de Paris. L'Empereur lui-même
prenoit plaifir à les entendre. Un jour que l'exercice dura trop
long-temps au gré des courtifans , on fait dire à Charles : Je nai
$>as le temps de fouper 3 ccji icimonfouper. On aura occafion ailleurs
(1) On a remarque ailleurs que Hus cr Bohémien fignifie Gye. Apparemment la patrie de
Jean Huffinctx. fut ainfi appellee , parce que les Oyes y abondoient.
(î) D'autres la mettent en 1360. ou 136*1. mais je fuis Balkin dont le fentiment me pa-
roit le mieux appuyé. Bail;, ubi fupr. p. 3 j>
Dij
zS HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
déparier de cette Univerfîté. Eloigné desamufemensde la jeu-
nette, Jean i1/^ employoic Tes heures perdues à de bonnes lectu-
res. Iiprenoitfurtoutplaifiràcelledelliiftoiredes anciens Mar-
tyrs. On raconte qu'un jour lifanc la Légende de Saint Laurent,
qui, à ce qu'on prétend, fut grillé fous l'Empereur Valèrien, il
voulut éprouver s'il auroit la même confiance que ce Martyr 3 en
fe mettant le doigt dans le feu ; mais on ajoute qu'il le retira bien-
tôt fort mécontent de fa foiblede , ou qu'un de Ces camarades s'y
oppofa. Quoi qu'il en foit, il ne faifoit pas mal de fe préparer au
feu , comme il paroîtra par l'événement. D'ailleurs lors qu'il
voulut faire cet eiîai, il pouvoit être déjà afTez avancé enâ>e5
pourque l'Edit de 1376. par lequel CharleslV. condamnoit ks
Hérétiques au feu, lui donnât quelque forte de prefîentiment de
fàBaiï.p. ce qui lui devoit arriver (a)» Un grand obftacle s'oppofoit à l'ar-
8 *• deur qu'a voit '} e an Hus de s'avancer 3 c'eft la pauvreté i
H 'and facile emergunt quorum virtutibus obfiat
Res anyifla domi.
Dans cette extrémité il accepta l'offre que lui fit un ProfeiTeur
dont on ignore le nom , de le prendre à fon fervice , & de lui four-
nir les livres, & tout ce qui lui écoit néceflaire pourpoufîer fes
études. Quoique cette fituation fût alTez humiliante, il la trou-
voit heureufe par rapport à fon but , & il la mit fi bien à profit ,
ih) Seyfrid. q,u'ii contenta tout enfemble , Oc fon maître dont il gagna l'ami-
14. îj!' F ûé , 6t fa pailion pour les lettres, (b)
Affaires E- ^^' Penc^nt °iue Jean Hus continue Cas études, pourfuivre
trangercs. notre plan , faifons une courfe dans les païs étrangers , pour voir
l'état où y étoit la Religion 6c l'Eglife. Deux Docteurs fort habi-
les 3 mais dans des principes differens , ont aufli jugé bien diffé-
remment du fiécle XIV. où naquit Jean Hus : c'eft le Dodeur
Cave Proteftant , 6c le Dodeur Bu Pin Catholique Romain. Le
premier dit qu'à la rêferve du 3f. fiécle , l'Eglife navoitpas eu un
fie de plus malheureux que le JflV. 6c l'autre dit qu'il fournit une
diverfitè de matières ajfez^aqréable. Ils peuvent avoir tous deux rai.
fon, félon la différente manière d'envifager les chofes. On peut
bien appeller le fiécle XIV. un fiécle de fer 6c de feu , d'un côté
par rapport aux guerres dont l'Europe de l'A fie furent le théâtre.,
6c de l'autre par rapport aux bûchers allumez contre ceux qui s'é-
loignoient de la Religion dominante alors. Mais on peut dire
aufli que ce fut un fiécle de crife3où des abus portez à l'excès D
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. II. i9
caufant des foulévèmens en plufieurs lieux du monde 3 prépa-
roienc à quelque grande révolution. Quoi qu'il en (bit, nous al-
lons voir ce qui s'eft paiTé dans ce fiécle-là par rapport à la Re-
ligion 3 jufqu'à ce que Jean Hus commence à faire du bruit } ce
qui eft notre époque. Je ne parlerai pour tant que des opinions
qui peuvent avoir quelque rapport au HmJJîtifme , pour amener
infenfiblement le leéteur à cette tragique fcêne.
V. Sur la fin du fiécle précèdent , il s'éleva des Docteurs , &c Pierre d'on-
des Sectes qui pullulèrent dans la fuite } malgré les anathêmes du ™«F™tricel-
Sieo-e de Rome qui s y trouvoit attaque, Lnrre ces Docteurs le da-
tingua Pierre d'Olive y Frère Mineur de Sierignan en Languedoc.
Les Frères Mineurs ayant ailemblé en 128 2. un Chapitre gêne-
rai à Strasbourg , Pierre d'Olive y fut aceufé par Ces confrères , par-
ce qu'il blâmoit hautement leur relâchement. On l'aceufa en-
core d'avoir avancé en public des erreurs , & même des héré-
fies. Comme il attaquoit aufïï la vie déréglée des Prélats, il s'at-
tira de puiflants ennemis. Dès l'an 1278. ilavoitété condamné
par le Général de fon Ordre à brûler de fa propre main certaines
proportions contre la Vierge Marie. Le Chapitre de Strafbourg
nomma des CommiiTaires pour examiner & la perfonne & les
écrits d'Olive. Sa doctrine examinée > elle fut condamnée par
quatre Dodeurs , Octrois Bacheliers de fon Ordre. Il fe défendit
néanmoins il bien à Avignon , où fon Général nommé Bonnegra-
ce avoit porté fa condamnation au Pape Grégoire Jfl. qu'il en
fut quitte pour une cenfure, & une exhortation à être plus ré.
fervé à l'avenir. Quelques années après , la dodrine de Pierre
d'Olive fut condamnée dans le Concile de Vienne tenu l'an 1 3 1 1 .
fous le Pape Clément V. dans la perfonne des Fratricelles (1 ) 3 au-
trement Frérots , ou Bizoqucs , dont on l'aceufoit d'avoir pris les
erreurs 3 6c qui avoienteté condamnées dès l'an 1297. pari?*?-
niface VIII. On y peut joindre les B égards qui, au rapport des
Hiftoriens de ce temps-là, ne differoient prefquepas des Fratri-
celles. Il n'eft pas aife de fçavoir précifément quelles croient leurs
opinions, parce qu'ayant déclamé contre le Siège de Rome 3 les
Hiftoriens de ce fiege n'ont pas manqué de les rendre fore
odieux. Il y a beaucoup d'apparence que c^étoit des Fanatiques,
qui fous prétexte de la corruption de l'Eglile Romaine , s'étoienc
(l) Ils furent depuis condamnez par divers Papes, comme par y eau XXII. par Benoit
XI I. prrr Clément VI» par Innocent VI. Du Pin ubifupr. Tom. XI. Sied. XIV. Chap,
lit*
Dii}
yn
3o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
iettez dans un autre extrémité , s'attribuant à eux-mêmes la
Hiérarchie, 6c toute adminiftrationeccléfiaftique. Quelques-uns
en font des difciples de Pierre £ Olive donc on a déjà parlé. Car
quoique la réputation de ce Francifcain outré eût été fort équi-
voque par rapport à l'orthodoxie,, il ne laifla pas de trouver des
apologiftes , même dans le fein de l'Eglife Romaine , comme on
peut le voir dans Henri de Sponde , l'un des Continuateurs de
Ça) Anno Baronius ( a ).Je rapporterai de clîacune de ces Sectes ce que j'en
12p7.11. trouve de moins confus dans FHfftoire, à caufe de la liaifonqui
s'y trouve avec mon principal fujet. Mais comme on n'a point
les propres écrits de ces Sectaires , on eft contraint , quoique
non fans précaution, de s'en rapporter à ceux qui les ont con-
damnez.
LesJBégards avoient été pourfuivis chaudement dès le com-
mencement du XIV. fîécle, 6c avant le Concile de Vienne .par
Henri de Virnenbourg, Archevêque de Cologne. Voici les fenti-
mens que Clément V. leur attribue. Nous avons appris , dit-il,
avec une extrême douleur, quil s1 eft élevé en Allemagne une Se fie
abominable de quelques hommes malins 3 appeliez^ Béguins, & de
quelques femmes infidèles , appelle es Béguines, qui enfeignent les
erreurs fuivantes.» 1. Que l'homme pendant cette vie peut ac-
» quérir un affez haut degré de perfection pour devenir impec-
» cable, 6c qu'il ne peut plus faire déplus grands progrès dans
*> la. grâce: car, difent- ils, s'il en pouvoit faire davantage, ii de-
«viendroit plus parfait que J. C. 2. Que l'homme ne doit ni
«jeûner, ni prier quand il aacquis ce degré de perfection, parce
» que la fenfualité eft alors fi parfaitement foumife à l'efprit & à
*>la raifon, que l'homme peut accorder librement au corps tout
*> ce qui lui plaît. 3 . Que ceux qui ont atteint ce degré de perfec-
tion & cet efprit de liberté, ne font piusaffujettisàFobé'nTan-
v ce humaine , ni engagez par aucune loi de l'Eglife , parce que,
» comme ils difent, là où eft /' 'efprit du Seigneur 3 là eft la liberté.
»4. Quedèsicibas l'homme peut-être auiïî pleinement heureux
v qu'il le fera dans le Ciel. 5. Que toute nature intellectuelle eft
v naturellement heureufe en elle-même , & qu'elle n'a pas befoin
pde la lumière de la gloire pour s'élever à Dieu , pour le voir,
»& pour joiiir de lui. 6. Que c'eft une imperfection que de s'exer-
cer à des actes de vertus, & qu'une ame parfaite licentie les
» vertus ( licentiat àfe virtutes. ) 7. Que le baifer d'une femme eft
l> un péché mortel . Ci l'inclination n'y porte pas 3 mais que Fade
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. II. 31
a charnel 3 quand la nature y porte, n'eftpasun péché, fur tout
»û celui qui exerce cet acte eft tenté ,(1) {maxime cum tentât ur
»exercens.) S. Qu'à l'élévation du Corps de J. C. on ne doit, ni
»fe lever, ni lui donner aucune marque de vénération j parce
»que ce feroit une imperfection de defcendre de la pureté & de
»la fublimité de la contemplation , que de penfer au myftére
»& au Sacrement de l'Euchariftie , &: de s'occuper de la paflron
»de l'humanité de J. C. (a) Ces principes ne reflemblent pas mal fâcummi
au Quiétifme de nos jours. Je lailïe au lecteur à faire là-deiîus Lib. v. i\
tes rerlexions qu'on a faites fur les accufations intentées contre1!/' Co. H,L
Molmos. L affaire a ete iulceptible d un grand partage d'opi-
nions. Henri de Sponde met quelque différence entre \qs Pégards^
& les Béguins , & voici les opinions qu'il attribue aux derniers.
Qu'il eft contre la perfection Bvangelique de poffeder quelque chofe
en commun , parce, que J. C. & [es Apbtres nont»rien poffedé ni en
-propre ni en commun 3 que le Pape par confequent ne peut pas don-
ner difpenfe aux Religieux qui ont fait vœu de pauvreté , de garder
du froment & du vin dans leurs Monafteres pour Vufage commun.
Que l'état des Frères Mineurs eft plus parfait que celui des Ev'è-
que s. Quil neft pas permis au Pape de difpenfer d'un vœu fait ab-
solument , ( fuper voto fimplici ) quand ce feroit pour le bien de la
paix y & pour la converfîon de quelque peuple a la Foi Chrétienne.
( b ) Quoi qu'il en foit , il y avoit encore de ces fortes de gens en (b) spmf
Allemagne 3 en Bohême , en Siléfie , en Pologne, fous le Ponti- ^m'hT*'
fkat de Grégoire JTI. qui exhortoit l'Empereur aies extirper, (c) "" ' '
VI. Les Hifloriens rapportent a l'an 13 15. l'origine de la AnmT^l
Se&e des Lolhards , dont ils font le chef un certain Gautier Loi- Loihard,
hard d'Autriche. L'Abbé Trithème témoigne qu'ils fe répandi-
rent en grand nombre dans cette Province,, dans la Bohême,
& dans les lieux circonvoifins, & qu'on en fit un grand incendie.
( d ) Voici ce qu'en ditl'Abbé Fleury après Trithème.» La même fd) Qromci
» année 13 15. on trouva plufieurs Hérétiques en Autriche à une nlfag™!
» petite ville nommé Crems du diocéfe de Pajfau. Ils furent dé- 2lz' sPond~
couverts par les Inquifiteurs de l'Ordre de St. Dominique i&tw. Y l^
» demeurant opiniâtres dans leurs erreurs iis furent condamnez
»aufeu,& brûlés hors la même ville de Crcms. Leurs erreurs
«avoient pris leur origine de celles des Fratricelles condamnes
Çl) M. l'Abbé Fleury a omis cet article par une fauffe délicatefle ; car il eft formel dan»
les Wmentmes , & ,1 fert beaucoup à juftîficr h coudamnation des Bégards, en cas- qu'il &i*
véritable. Htfi. Mcd. T. XIX. p. zoa.
3i HÏST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
»au Concile de Vienne, 6c en voici les principaux articles. Ils
«difoient que Lucifer , 6c les autres Démons avoient été chaflez
« du Ciel injuftement , 6c qu'ils y feroient un jour rétablis .; au con-
» traire ils foutenoient que St. Michel, 6c les autres Anges, cou-
pables de cette injuftice, feroient damnez éternellement avec
» tous les hommes qui n'etoienc pas de leur Sede. Doù vient que
» leur falut (i) étoit ^ Que celui à qui on a fait tort te faluë j enten-
« dant Lucifer. Ils difoient auffi j Mariette demeurée Vierge après
« l'enfantement , ce n'eft pas un homme qu'elle a mis au monde x
»c'eft un Ange.
3» Ils avoient 1 1. hommes choifîs d'entre eux qu'ils nommoient
«Apôtres, 6c qui parcouroient tous les ans l'Allemagne pour
» affermir dans leurs erreurs , ceux qu'ils avoient feduits. Entre
«ces i 2. ils féparoient encore 2. vieillards qu'ils nommoient les
» Miniftres de la Sede -,6c ceux-ci feignoient qu'ils entroient tous
«les ans dans le Paradis, où ils recevoient d'Enoch Ôc d'Eiie Je
«pouvoir de remettre tous les péchez à ceux de leur Sede, 6c
«ils communiquoient ce pouvoir à plufîeurs autres dans chaque
«ville ou bourgade. Ces Hérétiques méprifoient tous les Sacre-
» mens ,difant : Si le Baptême en eft un , tout bain l'eft aufli , 6c
«tout baigneur eft Dieu. Ils corrompoient le Sacrement de Pé-
«nitence , ne fe confeilant qu'à des laïques , & feulement en
» général fans rien fpécifier. Ils ne croyoient pas au St. Sacremenc
pde l'Autel, difant que l'hoftie confacrée étoit un Dieu ima-
« ginaire , 6c fe moquant de la MefTe 6c des Prêtres. Ils appelloienc
« communément le mariage une projhtution jurée , 6c fe moquoienr.
» de l'Extrême- Ondion 3 ils difoient publiquement -y Nouscroïons
« que les herbes font d'autant meilleures qu'on y met plus d'hui-
« le. Ils comptoient pour rien les Ordinations des Evêques 6c des
»> Prêtres , les Dédicaces des Eglifes , les Bénédidions des Cime-
i» tieres , 6c de quelque autre chofe que ce (oit.
» Ils difoient que Dieu ne puniffoit , 6c même ne connbifToit pas
» les péchez qui fe font fous terre. C'efb pourquoi ils s'aflembloient
«dans des cavernes 6c des fouterrains , où ils fe mêloientenfem-
«ble comme des bêtes fans aucun égard à la parenté la plus pro-
che. Ils difoient quel'Eglife Romaine n'étoitpas celle de J.C.
«mais une Société d'infidelles. Aufli fe moquoient-ils descend-
îmes éccléfiaftiques, de l'autorité des Prélats, 6c de toutes les
?» cérémonies de la Religion. Ils ne gardoient ni jeûnes 3 ni abfti-
(i) C'cft-à-dire qu'ils fc faluoient ainfi»
nencesj
ET DU CONCI LE D E BASLE. Xh. II. 33
» nences 3 & mangeoient de la viande même le Ven dredi faine. Ils
»» n'obfèrvoient aucune Fête, 6c travailloient le jour de Pâques.
-»» Ils ne tenoienc pas le parjure pour un péché. Ils enfèignoienc
» que l'interceffion des Saines n'etoit d'aucune utilité , 6c qu'il
>»ne falloic ni les invoquer , ni les honorer. Enfin ils enfèignoienc
»> plufieurs autres erreurs donc le récit feroic ennuyeux _, 6c fe-
»roit horreur. Leur nombre étoit grand: un de leurs Apôtres
»qui fut brûlé à Vienne confefla à la queftion qu'ils étoient pins
» de huit mille (1 ) en Bohême , en Autriche 3 6c aux environs. »
(a) Lolhard( 1 )fut brûlé à Cologne en 1511. (b). Cet extrait {*)Tleuvy.
quoique long m'a paru de faifon , parce qu'on y découvre des 5S^Bccl,gJ
traces du Huilitifme 3 au milieu de plufieurs erreurs qu'il ne faut z4o.P
pas imputer aux Hufïïtes. (h) sPond'
VII. Quelques années après, il s'éleva deux Docteurs qui R.y.' l '
combatirent ouvertement l'autorité du Pape, c'eft Marfile de Alfl# dc
Padou'ê 3 6c Jean de Jandun, ou de G and. Le premier conjointe- ^eandejan*
ment avec l'autre entreprit la défenfe de Zoiiis de Bavière con- i**»
tre JeanJCJflI. dans ce fameux traité connu fous le nom de
Dêfenfeur de la Paix, dédié à cet Empereur. L'Hiftoire raconte
que ces deux hommes s'étant retirez auprès de Louis lui tin-
rent ce langage. » Voyant dans l'Eglife une erreur que nous ne
«pouvons plus fouffrir en confeience, nous nous fommes réfu-
» giez près de vous à qui l'Empire appartient de droit , 6c qui par
»» conféquent devez corriger les défordres. Car l'Empire n'eft pas
«fournis à. l'Eglife, 6c il fubfiftoit avant qu'elle eût aucun do-
:> maine temporel , ôc l'Empiré ne doit pas être réglé par les
»loix de l'Eglife, puifqu'on trouve que plufieurs Empereurs ont
«confirmé les élections des Papes, 6c aflemblé des Conciles
«aufcfuels ils ont donné l'autorité de décider des points de Foi.
» Que fi pendant quelque temps l'Eglife a preferit quelques droits
«contre les libertez de l'Empire, c'efl: une ufurpation fraudu-
»lenfe 6c malicieufe. Nous voulons foutenir cette vérité contre
» qui que cefoit ,, & fouffrir pour fa défenfe toutes fortes defup-
* »plices, &c la mort même. Le Pape ne manqua pas de condam-
ner le Livre, 6c d'en excommunier les Auteurs. Il pouvoir bien
le faire, puifqu'il avoit excommunié l'Empereur lui-même. La
Bulle condamnoit ces 5. Articles du livre de Marfile. 1, Que
\i)Tritbime & les autres difent 80000. fins doute par erreur de chiffre.
{ 2 ) Ou parlera ailleurs des LoHards d'Angleterre qui peuvent bien être venu6 de ceux
■d'Allemagne.
E
34 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
J. C. paya le tribut à l'Empereur, parce que les biens temporels
de l'Eglife appartiennent à l'Empereur , & qu'il en peut jouir
comme du fien. 2. Que quand J. C. monta dans le Ciel, il ne
laifîa aucun Chef vifible à l'Eglife} qu'il ne s'établit point de Vi-
caire, èc que St. Pierre n' a pas eu plus d'autorité que les autres
Apôtres. 3. Quec'eft à l'Empereur à établir le Pape, aie deui-
tuer& aie punir, ôc que Pilate crucifia J. C. comme lui étant
fujet. 4. Que félon l'inltitution de J. C. tous les Prêtres , fbit in.
Pape, foit un Archevêque, fbit un fîmple Prêtre ont une égaie
autorité, & une égale jurifdi&ion. 5. Que toute l'Eglife enlem-
ble ne peut punir perfonne de peine coactive de quelque péché
que ce foit , fi l'Empereur ne le permet. Jl^/r/?/<?cc)rnpofa depuis
un autre traité de la Tranjlation de L'Empereur à peu près dans
les mêmes termes. Je ne fçai quel fort a eu cette pièce. Je re-
marquerai feulement qu'on y trouve cette proportion 5 Qu'il eft
faux <p<?Childeric ait été dépofé par le Pape Zacharie , (£• qu'il
ait mis Pépin en fa place 3 comme le prétendent les Eccléfiatiques qui
ne cherchent qu'à s'attribuer l'autorité impériale: ce qu'écrit Jki-
moin , continue- t-ii , dans les Gefies des Francs , fçavoir que Pépin
fut légitimement élu Roi par les François, &par les grands du
Royaume , & facré à Soi/fins par Boniface Archevêque de Rbeims
dans le monaftére de St. MédLird , & que Childeric , qui fous le
nom de Roi croupiflbit dans les plaifirs & dans l'oifiveté ,, fut
tonfuré. D'où ajoute- il 3 il eft clair que ce n'eft point Zacharie
qui l'a dépofé , mais que feulement il y a confènti , comme quel-
ques unsiedifent. {i)MarJïlc mourut tranquilement en Italie à
ubi fupr. p. la fuite de l'Empereur en 1 3 2 9 (a),
4°p- VIII. Ce n'eft pas feulement l'Edile Latine qui étoit en fouf-
Etatdcl'E- -
glifeGrec- france, d'un côte à caufè des abus qui s'étoient gliiîéz depuis
que. long-temps dans la Religion , de l'autre à caufe du fanatifme de
ceux qui, fous prétexte' de s'y oppofer, tomboient dans d'autres
extrémitez, & à caufe des rigueurs qu'on exercoit contre eux.
L'Eglife Grecque n'eut pas moins à foufFrir par l'invafîon des
Turcs. Usfaifoient de grandes conquêtes en Orient 3 fans que les
Princes d'Occident fe initient beaucoup en peine d'aller au Re-
cours de Jean PaUologue Empereur des Grecs 3 malgré les inftan-
ces de ce dernier auprès d'eux , & auprès de Grégoire Jfl. Ce
(0 Ce Traite de Marfile fe trouve dans un Recueil imprimé à Balle en ^S5S- Par 'es
foins de Wolf^ung U^uifimbourg fous ce titre, Antilogie du lape , qui contient les Ecrits de
quelques anciens Auteurs depuis 300. ans jufqu'à notre temps plus ou moins, de l'cUt cur-
rompu de l'Eglife, & de la pervertit*; de iowt le Cierge' papiftique»
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. II. 3?
Pontife promit néanmoins du fecours aux Grecs, pourvu qu'ils
voulurent fe réunir, &fè foumettre à PEglife Latine. ( a ) Mais (n)R^«.
c'étoit là des promenés en l'air. Les Princes Chrétiens avoient ann-ll7h
trop d'affaires chez eux , pour Te mêler de celles de l'Orient , &.
le Pape lui-même ne pouvoit agir, engagé qu'il étoit dans une
rude guerre avec les Ducs de Milan. Les Infidèles alliez avec les
Tartares menacoient la Hongrie. Louis Roi de Hongrie 5c de Po-
logne envoya une ambaflade au Pape , pour le prier de conju-
rer la tempête, par une Croifade des Princes Chrétiens. C'eft
ce que le Pape accorda , comme cela paroît par Tes Lettres aux
Archevêques ôc Primats de Hongrie 3 de Pologne 3 de Dalma-
tie, ôc à l'Empereur Charles IV. Quoique cette affaire pût re-
garder l'Empereur d'afïez près, il ne fe trouva pas d'humeur^
hazarder l'Empire d'Occident pour fauver celui d'Orient. Après
plufieurs inftances que le Pape lui fit la-defïus il répondit nette-
ment, louant pourtant les intentions du Pape, Que la difficulté
ri étoit pas de lever une bonne armée , mai s qitil y avoit beaucou-p de
péril à pa [fer la mer , & àfubjuguer les Sarrajïns , ce qui ne pouvoit
fe faire fans répandre beaucoup de fang Chrétien j que quand même
en pourroit conquérir la Terre Sainte , on ne la varderoit pas lon<z-
temps (b). Il fie a peu près la même reponie a Rodolphe Electeur c&ronic.
de Saxe, que plufieurs Princes employèrent pour le folliciterà Hirfaug.
cette expédition, parce qu'il avoit beaucoup de part dans tes 1*%^}*
bonnes grâces. C'eft un morceau d'Hiftoire allez curieux pour Syntagm;
être placé ici. » Il v a plus de cent ans , lui die le Saxon , qu'aucun Hlrt' 9?r:
r ;riin r i man. Lm-
j) Empereur n'a eu une plus belle occaiion que vous de recou- fert.
«vrer la Terre Sainte. Il leur manquoit plufieurs chofes pour x ^Lljiu
>j exécuter cette entreprife, mais fur tout de l'argent qui efl le
3î nerf de la guerre. Vous n'en manquez pas, 6c vous avez outre
«cela les fecours de plufieurs nations purifiantes , par vos affini-
té tez & vos alliances avec la France, la Hongrie & la Pologne.
«Vous êtes le maître en Allemagne, en Bohême ôc en Italie,
«de forte que fi votre inclination veut féconder vos. forces, il
«n'y a nul lieu de douter que cette expédition de l'Ane n'ait un
»? heureux fuccès.»L'Empeur répondit.» i Que cette entrepri-
se avoit toujours été funefteà {es Prédécefïèurs, 6c fatale aux
»> Chrétiens, i. Qu'il n'y avoit nul fond à faire fur l'Empereur
«Grec, puifque par fon traité avec le Turc à qui il avoit don-
»>né fon fils en otage , il avoit ouvert la porte, de l'Europe aux
•» Turcs , enfermant ajnfi le loup dans la bergerie. 3. Qu'il n'é-
Eij
3 6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSÏTES
» toit pas befoin de deux Céfars, & qu'il vaudroit mieux que Taip-Ie
»> allât donner la chafle au Loup pour pofléder l'Empire Latin , 6c
(*)i>nbrav. » l'Empire Grec(a). L 'affaire de la rciinion des Grecs avec les
P'^xn1', Latins fe renoua pourtant l'année fuivante, ( 1374.) mais fans
J85.587. fuccès, par la perfidie de Jean Pale ologue , comme on vient de
le dire. Peut-être auiîi qu'il y eut plus de foiblede & denécef-
fité, que d'infidélité dans fa conduite, parce que perfonne ne
venoit à for» fecours -, Louis de Hongrie lui-même, qui avoit
f mU tant fol licite la Croilade ayant refufé de fe croifer (b).
vibi fupr. Cependant Grégoire n'abandonna pas le foin de la réunion de
ann.1374. p£giife Grecque avec l'Eglife Latine. Il envoya en Arménie des
Dominicains pour y prêcher l'Evangile à la Romaine, avec une
Bulle qui avoit pour infeription , Grégoire, &c. A nos chéri
Fils , les F 'ères de l'Ordre des Prêcheurs dans les terres des Sarrafinsy
des Payens , des Grecs , des Bulgares , des Cumans , des 1 bè riens 3
des Alains , des Gazares , des Goths 3 des Scythes > des Ruffes ( Rhu-
thenorum ) des Jacobites , des Nubiens , des Nefloriens , des Géor-
giens , & ûss autres Nations mécréantes dans l'Orient & dans le
Nord ( Aquilonis) ou dans quelque autre pays que ce foit , falut.
&c. Comme la difficulté étoit de fçavoir fi ce qu'il y avoit de
Chrétiens dans ces régions barbares avoient été baptifez , ou
non , & fi les Prêtres avoient reçu les Ordres , le Pape leur pref-
crit ce For-nulaire de Baptême & d'Ordination. Si vous êtes bap-
tizj , je ne v>us rebaptise pas 3 fi vous ne l'êtes pas , je vous baptize au
(c)Rrfy«vubi nom ^u pcr6 du Fifo &du St. Efprit ; fi vous avez reçu les Ordres ,
iupr. ann. . ' . r 1 * . - »
1374. num. je ne vous r (ordonne pas -, fi vous ne Les avez^pas reçus , ye vous les
VIiI- confère (c).
D/verfcs jx. Il y avoit encore des reftes de quelques autres Se&es qui
Se&es con- • , ■ j . 1 r» < 1 01 *-> /
damnrfcspnr avoient ère condamnées par les Papes precedens,&: dont Grégoire
Grégoire xi. ne négligea pas l'extinction. Parmi fes Lettres on en trouve une
Turiu°p^s. GU ^ encourage le Roi de France ( Charles V.) à exterminer les
reftes des Yaudois, » Nous avons appris, dit ce Pape ^ qu'en Dau-
»phiné, ^ dans les autres lieux voiîins, il y a une très-grande
«multitude de certains hérétiques appeliez Vaudois , & que quel-
» ques-uns ce vos Officiers , loin de foutenir nos chers fils les In-
»quiiiteurs, comme ils devroient , leur fufeitent indirectement
»des obftacks dans l'Office de l'Inquiiition , en leur affignant la
«plupart du tems des lieux mal fûrs pour procéder contre lef-
« dits hérétiques ; en neleur permettant pas de procéder fans les
"Juges ieculkrsj ou en les obligeant à montrer leurs procédures
■•
ET DU CONCILE DE BASLE. Zïv. II. 37
«auxdits Juges, s'ils en font en leur abfence. Ils font élargir les
» hérétiques ou fufpe&s d'héré fie, qui ont été mis en prifon par
«les Inquifiteurs , ians en requérir ces derniers. Ils refufent de
«prêter le ferment exigé par le droit, de purger le païs d'héréti-
„ques°ensfulpecT:sd'héréfie. Outre cela il y a des Gentils-
» hommesdu Dauphiné qui donnent retraite et faveur à ces fortes
» de gens. Il exhorte donc le Roy de France à apporter un prompt
» & vigoureux remède à de fi déteftables défordres (a). Mr. l'Abbé 00 R*y»-"bi
Tleury Prêtre , Prieur d'Argenteuil , & Confefleur du Roy , qui f^r<n'XIX*
a rapporté une partie de cette lettre , obferve ici en paflant les
refînerions apportées dès lors à l'exercice de l'Inquifition en
France (b). Il paroît par cette même Lettre de Grégoire, que ce (b)Hifl.iccL
Pape diihnguQ les Vaudois des Turlupins 3 que quelques - uns con- Tom.xx.p.
fondent avec eux pour rendre les premiers plus odieux.» Nous 242'
avonseu plus d'une fois avis , mon cher Fils 3 dit Grégoire au Roy
de France , que l'ennemi du genre humain qui rode par tout ,
cherchant qui il pourra dévorer, prend à tâche de répandre le
venin de fa méchanceté avec plus de fureur dans les lieux où il
remarque le plus de fainteté, comme dans votre Royaume qui
brille entre les autres par l'éclat de la foy hL des autres vertus;
nous avons', dis je , appris que cet ennemi y a femé fa graine
empoifonnée parmi des perfonnes de l'un & de l'autre fexe, prin-
cipalement le poifon de la très-hérétique fecle des B égards ,
appeliez autrement Turlupins , &: nous ne fçaurions allez loiier
lÉferveur de votre zèle à y remédier par l'Inquifition. » Je trouve
ici deux différences entre les Turlupins 6c les Vaudois. La premiè-
re , c'eft que le Roy de France faifoit pourfuivre les Turlupins , ce
qui n'eft. pas dit des Vaudois. La féconde , c'eft qu'il ne paroît pa3
que les Turlupins trouvaient de protection nulle part , au lieu que
les Vaudois en trouvoient. Il y avoitauflîde ces gens en Savoye,
comme cela paroît par la Lettre du même Pape à Amedée Comte
de Savoye, pour en faire la recherche & la punition (c). Je vois CO%w^-
que Grégoire confond les Begnrds & les Turlupins. Cependant *"£] xnV,
J-Lenri de S ponde (d) , & après lui DuPin met de la différence entre (d ) lia.
eux. Les Turlupins, dit ce dernier , qui fe répandirent fur la fin du
fié de dans la Provence & dans le Dauphiné , furent ainfi appellera,
caufe de leurs infamies. Car outre les erreurs des Bégards , dont ils
étaient infectez^, ils enfeignoient , qu on ne devoit point avoir de honte
des parties que la nature nous a données. Ils alloient tout nuds , &fai-
f oient enpréfence de tout le monde les allions que la pudeur veut que I'om
£ iii
5 8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
(a)DtfFw. cache. On en brûla pluficurs à Paris & ailleurs (a). Abraham Bzo-
ubi fupr. p. vius ôc Henri de Sponde continuateurs de Baronius J ajoutent qu'ils
IJ0, difoient, qu il ne fallait pas prier Dieu de vive voix , mais de cœur
feulement , & avec une liberté d'efprit qui ne fut point ajjujettie aux
(b)Ann. loix divines (b). Robert Gaguin Hiflorien François , & après lui
M72.uum. l'Abbé Fleury, nous apprend qu'à Paris on brûla leurs habits dans
le marche aux pourceaux hors de la porte de St. Honoré, & qtion en
brida deux , fcavoir Jeanne £ Aubcnton , $t un homme dont on ne dit
(-) nbifupr: pas le nom (c). Mr. Bayle a fait fore à propos cette obfervatbn fur
p>i-ii- ces habits des Turlupins , quoique dans fon ftile ordinairement
trop libre.» Comment accorder avec ces habits que l'on brûla
» ceux qui difent que les Turlupins alloientnuds ? C'efl qu'il faut
«fuppoièr des bornes à la nudité de toutes ces efpéces de fanati-
» ques , ou à l'égard des temps &c des lieux, ou à l'égard de cer-
tains membres. Nous avons vu que les Adamitcs ne fe dépoûil-
» loient que dans les poiles où ils tenoient leurs aiîemblées , & que
»> les Picards condafrmoient fur tout ceux quinefe découvraient
«pas la partie honteufe. Le froid & la pluie ne permettoient pas
» qu'on fût toujours nud : il n'y a point d'apparence qu'on ofàt fe
«produire règlement nud, ôc continuellement dans les villes ou
» l'on n'étoit pas le plus fort : il femble en particulier que les Tur-
» lupins ne découvroient que les parties qui font la diverfîté des
» fexes j Cynicorum Seïlamfufcitantcs de nuditate pudendorum , &pu-
( d ) Gcm- „ hlico Coïtu (d). Ce que j'ai cité de Gerfon fe rapporte à cela même,
nk. hr°" "^s avoient donc des habits malgré leur impudence, & ileffcà
»croireque devant iesperlonnes non initiées , devant ces bonnes
» dévotes qu'ils tâchoient d'attirer dans leurs filets, ils ne mon-
(e) Diciionn. » troient pas d'abord toutes leurs pièces (e).
de B»yi. au Tjn trycs habile Auteur a cependant remarqué judicieufement ,
pins. Toin." & avec beaucoup de fel, que Mr. Bayle a traité fort négligem-
iv. p. 2777. ment les articles des Adamites 3 des Picards &. des Turlupins (1).
i7w.dlt* de ^a WQr^ eft qu'il n'y a pas grand fond à faire fur les Hiftoriens
des héréfîes , parce qu'ils ont beaucoup de penchant à multiplier
fans necefîité ces fortes d'êtres , fur tout quand les hérétiques
dont ils ont donné l'idée n'ont pas été favorables aux Papes, an
Siège de Rome & aux cérémonies de l'Eglife Romaine, comme
ceux dont il s'agit ici. Et l'Auteur dont je viens dépariera fait
(i)Mr. de Beau fobre dans fa fçavante & ingénie» fe Diflertation Epiftolaire fur les Adami-
Its de Bohême qui fe trouve au Tom. IV. de la Biblioth. Germctn. p. 1 1 ] • & qu'il a Fait 1 non-»
xicur d'addrefler à l'Auteur de cette Hiftoire , où elle fera inférée à U fin,
%
ET DU CONCILE DE BASLE. Llv. 11. 39
voir avec afîez de vraifemblance, que les Adamites > les Turlu-
fins , auffi-bienquelesi^mfrpourroient bien être des Vaudois fa)B*#.ubi
défigurez & revécus de couleurs affreufes parles Inquifîteurs &: fupt.p.3<îo.
par Tes Hiftoriens qui les en ont crû. Je ne voudrois pourtant rien d.t'uekT
affirmer, vu l'incertitude &l'obfcunté de ce cemps-Jà. Il ne faut Flagella™
pas omettre ici les Flagellant (1) , quoique d'une origine plus an- jC^trriino^nt
cienne. Il s'en gîiiTa des eflains en Bohême fous Clément VI. Mais Dames'dc
JErnefi Archevêque de Prague les diflipa par les flammes en 1348. Bohême
(a) On aparlé amplement des Flagellans dans l'hiftoire du Con- cheTtesoù^b
cile de Confiance. Cette Afîemblee ne jugea pas â propos d'exer. ft»ft>icnt
cer contre eux les mêmes rigueurs qu'on avoit exercées & qu'elle Jom aoatr-
exerça contre Jean Mus & Jérôme de Prague. nés.
X. Nous voici arrivez au pontificat de Grégoire JC1. fous lequel Wicléfifmc.
Jean Hus naquit. On a fait voir dans YHiJloire du Concile de Conf-
tance la part qu'eut JeanWiclef au Huflitifme de Bohême. Ain fi
m'en remettant à ce qui en a été dit dans cet ouvrage , je me con-
tenterai de faire quelques réflexions fur l'état de la Religion en
Angleterre, lorfque Wiclef parut. Je ne crois pas qu'il y ait lieu
de douter que les Lolhars d'Allemagne n'ayent pailé en Angle-
terre. Il y a fort peu de différence entre Lolhard qui eft le nom
Allemand , 6c Lollard qui eft le nom Anglois 3 toutes les autres
ctymologiesdecenom , ne font ni fi naturelles, ni fi vraifembla-
bîes. Il eft encore plus confiant par le témoignage de plufieurs
Hiftoriens Anglois, que quelques Vaudois fe retirèrent en An-
gleterre fous le Règne de Henry II. (b) Il eft vrai qu'ils furent (b) Totyd,
prefqu'aufîî-tôtdifïïpez. On croit afîez vraifemblablement qu'ils !}?£• LiJV
r r r x s • • i j i \i a *\VL m Hen-
nirent facnhez par ce Monarque qui avoir alors de grands deme- ryri. BaUus
lez avec Becket Archevêque de Cantorberi , & avec le Pape Aie- s^p*- Bri-
xandre/7. félon la politique ordinaire des Princes Catholiques , %leuirig!""'
quand ils font brouillez avec le Siège de Rome, comme l'are- Rcr- A»gi«
marqué Mr. de Rapin (c). Mais rarement voit-on les principes d'u- xniapf'
ne fede s'éteindre en même temps que ceux qui les ont foûtenus. Strartcb.Dic^
Ces mêmes démêlez du Roy avec Thomas Becket furent encore %*}% vil
les femences du Wicléfifme en Angleterre, le Roy foutenant Cap. 1.
les droits de Régale, & l'Archevêque les immnnicez de l'Eglife. d>ic\#^'
Cette difpuce ayant duré environ huit ans, jufqua l'afîafTinat deTom!n.p.
Becket arrivé en 1 171 , les raifons pour ôc contre durent faire 207*
une imprefîion afîez profonde, pour durer jufqu'au temps de Wi-
cltf*> qui fe déclara pour le parti Royalifte. Il faut joindre à tout
( 1 ) Sur les Tlifrellans } voyez Schengen, de Flagclkintibus»
4o HIST. DE LA GUERiRE DES HUSSITES
cela les principes que Marfile de Padouë avoit avancez dans Con
Defcnfcur de La faix. Certe affaire #fîc un trop grand éclat pour
queFK/V/^/quiétoit confommé dans la le&ure n'en fût pas infor-
mé. Ileftaifé déjuger quec'eftde toutes ces combinaifbns que
fe forma le Wiclèfifme.
En effet , on trouve deux Bulles d« Grégoire JFI. où ce Pape fe
plaint que Jean W/jV/^/enfeignoit les mêmes erreurs que Marfile
de Padouë > 6c ordonne à l'Archevêque de Cantorberi , 6c à l'Evê-
que de Londres de l'emprifonner jufqu'à nouvel ordre. Ces Bulles
font de 1377. Ce nouvel ordre ne tarda pas , 6c il confiftoic à citer
H^/V/^/acomparoître dans trois mois devant le Pape , pour ren-
dre raifon de fa foy. Dans unetroiiiéme Bulle de la même année
le Pape ordonne aux mêmes Prélats d'exhorter le Roy , les Prin-
ces du Sang , la Princefîe de Guienne 6c de Galles , les Grands du
{m)CondU Royaume, les Confeillers d'Etat 3 à leur prêter main forte (a).
ptf^ il XI Les Prélats firent leur diligence , mais inutilement. On a vil ail-
2038. 1041. leurs la fuite 6c le détail de toute cette affaire. Wiclef mourut pai-
siblement dans fon Bénéfice de Zutterword. Je ne fçai s'il eut com-
merce en Bohême, Se même avec Jean Mus, comme un Auteur
prétend le prouver par une lettre qu'on fuppofe que Wiclef écri-
* \ m% vità Jean Hus(b)Mûs)Q trouve que les temps ne s'accordent pas.
ubi i'upr. p.7 Car 11 Wiclef 'mourut en 1387, Jean Mus né en 1373. n'auroit été
alors qu'un écolier , 6c par conféquent trop jeune pour avoir com-
merce avec Wiclef Tur la religion. Il y a bien plus j c'eft que ceux
qui ont le plus pris à tache de rendre Jean Mus odieux ne mar-
quent qu'à 1409. fes premières innovations, 6c prétendent même
(c) Bail, ubi qu'il ne fe déclara ouvertement qu'en 1 4 1 2 . (c) Et même on allure
fufr.p.430. que ja prerniere fois qu'il vit les livres de Wiclef 'il en eut horreur,
6c exhorta celui qui les lui avoit communiquez à les brûler, ou à
(d) ibeoi. les jetter dans la rivière (d). Il faut donc que cette Lettre foit fup-
Bdi. Huff. p0fée, ouadrefîéeà quelque autre, comme à Milicius mort en
Part. I. p. 2. r > 11 '
• ' 13 74. ou a Matthias mort en 1 3 94. auquel cas les temps s accor-
deroient. Encore faut-il que cette lettre foit falfifiée , puifque
Jean Mus y eft nommé. Quoi qu'il en foit , pour ne pas priver tout-
à - fait le le&eur de cette lettre , en voici quelques morceaux.
Salut par les entrailles de N. S. J. C. & fil* on peut fouhaiter quelque
chofe de meilleur 3 je lefouhaite. » Mes très chers frères au Seigneur ,
» que j'aime avec vérité, 6c non moifeul , mais auffi tous ceux qui
«connoiflent la vérité 5 je dis cette vérité qui demeure en nous,
y de qui par la grâce de Dieu y fera éternellement. J'ai appris avec
»une
ET DU CONCILE DE BASLE. Ztv. II. 4I
«une extrême joie, par le témoignage que m'en ont rendu des
«Frères qui font venus de chez vous, que vous marchez dans la
« vérité. J'apprends, mon Frère, comment rAnte-Chrift: vous con-
« trifte,en expofant les fidèles de J.C. à un grand nombre de diver-
« Tes tribulations. Je ne fuis pourtant pas furpris qu'il arrive de pa-
reilles chofes parmi vous,puifquela loy de J. C. efl oppriméepref-
« que dans tout l'univers par fes ennemis , & que le grand Dragon
;> rouge à plufieurs têtes , dont St. Jean parle dans l'Apocalypfe , a
« vomi de fa gueule après la femme un grand fleuve pour l'en-
«gloutir. Mais notre très -fidèle Seigneur en délivrera infaillibl-
ement fon unique & ridelle époufe. Fortifiez vous donc au Sei-
» gneur notre Dieu , & vous confiez en fon immenfe bonté qui ne
» permettra pas que [qs chers enfans fe dédirent de leur bonne
» réfolution , pourvu que félon notre devoir nousl'aimions de tout
» notre cœur. Car les adverfitez ne pré vaudroient point , fi l'ini-
«quité ne prévaloir pas. Qu'il n'y ait donc nulle affliction , ni op-
«preffion pour J.C. qui foit capable de nous rebuter, fçachant
«que Dieu châtie tous ceux qu'il reconnoît pour fes enfans. Le
» Père de miféricorde veut que nous foyons exercez par des ad-
» verfitez dans cette vie , pour nous faire grâce dans la fuite , parce
»que l'ouvrier fouverain veut que l'or qu'il a choifi foit entièrement
» purifié ici bas par le feu, afin de le mettre dans fon très pur tréfor
» éternel. » Apres plufieurs exhortations fur ce ton le prétendu
Hfolef&ârcut à Jean Mus en ces termes: » Vous donc,Hus , mon
» cher frère en J. C. qui à la vérité m'êtes inconnu de vifage, mais
» non pas par la Foy & par la charité ( car les excremitez de la terre
« ne fçauroient féparer ceux que l'amour dej. C. joint enfemble )
« fortifiez-vous dans la grâce qui vous a été donnée. Combattez
«comme un bonfoldatde J. C. par paroles & par œuvres. Rame-
«nez autant de gens que vous pourrez dans la voie de la vérité,
«parce que l'Evangile ne doit pas être enfeveli dans le filencepour
«des décrets faux & erronez, ni à caufe des erreurs de l'Ante-
» Chrift. AfFoibMez au contraire les efforts artificieux de Satan,
» en fortifiant les membres de J. C. parce que dans peu de temps ,
«s'il plaît au Seigneur, rAnte-Chrift prendra fin. J'ai uneextrê-
» me joie de ce que dans votre Royaume bailleurs, Dieu en a
«tellement fortifié quelques-uns, qu'ils foutiennent la prifon ,
n l'exil ôc la mort avec allégrefîepourla parole de Dieu.» Après
cette courfe dans les pâïs étrangers j revenons en Bohême.
Tom. I. F
Progrès de T
Jean Uns.
HISTOIRE
DELA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE.
LIVRE III.
Ous avons laùTé Jean Mus dans l'Univer/ïté, où il
fît bientôt des progrès eonfidérables pour ce temps-
la. Il paroît par fes Livres , qu'il étoit verfé dans la
lecture des Pères Grées & Latins, puisqu'il les cite
fouvent. On peut juger par tes Commentaires , qu'il fçavoit du
Grec, & qu'il n'ignoroit pas même l'Hébreu y ce qui n'eft pas
difficile à comprendre^ ayantdès lors beaucoup dejuifs à Prague.
Il reçût le degré de Mathelier en 1 393. c'eft-à-dire à l'âge de 10,
HIST. DU CONCILE DE BASLE. Liv. III. 43
ans, fi on a bien marqué le temps de fa naifîance, & celui de
Maître es Arts deux ans après. Je n'ai lu nulle parc qu'il aie reçu
le degré de Do&eur ; mais le titre de Maître étoic fort honorable
en ce temps- là. On nefçaic qui furent fes maîtres , que par ce
qu'il die lui - même àzStaniflas Znoïma , qui fut depuis un de fes
plus grands adverfaires. Quoi que Maître Staniflas Znoïma , dit- il ,
ait été mon maître , & que j'aye appris beaucoup de bonnes c ho Je s dans
fes exercices & actes fcholaftiques , ma confeience me contraint de lui
répondre pour éclaircirla vérité (a). Il reçue l'Ordre de Prêtrife en ( a ) oPp>
1400 , & la même année il fut fait Prédicateur dans la Chapelle Hus- Torn-
de Bethléem. Ce fut-là qu'il eut occafion d'exercer fes calens,
chéri des uns, fufpedôcodieux aux autres, admiré de tous. Mais
avant que de pafleràla defeription de fes combats de langue 6c
déplume, il faut repréfenter en peu demotsl'écat où étoic alors
la Bohême.
II. Charles IV. mourut en 1378. On peut juger par les caracle- Etat dcU
resque l'Hiftoire donne à cet Empereur, que ce fut une grande Bohcmc'
perte pour la Bohême. Comme il avoir de la prudence ôcdela
fermeté , ilauroitvraifemblablement étouffé dès leur naifîance
les femences des troubles qu'on aceufe Wenceflas d'avoir entrete-
nus au lieu de les arrêter , & il auroic prévenu les feenes cragiques
donc nous écrivons l'hiftoire. On aura pourcanc occafion de faire
voir qu'il y a eu beaucoup de paflion Ôc de parcialicé dans les juge-
mens défavancageux , que la plufparc des Hiftoriens modernes
onc porcés de Wenceflas , & que cen'eftpas à lui feul qu'on doit
attribuer les troubles du HufTitifme. Deux ans auparavanc , Char-
les IV. avoic nommé pour fon fuccefïeur à l'Empire Wenceflas fon
fils aîné encore fore jeune (r), du confencemenc des Electeurs qui
furenc cous préfens à cecce élection, fçavoir l'Empereur lui même
qui écoic Electeur , comme Roi de Bohême (2) , les Archevêques
de Mayence(3), de Cologne (4) , de Trêves (5) , l'Ele&eur Pa-
latin (6) , celui de Saxe (7) , & celui de Brandebourg (3) , le Duc
(0 II naquit en ijtfi. à Nuremberg d'Anne fille du Duc de Svvidnitutn. Sile'fie troifie'mc
femme de Char la IV.
(z) C'eft ce qui avoit été réglé par la Bulle d'or de Charles IV. lui - même. Balb. ubi fupr.
(3) C'étoit LêUis Marquis de Miftiie , Landgrave de Thuringe , qui l'emporta fur fon
Compétiteur Adolphe de Kajfau par la faveur de Charles IV. Serar. Res Morgunt. T. I. p. 6d+»
(4) Frideric III. Comte deSaarWerden élu en 1370.
(fjCstion, ou Cor/A» Comte de Falckenftein élu en ijô'j.
(6*) T\obsrt depuis E.npereur. On en a parlé amplement dans YHijL du Cor.c'.le de Tife.
(7) Il s'appelloit M'auejlas.
Fij
44 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
de Brabant (9 } 3 le Comte de Hollande ( 1 o), le Duc de Bavière 6c
l'Archevêque de Prague (n).Il s'éleva dans cette conjoncture une
grande conteftation couchant le droit de porter l'épée devant
l'Empereur , entre Wencejlas de Bohême Duc de Luxembourg
frère de l'Empereur „ à qui ce droit avoit été accordé par privi-
lège particulier , &; l'Electeur de Saxe qui le prétendoit en qualité
de Maréchal de l'Empire. L'Empereur ne pouvant pas fur ie
champ terminer ce différend, ordonna, pour ne point faire tort
aux deux Concurrents , que pour cette fois , Sigzfmond fon fils qui
n'étoit encore qu'un enfant 3 porteroit devant ia majefté l'épée
Impériale. Ceit ce cp\ Edmond Auteur de la Chronique de Fian-
dresallegué parifo/^difoit tenir de la bouche de Sigismond au
temps du Concile de Confiance (12). Wencejlas fut couronné peu
de cemps après à Aix-la-Chapelle du vivant de Charles IV. qui
afïîfta à la cérémonie.
fftïufats dc W *' ^ence^as Pric les rênes de l'Empire la même année que
commença le grand fchifme d'Occident 3 dontona fait l'hiftoire
abrégée dans celle du Concile de Pife. Nous marquerons feule-
ment ici les diligences que fît Wencejlas pour empêcher que la
guerre des anti - Papes 'Urbain VI. & Clément VII. dont l'un ne
manquoic pas de fulminer contre ce que l'autre avoit ordonné , ne
fût fatale à l'Empire. Dès l'an 1379. il en afîembla les Etats à
Nuremberg pour faire examiner ce grand procès, puis à Franc-
fort où il fut réfolu de reconnoître & de foutenir Urbain VI. en-
vers & contre tous, & de déclarer Clément VII. anti-Pape. On
trouve dans liaynald la lettre circulaire de Wencejlas à ce fujet.
(a) Ann. (a) C'cft ce qui engagea les Princes ecclefiaftiques & féculiers
vJ.Bafb"2i ^'Allemagne à s'aflembler l'année fuivante à Wéfel (b), afin de
fupr. p. 3p. ferrer davantage les nœuds de leur confédération pour protéger
Conc<S?'' 'Vibàfa'Wencejlàs ne borna pas fes foins à l'Allemagne. Il voulut
Archiv. ap. aufîl engager les Princes étrangers à fe réunir fous un feul Pape.
Schminck, de On a parie dans PHiftoire du Concile de Pife du voyage qu'il fit
Rcg. Ro- en rrance pour cette affaire. On prétend qu il follicita aulli Ri-
man^M.irp. chard II. Roi d'Angleterre à fe déclarer pour Urbain. Il e£t vrai
,p' * ' que l'Angleterre prit ce parti y mais l'animofité réciproque des
(2) Sizifmotid.il fut depuis Empereur. On a donné fon taraûerc dans l'Hift. du Concile
de Confiance.
(p) Il s' 'nppelloit Wencejlas.
( 10) Il s'appelloit Albert.
(11.) Il s'appelloit Jean Occo, ouOûellus, auparavant Evéquc d'Olmutz. Il fut Cnrdinal dc
la creation d'Urbain VI.cn i 378. & mourut deuxa-ns après. BtUb. ubi fupr. p. % qi.
N»*)&*/*.ubifupr.p. 380.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. III qj
Anglois& des Français y eut apparemment plus de part que les
négociations àeWenceflas , parce que ces derniers tenoient pour
cLemcntVII. Il fe paiïamême à cette occafion un événement mé-
morable. Urbain ayant publié une croifade contre Clément , les
Anglois ne manquèrent pas de fe croifer pour avoir un prétexte
d'entrer en France, où, comme je viens de le dire, on recon-
noiiToit Clément. Cependant i'Evêque de Norwich qui étoit à la
tête des croifez , jugea plus à propos , on ne fçait par quelle rai-
fon , de commencer par la Flandre , quoiqu'Ur^/?z y fût reconnu.
L'entreprife tourna mal. Ainfi , dit Mr. àçRapin, s'en alla en fu-
mée cette croifade cntreprife four les feuls intérêts d* Urbain (a). En , a r H;/?
même temps Wenceflas envoya des Ambafladeurs à clément VII. d'Angle*, t.
pour l'engager à céder à Urbain. Mais bien loin de les écouter III,p" %9°'
favorablement , il leur fit mille indignitez , en mit quelques - uns
à la torture , & d'autres en prifon (b). Non content de cet empref- (b) Niem. de
fement à éteindre le fchifme dans l'Eelife, Wencellas fe donna ?Jiifm" Li,b-
beaucoup de foins pour pacifier \qs troubles de l'Empire. Mais Buv.'ann. '
comme cela n'appartient pas à mon fujet, il vaut mieux parler lW9- ««m,
des Archevêques de Prague pendant ce temps-là, autant qu'il eft
nécelîaire par rapport à ce fujet.
IV. Jean de Genftein Patriarche d'Alexandrie fut fait Arche- Archevêques,
vêque de Prague en 1380(1/ Quelques Hiftoriens l'ont con- de Prague,
fondu avec Jean Ocellus fon prédecedeur , mais ils ont été fort
bien relevez par Balbin. Ilrepréfentece Prélat comme un homme
fort pieux & fort zélé. » Un jour , dit-il , qu'il avoic roulé dans fon
efprit la molefTedu Roi, les difeordes des Grands _, l'inclination
du peuple aux nouveautez qui lui faifoient prévoir quelque chan-
gement prochain dans la Religion en Bohême , il eut en dor-
mant une vifion céleffce., où Dieu lui fit voir dans la floriflante
Eglife de Bohême les exils, hs fupplices , les maflacres des
faints hommes , les temples déferts & confumez par les flam-
mes, les armes & les fureurs des hérétiques , l'aliénation des
biens eccléfiafliques , la ruine Ôc le pillage des monafteres, en
un mot , la perte de la religion toute prochaine. Effrayé de cette
terrible image, il en avertit les Chanoines, & abdiqua volon-
tairement l'Epifcopat pour fe retirer à Rome , à condition que
fon fuccefieur luilaifîeroitune certaine fomme d'argent par an
pour fon entretien. » Ce fucceileur fut Wolfram , qui au lieu de te»
(1) Il mourut à Rome en 1 35>3. îalb. p. jpi.
Fi»)
46 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
nir parole le laifîa périr dans la mifére(i). Wolfram eut pour fuc-
cefleur Nicolas de Pucknik , StevfmteSbinko de Hafemberg, donc
on aura plus d'une occafion de parler dans la fuite. Revenons à
Wenceflas.
Conduite de V. Depuis le règne de Jean grand père de Wenceflas 3 la Silifie
Wenceflas. appartenoit à la Bohcme(a). L'hiftoire marque à l'an 138 i.un
33.9.340. r coup d'aucoricé qu'y fir Wenceflas. La ville de Brcfiau avoir été
mife à l'interdit, à ce qu'on prétend , pour un léger fujet. Wen-
ceflas 3 pour remédier aux troubles que cette excommunication
caufoit dans la ville , pria les Chanoines de donner Pabfolution
aux citoyens. Ceux-là n'ayant aucun égard à Tes prières , il les
chafla de la ville, &, abandonna au pillage 6c au gré du premier
occupant les bourgs &; les terres qu'ils avoient en Siléfie. Mais ils
rentrèrent en grâce l'année iuivante. Si Pexpulfion des Chanoi-
nes a paiïé pour un a&e de rigueur , leur rétabliflement doit paf-
fer pour un ade de clémence. Au fond , Wenceflas ne fit qu'imiter
en cela fon ayeul, qui chafTa l'Evêque (2) & les Chanoines de
Breflau, & mit leurs biens au pillage, parce qu'ils avoient ofé
l'excommunier, comme Charles IV. le raconte dans fa propre
(b)Vit. o- vje ^ compofée par lui- même (b). L'affaire alla même bien plus
rfteher'pfm. avant que fous Wenceflas. Car le Pape ayant confirmé Panathême
ioi. lancé par l'Evêque , le Roi publia un Edit par lequel il défendoic
(c)Hrt«f^: à tous leseccléfiaftiques de pofleder aucuns fonds en Siléfie (c).
èc Siles. in- L'£vêque voyant que le Roi le moquoit de fon excommunication
dit. Cap. s'avifà de le défcyeràl'Inquifiteur^) de Siléfie, comme un héréti-
XV. n. xxî. que. On a vu plus haut que Plnquificeurfe trouva ma! de fes dili-
gences. Quoique ce trait d'hiftoire foit hors de fa place, je n'ai
pas faic difficulté de le rapporter , d'un coté parce que l'affaire eft
eccléfialr.ique , de l'autre, parce qu'elle peut fervir à décharger
Wenceflas.
Cai-a&ere de VI. Cependant à moins que de démentir toute PHiftoire , on
irencejias. ne fçauroit difeonvenir que ce Prince n'ait eu des défauts ôc des
( 1 ) On attribue à cet Evcquc une Conftitution a(Tez bizarre , par laquelle il ordonnoit que
tous les Vendredisà 3. heures, qui eft celle de la mort de J. C. on fonnàt une grotte cloche ,
& que chacun, toute affaire ceftante, même pendant le dinéfc mit à genoux , & dit £. fois
l'Oraifon Dominicale, & donna 40 jours d'indulgences à tous ceux qui feroient fonner la
cloclie. Ce qui fît que dans la plupart des Villes de Bohême les particuliers firent faire de»
cloches pour donner le lignai de la prière. Cette cloche s'appelloit la cloche lurqite , parce
que c'e'toit pour implorer le fecours de Dieu contre les Turcs & les Tartares qui ravageoient
la Gre'cj. halb. p. 401.
(2) Il s'appelloit Ncttiker.
(3) Il s'appelloit Jean SebwettcîtfelJ. Hank. ubi fupr. Cap. XVJ.
ET DU CONCILE DE BASLE. Zlv. 111. 47
vices capitaux , 6c qu'il n'aie fait des actions noires 6c infâmes. II
étoit fur tout violent 6c cruel , foit qu'on attribue ce mauvais ca-
ractère au vin auquel il étoit fort fujet, foit qu'on l'attribue à du
poifon qu'on lui avoit donné dans la jeuneiïe, & qui luicaufoic
des accès violens. Cechlêe en a rapporté quelques exemples , com-
me on le verra dans la fuite en parlant de la mort de ce Prince 5
j'en placerai ici quelques autres. Il avoit époufé Jeanne fille d'Al-
bert Duc de Bavière, 6c Comte de Hollande. On avoit donné à
cette Princeflè pour confefleury^» de Nepomuc Docteur del'U-
niverfité de Prague y 6c Chanoine de l'Eglife Cathédrale de cette
Métropole. Les mauvaifes inclinations 6c la conduite déréglée de
Wenceflas la pénétroient de douleur j elle s'y oppofoit de touc
fon pouvoir, 6c en ouvroit fon cœuràfon Confefîeur. Wenceflas
qui ne pouvoir pas l'ignorer 3 n'épargnoit } ni promefTes , ni me-
naces , ni tourmens pour obliger Jean de Nepomuc à lui révéler
les confeffions de la Reine. Mais le Confefîeur fidèle à fes enga-
gemens 6c à la Reine fe montrant inflexible , Wenceflas le fit jet-
ter inhumainement dans la rivière de la Moldave qui traverfè
Prague, cruel 6c facrilégetout enfemble. Ce fait effcattefté una-
nimement par tous les Hiftoriens de Bohême 3 fur tout par les
Modernes (a) 3 6c on en voit même un beau monument dans la (a)D*£ni*«
flatuéde ce Prêtre érigée fur le pont de Prague. On débite que l"ÏS,h£
l'innocence ôc la fainteté de Jean de Nepomuc fut atteftée du^c.p. 6\\.
Ciel même par des phénomènes extraordinaires. Ce qu'fl y a J**- ubl .
de certain , c eit que les Chanoines les confrères prirent grand cucbvvt.
foin de fa fépuleurc. èc qu'on vifîtoitfort dévotement fon tom- Mars.Mo-
Ipeau y maigre Wenceflas, avant qu il fut canonile par autorité du cap-in.
Pape, comme il l'a été depuis peu. J'ai vu moi-même quantité p. 4î7*
de dévots à genoux aux pieds de fa ftatuë à Prague 5 6c à Breflau.
On a imprimé fon fervice à Prague en 1696. On y trouve des
Hymmes qui apparemment, n'ont pas été compofez du vivant
de celui qui le fit noyer..
Sœvus , piger Imperator ,
Irfalorum clarus patrator^
Pollicetur peljîma
Ni quœ dixit Sacramentel
Tu propales in momento
Uxoris peccamina.
uircanum euflodiviftï
48 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
Ob qnod lœtus fubivijti
Tormentorum gênera :
u4quis tandem fuffocatus
EffeHus quod fis beatus
Prodiderunt fidera.
Tumulatus nunc quiefcis
f Et in die s illucefcis ,
Pr/cclaris miraculis
Es ccrtus famœ Patronus :
Nos à malœ famœ pronus
Defendas periculis.
Il païTe en Bohême pour le patron des voyageurs , & des gens
en péril 3 & pour le garant de la bonne renommée.
Sufcipe quas dedimus , Johannes Béate 3
Tibi preces fupplices , no fier Advocate ,
Fieri : dum vivimus , ne finas infâmes ,
Et nofiros pofi obitum cœlis infer mânes.
Les femmes en couche , & les femmes ftériles lui rendent afîî-
duëment leurs pieux hommages. L'Hiftoire rapporte que Wencef-
las en 1393. fit fouffrir le même fupplice à un Eccléiiaftique
nommé Joanneck, fuffragant de l'Archevêque de Prague, pour
avoir confirmé un Abbé fans fon confentement , & pour lui avoir
(a) Lufmc. E- reproché fa mauvaife administration (a), On n'a pas manqué de
phemer.Rcr. débiter auffi des miracles à cette occafion. Cecieit plus vraifem-
ApîuTijpî!- blablej c'efl: que l'Archevêque ayant envoyé deux Chanoines
%iï'ft?l97t pour reprocher à Wenceflas la mort de ce fa in t homme , comme
ils l'appelloient, il répondit: Puifque vous appeliez^ faint unhom-
me mort , je ne vous envierai pas cette gloire , vous ferez^faint après
votre mort. Il les envoya aufîLtôt au fupplice 3 mais à la prière
de quelques Grands Seigneurs , ils en furent quittes pour la peur.
plaîntescon- VII. En i 3 84. on commença à fe dégoûter de Wenceflas, à
Ktwencef- ce qU>on prétend , à caufe de fa nonchalance. Quelques Seigneurs
fe déclarèrent ouvertement (i) ^ les autres n'attendoient qu'une
occafion favorable pour éclater. Mais le Roi qui prefîentoit
quelque orage eut recours aux étrangers 3 ne fe fiant pas à (es
propres fujets. Il établit en 1385. dans les Villes de Bohême
jdesConfuls Allemands à l'excluflon des gens du Pays. Quelques
|i) Les M-'artbembergs & les Colowrax. Balb. p. 3,94.
Bohémiens
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. III. 49
Bohémiens en ayant fait des plaintes accompagnées de mena-
ces , il y en eut d exécutez dans la place publique. Cette fanglan-
te exécution fournit aux Grands un prétexte plaufible au foulc-
• veinent qui éclata dans la fuite, &où Jean Hus eut beaucoup
de part. Il faut pourtant que Wenceflas ne fut ni fi incapable
ni fi indifférent qu'on le fait, puifque Sigifmond fon frère ayant
de grands démêlez avec Jean &t Procope Marquis de Moravie ,
les uns & les autres s'en remirent à fa décifion (a). On met à faj&tf. p.
cette même année un Synode Provincial afîemblé par Jean,*9**
Archevêque de Prague, où il fulmina, comme parefprit pro-
phétique, dit Balbin, contre les Hérétiques, contre l'invafion
■des biens del'Eglife, Se le maflacre des Eccléfiaftiques. L'année
fuivante mourut la Reine Jeanne 3 à ce qu'on croit de douleur
des déréglemens de fon Epoux , & des mauvais traitemens qu'el-
le en recevoir.
VIII. En 1389. il fe fît un maflacre prefque général des Juifs Particulari-
à Prague, pour avoir infulté un Prêtre qui portoit l'hoftieàun^""0^
malade (1). On pilla leurs biens, on brûla leurs maifons & leurhême,
rue. Ce qu'on exprima par ce diftique qu'on voit au bas de la
page, qui marque en même temps l'année de ce tragique évé-
nement (1). Il y eut en ces temps une prodigieufe multitude de
pèlerins qui venoient à Prague vifiter des Reliques qu'on expo-
îoit au peuple quelques jours après Pâques dans la place publi-
que. On en compta un jour jufqu'à cent mille aux portes de
Prague, au grand profit de la ville. Le Roi obtint en 1590. de
Bonijace IJC. un Jubilé en faveur de ceux qui vifitoient ces Re-
liques. La même année ce Prince envoya des Ambafladeurs à Bo~
niface demander pour un an la dixme des biens eccléfiafliques en
Allemagne, &dans le Royaume de Bohême, quoique d'ailleurs
il n'y fut pas fujet , fous prétexte du voyage de Rome où il vou-
ioit fe faire couronner, félon la coutume de ce temps-là (}). II (b) KM.p.
jouit des dixmes, & ne fit point le voyage (b). Il paroît qu'en ce ***•
temps- là ce Pape fut favorable à la Bohême , & fur tout à une cer-
taine Abbaye de Bénédictins , ce que le Jéfuite Balbin ne regarde
pas fans envie. Cette faveur ne dura pas , comme on le verra dans
(1) Ces maffacres des Juifs étoientfort ordinaires en Bohême, auffi-bien que dans d'autre*
pais de la chrétienté , & quelque prétexte qu'on en allègue , ils ne font pas d'honneur a»
Chrirtianifme.
(2) M.femel, £> tria. Ç. bis L.Xl.removetâ.
Paj'cbaluce reus periit tune cadejudxus.
(1) Il avoit été couronné à Aix-la-Chapelle en * J Sff.
T&m. I. G
5o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
la fuite , & on trouvera auiîi que ces particularitez ne font pas in-
utilement remarquées.
Première IX. Quelques Hiltoriens ont avancé qu'en 13931 Wenceflas
prifan de chafla de la Bohême tous les Chevaliers de l'Ordre Teutonique,
>1J &. s'empara de tous leurs biens. Cet Ordre , difoit-il , a été inflitué
pour combattre les Turcs & les Barbares j quils aillent daps leur
voifinage. Cependant Balbin a tâché de décharger le Roi de cet
attentat ( 1 ). Cette année fut fatale à Wenceflas. Par les intrigues
fecrettes de Sigjmond fon frère , il fut mis en arrêt dans la Mai-
fon de Ville fous prétexte de fa négligence , ôc de {qs mauvais dé-
portemens. Dès que le coup fut fait, Sigifmond qui étoit alors
en Hongrie, s'avança à grands pas en Bohême avec une armée.
Il s'étoit déjà faifi d'une Fortereile , lorsqu'il apprit que Wencef-
las avoit trompé fes gardes, ôc s'étoit fauve ; ce qui l'obligea à
fe retirer plus vite qu'il n'étoic venu. L'évafion de Wenceflas
arriva ainfi. Ayant obtenu la liberté de fe baigner dans la rivière,
une femme du commun nommée Sufanne le pafla tout nuddans-
un batteau. Elle en fut bien recompenfée, s'il eft vrai qu'il en
fît fa femme, comme quelques-uns le rapportent. On ne nomme
point ceux qui trahirent ainfi leur maître. Balbin conjecture
que ce font les mêmes qui furent exécutez en 1397. dans la For-
tereile de Carleflein. Le Duc d'Oppavv , &. le Comte deGlaco,
tyubi fupr. furent les vengeurs de cette perfidie (a).
Motifs de u X. Une des chofes qui contribua le plus à faire dépoter Wén-
dépoGtion ceflas de l'Empire, comme il Je fut en 1400. fut l'aliénation delà
àeffencejias. L~ombardie qui étoitalors un fief de l'Empire, ayant donné en
1393. au Vifconti Jean Galeas Duc de Milan la fouveraineté 8c
<o) uhifupr. l'invefliturede cet Etat pour la fomme de 1 5 0ooo.écus d'or (b).
Ce fut encore par la faute de Wenceflas que la Bohême perdit les
villes, forts Se châteaux de la Bavière Palatine, que Charles IV.
avoit achetez de Robert de Bavière furnommé le Vieux , Electeur
Palatin. Cène fut pourtant pas fans coup ferir que Wencefla s aban*
donna ces places. Voici ce qu'en dit l'Hiftoire Palatine. «Après
» la mort de l'Empereur Charles IV. Robert Electeur Palatin ayant
«déclaré la guerre à Wenceflas reprit de vive force en 1 388. les
» villes, forts ôc châteaux qui avoient été engagez à chartes IV.
"C'eft pourquoi par ordre de Wenceflas les villes de Rat 1 s bonne ,
»d'Aup bourg t & d'autres voifines du Rhin allèrent fondre fur
"l'Electeur. La victoire fe déclara pour celui-ci. Il leur tua 200,
(1) Uùifiifr. p. 3^3. 405. Ces Chevaliers avoientpluiïeui-sCommanderk6CnBohcmc.
ET DU CONCILE DE BASEE. Liv. III jr
j5 hommes , en fie 300. prifonniers, mie en fuite le refte, & en fie Ca) ^iâ
î'jetter dans une chaudière de briques ardentes 40. qui avoienc paLT/Lir."
? tout mis à feu 8c à fang dans le Palatinat (a). IV. fea. il
XI. L'an 1400. fut tout enfemble favorable Se funeftêà Wen- PDcS>'fitîon
ceflas par deux événemens différents^ Le premier fut fon mariage de yvemefias.
avec Sophie fille de Jean de Munich , Duc de Bavière , qui fut cou-
ronnée le 1 5. Mars. Le fécond qui arriva le 20. d'Août fut fa
déposition de l'Empire. Si elle fut jufte , ou non , c'eft de quoi je
n'encrepens pas de juger. Je dirai feulement comment la chofe
fe paiîa. On prétend que Bonifacc IJf. fut l'inftigatenr de cette
entreprife,, irrité d'un coté de ce que Wenccjlas luiavoit propolé
d'abdiquer le Pontificat , Se de l'autre de ce qu'il avoit don-
né à Galeas la fouverainecé du Duché de Milan comme on vienc
de le dire. D'ailleurs Wencejlas n'étoit aimé ni des Eccléfiaftiques
ni des Séculiers. De ceux-là, parce qu'il voyoit d'un œil jaloux
leurs gros revenus , Se de ceux -ci 3 parce qu'il ne les laiiïoit pas vi-
vre à leur fantaifie (b). Des l'année précédente les Electeurs s'é- (b ) Gmg.
toientaffemblezà Bopard petite ville fur le Rhin , puis à Franc- chr,iïian-
fort fur le Mein pour délibérer fur cette affaire. Toutes ces allées ad"s^«"°de
Se venues étoient fort fufpe&es à Wenccjlas. Car quoique les dé- Reb-. M°-
libérations fu fient tenues fecretes , il ne pouvoit pourtant igno- p."^. T '
rer qu'il en étoit le principal objet, Se il n'oublia rien pour en
rompre le cours. C'eft pour cela qu'il envoya à Maycncc Jean
Burgrave de Nuremberg avec ordre, i.defçavoir ce quoi il s'a-
gifloiti 1. de reprefenter aux Electeurs qu'il ne pouvoit quitter
la Bohême à caufe des démêlez qu'il avoit avec les Grands du
Royaume , Se du couronnement de Sophie , Se qu'il ne vouloir
vifiter l'Allemagne qu'avec fon frère Sipfmond^ que divers mou-
vemens retenoient en Hongrie 5 3 . de convenir d'un jour pour af-
fembler une dicte, afin d'y prendre desmefures pour remédier
aux maux de l'Empire. Cette Députation n'ayant fervi de rien,
Wencejlas indiqua une diète à Nuremberg en 1 399. après la S.
Michel , où il promettoit d'être préfent. Mais elle n'eut point de
lieu, foit qu'il ne fe fiât point aux Princes Allemands, foit que
plufieurs de ceux qui dévoient s'y trouver déclinaient l'entre-
vûë. Dès que Wencejlas eut appris qu'ils dévoient s'afîembler à
Francfort pour achever d'exécuter leur entreprife, il invita en-
core une fois les Princes de l'Empire à.s'afTemblerà Nuremberg ,
par une Ambaffàdefolemnelle -, mais les Electeurs refuférent d'é-
couter ks Ambafladeurs. Cette affaire fut agitée pendant long-
Gij
5i HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
temps, les uns opinant à la dépoiition cle Wencejlas , les antres à
lui demander un adminiftrateur de l'Empire qu'il nommât lui-
même. Ce dernier avis l'emporta dans l'efpérance que le Roi
choifirôit Ton frère Siy.fmond pour fon Vice-Roi. Mais Wenccf-
las nefe trouvant pas d'humeur à accepter ce parti, les Elec-
teurs eccléiiaftiques & féculiers, à la réferve de Sigifmond qui
ctoit Electeur de Brandebourg, 6c de Wencejlas , qui comme Roi
de Bohême étoit aufli Electeur , & même le premier félon la
Bulle d'Or, s'afTemblérent à Marpaurg pour former une ligue
contre ce Prince. Elle s'exécuta à Mayence entre les Electeurs
Jean II. de Najfau Electeur de Mayence, Werner de Konigftein
Electeur de Trêves, Frédéric III. Comte de Saverden Electeur
de Cologne, Robert Electeur Palatin , Rodolphe \L\z&lzut de Saxe,
Etienne & Louis Ducs de Bavière, les-Marquis de Mifnie , Zoa/'j
Comte Palatin, Herman Landgrave de Relie , &. Frédéric Btir-
grave de Nuremberg. Dès que Wencejlas eut connoilTance de
cette ligue, il écrivit &; députa aux villes de l'Empire pour les
détourner de s'y joindre. Et afin d'empêcher la diète qui devoir fe
tenir à Francfort, il en convoqua une à Nuremberg , où. il pro-
mettoit d'afloupir toutes les difeordes, tant par rapport à l'E-
glife , que par rapport à l'Etat. Mais fans y avoir aucun égard t les
Princesliguez s'aftemblérent à Francfort pour renouveller leur
confédération, & s'ajournèrent a Landjlein pour y citer Wencejlas \
& procéder à l'éle&ion d'un autre Empereur, s'il ne paroifîoit pas.
Ce fut là qu'arriva la cataftrophe de la dépoiition de l'Empereur.,
malgré fes proteftations. Les raifons , ou les prétextes de cette
déposition étoient j que Wencejlas avoit négligé d'éteindre le
fchifme dansPEglife, &. les guerres inteftines en Allemagne $ qu'il
avoit aliéné la Lombardie , vendu la juftice à beaux deniers
comptans -y qu'il avoit toléré les brigandages 5 qu'il avoit exerce
des cruautez contre des Prêtres, & des gens de bien & d'hon-
neur j qu'en ayant été repris, il ne s'étoit point corrigé. D'autres
ajoutent qu'il avoit donné des blancs- lignez munis de fon fceau
dont ceux qui les avoient, pourroient faire tout ce qu'ils vou-
droient au préjudice de l'Empire ; qu'étant cité à- Landftein , il
avoit refufé de comparoître , & qu'il avoit favorifé les erreurs
de J. Hus. Ce dernier ne peut pas être, puifque J. Husn'àvoit
point encore paru. Mais les Hiftoriens modernes ont pris ce pré-
texte pour rendre l'Empereur odieux. C'eft ce emi fut conclu à
Landftein le 2 o. Août 1400-.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. III. 53
XII. Les Ele&eurs fe raflemblérent la même année à Franc- Ekaîon d'un
fort pour élire un autre Empereur, ce qui ne foufFrit pas peu de autreEaip*-
difficultez. La plupart des Hiftoriens, Ù.entt'autrcsSerarimdans rcur'
fon Hiftoire de Mayence, conviennent qu'ils élurent Frédéric
Duc de BrunfVig ôede Lunebourg, fils du Duc Magnus. Il y en a
pourtant d'autres qui ont révoqué en douce cette éledion (a). ï*}Go$q'c
Quoi qu'il en (bit, le duc Frédéric fut aflafîiné à Fritzlar, en s'en modr.'jEtaV
retournant chez lui , par Henri comte de Waldek, & quelques au- v1, 9: ^J11-
très. Comme ce Comte étoit au lèrvice de l'Electeur de Mayence pg.VsV'"'0
audi-bien que les autres aflaflîns, ce dernier fut fort foupçonne &***• Nut*
d'avoir trempé dans cet aflaffinat, parce que l'Electeur de Mayen- 714.*^*/"
ce s'étoit oppofé à l'élection de Frédéric (b). Cependant il s'en pur- ( b ) Struv*
gea par ferment , &: le comte de Waldek lui-même l'en déchargea oViT'
par un a&e authentique. Les Eledeurs s'étant raiïemblez des le xvir. pag*
lendemain , on dit qu'il y eut concurrence entre Joffe marquis de 9*6'
Moravie , & Rouen élecîeur Palatin ; mais ce dernier l'emporta ,
& fut couronné l'année fuivante à Cologne. Cette élection ne flic
pourtant pas généralement approuvée. On ne voulut pas recevoir
Robert* Aix-la-Chapelle pour y être couronné. Quand il convo-
qua à Heilbron les villes impériales delà Suabe, elles refufércnt
de lui prêter hommage , à moins qu'elles ne fuflènt dégagées du rc , H(firt
ferment de fidélité qu'elles a voient prêté à Wenceflas (c). Quelques Schminci, de
Auteurs modernes ont avancé , mais fans preuve, que iVenceflasre- SCrf<Mar-
çut la nouvelle de fa dépofition avec beaucoup d'indifférence,, 6c purg. Ana.
que même il en fit des plaifanteries. Le contraire paroit encore *7l8'
par l'hifloire. Car dès qu'il l'eut apprife, il écrivit à Strasbourg
pour exhorter cette ville à lui être fidèle , & à le fecourir contre
Robert, fe faifant fort d'entrer bien-tôt avec fon armée ôc celle
des Princes de l'Empire mécontens de fa dépofition , pour fe van-
gerde cet affront. La ville de Strasbourg lui demeura en effec
fidèle , & elle en fut remerciée par Joffe Margrave de Brandebourg
6c de Moravie, qui promertoit un. prompt fecours. Il eft vrai qu'on,
ne voit pas que Wenceflas hk de grandes diligences pour exécuter
fes projets- de vengeance , foie que cela vînt de fon indolence natu-
relle, fbit que les fecours qu'on lui promectoit n'arrivaflent pas à
tems. En 1407. il écrivit à la ville de Rottenbourg , que les ducs
de Saxe 6c de Bavière 6c d'autres princes d'Allemagne fe join-
droientàlui pour chafler fes ennemis. Jufqu a l'an ^o^.lesvilles
de la Suabe lui payèrent le tribut ordinaire. Il ne quitta jamais 1*
ûtre de Roi des Romains depuis fa dépofition. Les Princes étran-
G iij
( ') Scbrninci^
54 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
gcrs le regardèrent toujours comme tel $ 6c même au Concile de
iVbiàipr.p Pife on ne voulut pas recevoir lesambaiTadeurs de Robert 3 parce
ïp. io. qu'on regardoic Wenceflas comme Roi des Romains (a).
Wencefasdc- XIII. Cependant malgré toutes Tes prétentions 3 légitimes ou
de BjLinc! non 3 ^ fallut qu'il fe contentât de régner en Bohême , encore n'y
écoit il pas fort en fureté. Car un an après fa dépofition de l'Em-
pire, Joffe marquis de Moravie fon oncle, de concert avec l'Ar-
chevêque , les Grands de Bohême & les marquis de Mifnie , l'af.
iiégerent dans fa capitale , fous prétexte de fa négligence &c de fa
fécurité dans le gouvernement. On fe réveilleroit à moins j il pro-
mit merveilles, donna des lettres d'amniit-ie ., & nomma quatre
perfonnes de difti notion & en crédit parmi le peuple , pour admi-
niftrer pendant un an les affaires du royaume (i). Mais ce calme
ne dura pas long-tems. Wenceflas retournant à Ion mauvais natu-
rel , on prit de nouvelles mefures pour s'en défaire. Les Grands
du royaume, par le confeil de Sigifmond roi de Hongrie fon frère,
& de Joffe fon oncle , l'allerent prendre dans une maifon royale oa
dansun monaftere prèsde^rr,^K72(2/)J> &: leconduifirent dans la
tour noire (3) du palais de Prague. Delà on le transfera dans
quelques fortereiles du païs, & enfin à Vienne en Autriche, où
il demeura prifonnier près d'un an, & n'en fortit que par le fecours
d'un pêcheur, dont ilannoblit la famille. Balbin nous apprend
qu'un des chanoines qu'il avoic fait mettre en prifon , lui prédit
un double emprifonnement en ces termes : Très-augufie Empereur,
vous avez fait mettre en prifon fans caufç , deux de vos' prêtres &
chapelains , fouvenez^vous que vous ferez, emprijonne deux fois 5 &
co?nme vous nous y avez^tenus quarante jours , vous y de m eurcre ^qua-
rante femaines. D'autres difent pourtant qu'il ne demeura que
lix mois dans la prifon de Vienne. Ce qui joint avec les dix-fept
femaines de fa prifon à Prague , fait à peu - près les quarante de la
prétendue prophétie. Après la détention de Wenceflas, Sigif?nond
s'avança en Bohême avec une armée de Hongrois. Ils y firent
des defordres inexprimables , tuant & violant par tout où ils paf-
foient. Ils enlevoient fur leurs felles de jeunes garçons & déjeu-
nes filles 3 6c les vendoient comme des chevreuils. Sipfmond ne fe
montra pas moins cruel que fes gens. Ne pouvant venir à bout de
prendre un fort qu'il avoit afliégé , il en cira fous de belles promef-
(1) Ce'toit l'archevêque Wolfram , Henri de Refis , Ottonàt Bttrgcvv de Eilin, ( Biliucnfis)
Jean de Krrtffina de Lkhtenbourg. Balb. Epitom. p. 410.
,( 2 ) Ville royale fur la rivière de Mife.
{$ ) Seconde prifon de fJ'encrJlffs,
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. III. 55
tes , le jeune Procopc marquis dé Moravie , Prince du Sang -, il le fie
attacher à une machine de guerre qui étoit devant la muraille,
afin que les aiïïégez fufîent contraints de tuer leur maître à coups
de flèches. Il n'en mourut pourtant pas 5 mais Sigifmond l'ayant
fait conduire à Brauna , l'y laifla périr de faim.
XIV. Au reûe Robert ne fut pas plus heureux que Wenceflas à Conduite de
réunir l'Eglife. Celui-ci fît même davantage s puifqu'il fit tout S"Çereu*
ce qu'il put pour faire confentir les concurrens à une nouvelle
élection. Robert au contraire traverfa de toutfon pouvoir le Con-
cile de Pife afTemblç pour l'extinction du fchifme , comme on l'a
vu dans l'hiftoire de ce Concile. Après avoir vu l'état de la Bo^
hême avant que Jean Hus y fift du bruit 3 il faut à prefent le voir
agir.
Jean Hus
commence à
Relater.
HISTOIRE
DELA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET D y
CONCILE DE BASLE-
LIVRE IV,
Eux cara&éres donnoient beaucoup d'autorité à
Jean Hus dans Prague 3 celui de Prédicateur dans
la chapelle de Bethléhem,.(i) & celui de Confef-
feur de la Reine Sophie. Wolfram écoic alors Arche-
vêque de Prague. Il mourut en 1402. & il eue peur fùccefîèur
JNicolas Puchnik, qui flégea tout au plus un an. On rapporte dp
J{ 1 ) Sur cette chapelle voyez les Hijl. des Gjncihs de Pife fê de Ctnfl, 'Jcça liui y fucceda à
^tienne dc.Cologne. Styfrid. p«g. iQ.
lui
ET DU CONCILE DE BASLE. IAv. IV. 57
lui une particularité qui peut découvrir Ton caractère. Wenceflas
qui connoifloit l'avarice infatiable de ce Prélat, le fit appeller
un jour, 6c lui donna permilhon de prendre dans ion thréfor
autant d'or qu'il en pourroit porter. Il en remplit tellement fa
robe 6c Tes botines, qu'il ne pouvoit remuer de la place. Le Roi
en rit de tout fon cœur , 6c l'ayant fait décharger de fon far-
deau , le cha (Ta de fa préfence fa). A Huchnik fuccéda en 1403. (»| Tahric.
Sbinko dç Hafembourg , fameux par fon zèle contre le Huflitif- ^";fain
me qui étoit encore dans le berceau. Jufqu'ici on n'en a vu que Batt.p.+iu
les femences jettées de loin à loin -y on en va voir la naiiïance
& l'accroiiTemenr. Le fchifme y contribua beaucoup. On accu-
fa même Jean Ht s d'avoir dit que depuis ce temsl'Eglife n'ayant
plus de vrai chef, il falloitvivreàla Grecque. D'autre côté Sigif-
mond irrité contre Boniface IJf. qui fbutenoit Ladiflas fon con-
current au royaume de Hongrie, écrivit en 1405. aux Grands
de Bohême des lettres très-fortes contre ce pape , défendant fé-
vérement d'envoyer aucun argent , fous quelque prétexte que
ce fut , en Italie (b). Wcnceflas de fon côté n'a voit pas lieu d'être (bj £*/£.p.
plus content de ce Pontife, parce qu'il avoit été l'infligateur de 4I2,
fa dépofîtion. Dans cette fituation les prédicateurs avoient un
champ libre pour prêcher contre la Cour de Rome , 6c contre
les Antipapes : Jean Hus entr'autres 3 foutenu par la Cour, 6c
accrédité dans l'Univerfité , où en 1401. il avoit été déclaré
doyen de la Faculté de Théologie , ne manqua pas une occauon
û favorable d'exercer fon zèle contre la corruption générale qui
regnoit en Bohême. Il femble pourtant qu'il n'attaqua d'abord
que le peuple 6c les Grands, par un mot que l'on trouve à la tète
de fes œuvres : Pendant que maître Jean Mus ne prêcha dans [es
fermons que contre les Ordres féculiers , tout le monde difoit que le faint
Efprit parloit -par fa bouche : il n'en fut pas de même quand il s *at~
taqua ait clergé ', c 'étoit mettre la main fur la plaie. Il ne prêchoic
pas feulement à Bethléhem } il le faifoit aufîî dans des fynodes
6c dans des convocations générales du clergé, 6c c'efl: apparem-
ment dans ces occafions que fon zèle éclatoit contre les vices
ôc les mauvaifes mœurs du haut 6c du bas clergé. On a donné
le précis de ces fermons fynodaux dans l'hiftoire du Concile de
Confiance (c). A l'égard des fermons de la chapelle de Bethléhem, (0 Tom. T.
comme ils étoient prononcez en Bohémien , c'eft là qu'apparem- pag* Z9'
ijnent il cenfuroit les mœurs des féculiers. Il n'en eft point parve-
nu jufqu'à nous. Au refte Jlalbin a fait un parallèle magnifique
Tom. I, H
5 8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
de cette chapelle avec Ortbage, & de Jean Hus avec Junon ,
qui préféra le féjour de Carthage à celui de Samos. C'étoit là,
dit-il , l'arfenal &c le char de triomphe de Jean Hus. Hïcilliusar-
( a ) Baib. ubi ma } /,/f r«rm fuit (a). Si ce n'eft pas là un trait d'hiïtoire , c'efb
^r;pa§- un trait d'hiftorien.
Livres de 1 1. Ce fut à peu près en ce tems-là que quelques livres de
àpCa£ucrtCZ ffc^/çf furent apportez à Prague, la première fois par un gen-
tilhomme de Bohême nomme Faulfifch ,poiiîon pourri (i), qui
avoit étudié à Oxford 3 & la féconde par deux écoliers venus
d'Angleterre 3 dont l'un s'appelloit Jacques bachelier en Théolo-
gie , l'autre Conrad de Candelberg ou Cantorberi. On a dit ailleurs
qu'à la première le&ure de ces livres,, Jean HtTs en fut fcandali-
fé , mais que dans la fuite il y prit tant de goût , qu'il élevoit Wiclcf
jusqu'aux nues. On raconte que ces deux écoliers Wiclefites
prièrent leur hôte de leur permettre de faire quelques peintures
dans le veftibule de la maifon. Ce qu'ayant obtenu , ils repréfen-
terent d'un côt#J. C. entrant à Jérufalem fur une ânelîe fuivi des
troupes à pied, & de l'autre le Pape monté fuperbement fur un
beau cheval caparaçonné , précède de gens de guerre bien armez,
de timbaliers , de tambours , de joueurs d'inftrumens 3 & des Car-
dinaux bien montez & magnifiquement ornez. La peinture plue
(a) iheob. fi fort à Jean Hus , qu'il en parla avec éloge (à) dans quelqu'un de
part. 1. Cap. ^s difeours publics , ôcinfpira à tout le monde l'envie de l'aller
s«^/i.ubi voir. La ville fut partagée à ce fpectacle , les uns admirant , les au-
fupr. p. 22. tres criminalifant le tableau. Un hiftorien dit que ces deux éco-
liers furent obligez de décamper de Prague 3 mais je croirois plu-
tôt que leur hôte leur donna congé , & qu'ils allèrent loger ail-
leurs _, puifqu'on les voit encore fur la fcène.
rrI-TÎCdS * ^s s'accacnerent ea effen f°rC a Jean Hus, qui de fon
je*» m*, côté fe plaifoit beaucoup dans leur converfation. Ils propofoienc
des queîtions fort feabreufes, comme celle-ci : Si le Pape cft plus
quun autre prêtre 3 fi le pain de l'Euchariflie a plus <£ efficace étant
confacrè par le Pape , que par un autre prêtre. L'affaire fit tant d'é-
clat, que le Recteur fut obligé de les citer. D'où êtes-vous /leur
dit il ? Nous fommes Anglois venus ici pour étudier» Comme il y
a bien des hérétiques en ce païs-là, repartit le Re&eur, nous avons
lieu de craindre par vos difeours , que vous ne foyez de ces fortes
de gens. C'eft pourquoi par l'autorité dont je fuis revêtu , je vous
défens abfolument d'avancer aucune pareille propofition dans
^ijC'eftla lignification du mot Allemand.
ET DUCONCILEDE BASLE..Z/v. IV. 5*
cette Univerfité j autrement on exécutera contre vous l'édit de
Charles IV. qui condamne au feu les hérétiques , fans en exceo-
terlesétudians. Pour faire leur apologie, ils préfenterent une at-
teftation de l'académie d'Oxford , en faveur de Wiclif. 'Jean Hus
en ayant fait la lecture , en eftima encore davantage ce do&eur,
dont il fit fon héros. Cependant Jean Hus aflocié de Jérôme de
Prètçue & de quelques autres , alloit toujours fon train, ne gar-
dant prefque plus déménagement. Ceci fe pafîa enrre 1403. de
1408 , autant que j'en puis juger au travers de la diverfité des
dates de mes Auteurs.
IV. Ce fut environ ce tems-là que Wenceflas follicité par les synodeaf-
moines & les autres eccléfîaftiques animez contre Jean Hus , or- fembié à
donna à l'Archevêque de rechercher par toute la Bohême les rasuc*
hérétiques, 6c de les punir. Ayant donc afîemblé unfynodepour
faire cette perquifition, il déclara qu'il n'y avoit point d'héréti-
ques en Bohême (a). En 1408. l'Univerfîté s'afTembla pour créer r^Fabrk.
un nouveau Recteur. LMiiftoire dit que Wenceflas fit donner cette Hirt. Mifn.
charge à fon maître de cuifine (b) , en attendant que l'Univerfîté LS\ tjL*.
alors fort divifée put convenir d'un Recteur. ut» fupr.p.tf.
V. Dans cette même aflemblée à la fbllicitation de Jean Hus , Affaire des
de Jérôme de Praçue Ôc de quelques autres , on entama l'affaire des tr°is v°ix-
J. . P • i • r • a A ,1 , Editde»7!?»-
crois voix , que le premier vouloit raire oter aux Allemands , pour cepas ^cp.
les donner aux Bohémiens , qui n'en avoient alors qu'une. » Il efl tus.
» vrai , difoit Jean Hus , q-e quand Charles IV. de très-heureufe
» 6c de très-fainte mémoire, fonda cette Univeriïcé, il ordonna
» que pour un temps les maîtres aux arts Allemands auroient
» trois voix dans l'élection du Recteur, 6c dans les autres actes aca-
» démiques, 6c que les Bohémiens n'en auroient qu'une. Mais ce
» très-louable Empereur ne fit ce règlement que parce qu'alors il
» n'y avoir que peu de gens à Prague qui eufïent reçu le degré de
«maître aux arts, ou de Docteur. Mais comme par la grâce de
» Dieu , nous fommes à préfent en grand nombre , il efl jufle que
» nous ayions trois voix , & que vous autres Allemands vous vous
«contentiez d'une feule». L'afTai repayant été agitée avec beau-
coup d'animofité de part 6c d'autre, fut portée à Wenceflas, qui
ne la termina qu'en ^oç.enfaveujr des Bohémiens par cet Edit
dont je donnerai le précis, parce qu'on ne l'a pu faire dans l'hif-
toirc du Concile de Confiance , où cette même affaire eft rapportée. »
» Quoiqu'il taille aimer tous les hommes , la charité doit pourtant
w être réglée par les degrez de proximité. Comme donc la nation
Hij
6o . HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITÊS
» allemande n'eft point rcgnicolc (jure incolatùs reqni Bohemicifror*
vfuscxpcrs , ) &. que cependant /comme nous l'avons appris par
»un témoignage très- véritable , elle s'eit attribuée trois voix
» dans tous les actes de rUniverfité de Prague , au lieu que la na-
»tion Bohémienne légitime héritière de ce royaume n'en a qu'u-
rne j Nous considérant qu'il efl fort indécent que des étrangers
y» joiiiilent des privilèges des naturels du pais 9 au préjudice de
«ceux ci, ordonnons abfolument en vertu decesprefentes , que
»>fans délai & fans contradiction , la nation Bohémienne dans
» tous lesconfeils, jugemens & autres examens, élection & tous
»a&es&. difpofitions académiques 3 jouilîe déformais de la pré-
» rogative des trois voix ou fuffrages , comme cela fe pratique dans
» l'Univerfité de Paris , dans celles de Lombardie & d'Italie , fous
*> peine de aotre indignation (i ). On a vu dans l'hiftoire du Con-
cile de Confiance quelle fut la fuite de cet Edit, qui caufa la dé-
fertion générale des maîtres & des écoliers Allemands de l'Uni-
verfité j on y ajoutera feulement quelques particularité?. On pré-
tend qu'avant que l'Edit fût publie , les Allemands s'ailemblérenc
dans quelque collège, pour délibérer fur le parti qu'ils pren-
droient , en cas qu'ils perdiiîent leur caufe. La refolution fut en
ce cas-là, de fe retirer tous de Prague fous peine de perdre deux
doigts , fi quelqu'un y demeuroir , dans l'efperance qu'on les rap-
pelleroit. Il s'en retira même pluiieurs fans attendre lafentence,
au grand déplaifir de leurs hôtes, qui perdoient beaucoup à cette
évafion. On dit même qu'après leur départ y ces hôtes irritez
(a)Weob, mirent le feu au collège de Théologie^. La fentence rendue pu-
P-7- blique , le refte décampa. Il en demeura pourtant quelques-uns ,
à qui apparemment on ne coupa pas les doigts j maison peut ju-
ger 3 qu'ils ne furent pas favorables à Jean Hus , qu'ils regar-
doient comme le principal auteur de l'affront que prétendoient
avoir reçu, leurs compatriotes. D'ailleurs cette retraite générale
mit l'allarme parmi les bourgeois de Prague, ôefur tout parmi
les artifans, & les anima fort contre Jean Hus. Tout cela joint
auxemportemens des moines &du clergé, ne pouvoit manquer
de lui attirer des ennemis enfouie. Cependant comme il avoit la
faveur de la cour , l'eitime & Pamour de ce qu'il y avoit d'éclairé
( i ) L'Editeft donne des montagnes de Cuttenbourg du 13. Octobre 140p. L'infcription
porte, Wenceslas/w lagrace de Dieu Roi des Romains , toujours Angujie , <£ Roi de Bohême ,
*ux honorables le Reileur Ç$ à tous les Maîtres de ÏUniverJite , nos dévots <£ chéris. Balbin. ubi
jupr. p. 428. On voit par là , comme il a déjà été remarqué, que IVeticcJlas ne fe dépouilla
jamais de la qualité d'Empereur , malgré fadépoiitiou»
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. IV. 61
dans la ville & dans l'Académie , l'orage fut bientôt difTipé. Lors
qu'il fut queflion d'élire un nouveau Re&eur, tous les fufFrages
fe réunirent fur fa perfonne, & il fut élu à cette charge le 1 7 d'Oc-
tobre 1409.
V 1. 11 s'en acquitta avec les applaudiflemens de tout le monde, jemjius.
Dans ce nouveau grade il crut avoir les coudées plus franches. Juf- Recteur.
qu'alors il femble qu'il n'eut approuvé Wiclef qu'en termes vagues
& avec ménagement , & même iî l'on en croit un Auteur fort anti-
Huffite, il avoir confenti , ou au moins fermé les yeux à la con-
damnation de quarante -cinq articles de Wiclefen 1408. ( 1 ) Il
n'en fut pas de même quand il t\n Recteur. Quelques - uns difenc
pourtant qu'il ne foutenoit/^-W^/ qu'en cachette,, d'autres qu'il
le faifok hautement.Je croirois plutôt ce dernierpar les chofesqui
lui arrivèrent dans la fuite.
VII. Quoique l'archevêque S^/0^0 eût déclaré qu'il n'y avoit L*archevc*
point d'hérétiques en Bohême , il fut tellement follicité par les lucd,ePra-
antagoniftes de Jean Hus , qu'il le manda dans fon palais , ôclui à^»H«i
parla en ces termes , en prefence de tout le chapitre : » Mon cher
fils, j'ai oui dire que Dimanche pailé , vous avez prêché qu'on
«pouvoit enterrer non feulement dans le temple , mais dans les
» champs & dans les bois , fans aucun danger defalut. Vous n'i-
«gnorezpas que St. Adalbert eut bien de la peine à ramener les
«Bohémiens de ces fépultures champêtres , & fut obligé de les
«excommunier pour cela 3 jufqu'à ce qu'en 1039. le Duc Brzgtis-
»las s'obligea & toute fa pofterité par un ferment inviolable à
»obferver la religion Chrétienne, èc à fe faire enterrer dans les'
«lieux deftinez à cet ufaçre. Jean Hus répondit modeftemenr ,
mais d'une manière vague , Que fi far malheur ou far inadvertance
il lui étoit échappé quelque chofe contre la foi chrétienne , il et oit prêt
de s'en corriger. Dieu le veuille , répondit le Prélat, aliéné* ne $è-
che^plus (aj. Je ne comprens pas bien comment l'archevêque fe fajïM.tAi
borna acereproche, après avoir exhorté Jean Hus 3 comme on fupr.p.p.
dit qu'il le fit dans cette occafion , à s'éloigner de la doctrine de Wi-
clcf, & à ne pas foulever le peuple enclin aux nouveauté^ Je ne me
fouviens pas fi Wiclefzvok enfeigné ce dogme de l'indifférence *»
delafépulture. Au moins cet article ne fe trouve-t-il pointparmi
les quarante-cinq rapportez par Cochlée. J'ai bien lu quelque parc
que les Vaudois tenoient qu'il eft indiffèrent où l'on foit enterré a
apparemment parce qu'on leurrefufoitlafepulture dans les cime-
Ci) Cocblœus Huifit. pag. 1 1 , 1 3 . Je ne trouve ce fait que dans cet Auteur.
Hiij
Ci HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
tieres , qu'on appelioic terre fainte , ou parce que fous ce prétexte
les prêtres gagnoient beaucoup d'argenc.
Livresdem- VIII. Ce fut il je ne me trompe , dans cette même conjoncture
clef bvùlez. que sèinko ordonna qu'on lui apportât tous les livres de Wiclef^
pour en faire un facrifice à Vulcain , comme on Ta vu dans Yhiftoi-
re du Concile de Confiance. Il s'en fallut pourtant beaucoup que cet
ordre ne fût exactement exécuté. Il s'en conferva quantité chez
des particuliers , qui ne jugèrent pas à propos de les facrifîer au
zélé de l'archevêque. Jean Hus tes traduifoit en Bohémien,
en envoyoit des copies aux feigneurs de Bohême 6c de Moravie.
Cochlée rapporte qu'il envoya ijoffe (i) marquis de Moravie, la
traduction des trois livres du Trialogue, dont on a parlé ample-
jean Uns ré- ment dan s Yhifioire du Concile de Pife.
îiiie à l'ar- jx# Depuis ce temps-là Jean Hus parla plus haut que jamais.
public!"6 " Le Dimanche qui fuivit l'exhortation de l'Archevêque, il s'ex-
pliqua en ces termes , parlant à fon auditoire : » Mes chers Bohê-
» miens, n'eft-ce pas une chofe bien étrange, qu'on défende de
»vous manifefter la vérité , 6c fur tout cette vérité qui éclate en
» Angleterre , & en d'autres lieux , comme, par exemple ; que l'u -
» fage des fepultures particulières , ôc des grandes cloches ne fert à
» rien , qu'à remplir la bourfe des prêtres ? Il y a aufïi beaucoup de
»chofes, qui fous prétexte d'ordre, ne font propres qu'à jetter
» de la confufîon dans la chrétienté. Ces gens.là abufant de votre
« {Implicite , veulent vous brider par leur ordre defordonné. Mais
» Ci vous voulez montrer que vous êtes hommes , vous romprez ai-
«fément ces chaînes, & vous vous mettrez dans une telle liber-
j>té, que vous croirez être fortis de prifon. D'ailleurs n'eït-ce
«pas une honte & une grande ofFenfe envers Dieu , que contre
(a)Tbeob. ubî"tout droit & raifon , on ait brûlé des livres dépofitaires de la
fupr. » vérité, &; feulement & uniquement écrits pour votre bien (a) ?
«Tout ceci, quoique tiré d'un auteur proteftant, ne fait point
» d'honneur à Jean Hus. Il y paroît de la mauvaife foi , de l'empor-
tement ôcdurelTentiment. Il avoit promis à fon Archevêque de
fe corriger ,& deux jours après il recommence avec plus d'éclac
• qu'auparavant. D'ailleurs c'étoit foulever le peuple, ôcpourainfî
dire fonner le tocfin contre fes fupérieurs. Ce qui ne manqua pas
d'arriver, puifqu'on vit auffi-tôt courir des fatyres 6c des vaude-
villes contre Sbinko. Si donc il trouvoit que Wiclefeût raifon , &
s'il fe croyoit obligé de prêcher fa doctrine 3 il falloir, le repréfen-
jÇi) Sur ce Jûjfe voyez fbijt. du Concile de Pife. Part. II. p. il.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. IV. 6}
ter avec candeur &, avec refpect à l'Archevêque, ôc avant que
d'éclater, lui demander un fynode pour examiner l'afFaire. Ilîe- (a)«J»fupr.
roit encore plus blâmable, comme le rapporte Cocblée (a), s'il P-18- 1$-
avoir autorité des artifans , & toute forte de gens , 6c même des
femmes, à dogmatifer6c à déclamer contre le clergé. Cet auteur
ajoute qu'il y eut une femme qui compofa un livre où elle fou-
tenoit qu'à larefervede7^#/f#j 6c des Huffites,il n'y avoit plus
d'E°-life fur la terre. Mais il y a beaucoup de choix à faire & dans
ce qu'on a dit contre Jean Hus , & dans ce qu'on a dit en fa fa-
veur. Quoiqu'il en foit, l'archevêque en porta des plaintes au
roi, mais inutilement. Je comprens même que ce fut alors que
ce monarque reconcilia Jean Hus avec fon prélat. Réconcilia-
1 *• ti on de 7(\îv»
X. Cet acte de reconciliation fut fort folemnel. Le Patriar- hu$ avec
che d'Antioche, l'Evêque d'Olmutz, i^r/^nV Electeur de Saxe , r«chcvô-
Stibor duc de Tranfyivanie, ambafladcur de Sigifmond Roi des 4ae
Hongrois, qui pour lors étoit déjà Roi des Romains (i) , toute
l'Uni verfité , plufieurs barons, gentilshommes, clients, les con-
fuls de Prague , 6c quantité de citoyens y étoient , & lignèrent le
traité. L'Archevêque déclara publiquement, qu'il n'avoit point
trouvé d'héréfîe dans la doctrine de Jean Hus , ôc eut ordre de le
faire fçavoir au Pape JeanJfJCIII. On peut voir toute la fuite
de cette affaire dans les Conciles de Pïfe 6c de Confiance. Avant que
de finir ce livre , voyons ce qui fe palîa ailleurs dans cet intervalle
X I. Pendant que ces chofes fe paffbient en Bohême y le fchif- Italie & Et
me occupoit toute l'Europe. On afîembla le Concile de Pife dans PaSne»
la vaine efpérance de le terminer. C'eft ce qu'on a vu amplement
dans rhifioire de ce Concile , 6c dans celle du Concile de Con-
fiance. Comme ces deux hifloires contiennent les principaux éve-
nemens de l'Egli^, & du fiède depuis 1409. jufqu'à 141 8. que
finit le Concile de Confiance, 6c que commence la guerre des
Huflites, nous parlerons par deflus toutes ces années, pour voir
ce qui fe fit dans les païs étrangers , avant que de revenir en Bo-
hême. On a vu dans l'hifloire du Concile de Confiance , que
Martin V. fit quelque féjour à Mantouë , & qu'il y expédia di-
verfes affaires. Entre autres , il y négocia la paix entre Ladi [fias
Roi de Pologne, & les chevaliers de l'ordre Teutonique. Ce fus:
pour cela qu'à la requifition des derniers il envoya les Evêques
(i) Ce qui méfait juger que ceci fe pafla en 1410. qui fut l'année de l'éle&ion de Sigif*
nwidf ou au conamen cernent de 141 I. Sl'inko cUtxt mort cette année-là.
64- HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
de Spolette & de Luques en Pologne,, où ils trouvèrent le Roi
fort difpofé à la paix. Ils allèrent auffi-tôt notifier ces bonnes
difpoiitions au grand Maître Michel Cochmei/ler qui étoit alors
àThoren. Pour mieux juger de ces démêlez, ils demandèrent
la communication des droits 2c des privilèges de l'Ordre. Après
les avoir examinez , ils prononcèrent en faveur des chevaliers,
èc condamnèrent le Roi fans l'avoir entendu (i). Le prince s'en
plaignit amèrement à Martin par une longue lettre qu'on peut
voir toute entière dans Dlugos. Le Pape irrité contre (es Légats,
les rappella. La négociation de la paix fut continuée à Cafchau
en haute Hongrie, parce que Sigifmond y avoit offert fa média-
tion 3 mais les chevaliers n'ayant pas voulu l'accepter, Sigifmond
fe rangea du parti de Ladifias 3 & lui offrit du fecours contre les
chevaliers. Ce fecours ne venant point , Ladifias fit une trêve de
deux ans avec les chevaliers par Pentremife & Alexandre Withoud
grand duc de Lithuaniefon frère (i). L'année précédente Mar-
tin V. avoit publié une bulle contre les Juifs qui fe mêloient d'e-
xorcifer , 6c de faire des profélytes parmi les chrétiens, & qui exer-
çaient impunément une ufure excefïîve. Cette année il prit en fa
prote&ion les mêmes Juifs opprimez par les Chrétiens, foit fous
prétexte de religion, foit par avarice. La bulle qui cft dattée de
Mantouë , mérite d'être rapportée 3 parce qu'elle efr. bien moti-
vée. » Comme les Juifs font faits à l'image de Dieu j que le réfidu
» en doit être fauve ; que leur commerce eft utile aux Chrétiens 9
»>& qu'ils implorent notre fecours & notre miféricorde: Nous,
» voulant marcher fur les traces de Calixte 3 d'Eugène , d'Alexan-
?» dre 3 de Clément 3 de Celé fl in , & Innocent 3 & Honoré 3 de Grégoire 3
» d'Urbain 3 de Nicolas 3 & des autres pontifes Romains nos pré-
» décefleurs d'heureufe mémoire qui ont eu égard à leurs prières,
» comme cela paroît par plufîeurs lettres apoftoliques , Nous or-
» donnons qu'ils ne foient moleftez par qui que ce foit dans leurs
»fynagogues, ôc qu'on les laiffe jouir en toute liberté de leurs
» loix , de leurs droits , de leurs coutumes de de leurs inftitutions ,
» pourvu que ce ne foit pas au préjudice des bonnes mœurs & au
m mépris de la foi Catholique , & qu'aucun Chrétien 3 de quelque
» condition qu'il foit, n'entraîne violemment au baptême aucun
(i) Dingos ne veut pas décider fi ces Légats furent gagnez par prières ou par argent. Cro-
tner dit nettement que ce fut par des préfens.D/wgvw. L.XI. p. 3pf. Cromer L. X VIII. p. 476»
jRrt/». An. 141p. n. 1.
(2) Les Hiftoriens de Pologne prétendent qu'il y avoit collufion entre les Chevaliers & Si-
tùfinond , & rendent la bonne foi de ce dernier fort fufpefte. Dlug, p. 2 \C 400.
Juif
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. IV. 65
» Juif, de quelque âge qu'il foie ; qu'on ne les empêche point d'ob-
» ferver certaines fêtes & certaines folemnitez qui ne font pas dans
» leurs loix , s'ils veulent le faire j & que de leur côté ils ne trou-
» blent point les Chrétiens dans leurs fetes & dans leur culte, (a).
De Mantouc Martin alla à Ferrare, d'où il envoya l'Evêque w&qniAi.
de Sabine léeat à Venife pour y abfoudreceux de cette Repu- Ann- 141^*
, ,. . o r. J ,, r Num. z.
clique, qui pouvoient avoir encouru 1 excommunication pen-
dant le fchifme. On a vu ailleurs que de Ferrare il alla à Flo-
rence. Pour s'y rendre, il prit le chemin de Ravenne & de Forli
fans parler à Bologne qui avoit fecoué le joug du fiége de Rome,
& dont Antoine Bentivoglio s'etoit rendu maître. Le Pape recou-
vra bientôt après cette ville par le fecours du général Braccio ,
après s'être reconcilié avec lui à Florence. Quoiqu'il fut reçu
à Florence avec grande pompe, il ne laifl'a pas d'efluyer pluiieurs
chagrins. Cependant il y féjourna un an Se demi, parce que Ro-
me n'étoit pas encore libre. C'eft de là qu'il renouvella l'excom-
munication de Pierre de Lune , qui fe tenoit toujours pour Pape
dans fa forterefle de Pénifcola. C'eft ce qu'il fitfolemnellement
Te Jeudi faint , le comprenant &. tous Cqs adhérans dans la lifte
de tous les hérétiques & fchifmatiques , que les Papes ont ac-
coutumé d'excommunier ce jour- là.
Il faut que Martin fe fût alors reconcilié avec Alphonfe Roi
d'Arragon, puifque du confentement de ce dernier il fît divers
changemens dans les Eglifes d'Efpagne. Il établit dans le royau-
me de Valence , à la requifition du même Roi, un inquifiteur pour
la converfîon des Juifs & des Maures, par une bulle dattée de
Florence du 26 d'Avril. L'inquifition ne s'exerçoit en ce temps-
là à Valence que par des commiflaires de l'inquifîteur d'Arra-
gon (b). Pierre de Lune avoit fait une conftitution contre les Juifs, ( b ) Bw.
par laquelle il leur défendoit la le&ure des livres du Talmud , d'u- Ann- ,4*>
1er de paroles injurieufes & ofFenfantes contre les cérémonies des
Chrétiens , de bâtir une nouvelle fynagogue , voulant qu'ils fe
contentafîent d'une feule dans chaque ville , & d'exercer aucune
charge ni dignité dans la république. Une vouloit pas non plus
qu'on permît à aucun de cette nation d'exercer la médecine ou
la pharmacie. Il défendoit en même temps aux Chrétiens de
fe mettre au fervice des Juifs , qu'il ordonnoit de diftinguer des
autres peuples par un ruban rouge ou jaune que les hommes por-
teraient fur Peftomac , & les femmes fur le front. Il leur étoit in-
terdit de prêter à ufure , non pas même fous le prétexte artiâ-
Tom. I. I
U HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
cieux d'une vente fimulée. Pour les Juifs qui fe convertiroienc,
il leur confervoic le droit de fuccéder , 6c de retirer la part qui
leur appartiendroit de tous les biens de patrimoine. Outre cela
la bulle les obligeoit d'affilier trois fois chaque année aux difpu-
tes & aux controverfes fur les points principaux de la Religion.
On envoya dans toutes les provinces d'Efpagne des copies de
cette bulle 3 que l'on conferve encore dans les archives de i'Eglife
(i )THjioire d'Arragon (a). Martin V. en ht fufpendre l'exécution , fans doute
fEfbawe t Parce cîu'^ ne vouloit pas que Pierre de Lune fiil aucun ade de
III. p. 4$tf. fbuverain Pontife.
&457- Pendant que Martin V. ctoit à Florence , quatre cardinaux de
Pierre de Lune vinrent l'y reconnoître. BalthafarCoJJa 3 aupara-
vant Jean XJC1II. en fit de même. Martin V, pour l'en récom-
penfer l'aggrégea au nombre des cardinaux, & le fit doyen du
facré collège. Il voulut même que dans toutes les cérémonies pu-
bliques , il fût le plus près de fa perfonne 3 & fur un fiége plus éle-
vé que tous les autres cardinaux. Il ne joiiit que peu de temps de
cette gloire, étant mort fix mois après à Florence, où le grand
Cofme de Medicis lui fît des obféques magnifiques. Au refle on
fb) Franc, fait ce Pape auteur d'un poème fur la variété de la Fortune, (b).
"^Gft ^a m^me ann^e Martin publia une bulle, par laquelle il ex-
pontif.Rom. hortoit tous les princes Chrétiens à fe croifer pour affilier 'Jean
t. iv. p. r0j de Portugal dans la conquête de l'Afrique , Se en même
temps dans la converfîon des Maures. Mais ces princes n'étoient
guéres en état de fè mêler d'une affaire étrangère , pendant qu'ils
en avoient tant de domefliques furies bras. L'Italie n'avoit pas
encore eu le temps de refpirer après les horribles confufions qu'un
long fchifme y avoit caufées. Les Efpagnols n'éroient pas non
plus en état de rien entreprendre pendant la minorité du jeune
Roi Alfhonfe.
.... XII. L'Allemagne étoitdéfolée par les guerres civiles. Thierri
Allemagne. . ' , 6. . * *> ...
Archevêque de Cologne en avoit une avec cette ville 3 ou tous
les Etats circonvoifins furent intriguez. 'Jean de Naffau Arche-
vêque de Mayence en particulier fe joignit à celui de Cologne
contre ceux de Cologne ; mais le premier de ces prélats ne put
voir la fin de cette guerre, puifqu'il mourut cette année après
avoir fiegé 24 ans. On l'a fouvent vu paroître dans YHifioire
du Concile de Confiance. Les Turcs & les Bohémiens donnoient
allez d'occupation à Sigifmond Roi de Hongrie , pour ne pas pen-
ser à d'autres affaires.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. IV. 67
XIII. Les François & les Anglois étoient toujours aux mains. France *•
La guerre incefline des princes de France s'étoic rallumée avec nsetertc*
autant de fureur que jamais. Ce fut cette année que Jean duc
de Bourgogne, auteur du meurtre de Loiiis duc d'Orléans 3 fut
aflMîné à Montereau dans l'ifle de France par les gens de Char-
les dauphin de France. Il n'eu pas de mon fujet de rapporter
ici les diverfes opinions fur cet ailaflînat. Je me contenterai d'in-
férer la réflexion que fait le pereD^»/>/îà-deflus. Ce qui efi cer-
tain , c'efi que cette déplorable fin de Jean duc de Bourgogne fut re-
gardée comme un effet de la Jufiice divine , qui avoit différé juf que $
a ce moment la punition du dète fiable affaffinat commis environ douzg
ans auparavant. Le fouvenir de ce crime fit qu 'on plaignit moins ce-
lui qui en avoit été l'auteur , quoique d'ailleurs ce fût un prince deï
plus accomplis de fon temps , grand capitaine , habile dans l'art de gou-
verner 3 dont une grande preuve efi l'autorité qu'il prit fur les Fla-
mans malgré leur génie indocile , aimé & redouté de la nobleffe &
du peuple , qui ne lui fit jamais la moindre peine. Son ambition dc-
mefurec mit la France en combufiion 3 & a rendu fa mémoire autfi
exécrable } quelle a toujours été chère &précieufe aux Flamans (a). (a) mû.d*
En 141 9. mourut à Vannes en Bretagne le célèbre Vincent *ranc:d" p'
i-v •••T-r iiT-» itt-1 /\r Daniel ,
Jerrier , Dominicain Eipagnol du Royaume de Valence , âge Tom. M.p.
d'environ 6 5 . ans. On a vu dans Phiftoire du Concile de Conflan- 9°z-
ce la grande part qu'eut ce moine aux affaires de ce temps-là.
Ltant tombé malade à Vannes , dit le P* Lobineau dans fon hiftoire
ce Bretagne , les cinq compagnons de fon Ordre , qu'il avoit amenez^
dEfpagne avec lui , firent de fi grandes infiances pour lui perfuader de
s'en retourner finir fa carrière dans fa patrie , qu'il fie laijfa emmener.
24. ais à peine fut-il embarqué que la violence de fon mal £ obligea de fe
faire rapporter dans la ville. Son retour rendit la joye aux habitans ,
ctmme fon départ les avoit comblez^ de trifieffe , $• il fut reçu dans la
ville au fon de toutes les cloebes. Dix jours après il mourut dans une
naifon particulière. Après quelques particularitez miraculeufes ,
rhiftorien ajoute que Vincent ne fut pas plutôt mort, que le Duc
{^)fit dire des Meffes à fon tombeau 3 comme on en dit aux tombeaux
drs autres Saints , & fut des premiers k faire des informations de fa
vie , & de fies miracles pour fa jeanonifation qui fe fit en 1455. Ses
reliques étoient gardées précienfèment à Vannes, 6c en d'autres
lieux de la Bretagne. » Mais _, dit le P. Lobineau , la Bretagne pen-
( 1 ) C'efl; Jean V. Duc de Bretagne que le P. Lobineau reprçfente plus d'une fois comme UH
Prince de vot jufqu'au fcrupulc.
68 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
«fa perdre ce tréfor dans le temps de la ligue , lorfque quelques
«foldats Efpagnols qui étoient en garnifon à Vannes , &qui fë
«trouvèrent par hazard être de Valence, mandèrent à la Cour
«d'Efpagne î'occafion favorable qu'ils avoient d'enlever fon
v corps. Philipe II. approuva l'entreprife , mais voulant faire la
«chofe plus honnêtement, il écrivit au Chapitre le 20. de Juii-
«let 1592. une lettre allez courte, dans laquelle il fuppofoit que
*le Chapitre avoit offert de iui envoyer ces reliques, ajoutant
♦> qu'il leur étoit fort obligé de leur honnêteté ,& que le plûtô
«qu'ils pourroient exécuter leur promefle, ils lui feroicnt un
» très-grand plaifir, dont illeurferoit fort obligé. Ce font à peu
«près Ces termes. Mais comme les Efpagnols s'apperçurent que
« cette lettre ne produifoit rien , ils s'aviferent d'un ftratagême
«pour faire réiiflir leurentreprife. Les Chanoines en furent aver-
«tis fort à propos , & quelques-uns d'entre eux, la nuit , & les
«portes fermées, cachèrent fî bien la châfle, qu'elle a été^.
« ans inconnue. Elle fut heureufement trouvée en 1 6 3 1 . par l'Eve-
» que Sébafiien de Rofmadec , qui en fit la tranflation le G. de Sep-
«tembre, jour qui fe célèbre à Vannes avec une grande folem-
(aW-<k»nité (a).
Bretagn. Liv. *_ .y ' ,
xv. p. 5jd. ruiique nous en lommes a la Bretagne, nous dirons que le Duc
5î7» de ce nom, après avoir travaillé inutilement à la paix des deux
Royaumes, fît une ligue défenfive avec les Anglois. Il s'en trou-
va mal , car le Dauphin irrité de cette démarche lui fufcita Mar-
guerite de Cliflon , veuve de Jean de Blois , qui prétendoit que la
Bretagne étoit à fes enfans. Il fut arrêté en Anjou , où l'aîné des
fils de Marguerite l'avoit fait inviter, & de la conduit en Poitou,
Les Bretons s'armèrent aufîî-tôt pour la délivrance de leur Duc.
L'ayant obtenu la force à la main, on fit le procès aux quatre
ni/ £a/.ry' ^s ^e Marguerite , & ils furent condamnez à mort (a). Retour-
Tom. xxi, nous en Bohême.
Part. II. p.
S°2.JoJ.
lïilfa
m
HISTOIRE
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE.
LIVRE V.
Uo i qju e les Huflites prévalurent en nombre , il ne Origine da
paroîc pas qu'ils en foienc venus à des voyes de fait au Tm*at du'c»?
moins éclatantes avant le fuplice de Jean Hus , & de îkc
Jérôme de Prague. On fe contenta de difputer avec
beaucoup d'animoilté pour & contre la communion fous les deux
efpéces. Si l'on en croit quelques Auteurs y elle ne futquerenou-
vellée à Prague, y ayant déjà été prêchée, mais bien-tôt fup-
primée, quelques années auparavant, comme on l'a dit ci-deflus.
Ce fut un nommé Pierre de Drefden > qui au raport à'JEncas Syl~
liij
(.)H4fc*...7P HIST- DE LA GUE^^E E>ES HUSSITES
hem. Cap. V/|W ^ ^ en avifa jacobel Prédicateur dans l'Eglife de S. Miche! a
Prague. C'eft ce qui a été aflez amplement rapporté dans les hif-
toires des Conciles de Pife & de Confiance. Mais comme on n'y a
parlé qu'en paflant de Pierre de Drefden , il doit trouver ici une
place particulière comme caufe innocente des troubles d'alors.
Je puis bien le défigner ainfi fans fortir du caractère d'Hiftorien ,
parce qu'il ne le fit pas dans la vue de troubler, mais dans celle
de rétablir une inftitution qu'il croyoit divine. Il paroîcque dès
(b) Ville de l'an 1409. Jacques de Mife (b) , ou Jacobel , & Pierre de Drefden
Bohême, étoient fort unis avec Jean Hus , de même que Jérôme de Prague ,
Jean de Jeffinet^ Mathieu Enguenim & Pierre de Launy. Ce fut
cette même année qu'arriva la défertion des écoliers Allemans
de l'Univerfîté de Prague qui donna auffi apparemment occafion
à Pierre de Drefden de retourner en fa patrie. ( 1 ). Il enfeigna d'a-
bord les belles lettres à Drefden, puis à Chemnitz^, & enfuiteà
Zuifkaw. Mais comme il fe rendit fufped de HufTitifme , qu'v£-
neas Sylvius appelle la lèpre Vaudoife 3 il quitta la Mifnie pour re-
tourner en Bohême où il fe croyoit plus en fureté , parce que
Jean Mus y avoit un parti confiderable. Il y exerça la même
profefîîon 5 fi ce fut en public 3 ou en particulier , c'eft ce qui n'en*
ni aifé ni important à fçavoir. Ce fut alors que Jacobel convaincu
par les raifons de Pierre de Drefden prêcha ôcadminiftra la com-
munion fous les deux efpéces , en l'abfence de Jean Hus , foit qu'il
fût encore à H uljînets , foit qu'il fut déjà au Concile , comme ce
dernier eft plus vraifemblable. Pierre eut d'autant moins de pei-
ne à perfuader Jacobel > qu'il y avoit encore alors plu fieurs Eglifes
privilégiées où l'on communioit fous les deux efpéces avec des
tuyaux préparez pour cela. C'eft ce qu'affirme Beatus Rhenanus
dans fes notes fur la Couronne du foldat , de Tertullien. D'ailleurs
Conrad Pellic an témoigne avoir vu dans les premières conftitutions
des Chartreux , qu'il leur étoit défendu d'avoir des vafes précieux
àlaréfervedu Calice, Se du tuyau dont les Laïques prenoientle
fang dej. C. (2). Un Evêque de Lucques nommé Fervando, dit
dans une lettre qui fut envoyée en Bohême , qu'en plufieurs mo-
•
( 1 ) Ilpouvoitétre dans les fentimens de Jean Hus par rapport aux dogmes, & dans le
parti des Allemands par rapport aux trois voix.
( z) Beatus Rhenanus ad lertull. de Corona militis f. 41 3. Nenpoffum celare Jlndiopis antiqtû-
tatis Cbrijlianœ , Latcos olim cannis folttos haurire Dominicum Sanguintm e Calice , qnod pr.tdem
tnihi indicavit Paulus Voltzius Abbas EugonianiCœnobii. - btVatte Albertina. - idem imper re-
perttinCartHjïorum Conjlitutionibus Conradus Pellicanus - - ubi prnbibetur ne quidquam pretio-
ferum Va forum poffideant prêter Calicem Argenteum , <$ fiftulam qua Laici Dominicum fqnguiwttf
exforbeat/t. Apud Jacob, Ihomajtum de Petr. Dresdtnji §• 5i>- Litt. g.
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. V. 71
naftéres , foie par privilège , foie par coutume 3 non feulement
l'Officiant, mais le peuple communioit fous les deux efpéces y
mais que p'erfonne ne croyoit que cela fût de néceffité. Jean Hus
lui-même, quoiqu'il approuvât Pentreprife de Jacobel, regar-
doit à peu près la chofe fur ce pied-là. Un Hiftorien a même avan-
cé qu'il avoit écrit de fa pijifon aux auteurs de cette entreorife ,
qu'ils avoient enfin trouve un Calice qui bateroitfia mort{i ). C'efï ce
qui ne fe trouve pas néanmoins dans fes œuvres. On peut voir
dans Yhifioiredu Concile de Confiance ce qu'il penfoit là-deflus. C'en:
que bien qu'il ne crût pas la communion fous les deux efpéces
abfolumentnéceiïaire, il croyoit pourtant qu'elle étoit légitime
& très-utile 5 qu'elle devoit être accordée au peuple auiîi-bien
qu'aux Prêtres , & qu'il ne falloir troubler ceux qui prêchoienc
cette dodrine (a). Au lieu que Jacobel & Pierre de Drefiden la HMfi£*L
croyoient abfolument néceflaire , parce que J. C. Pavoit comman- foi. x l 1 i.
dée formellement. Quoi qu'il en foie , 'Jacobel incité yn Pierre de ££Xn&
Drefiden publia des thefes en faveur de la communion fous les deux
efpéces. Comme il s'appuy oit principalement fur S.JeanVL 5 3 .un
de fes Antagoniftes nommé Maître Elie lui repréfènta qu'il fe
trompoit, parce que dans ce pafTage de S. Jean il ne s'agit que de la
manducation fpirituelle , PEuchariftie n'ayant point encore été
inftituée. Oui, répartit Jacobel, mais quand J. C. l'inftitua , il
commanda à tous de boire la coupe. Mais répliqua le do&eur , ce-
la fe fit après fouper , pourquoi n'imitez vous pas J. C. & ks Apô-
tres à Péeard de cette circonstance (b) ? On prétend que Jacobel ih)Jhom!t-
£> , , __. > • /• *. .1 1 ■ fl- /«« ubi iupr.
acquiefça pour lors , mais que le Dimanche luivant il ne lailla pas g2 Hagec
de prêcher la communion fous les deux efpéces dans fa Paroifîe Hift. Boh.
de S. Michel. Le lendemain le Curé de S. Martin , nommé Sigifi- p"J£81417'
mundus R%epanki , difciple de Jacobel, prêcha la même dodrine ,
& même donna la communion fous les deux efpéces. Je reviens à
Pierre de Drefiden.
Quelques'Hiftoriens ont écrit qu'il retourna dans fa patrie en
141 5. Mais le célèbre Jacques Thomafius dit fortbien là- deiTus ,
quelle apparence qu'il eût quitté Prague qui paflbit pour l'afyle
des hérétiques , pour retourner en Allemagne où les bûchers
étoient allumez de toutes parts , comme à W ormes , à Spire, à Ra-
tifiions , à Gotha , à Berlin , à Sançuerhufie , à Magdebourg T à Stral-
fiundfi Pierre de Drefiden mourut fort âgé en 1 440. C'eft à lui qu'on
(i)Illos tiViflcmreperiJJe poculum tjuodftbi mortem accélérant. Dubrav. JI'/ï- Boh. L, XXVI,
p.&tt»
72 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
attribua l'invention de ces hymnes (i) & de ces chanfons fpiri.
ruelles entremêlées de latin & d'allemand, qui font encore en
m u^ge dans les Eglïfes de la Confefllon d'Augsbourg. Il les com-
fiuvLtofr. pol'a étant Recteur, ou fimplement régent de quelque école. On
p.Zp.joach. conje&ure qu'il avoit auiïi le cara&ere de chantre, & qu'il corn-
Frat. Or- C P°^a des airs Pour ^es hymnes (a). Son defl'ein étoit d'abord de
fhod.Ecclcs. les faire tout en allemand , mais y ayant trouvé de l'oppofition,
Moravia il prit ce tempéramment pour ne pas effaroucher ceux de la re-
Poion.pag. ligion dominante, qui n'employoient que le latin dans le cuice
48, divin. On prétend même qu'il en obtint la permiffion du Pape,
Eclatdu 1 1. Ce fut auffi-tôt après le fuplice de Jean Hus que commen-
Hu uifmc. ^a je granci ^clat du HufTirifme. Il y avoit bien eu des l'an 141 1.
des querelles , &c même des batteries à l'occafîon de la Croifa-
de que Jean JfJTIII. publia contre Ladiflas de Hongrie , Se
contre laquelle Jean Hus prêchoit publiquement &. avec beau-
coup de chaleur. On a vu ailleurs qu'on exécuta trois hommes
pour avoir foutenu Jean Hus dans cette affaire. Comme le plus
grand nombre étoit dans fon parti, la ville de Prague fut mife
à l'interdit à la réferve de la forterefle de wifrhade qui étoic
exempte de la jurifdi&ion du Pape. Cet interdit obligea Jean
Hus à fe retirer à Huflînets 3 èc de là à Cracovit^ , dans le di$f}&
de Prachin , afin que le Service Divin ne fut pas interrompu
dans la capitale à fon occasion. Autant que je le puisfeavoir^ au
milieu d'une aufîî grande obfcurité qu'eft celle de l'hiftoire , pen-
dant cet intervalle tout fe pafTa afTez tranquilement à Prague juf-
qu'au fupplice de Jean Hus. Mais dès que la nouvelle en fut arri-
vée à Prague on ne garda plus de mefures , ce fut un foulevement
univérfel On a vu dans Yhiftoire du Concile de Confiance les lettres
pleines de reproches fanglants que les grands de Bohême écrivi-
rent là-defîus au Concile j je remarquerai feulement au fujet de
ces lettres 3 qu'étant lignées de ce qu'il y avoit de plusilluftreea
Bohême, on n'a pu. avancer, comme quelques Hiftoriens paf-
fionnez Ton fait, que Jean Hus n'étoit fuivi que de la lie du peu-
ple , de gens chargez de dettes , ou de crimes , d'Ecclé/iaftiques
<W ¥v- ubi mal-contens & jaloux de n'être pas avancez à leur gré (b). Le
fcÇy;ap' • contraire paroît encore par le témoignage que l'Univerfité ren-
dit à Jean Hus après fon fupplice. Comme on n'en a pas parlé que
(r) Le fçavajit M. Chrétien Schetgen a fait une DhTertation curieufe fur une des Hymnes où.
les Bienheureux font reprefertfe* dans la Cour celelk arec des habits à clochettes, De polis m
pejlitit. Starrard. 171$.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. V. 73
je fçache dans Ybi/loire du Concile de Confiance , il eft bon d'en don-
ner ici le précis.
I I I. Ce témoignage eft adrefïé de la parc du Recteur, & de Témoignage
toute l'Univerfité unanimement, h tous les enf ans de Sainte Mère àe l'Univer-,
Eglife Catholique répandue dans le monde. Jean Mus y eft re- gueenfk-*"
prefenté comme un grand 6c un faint homme-, dont la m émoi- veurde lem
re eft très-précieufe à toute i'Univerfité. » Il avoit, dit-on dans Uui'
«cette pièce, unefpric fupérieur, une pénétration vive 6c pro-
fonde 3 nul n'étoit plus prêt à écrire fur le champ, ni a faire
» des réponfes plus fortes aux objections. Perfonne n'avoit un zèle
» plus véhément & mieux conduit en chaire; on ne l'a jamais trou-
»vé dans aucun erreur , que dans le confeil des médians qui Pont
«déchiré à caufe de ion amour pour lajuftice. O homme d'une
» vertu ineftimable , d'une fainteté éclatante, d'une humilité 6c
«d'une pieté inimitable, d'un defintereflement 6c d'une charité
« fans exemple ! Il méprifoit les richeiles au fouverain degré, il
>> ouvroit (es entrailles aux pauvres $ on le voyoit fouvent à genoux
«au pié du lit des malades ^ les naturels les plus indomptables ,
j> il les gagnoit par fa douceur , & il ramenoit les impénitens par
» des torrens de larmes 5 il tiroir de l'Ecriture fainte enfevelie dans
» l'oubli des motifs puiflans* 6c tout nouveaux pour engager les
»eccléfiaftiques vicieux à revenir de leurs égaremens ,6c à rem-
»plir les engagemens de leur caraélere , ôc pour réformer les
«mœurs de tous les ordres, fur le pié de la primitive Eglife».
Après cet éloge on pafle à fon fupplice en ces mots : » Les oppro-
bres, les calomnies, la famine, l'infamie, mille tourmens in-
»; humains , & enfin la mort qu'il a foufFerte , tout cela , non feu-
lement avec patience , mais même d'un vifage tranquile &
» riant : toutes ces chofes font un témoignage authentique d'une
«vertu à toute épreuve & d'une confiance aufïï-bien que d'une foi
«oc d'une pieté inébranlables (a). Nous avons cru devoir expofer (a) Seyfnj.
» toutes ces chofes aux yeux de la chrétienté pour empêcher que ubifupr. p.
«les fidèles trompez par de fauflès imputations ne donnent quel-
que atteinte à la renommée de cet homme jufte, ni d'aucun
» de ceux qui fuivent fa doctrine.
IV. Je trouve encore dans le même auteur une longue invec- invcdîvcdes
tive contre le Concile de Confiance au fujet du fupplice de Jean trel'ic Conci-
Hus. Elle eft fanglante, 6c emporte la pièce contre ç£ Concile, lcdeConfr
,6c contre l'Eglife Romaine , 6c on voit bien qu'elle part de la plu- *
îte d'un des plus chauds amis de ce docteur de Bohême. On y
Tom. I. K
tance
74 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
die que le Concile a été aiïemblé , non par l'efpric de Dieu , mais
par l'efpric de malice, de cruauté & de fureur. Qu'on y a con-
damné un innocent fur la dépofîtion de perfonnes infâmes fans
vouloir écouter des Evêques , des docteurs, & des perfonnes de
tout ordre en Bohême, qui rendoient témoignage à fon ortho-
doxie & à fa foi. Cette aflembîée y eft. traitée d'ante-chrift mo-
derne 5 & tous fes membres de fatrapes de Fante-chrift , &: on les
compare au confeil des Pharifiens contre J. C. A l'égard de l'E-
glife romaine elle y eft traitée fans détour de paillarde effrontée.
On ramaflé après cela tous les exemples de persécutions dont
l'hiftoire fe trouve dans l'Ecriture fainte., pour en faire l'applica-
tion à l'exécution de Jean Hus. Cette pièce courut toute l'Alle-
magne 3 & on prétend qu'elle irrita tellement le Pape &; les Car-
dinaux, qu'il fut réfolu de faire les derniers & les plus violens ef-
forts pour extirper le Huftitifme. Mais , dit notre auteur, cétoit
jetter de l'huile dans le feu , & ce fut là l'origine de la guerre Hufjî-
(n) Scyfr. p. tique (a). Je croirois pourtant que cet écrit eut moins de part à
12*. cette refolution , que la déclaration que fit Jean Dominique Car-
dinal de Ragufe & légat du Pape en Bohême où il avoit été fi mal
reçu, qu'il écrivit au Pape & à l'Empereur (i) que les Huf/ïtes ne
fouvoient être ramené 'Z^que par le fer & le feu. Sigifmond n'écouta
pourtant pas d'abord cette propofition, jugeant plus à propos
d'attendre que l'orage fe diflipât avant que d'en venir aux der-
nières extrémitez contre un royaume qu'il regardoit comme fien.
Mais les Iluilites après l'exécution de leur docleur ne fe trou-
vèrent pas d'humeur de plus garder de mefures.
Ce n'étoit que lamentations dans les maifons publiques & par-
ticulières fur la mort de Jean Hus. Les Eglifes retentifîoient de
ies louanges. On établit même un jour pour folemnifer tous les
ans fa fête comme celle d'un martyr (i) j ce fut le 6. Juillet Jour
de fon fupplice. On fit batre des médailles en fon honneur.
Déclaration y çe fLlC ^ peu pr£s dans ce même temps que l'Univerfité qui
fitédcPngue étoic toute pleine de Huflites , fit fa déclaration en faveur de la
en faveur de communion ..fous lesdeux efpeces , ayant pour Recteur Jean Ctr-
nionfousks^^i ma*cre aux arts & bachelier en droit. On en a donné la
deux efpc- fubftance dans Yhifioire du Concile de Confiance. Je la donne ici tou-
te entière , parce que par rapport à cette hiltoire il eft important
de bien feavoir & le vrai fentiment de ces docteurs , & les motifs
(i) Voyez le cara&ere de ce Prélat. H//?, au Concile deConflance.T. I.
(z; Gette refolution fut r. rifç k G- de Juillet 1417- Seyf.p. 174.
■CCS.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. V\ jj
qu'on a eus de les poufïer fi .vivement , Se l'importance de Ja
queftion en elle-même. On la donnera même mot à mot dans (on
ftile obfcur & myftique.
A tous les fidèles chrétiens , ^ean Cardinal , maître aux Arts 6*
Bachelier en droit , ^ ft?#/£ PVniverfité de Prague } falut.
« Nous fommes inftamment follicitez par plusieurs , tant de*
«o-rands, que do peuple de donner une pleine confeiïîon de foi
» couchant le vénérable facrement de l'Euchariftie ; fçavoir *'il
«eft expédient pour le falut, que félon la loi de J. C. notre re-
» dempteur ôc notre maître, tous les fidèles chrétiens prennent
„ l'Euchariftie fous l'une & l'autre efpéce , & fi le clergé la leur
» peut légitimement adminiftrer. Comme tout le monde eft obli-
»gé d'avancer de toutfon pouvoir le falut du prochain, & d'é-
« loigner les obftacles qui s'y oppofent , êc principalement ceux
«qui préfident, nous, félon notce devoir de maîtres 6c de doc-
teurs, fans rien prétendre par témérité , préemption, Ôcopi-
»niatreté3fans vouloir rien définir contre la fainte Eglifecatholi-
»que romaine, 6c introduire des nouveautez, & proteftant de
« notre orthodoxie dans la foi, nous fommes prêts à répondre à'
«leurs honnêtes 6c légitimes inftances, de peur que les fidèles ne
s> foient flottants & fufpendus par des doutes 6c des fcrupules , de
«pour n'être pas aceufez de trahir la vérité par honte ou parti-
« midité , félon cette parole de l'Eccléflaftique , Ne roupjje^point
r de la vérité pour le falut de votre àme (a) , d'autant plus que , corn- (a) tcchfiafi.
» me on l'a dit , le Concile de Confiance qui fe tient àpréfent a Chap.IV. v.
«reconnu que la communion a été ainfi inftituée 6c adminiftrée 4'
«par J.C.& qu'elle a été ainfi pratiquée catholiquement(i) pen-
« dant longtemps. Nous donc pour répondre avec liberté ôc avec
«circonfpection à leurs demandes 3 nous déclarons fidèlement
« que notre Sauveur pendant fa converfation en chair étant prêt
«de quitter la terre pour aller au ciel nous préparer place dans
« le règne de la terre de promifîion , après avoir accompli toutes
» les figures ôc tous les types de la loi, voulant établir une nou-
» velle alliance,a inftitué, encr'autres chofes falutaires , un mémo-
«rial de fa pafïîon glorieufe pour l'avancement de notre foi ôede
« notre pieté , 6c pour nous foutenir dans le voyage de la terre pro-
«mife. Ce facrement eft redoutable 6c admirable ^ c'eftune nou-
» velle Pâque y c'eft une manne myftique , 6c par fa munificence
«il la donne à tous les chrétiens, non fous une feule efpéce.
Çi) Catbili<ju;ment , cela fignific , ou partout, ou félon la Foi Catholique.
Kij
76 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
» Quoique l'on croye que Chrift eft roue entier fous Tune ou fous
» l'autre , cependant pour la plénitude de la réfe&ion de fa mao--
«nifique cène, & pour £ "augmentation du ?nérite , il a voulu que
» félon le lieu & le temps , on prît le fièrement fous les deux efpé-
»ces, engageant fes difciples fous peine d'être exclus du royau-
» me des cieux à le diftribuer ainfî pour annoncer fa mort , jufqu'à
5' ce qu'il vienne, comme cela paroît clairement d'une manière
» irréfragable par plufieurs paflages de l'Evangile, & par le con-
sentement unanime de prefque tous les Sts. docieurs, fur tout
» des anciens , enforte qu'il n'y a nulle difficulté à faire là-deflus.
» C'eft. pourquoi fi Ton veut donner aux chrétiens des inftrudions
» vrayes 6c utiles , fi l'on veut avancer leur falut , fi l'on prend plai-
«firàce quieUhonête, fi l'ondéfireun antidote falutaire con-
tre la fragilité humaine, fi l'on veut falutairement faire la com-
«mémoration du Sauveur, il faut fuivre cette inftitution. Nous
» conjurons inftamment , par les entrailles delà miféricorde de T.
» C. de courir à ce facrement vivifiant des deux efpéces avec em-
t «preiîement&aiîîduiré, quoique ce ne foit qu'un feul & même
>' facrement qui renferme d'une manière incompréhenfible à la
«raifon humaine par un profond 6c admirable confeil de Dieu,
» la nourriture de l'ame, dans lequel fe trouve toute prérogative
»de grâce, l'augmentation de la foi, tout ce qui peut déleder
» l'ame & l'édifier pour l'immortalité. Nous exhortons tous le3
«fidèles de s'y préparer de toutes leurs forces x & de vaquer fré-
quemment 6c dévotement à ce faint exercice plus déle&able
«qu'onéreux, & qui renferme encore plus de félicite, que d'util
«lité; afin que repus de ce falutaire aliment de la manne célefte,
»& de ce très faint breuvage de h pierre qui eft Chrift, ils puif-
» lent avoir le bonheur d'obtenir 6c de mériter la vie divine de
« la terre promiiè. Que fi parmi nos prédecefleiurs , ou parmi ceux
»qui font encore parmi nous ; cette pratique n'a pas été obfer-
»vée , non feulement à l'égard des malades,, mais auffi à l'é-
» gard des fains , foit par ignorance 6c par /implicite, foit que la
«néceifité impofée par une maladie ou quelque autre cas ne
«permît pas de le faire fûrement 6c commodément , nous efpe-
«ronsdela miféricorde divine qu'elle aura de l'indulgence pour
«leur (implicite , ou pour la néceffité qui lésa contraints d omet-
tre cette pratique. Que fi quelque conftitution humaine qui le
«foit nouvellement inventée 6c inconnue aux /acrez Canons
?(quœ jam fridem infacris canonibus nondum cjt reperta nec de poft
y
ET DU CONCILE DE B£SLE. Liv. V. 77
» ut credimus affutura , ) ou quelque puiiïance infidieufe & redou-
» cable , ou quelques comminations ou terreurs s'oppofoient à cet-
«ce facrée constitution de J. C. rien ne fçauroit nous en décacher,
«quand même ceferoitun ange du Ciel, parce que ceferoiten-
«fèigner autremencquece que J. C.nocremaîcre, auteur 8c doc-
« ceur de ce facrifice n'a faic & enfeigné. Ainfi il ne fauc avoir au-
«cunégardà ce dogme d'invention humaine, parce qu'il eft fuf.
» pe& de entièrement oppofé à la vérité évangelique : au contraire
»il faut s'en tenir religieulementà la doctrine de j. C. qui doit
« l'emporter fur toute autre ordonnance, 6c à qui toute coutume 6c
«coure invention doit céder. Donné à Prague le 10.de Mars 141 7.
» en pleine affemblèc des docteurs de P'Vniverfeté, & le fceau appofê ( 1 ) .
Je rapporterai ici le jugement de Cochlèe fur cette décifîon
de l'Univerfïté. » C'elt-là , dit-il , la glu avec laquelle on attrape
«lesoifèaux jee font les filets où l'on (2) enlace les hérétiques. Il
» y a déjà plus de 100. ans qu'une infinité d'ames y ont été prifes
» à leur éternelle damnation 3 fur couc en Allemagne beaucoup
«plus vafte que la Bohême -y car les nouveaux Huiîites d'Aile-
«magne font coujours marcher à la tête de leurs dogmes celui
«qu'ils ont malheureufemenc empruncé des anciens Hufîices de
» Bohême. C'eft à fa faveur qu'ils introduifent leurs autres dogmes
« beaucoup plus impies ôc moins probables , enforte que c'eft com-
» me la porte par où entrent tous les articles des fchifmatiques 6c
« des hérétiques , quelque impies & quelque abfurdes qu'ils foient.
» Car ce dogme n'eft pas impie & erronné en lui-même , puifqu'il
«dépend du Papeôc de l'Eglife d'ordonner qu'on adminiftre le
» vénérable facrement aux laïques , foie fous les deux efpéces ,
» foie fous une feulement. Mais c'eft une héré fie & une erreur de
» dire &l de décider que l'Eglife erre ou pèche en donnanc la corn»
» munion fous une efpéce , & qu'il eft de néceflité de la ieur don-
»ner fous toutes les deux. » Jepaiîe les autres raifonnemens de
Cochlèe contre cette (a) décifîon 3 parce qu'une hiftoire n'eft pas u\ çgcf)Uubi
un ouvrage de controverfe. fupra.
VI. Si le rétabliiTement de la coupe étoit d'une afTez grande né- siiaCom-
cefiité pour mettre en combuftion tout un royaume , ou fi le mê- munion fe
me rétabliiïement étoit un allez grand crime pour attirer une fi tion"°!t par
O 1 des Laïques
(i)Cwî/.HÏft. HinTit.Liv.IV. pag. l$p. i6*i. Tbeob. Bell. Huflït.p. 64. 6*f.Iiya bien chezlesHuf-
quelques varierez dans les copies de Cochlèe & de Thibaut i mais c'eft plutôt dans les termes
que quant au fens. Voyez auffi Bzov. ann. 1417» Num. 15.
( 2 ) Cochlèe mourut en x 5" 5 2. • Il faut donc que la Communion fous les deux cfpéccs fut en
ufage en Allemagne long-temps avant la reforme de Luther.
Kiij
78 HIST. DE LÀ. GUERRE DES HUSSITES
furieufe tempête furies Bohémiens, c'eft encore une queftion de
droit, une controverse de religion , qui n'eft pas démon reflbrt.
Mais fuppofé , comme on peut le faire , que ce rétabliilement fût
légitime , il arriva à cet égard ce qui arrive aux meilleurs inftitu-
tions , c'eft qu'on en abuïa , s'il cil; vrai que les Laïques entrepre-
noient d'adminiftrer la communion. Je trouve pluileurs auteurs
qui l'affirment-, il y en a aufli un bon nombre qui n'en difent mot,
mais je n'en trouve point qui ait formellement defavouc le fait. Il
eft vrai que l'Evêque deZytbomils l'avança au Concile de Confian-
ce. Mais les feigneurs de Bohême s'en plaignirent hautement
comme d'une calomnie dont ils demandoient réparation. »Très-
» révérend père & feigneur, il eft venu à la connoiiîance des fei-
gneurs gentilshommes de Bohême ici préfens, que les ennemis
» & calomniateurs de l'illuftre royaume de Bohême ont rappor-
té à vos paternitez, que le lacrement du très-précieux fahg du,
» Seigneur fe porte en Bohême dans des vafesnon confacrez, &
»> que des cordonniers entendent les confejjîons & administrent le facré
» corps de notre Seigneur. C'eft pourquoi lefdits Seigneurs vous
» prient de ne point ajouter foi à ces faux délateurs , & de nommer
» qui font ceux qui diffament ainfî ledit Royaume de Bohême,
»>afin qu'ils en répondent devant vous & devant le Roi. » En effet y
l'Evêque de Lythomils dans fon apologie nia formellement d'a-
voir avancé que des cordonniers adminiftraflent la Communion
en Bohême, quoiqu'il dît qu'il craignoit que cela n'arrivât. Il dit
aufîi alors qu'il avoir oui dire à des gens dignes de foi , qu'une fem-
me de cette Secte avoit arraché le Corps du Seigneur des mains
d'un Prêtre , & s'étoit communiée elle - même , ailurant qu'il en
falloitufer ainfî quand le Prêtre refufoit la Communion, & qu'en-
tre plufieurs erreurs dont elle avoit été convaincue, elle avoit
Mviede affirmé qu'un homme laïque ou une femme laïque de bonne vie
7f*«H«Màh pouvoit mieux abfoudre & confacrer qu'un mauvais Prêtre (a).
o^vm. Foi. -De là je tire les concluions Suivantes j la première eft 3 que le fait
Vjiïr de la femme n'eft qu'un oui dire , la féconde, c'eft que l'emporte-
ment ou le fanatifme d'une femme ne doit point tirer à çonfé-
quence pour le général. La troifiéme, c'eft que l'Evêque n'ofa
foûtenirque les laïques donnaient la Communion. La quatrième,
c'eft que 1 équité veut qu'on s'en rapporte plutôt à ce témoignage
du temps où les chofesfe font pafîées , qu'à celui d'Hiftoriens mo-
dernes &: pafîionnez. Cependant Albert Krantxius chroniqueur
çlu commencement du XVI. fîécle 3 èc après Cochlce & Krantxius ,
ET DU CONCILEDE BAS LE. Zîv. V. 79
les continuateurs deHaronius ont avancé deux faits que je ne dois
pas diffimuler , fans pourtant vouloir en être le garant. Je les rap-
porterai dans les termes du chroniqueur. » Ccmme le mal alloic
toujours en croiflanten Bohême,, les hérétiques en vinrent à ce
-j point de témérité , que confondant les ordres dansl'Eglife, les
«laïques s'ingeroient d'adminiftrerles Sacrernens à Prague. Il y
«eut même un hérétique laïque d'ordre, & cordonnier de pro-
fcfeffion, qui réfiftant aux Prêtres entreprit d'adminiftrer les Sa- 0>)Kraflt*-ius
«cremens. Cet attentat réveilla enfin Wenceflasdefa. nonchalance a 27. p.
>» & de fa léthargie , & il fit brûler cet homme facrilége (a). H1-
VII. Je ne prétens pas concerter ce fait , mais il me fera bien Simncejias .1
permis de l'examiner. On le rapporc%à l'an 141 7. Il faut voir d'à- faitcrûier
bord la ficuation où fe trouvoit Wenceflas cette année-là. Quand iTer Huffite".
l'Univerfité eut pris la réfolution de maintenir la Communion
fous les deux efpéces , les Grands de Bohême s'afîemblerent pour
fçavoir ce qu'il y avoit à faire par rapport à l'Eglife & à l'Etat. Leur
conclusion fut d'aller trouver le Roi pour le prier de venir mettre
ordre à l'un ôc à l'autre , & ils lui envoyèrent une députation d'en-
tre les plus confidérables. Il s'étoit réfugié contre les troubles
dans un château appelle Toc^nik , qu'il avoic fait bâtir fur une
montagne dans le dirtri&de Pôdvvefter. Dès qu'il reconnut ces
députez de loin , il en eut fi grand' peur qu'il fit redoubler la garde
du château, craignant d'être mis en prifon pour latroifiéme fois.
Il en admit pourtant quelques-uns â l'audience. Us le prièrent de
vouloir venir. faire fa réfidence à Prague comme fes prédecefleurs,
pour appaifer les troubles du Royaume , & le purger des brigands
&desalIaiîinsdontil étoit infefté. Il ne promit d'abord que d'al-
ler fe rendre à Ziebrak petite ville du même diftrid , où apparem-
ment il étoit alors plus facile de délibérer, ne diffimulant pas fes
ombrages. Enfin â forces d'inftances il leur promit de fe rendre â
Prague dans la forteretfe de Wifrhade, & il y alla en effet avec
eux. Quelques jours après qu'il y fut arrivé, des députez de la
ville avec quelques Seigneurs allèrent le fupplier inftamment
de leur accorder quelques Eglifes pour enfeigner le peuple à leur
manière, & pour donner la Communion félon l'inftitution de
J. Cilles leur promit d'abord 3 mais enfuiteil leur demanda du
temps pour y penfer. En attendant il fit dire à Nicolas Seigneur
de Hufîinetz qui apparemment étoit â la tête de ceux qui avoienc
demandé des Eglifes , quilfiloit là une corde pur fe faire pendre >
Nicolas irrité ôc en même temps intimidé par cette menace fere-
So HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
tira de Prague dans la Province de Bechin où. étoit "HuJJînet^ dont
il étoit feigneur, &: prit dès lors la réfolution defe mettre avec
tout ce qu'il y avoit deHuffites dans la Bohême en bon état de dé-
fenfe. Cependant les Huiîites de Prague inflftoient toujours même
avec violence, Scies armes à la main, a demander des Eglifes. Un
jour qu'ils étoient au Palais royal pour folliciter la réponfe du
Roi, deux Seigneurs de fes Confeillers leur firent cette réponfe , Le
Roi délibère encore là-dejfus. Il étoit ajfezjjorté à vous accorder votre
demande ; mais vous l'en avezjiétourné 3 parce que vous voulczJ.es Egli-
fes y -pour ainfi dire , à main armée j cefi pourquoi il vous ordonne k
tous de venir au Palais 3 & de mettre bas toutes vos armes devant lui.
Lçfénat fut fort allarmé'de^tte réponfe. Il y avoit du danger à
obéïr j parce qu'il pouvoit arriver du foulevement , & à ne pas
obéir, parce que le Roi n'auroit pas manqué d'en faire un chati-
CaHiv vi. menc exemplaire. On peut voir dans l'Hifloire du Concile de Conf-
p. 224. 225. tance comment Ziska les tira d'affaire (a). Tout ceci eft tiré de
(b)ubifupr. xheobald(b) à-qui Balbin n'a rien à reprocher que le Huflitifme.
Or , pour revenir au fait , eft-il vraifemblable que dans ces con-
fulîons en Bohême on eût eu la liberté de faire tranquillement le
procès à un hérétique, fur tout pendant que les Huifites étoienc
les plus forts , ôc qu'on mettoit tout à feu 6c à fang de part & d'au-
tre ? Voici comme s'en explique l'auteur de la Perfécution des Egli-
fes de Bohème , qui parparenthèfene met point le cordonnier H uf-
fiteaurang de [qs martyrs (i),ce qu'il n'auroit pas manqué de
faire , fi le récit de KrantQus étoit véritable. Cefi ainjï^ dit cet
auteur fur cette année 3 que le Concile ayant armé les Bohémiens les
tins contre les autres , le feu augmentoit tous les jours h on ne voyoit que
difputes , que querelles &• que haines mutuelles. Les prêtres lancoient
leurs excommunications contre les Muljîtes , & inventoient toute forte
de ftratagèmes pour les rendre odieux au peuple en toute manière. En-
tre autres ils enduifoient de boue les cierges dont ils fe fervoient dans
leurs excommunications '■> & comme ils s* kteignoient lorfque la flamme
étoit parvenue a la boue , ils faifoient croire que Dieu opérait ce miracle
pour montrer que ces maudits hérétiques étoient ennemis de la lumière 3
(c} p- 3 3* & ^ ies chajfoientde l'Eglife (c). Il eft donc clair que le filence de tous
les hiftoriens de Bohême 3 de des contemporains des autres na-
tions , eft un argument négatif très-fort contre le témoignage
d'un feul que quelques modernes ont fuivi aveuglément. Je me
Ci)Ilne met point de Martyrs en 1417.n1 en 1418. fon Martyrologe ne commençant
qu'en £419.
* , fuis
ET DU CONCILE DE BASLE. Zlv. V. Si #
fuis arrêté à ce fait, non tantàcaufe defon importance, cjue pour
faire voir que cette communion donnée par les laïques, pourroit
bien être une impofture inventée pour animer le Concile qui étoic
encore aiîemblé , ou que fi queiques-uns le pratiquoient ainfi , c'é-
toit fans aveu. En effet les Huffites ayant , comme on Ta déjà dit,
demandé des Eglifes, parce que la chapelle de Bethléem ne pou-
voit plus fuftîre , c'en: une marque qu'ils vouloient qué*l'£ucharif~ m
tie s'adminiftrât d'une manière légitime & canonique, & qu'ils
ne prétendoient pas qu'elle rut profanée en l'adminiltrant par tou-
tes fortes de gens , &. en toutes fortes de lieux. On verra pourtant
dans la fuite de cette hiltoire , qu'il y eut depuis parmi les Huffites
des gens qui ne defipprouvoient pas que la communion fût admi-
niflrée par des laïques , mais ce n'étoit pas le fentiment des purs
Huiîîtes.
VIII. Il paroît par les hiftoriens de Bohême de l'un & de Etat de u
l'autre parti, qu'à quelques émeutes populaires prés, les chofes Bohême en
furent allez tranquilles en Bohême pendant toute l'année 141 7. J
Les Huffites ayant leurs Eglifes à part , il y avoir moins d'occa-
fions de tumulte & d'hoftilitez. Balbin (a) dit que les Grands fe fa] Balb. E-
tenoient dans un (îlence irrite , méditant leur vengeance , & Thi- [,tRer*
J ' o J hem. p. t.
Bo
p. 420.
batit{b) que les Seigneurs de Rofenberg, devenus depuis peu Huf- (b) uf//. n«f
fites ( 1 ) , retenoient le peuple en attendant l'ilTue du Concile.D'ail- fu-P' 67m
leurs Sigifmond étant encore à Confiance 3 écrivit aux Grands de
Bohême 3 dont il y en a quatre de nommez, une lettre très-forte
qui peut-être les tint quelque temps dans lerefpecl. Le ftile en
elt doux & piquant 5 en voici la fubftance. 1. Il leur représente Lettre âc
que leur ligue eft d'autant plus dangereufe, que la Bohême eft en- J*[-§JJJê,
vironnée de voifins qui ne demandent qu'une occafïon de s'en miens.
emparer. 2. Que de pareilles ligues, ou conjurations, font un
attentat fort criminel contre l'autorité fouveraine , & par con-
féquent contre fon féréniffime & très-cher frère Wencc/las, à qui
il appartient de vuider leurs différends félon le droit , fans en
venir à des guerres inteilines. 3. Sur le fujet du fupplice de Jean
Mus , dont la plupart d'entre eux foutenoient le parti , & vou-
loient vanger la mort , il leur protefte de fon innocence à cet é-
gard. » Dès que JeanHus, leur dit-il, commença défaire du bruit
» en Bohême ,& que nous apprîmes qu'à fon occafïon il y avoir
» des divifions & des partis différens , nous en eûmes beaucoup de ^
« douleur, parce que nous prévoyions bien les fuites fu nèfles de w
( 1) Voyez leur changcmcijt Hifl. du Cwile de Confl. L. V. F' 57* & Bt*^« Epk P- 43 °»
Tom. I. L
*
8 2 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
»ces divifions. Nous apprîmes avec joie qu'il venoit au Concile
» dans l'efpérance qu'il fc juflifieroit , & qu'on pourroit y réuffir à
y> pacifier la Bohême. Il vint donc à Confiance iorfque nous étions
» fur le Rhin , ôc comme vous le fçavez , il y fut arrêté. Mais s'il fût
» venu nous trouver, & qu'il nous eût accompagné à Confiance ,
» peut-être fon affaire auroit-elle pris un autre tour. Et Dieu fçait
«que nous*h'avons vu fon malheur qu'avec une douleur inexpri-
» mable. Tous les Bohémiens qui étoient alors avec nous , ont pu
«remarquer avec quel empreflement nous nous fommes entremis
»en fa faveur, jufqu'à fortir plufieurs fois du Concile en fureur.
«Et même nous aurions quitté Confiance, fi les pères du Con-
« cile ne nous avoient parlé en ces termes ; Si vous ne voulez^ pas que
» l'on procède félon la jufiice dans le Concile , que faifons-nous ici /De
» forte que nous n'eûmes plus la liberté de rien dire , ni de rien
» faire davantage à cet égard, parce que le Concile fe feroit féparé.
» 4. Il leur repréfènte que le Concile étant compofé , non de quel-
» que peu d'ecclefiafliques, mais desambafîadeurs des Rois 6c des
» Princes de toute la chrétienté , & parfaitement uni depuis Pac-
« cefîîon des Rois 6t des Princes du parti de Pierre de Lune , on ne
« doit point douter que tout ne s'y pafTe avec ordre 6c avec jufiice,
» 5. Qu'ils ne fçauroient continuer à foutenir le parti de Jean Mus,
«fans s'oppofer à toute la chrétienté repréfentée dans le Con-
» cile. Nous apprenons cependant que vous avez déjà commen-
» ce à le faire par des lettres munies de plufieurs fceaux , où vous
"Confondez ôi calomniez, cette afïémblée au fujet de Jean Mus.
« Vous l'avez tellement irritée par ces lettres , qu'elle vous a ci-
» tez pour rendre compte de cette contradiction. Peut-être qu'on
» procédera contre vous félon la rigueur du droit. Et en cas que
» vous n'ayez pas une obéiflance filiale 3 vous pourrez bien vous
* attirer une croifade qui feroit f uivie de grands f candales & de pé-
«rils extrêmes , auxquels il ne nous feroit plus pofîïble dereme-
»dier par notre entremife. C'efl pourquoi nous vous prions tous
» affeclueufement par l'intérêt de votre confeience 6c de votre hon-
« neur , de bien pefer s'il efl honnête 6c raifonnable d'expofer tout
pun royaume à une totale défolation pour les raifons que vous
«alléguez. 6. Il leur offre fes bons offices pour examiner & tâ-
*> cher de terminer l'affaire à l'amiable , proteflant néanmoins de
« vouloir adhérer conflamment à la communion de PEglife , & de
9 « rejetter toute nouveauté , comme il efpere la même chofe de fon
» frère. 7. Comme le Huflkifme avoit pour principal fondement
I
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. V. S3
»> les déréglemens du clergé , voici ce qu'il die des Eccléfîaftiques.
» Quanta l'état du clergé , nous feavons ce qui s 'eft pratiqué a cet égard
»par nos prédéceffeurs , & nous voulons nous y tenir. Qu'ils Ce corrigent
» entre eux , comme ils f cave nt qu'il faut le faire. Ils ont des fupérieurs
» à qui cette correïtion appartient de droit. Outre cela ils ont l'écriture Ç* )C«K
»fainte devant les yeux ', & c'efi à.nous autres gens fïmplcs a qui il nefl L L rv" p.
»> ni permis nipofjîble de l 'approfondir (a). i5<î. 158.
IX. Je trouve dans Cochlée XXIV. articles arrêtez par le Con- Articles di
cîle contre les HufTites. Quoique je ne les aye pas vus dans les ac- Concile dc
tes, je les rapporterai pourtant, parce que tout paffionné qu'eft contre"»
cet Auteur, il a puifé dans de bonnes fources. I. Que le Roi de Huflites-
Bohême jure de conferver l'Eglife Romaine & les Eglifes de fa
domination dans leurs libertez , 6c qu'il ne molefte point le clergé
& les Rejiçieux 3 fuivant les principes de Wiclefàc des Huffites.
II. Que tous les dodeurs & les prêtres qui onc femé dans le royau-
me 6c chez les étrangers , des erreurs et des héréfies , en particu-
lier celles de JViclefàc de Jean Hus 3 condamnez par ce facré Con-
cile 3 les abjurent publiquement, & approuvent la condamnation
de la doctrine 6c des personnes. III. Que ceux qui aceufez d'héré-
fie , ôc citez à ce fujet , n'ont pas voulu comparoître, foient obli-
gez de fe rétrader 5 ôc que ceux contre qui on a procédé depuis
une ou plufïeurs années, 6c qui ont méprifé les cenfures 6c les
clefs de l'Eglife , foient punis félon le droit. IV. Que même les
féculiers qui ont adhéré aux Wicléfîtes 6c aux Huffites, qui les onc
défendus 6c protégez , jurent de ne le plus faire, Se au contraire de
les pourfuivre,& approuver la condamnation que le Concile a fai-
te, tant des perfonnes que de la dodrine. V. Que les féculiers
qui ont dépouillé le clergé , foient contraints de reftituer , 6c
qu'ils jurent defje plus violer les libertez eccléfîaftiques. VI. Que
ceux qui ont été chaftez de leurs bénéfices y foient rétablis , 6c les
autres chaflez & punis. Les deux articles fuivans renferment à peu
près le même fens. IX. Que les reliques & les autres chofes ec-
cléfîaftiques enlevées du thréfor de Prague, foient reftituées,
comme les biens meubles, & les revenus de cette Eglife 6c des au-
tres j tant en Moravie qu'en Bohême. X. Que l'Uni verfîté de Pra-
gue foit réformée , qu'on en chafte les Wicléfites , 6c qu'on les
punifle. XI. Que les principaux héréfîarques de cette fede foient
obligez de comparoître devant le fîégeapoftolique : tels que font
Jean Jejîemt^ Jacques de Mife ( 1) , Simon de Tyfna 3 Simon de Roc-
(1) Autrement Strxjbre ville royale dans le dïûri&dc Filfe».
$4 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
ki^a?ie(\), Chrifiian de Prakatit^ (2), cJean Cardinal , Zdenko de
Loben prévôt de l'Eglife de tous les Saints 3 zdiflas de Smertit^
& Michel de Czasko. XII. Que tous ies féculiers qui ont commu-
nié fous les deux efpéces , ou qui ont obligé les autres à le faire ^
fur tout depuis la défenfè du Concile , foient obligez d'abjurer
cette héréfie, 6c jurent d'empêcher cette pratique de tout leur
pouvoir. XIII. Que les prêtres 6c autres eccléfiaftiques ordonnez
(a) Conrad, par Merman fufîragant de l'Archevêque de Prague (a) ,&: arrêtez
par le feigneur zbenko de Wartenberg , foient renvoyez au fiége apo-
îtolique. XIV. Que les traitez de Wiclef& autres contenant des
hérelies 3 qui ont été traduits par Jean Mus 6c Jacobel (3 ) , foient
remis entre les mains du Légat ou de l'Ordinaire , fous peine d'ex-
communication, aufîi bien que le Traite (4) dsjean Musy condam-
né par le Concile , 6c les traitez de Jacobel fur la communion fous
les deux efpeces , de Y Antc-Chrifi ,où il traite le Pape d'Ante,
Chrift, 6c fon Traite par lequel il prétend que le pain demeure
après la confecration (5). XVII. Que toutes les chanfons faites
contre le Concile & contre les Eccléfiaftiques qui ont réfifté aux
Wicléfites 6c aux Huffites , ou celles qui font à la louange de Jean
Mus Se de Jérôme de Prague , foient défendues fous de groiles pei-
nes dans toutes les villes, bourgs 3 villages & autres demeures.
XVIII. Qu'on défende aux Eccléfiaftiques de prêcher fans voca-
tion des Ordinaires. XIX. Que \qs Ordinaires 6c autres Prélats
ayant jurifdiction, ne foient pas traverfez par les féculiers , fous
peine d'excommunication. L'article XX. ne diffère guéres des
précédens. XXI. Que toute ligue des féculiers 6c des Eccléfiafti-
ques contre le Concile , le fiége apoftolique 3 & l'Eglife Romaine ,
en faveur de Jean Mus , de Jérôme de Prague , èc des Prédicateurs
de leur fecte, foit difîîpée 6c défendue fous de groiT»s peines. XXII.
Qu'on obferve tous les rites 6c toutes les cérémonies de la religion
Chrétienne dans le culte divin , à l'égard des Images 6c des Reli-
ques , 6c que les tr.anfgrefreurs foient punis. XXIII. Qu'on brûle
tous les fauteurs du Huffitifme depuis fa condamnation , comme
relaps, 6c que les féculiers affilient les Eccléfiaftiques dans cette
pourfuite. C'eft le XXIV. & dernier article qu'on a joint avec le
XXIIL
(1) C'eft Rochixjme ville royale dans le diftriâ: de Tilfett.
\ij Ville royale dans le d ftrid de Becbin.
('3 ) C'eft le même que Jacques de Mife.
( 4 ) C'eft le Traité de l'Eglife. Ceci fait le XV. & le XVI. articles , mais on les a joints en-
femble.
(5; Ces Traitez font dans le III. Tome du recueil de Vonder Hardt, à la referve de celui de
l'Ante-Cliriit.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. V. 85
Comme il eft parlé dans le XIII. de ces articles d'un certain
Hmw^fuffragant de Conrad Archevêque de Prague ^ il faut inf-
truire le le&eur de cette affaire. Herman étoit Evêque titulaire
de Nicopoli , c'eft-à-dire , félon le ftile Romain 3 in partibus Infi-
delium , & vicaire général de l'Archevêque de Prague. (Vicarius
generalis in Pontificalibus.) On ne dit pas pofitivement qu'il eût
embraflé le Huflitifme , on foupçonne feulement qu'il y penchoir.
Les Hulîites qui ne pouvoient 3 & qui apparemment n'auroienc
pas voulu recevoir l'ordination des Evêques de l'Eglife Romaine ,
profitèrent decesdifpofitions,& fe firent ordonner par Herman.
Mais l'Archevêque caila fon fuffragant, & annulla toutes les ordi-
nations qu'il avoit faites , par un mandement daté du 1 5. Mars ^ CochL ub{
141 7- (a) fupr.p. 169.
X. Il eft parlé dans l'article XV 1 1. des chanfons compofées invcôîvc
par les Hulîites contre le Concile , & en faveur de Jean Hus & de c° nf^eele9
Jérôme de Prague. Comme ces chanfons furent défendues , il n'é-
toit pas auffi aifé d'en avoir des copies , que de celles que les Ca-
tholiques faifoient contre leurs difciples & leurs docteurs. Çochlée
en rapporte une que je mettrai ici en latin 3 parce que ces fatyres
réciproques ne contribuèrent pas peu à la guerre dont on fait ici
rhiftoire (b). Comme ce font des jeux de mots en latin barbare , il XPefl^'
eflimpoifible de les rendre en François. 158. 15^.*
1 . Credunt namque ijli malè:
Perhos virus eft létale
In Bohemos effufum
2. . Per cunBa mundi climata
JEtfingula idiomata.
Et turpiter confujum
3 . Studium famojîMmum :
Regnum chriftianiffïmum
Sic eft infamatum.
4. Privilégia franguntur ,
Teutonici expelluntur y
Fit ftudium defolatum.
5 . Vos fcientia inftati ,
In fuperbiam elati ,
JTonputaftis babcrs
1. ïi]
86 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
6. In orbe v obi s pares ,
Tarn fubtiles fcbo lares.
Frandati efiis verè.
7 . Suntjïgna magna fatis
pîœc veftrœ fatuitatis :
Egifiis inconfultè.
8 . 2fain aufu temerario y
Frivolo 3 nefario ,
Damnabiliterfiultè
9 . Pro libro decreviflis :
Prafumptus diffînifiis
Vtpopulus laïcalis
I o . Subfpecie hic utraque
In regno circumquaque
Utftatus clericalis ,
i T . Débet communie are :
Ho cfecifiis prœconizare ,
Patent ubique plané
1 2. Kami prœcife putridi
A jlipite vivP^ viridi.
Vos tam efiis utique.
Si l'on croit Krantzjus,i\ faut rapporter a 1417- une avanture
tragique arrivée à Cuttenberg ( 1 ) , qui découvre aiïez la difpofîtion
des efprits. Un gentilhomme H uffite,, efeorté d'un bon nombre
d'eftafiers,, étant entré dans PEglife pendant qu'on difoit la Méfie,
enleva le calice de demis l'autel , & s'en alla le boire au cabaret
avec {es camarades. Le prêtre confus 6ç pénétré de douleur de
cette profanation , s'en alla trouver un frère qu'il avoit dans la vil-
le , & qui étoit homme de main. Celui-ci accompagné des ouvriers
(n)Krantx. qui travailloient aux mines ,. alla attendre le Hufftte au fortir du
Lib. xPp. cabaret , & lui paflà fon épée au travers du corps , & on aflomma
ê4i- une vingtaine de fes gens qui vouloient venger fa mort (a).
Sededes X I. La plupart des Hiftoriens , & entre autres Balbin 3 placent
fjf/frdfi à 141 8» l'arrivée de certains Sectaires qu'on appelloit Picards } oc
(1) Cuttenberg ville de Bohême à quelques lieues de Prague fur une des montagnes de ce
/lom où il y a des mines d'argent»
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. V. 87
c'eft là auffi qu'on les a placez dans YHiftoire du Concile de Confian-
ce , où Ton n'a pii. en parler qu'en paflant. Comme les fentimens
font partagez fur leur fujet, je les rapporterai fans en juger 9 laif-
fantau Lecteur cette liberté 3 & je commencerai par les Auteurs
de la Communion de Rome. Le plus ancien Auteur que je fçache
qui en ait fait mention, c'eft ÂZneas Sylvius. Il mérite d'autanc
plus d'attention qu'il étoit contemporain : voici donc ce qu'il en
«dit dans fon Hiftoire de Bohême. Dans ces entrefaites il s'éleva
»en Bohême une nouvelle héréfle pernicieufe 6c inouïe jufqu'a-
« lors. Un certain Picard de la Gaule Belgique ( 1) , ayant pénétré
» d'Allemagne en Bohême fe fit d'abord quelques partifàns par fes
» preft iges,£c en peu de temps attira une grande multitude d'hom-
»mes 6c de femmes qu'il appella Adamites , parce qu'il leur or-
»donnoit de marcher nuds. S'étant emparé d'une certaine Ifle
«baignée par la rivière de Zufinitx^, il fe difoit l 'ils de Dieu 6c fe
» faifoit appeller Adam. Les femmes étoient communes parmi
«eux,, quoiqu'il ne fut pas permis d'en prendre fansleconfente-
» ment & Adam. Quand quelqu'un fe fentoit de l'inclination pour
«une femme , il lui prenoit la main pour aller trouver le Chef;
» Mon efprit , difoit -il 3 seft échauffé pour celle- ci. A quoi le Chef ré-
«pondoit, allez^, croijffe^ multiplie^ & rempli]] c-/J a terre. Il pré-
«tendoit que tout le reffce des hommes étoient des efclaves } 6c
» qu'il n'y avoit de libre que lui , 6c ceux qui naiifoient de fa fecte.
«lien fortit un jour 40. de l'I lie qui forçant les villages voiilns,
» maiïacrerent à coups d'épée plus de 200. païfans, les appellanc
» enfans du Diable. Ziska , tout fcélerat qu'il étoit , en apprenanc
« cette nouvelle en eut horreur. Car tel eft le naturel des hommes ,
53 qu'ils remarquent mieux les vices des autres que les leurs propres $
» outre que les grands crimes ne demeurent pas long-temps impu-
»nis,ôc qu'ils trouvent fouvent pour vengeurs des hommes eux-
« mêmes fort fcélerats. Il fe mit donc à la tête d'un corps d'armée,
»& les ayant alliégez dans leur Ifle, il s'en rendit maître, & paflà
» tous les Adamites au fil de i'épée , àlaréferve de deux de qui il
«vouloitapprendre quelle étoit leur fuperflition. Lorfque j'étois
^en Bohême, continue Sylvius 3 j'aiotii dire à Vlric de Rofes Sei-
» gneur de mérite 3 qu'il avoit eu chez lui prifonniers des hommes
» 6c des femmes de cette fecle, 6c que les femmes difoientpublique-
«ment que ceux qui portent des habits, 6c principalement dQS
«calleçons, ou des hauts de chaufles {Femoralibus) ne font pas
(1) C'eft-à*difc de la licardie.
3 8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
» 'libres. ïlajoutoic qu'elles avoienc accouché chez lui dans la pri-
»fon, et les ayant tous fait brûler , ils foufïrirent lefeuenriant £c
f;.) mji. Boh. » en chantant (a).
cap. 41. p. Aprcs^ËneasSylvius je neconnois point d'Auteur plus ancienqui
4' *' ait parlé des Picards , que Jean SchleBa ( 1 ) , Secrétaire de Zadi/las
Roi de Bohême , homme fçavant & bel efprit , fur la fin du XV.
&; au commencement du XV I. fiécle. lien parle allez amplement
dans une Lettre qu'il écrivit à Erafme en 1 5 1 9. Comme c'en: un
morceau rare, j'en donnerai ici tout ce qui eft: du fait." Tout le
«peuple de Bohême ôcdu Marquifac de Moravie eft partagé en
» trois fe&es. La première eft de ceux qui fuivent en tout le Pontife
«Romain, &: qui le reconnoifîént pour le vrai Vicaire de J. C.
» comme font les Allemands & les autres nations qui lui obéïflent
*> comme au vrai pafteur de la bergerie du Seigneur. Dans ce rang
«font la plupart des grands ôede la noblefle, auffi-bien que phw
» fleurs Villes royales , avec les Monafteres de divers Ordres , au-
trefois fort opulens , à préfent démolis & dépouillez en grande
» partie. La féconde fe&e eft de ceux qui adminiftrent l'Euchariftie
wfous les deux efpéces. Ils ont dans leur parti quelques grands
» Seigneurs , beaucoup de Gentilshommes, & à peu - près 30.
«Villes royales. Ils tiennent tous les Sacremens de PEglife , fes ri-
» tes ôefes cérémonies comme les Romains, & ils n'en différent
«que par l'ufage de la Communion , ôc en ce que dans le culte pu-
?> blic leurs prêtres chantent l'Epître & l'Evangile en langue du
«pais.
» La troifiémefede eft de celle qu'on appelle Pighards (.2) , qui
« ont pris leur nom d'un transfuge de cette nation ( la Picardie)
» qui vint en ce pais il y a environ 9 7 ans (3 ) dans»ie temps que Zis-
« ka homme facrilége & feelerat , déclara la guerre à tout le Cler-
»gé, &. s'empara de tous les biens ecclefîaftiques. Ce Picard fe
*> joignit à lui (4) , & l'infecta du poifon de fa doctrine, & toute
« fbn armée qu'il avoit ramafîée de brigands , d'homicides s de
?» proferits , & de toute forte de gens perdus delà lie du peuple.
( 1 ) Sur Scbleiïa /oyez la vie de Bobujlas de Lobcovitz. de Haljenfteitt. Biblioth. Germ. Tom.
XIV.
(z) C'eft une faute pour dire Picards.
(3)C'efl:en 1422. au lieu que les autres mettent l'arrivée des Picards en 1418. De forte
quM faut qu'il y ait faute dans la lettre , ou dans la relation des autres.
(4} Cela eft contraire à la relation précédente, qui porte que Zisfy défît les Picards.
ET DU CONCILE DE RÂSLE. Lvv. V. 89
*> Ces gens-là ne parlent du Pape, des Cardinaux , des Evêques 141 8.
» & des autres Ecclefiaftiques que comme des manifestes Ante-
>> Chrifis. Ils appellent le Pape lui- même tantôt la bête, tantôt la
» proitituce de l'Apocalypfe , 6c ils tiennent que tout ce qui fe fait
>» par les Ecclefiaftiques de Rome n'eft d'aucune vertu, ni d'aucune
»» autorité 5 qu'entre leurs mains il n'y a rien de facré, ni aucuns
*> Sacremens ; qu'au contraire ce ne font qu'exécrations 6c qu'abo-
» minations: C'eft pourquoi ils fe font des Prêtres & des Evêques
« d'entre les Laïques , gens ignorans 6c fans lettres , qui ont fem-
»» mes 6c enrans , 6c qui s'entr'apellent frères &. fœurs Ils ne recon-
»» noiiîent que l'autorité du vieux ôc du nouveau Teftament 3 &
» n'ont aucun égard aux Docteurs tant anciens que modernes.
» Quand leurs Prêtres célèbrent la Méfie , ils n'ont que leurs ha-
« bits ordinaires _, ôc ils ne difent point d'autres prières que l'O-
» raifon Dominicale avec laquelle ils confacrent du pain levé. IJs
» ne croyent rien , ou fort peu , des Sacremens de l'Eglife. Ceux:
» qui embrailent leur héréfiefont contraints de fe faire rebaptifer
*> dans l'eau toute fïmple ^ ils n'y employent ni fel , ni eau , ni huile
» confacrée. Ils ne croyent pas qu'il y ait rien de divin dans le Sa-
» crement de l'Euchariftie , affirmant qu'il n'y a que le pain ôc le
» vin confacré , qui par quelques lignes fecrets repréfèntent la
» mort de J. C. ôcils foutiennent que ceux qui rléchiiîent le genou,
* & qui adorent le Sacrement font des idolâtres , ce Sacremenc
*» n'ayant été inftitué que pour faire la commémoration de fa
«mort, ôc non pour être porté de côté ôc d'autre, ÔC pour être
» élevé aux yeux dji peuple 3 parce que J. C. qui eft celui qu'il faut
» adorer 6c honorer du culte de latrie eftaiïis à la droite de Dieu le
» Pere^Ils traitent de vanité ôc de ridicule les fuffrages des Saints
» Ôc les prières pour les morts, auffi-bienquela Confeiïîon auricu-
laire ôc la pénitence impofée par les Prêtres. Ils difent que les
«vigiles & les jeûnes font le fard de l'hypocrifie 5 que les fêtes de
» la Vierge Marie , des Apôtres ôc des autres Saints font des inven-
tions de gens oififs. Ils célèbrent pourtant les Dimanches 6c les
» Fêtes de Noël 6c de la Pentecôte (a). Il paroît de ce fragment , ('a|>E^,
1. Que les Picards fubfifloient encore en Bohême en 1 519. 2. xPiv!Epul,
Que Schlefta qui ne peut être fufped dans cette affaire ne leur im - xxi.
pute ni extravagances , ni obfcénitez, nicruautez. 3. Qu'il les
repréfente comme de pursVaudois, quoiqu'il ne les nomme pas
ainfî. 4. SchleHa , un peu avant les paroles qu'on vient de rappor-
ter , témoigne qu'il y avoiten Bohême des IsficokïteS) c'eft-à-dire^
Tom. I, M
5)0 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1A.1 8 ^es §ens ^u* croyenc ^a communauté des femmes , ce qu'il ne die
point des Picards.
Wenceflas Hagec , Hiftorien de Bohême 3 aaufîî parlé des Pi-
cards en plufieurs endroits de fonhiffcoire, mais d'une manière fî
confufe & fi peu éclairée , qu'on ne doit pas faire grand fond fur
fa relation. La première fois qu'il en parle 3 c'elt, à la page } 59
fous SobieflasIJ.XXU. Duc de Bohême. Ilfak venir les Picards
dans ce Royaume en 1 176. ia même année que les Vaudois. Com-
me cela eft contraire à toutes les relations 3 il eft clair que Hagec
les a confondus enfemble, Se a diftingué les Picards des Vaudois,
que les autres hiftoriens du fiége de Rome ont tâché de confondre
avec eux pour les rendre odieux. Dans ce même endroit Hagec
fait d'autres bévues qui le rendent indigne de foi , comme quand
il met Rouen en Picardie. Sur l'an 5421.1e même hiftorien par-
tant des Picards les appelle nouveaux Taborites 3 & fait un mélan-
ge confus des opinions des anciens Vaudois avec les infamies
qu'on imputoit aux Picards. Tout cela eft confus ,. èc même con-
tradictoire. 1. Selon le propre aveu de Hagec 3 Ziska chef des
Taborites détruifit les Picards. 2. Il paroît par la fuite de cette
hiftoireoù l'on verra la Confefîionde Foi desTaborites 3 que ces
derniers étoient purement Vaudois, & entièrement innocens des
prétendues impuretez picardes.
'Jean Dubrauski ou Dubravius Evêque d'Olmutz^fait defeendre
les Picards des Vaudois en droite ligne dans un endroit de fon
(,.)Lb. xiv= hiftoire (a) de Bohême ', mais dans un autre endroit il en fait des
p- 3^4- Adamites , & il leur attribue des opinions , & une conduite qu'on
{bjubifufr. n'apoint attribuée (b) aux Vaudois r comme on le peut prouver
p* par JEneas Sylvius , qui d'ailleurs ne leur étoit point favorable ,.
(cjiïjyt.Bflh. puifqu'il appelle leur feue folle & impie (c). Quoiqu'il en foit_, cet
dp.xxxv. Auteur dit des Picards les mêmes chofes qu'^Eneas Sy foins à quel-
que différence près. 1 . Il les fait venir de Moravie 3 & il les con-
fond avec les Taborites 3 dont il fera parlé amplement dans la
fuite. Ces derniers 3 dit-il, navoient point encore pénétré dans la Mo-
ravie h a la fin, ils fe cantonnèrent dans une ifle que forme la rivière
de Mora , au de Morava près de Strafnitz^. La ils ajoutèrent à leurs
erreurs 3 les erreurs étrangères des Picards 3 f avoir de ne fe point mettre
4 genoux devant le Sacrement 3 parce que le Corps de J. C. riy efi pas y
ayant été élevé dans le Ciel en corps & en ame , $• quilny a que le pain
O* le vin dans l'Eucbariftie 3 le [quels qui que ce foi t du peuple peut con-
facrer & prendre aujji- bien. queU Prêtre dont- la,main.ri eft pas plus di-
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. V. 91
?7ie quunc autre. 1. Il accu fe les uns & les autres d'avoir commis des r v z g
ravages & des maffacres en Aforavie , d'avoir pillé un riche monaf-
tere appelle Wellegrade, &d'en avoir bridé l'Abbc avec plufieurs
autres Religieux. 3. Il raconte que Jean furnommé de Fer Evêque
de Lithomils , ( ou d'OlmutzQ.en Moravie les attaqua à main armée
dans leur iile> & les en chaiîa , & quedelàilspalîërent en Bohê-
me qu'il appelle l'égoût de toutes les fe£fces (a) comme ^£neas (av«wjM
Sylvius , retenant le nom de Picards. 4. Outre les impuretez mar-
quées par JEneas Sylvius , il dit qu'ils s'accouploient en public
comme des bêtes, & qu'une femme étoit obligée de rendre à Ton
mari le devoir conjugal dans quelque lieu qu'il le demandât. 5.
Que ziska en fit briller 50 tant hommes que femmes, entre les-
quels il y avoit deux Prêtres ( 1 ).
Le Jefuite Jlalbin Bohémien a aufll parlé des Picards, mais fans
faire nulle mention des Vaudois, &; fans leur imputer ni crimes ,
ni extravagances. Voici ce qu'il en dit. Z 'arrivée des Picards en
141 8. accommoda fort la Cette perverfe des Taborites , & contribua
■peut-être à leur origine. Ils étoient 40. hommes ave: leurs femmes &
leurs enfans 3 venans de France. Ils furent reçus avec joie par des gens
très avides de nouvelles Religions. Ils f ai [oient d 'abord en cachette des
af emblée s nombreufes dans la maifon d'un particulier (i). Deux ans
aprè s ils furent difjîpcz^{ b ) Je trouve auiïî beaucoup de confufion (i,) b«/*. «h
dans ce récit, car fi les Taborites s'entendoient fi bien avec les %• P-43*»
Picards 3 ces derniers n'avoient pas befoin de fe cacher, puifque
les premiers étoient prefque les maîtres. D'ailleurs cette diiïîpa-
tion des Picards au bout de deux ans fait allez comprendre qu'ils
étoient differens <\q$ Taborites qui fe foutinrent pendant plufieurs
années. '
XII. C'eft un fentiment affez général parmi le; hiftoriens pro- Scntîmens
teftans, que les Picards n'étoient autre chofe que les Vaudois d.es H*J*°"
malicieusement défigurez, & à qui l'on imputoit des obfcénitez tans fur le
&des impiétez pour les rendre odieux. Stranski(c) les confond fuiy des Pt~
avec les Taborites qui étoient , félon l'opinion commune , les def- (cj Kf?. Bob,
cendans des Vaudois ,& qui alloient plus loin quen'avoitété Jean Cap.vi. p.
Hus. Car il y avoit alors trois teâQs. Les Catholique romains qu'on 2 4*
appelloit papifies ; les Calixtins qui ne s'éloignoient pas fort de l'E-
glife romaine, à la réferve de quatre articles , dont le premier
étoit la communion fous les deux efpéces qu'ils foatenoient , d'où.
(1) Lih. XXVI. p. 6%6. 6Zj. Cette relation cfl prefque toute tirée d'Hagec,
( 2 ) Il fe-nommoit ZmrOikonis,
M ij
c>2 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.1 8. ^s eurenc Ie nom d-e Calixtins , ou parti fans du Calice. Le 1 1. la li-
bre prédication de fa parole de Dieu. Le III. la punition des pé-
chez publics. Par le IV. ils vouloient qu'on ôtâtauxEccléfiafli-
ques toute poflefTion & tout domaine des biens temporels. Ces
IV. articles feront difcutez dans la fuite. On les appella auffi Huf-
[ a ) Stransk. fites clochans (à)3 parce qu'ils avoient abandonné Jean Hus en plu-
ubi fupr. fieurs chofes. La 3 c fecle étoicnt les Taborites dont on vient de par-
ler. L'hiffcorien anonyme delaperfécution des Eqlifes de Bohême ^ par-
le des Picards d'une manière équivoque dans ion chapitre desmar-
(b)Cap.XVL tyrs fous les faux Huffitcs(h). Comme le livre n'eft pas commun , je
P.51.5L /apporterai le paflàge tout entier. » Il faut venir, dit cet auteur ,
»au fchifme de ceux qui faifoient profeflîon du Hufficifme. La
«principale partie d'entre eux dégénéra & perfécuta les vrais fi-
» deles. Ils avoient pourtant la même ardeur que Jean Hus de
» combattre lA'nte-chrift. Mais après la mort de ce docteur , n'a-
»yant pas de chef, qui par fa prudence & fa fermeté pût conte-
» nir un peuple fort animé , ils fe partagèrent en des radions qui
»>fe déchiroient cruellement. Le gros du peuple & du clergé,
» content de la communion fous les deux efpéces , d'où ils furene
» appeliez Calixtins , ne fe mettoit pas beaucoup en peine des au-
» très dogmes de Jean Hus. Mais les Taborites , entre lefquels fe
« fîgnalérent deux excellens perfonnages 3 Wenceflas Coranda 6c
^Nicolas Epifcopius (1) , ceux-là, dis- je avec quelque peu d'au-
» tresiniiftoient fortement pour la pureté 3 ôc la (implicite delà
v religion 6c des cérémonies. Les premiers crioient au contraire
» qu'il ne falloir pas entièrement s'éloigner des cérémonies èc des
» rites de l'Eglife^les autres crioient qu'il ne falloit tolérer au-
cune fuperftition. Il fe mêloit avec eux des perfonnages maf-
»quez, f c'eft-à-dire ^ de faux frères) qui pour avancer les intérêts
» du Pape & de l'Empereur } fomentoierot la divi fîon , & animoienc
» le peuple contre les partifans de la pure religion, leur donnant
» le nom odieux de Picards. Or ils donnoient le nom de Picards aux,
a Vaudois , qui chafiez^ de France depuis quelque temps s'étoient ar-
»rètez^en Autriche s & et oient déjà connus fous le titre des plus infa-
»mes hérétiques. Ainfï tout fe pafloit tumultueufement Il s'en
«trouva même qui prirent tant d'afeendant fur ziska chef des
» Taborites , qu'ils l'engagèrent à prendre le parti des Calixtins 3
j> & à perfécuter par le fer & par le feules Picards tout de même
« que les Papiftes.
(1) Je crois que c'efr. le même Prêtre Tahorite qui efl; appelle ailleurs Nicolas B;s\ypec , &
e^xjEneai Sylvitts a pris pour l'Evêque des Taforites, comme on le verra ailleurs.
ET DU CONCILE DE BASLE. tiv. V. 93
Il ne paroît point que Joacbim Camerarius (a) , aufti auteur pro- î 4 x °«
teftant, ait confondu les Picards avec les Vaudois. Alors 3diz-i\ , J^tff$£*
s'éleva la Cette des Adamites , dont on dit qu'un certain Picard étoit def.Tratr.or-
l 'auteur , /*// ^#7/ eût nom Adam , y*// qu'il renouvellàt l'ancienne f°fox\J/iIk/
impiété des Adamites. Ziska extermina vigoureufement cette fecle. Je <$ Poian. p.
finirai cette difcuilîon par le témoignage de Zacharie Thibaut , 48-
auteur fort exact félon le témoignage du Jéfuite Balbin. Il eft fi
éloigné de confondre les Taborites avec les Picards, qu'il dit que
ce fut un prêtre Taborite qui dénonça les Picards. »Un prêtre
»Taborite 3 dit-il , nommé Nicolas , Ôc M. Gitzin écrivirent à Pra-
»>gue pour donner avis qu'il étoit arrivé de France un certain
s> homme nommé Picard, qui entraînoit beaucoup de monde dans
»fes héréfïes -7 que leur principal prêtre s'appelloit Martin de Mo-
»ravct j qu'il enfeignoit publiquement & hardiment que le pain
»ôcle vin de l'Euchariftie n'étoitpas le vrai corps & le vrai fàng
>?de J. C. mais un figne tout nud , qu'ainll il nefallcit lui rendre
» aucun autre honneur qu'à la manne , c'eft-à-dire, comme à du
>îpain confacré & fanctifïé ( qui publiée 3 nihil neeveritus nec rêve-
» ritus doceret panem non effe verum corpus , atque fanguinem Chrifti ,
»Jèd nudumjîgnum y ideoque nullum ei alium honorem nifimanna , id
» eft , confecrato } fanltificatoque pani exhibendum effe } que chacun
a le pouvoit prendre de fa main fur la table , & le diftribuer aux
«autres 3 parce que la main d'un prêtre ne vaut pas mieux que
« celle d'un particulier , ôc que c'eft la parole qui confacré t Ôc non
c. pas la main ', que l'homme ôc la femme pouvoient en tout temps
» fe rendre le devoir conjugal , & même dans l'Eglife, * qu'on peut
» communier auffi-tôt après l'acte conjugal j qu'il n'eft pas nécef-
55 faire de fè mettre à genoux dans l'Eglife > que l'homme ôc la fem-
» me peuvent fe féparer en cas de ftérilité , de difpanté d'âge , ôc
» pour d'autres raifons, ôc fe remarier j que les habits n'étoienc
» pas néceflaires 3 ôc qu'on pouvoit aller nud , pourvu que le froid
.jn'en empêchât pas ; que ce n'étoit ni une honte , ni un crime ,
» que le père eût affaire avec fa tille , ôc la mère avec le fils. Thi^
» haut ajoute que les Taborites réfutèrent grièvement ces dogmes
«diaboliques , ôc avertirent ceux de Prague de s'éloigner de ces
» diables fous la figure d'hommes , de peur que le monde ne jugeât
a mal du royaume ôc delà dodrine de Bohême. L'Académie prie
«aufîi l'affaire en confidération , & dans toutes les chaires on dé-
pendit de recevoir ces gens nulle part , fous peine d'êcre brûlé. En
Miij
94 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.18 «effet il y eut un cordonnier (1) qui fut brûle pour n'avoir pas dé-
» nonce au fénat quelques-uns de ces gens qu'il avoit eus chez lui.
» Ziska fit au/Ti brûler tout autant de Picards qu'il en pût décou-
(i)Beii.Hnf- » vrir(a)». Ce même auteur dans un autre endroit leur impute des
y/r.cnp. 44. crimes horribles comme celui de fodomie. » Z/V&z , dit-il ayant
<©?p. ioy!' «appris que les Picards faifoient leurs aiïemblées fodomitiques
«dans un certain village (2) ; que pour fe défendre ils s'étoient
« emparez d'une ifle (3) où. ils ailoient tout nuds j qu'ils s'étoienç
» fait un Dieu d'un forgeron nommé Rohan (4) qui habitoit aupa-
» ravant dans un bourg appelle Wefela , 6c que de nuit ils avoienc
(bj Prticct. » pris d'aflaut une ville (bj , où ils avoient tué environ 400. hom-
»mes, ziska l'ayant appris s'en alla les attaquer avec fes Tabou-
lés. Les Picards fe défendirent d'abord comme des lions. Ce-
« pendant les gens de ziska s'étant jettez fur eux avec fureur , tout
« fut taijlé en pièces. Ils eurent toutes les peines du monde à tuer
»\eur Dieu Rohan fur qui les flèches ne faifoient pas plus d'efFec
» que fur des murailles. Enfin on l'alTomma à coup de fléaux.
jugement XIII. Il eft bien mal aifé de rien conclure de certain parmi une
fur ces diffe- f] grande di verfité d'opinions. On peut pourtant conje&urer vrai-
£fons,S Rcla" femblablement , r . Que les hiftoriens qui ont écrit de ces faits n'y
ont pas vu bien clair , ou qu'il y a eu beaucoup de pafTion 6c de cré-
dulité dans leur jugement. 2. Que ceux d'entre les proteftans qui
ont pris les Picards pour les Vaudois , ont regardé les abfurditez
6c les crimes, dont on a chargé les premiers , comme de fauiîes
imputations 3. Que les Hiftoriens catholiques romains moder-
nes , qui confondant les Picards 6c les Vaudois ont repréiènté ies
uns 6c les autres , comme des Nicolaïtes , des Cyniques impudens 5
des brigands , des aflàfîins , des gens de fac 6c de corde , l'ont fait
contre le témoignage des hiftoriens contemporains, & très-ca-
tholiques , 6c qui , comme on l'a déjà dit, ont parlé tout autre-
ment des Vaudois. 4. Que dans uneaufTi grande confufion qu'é-
toit alors non feulement la Bohême, mais toute l'Europe, tant
par rapport au temporel , que par rapport au fpirituel , il pou-
.( 1 ) Il s'appelloit PJ'achJlovv*
(l) Strœcinga quipagus non longe à Regino Graditis diflat. ubi fupr.
{3 ) Jnter GraditTJum ç£ We%jil»m , jn Albi.
(4) J'avoue que je ne trouve aucune vraifemblance à ce fait. Et je foupçonnç qu'il y a
faute , & qu'au lieu de Deum , Dieu , il faut lire , Dttcem , Chef. A l'égard de la Sodomie elle
n'eft impute'c nulle part aux Picards , mais on a pris apparemment pour Sodomie les obfcenitez
dont on les aceufoit. Il femble que Thibaut bon Luthérien ne les aime pas, parce qu'ils
riioient la preTence réelle dans PEuchariftie. Au relie ce cordonnier pourroit bien être celui
de Kranti , dont ou vient déparier,
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv> V. 95
voit bien s'élever en divers endroits des fanatiques 6c des enthou- 141g,
fîaftes, fur tout parmi le peuple qui ne fçait jamais tenir un jufbe
milieu, 5. En confrontant toutes ces relations, il femble que le
plus fureftdene point confondre les js'audois ni les Taborites avec
les Picards , & de faire de ceux-ci une faction à part pour ces deux
raifons. La 1. c'efl: que les Huflites n'eurent jamais honte de de-
voir leur origine aux Vaudois j au lieu que , comme on vient de
le voir, ils pourfui virent vivement \qs Picards. La 2. raifon eft:
digne d'attention , c'efl la févérité de Ziska envers les Picards y
qui de l'aveu de tous les hiftoriens, les pourfuivit fans miféri-
corde par le fer 6c par le feu. Si donc les Taborites 6c les Picards
euflent été les mêmes gens , c'eût été à Ziska une conduite tout-
à -fait contradictoire, puifqu'ilétoit l'auteur du Taborifme, com-
me on le verra dans fon lieu. On parle différemment de la ma-
nière dont Ziska. défit les Picards , les uns difant qu'il les fît brû-
ler , les autres qu'il les pafla au fil de l'épée. Ce peut être l'un 6c
l'autre en des temps différents , comme cela paroît par la relation
de Thcobald.
HISTOIRE
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
E T D U
CONCILE DE BASLE
J4'8-
LIVRE VI.
N peut regarder les années précédentes comme ces
jours 3 où l'on voit s'aflembler les nuages pour for-
mer une longue 6c grofle tempête. On la verra fon-
dre à grands éclats les années fuivantes. LeConci-
1419.
Arrivée de
Jean Domini-
que en Bohê-
me, le dé Conftance ayant fini au mois de May de 1 4 1 8. le Cardinal
Jean Dominique ne tarda pas à s'acquiter de fa légation en Bohê-
me, comme on a déjà eu occafion de le dire. Mais non content
des exhortations Ôc de la voie de la perfuafion qui feule convenoic
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. VI. 9?
à fon caraclere , il employoitaufïï les voies de faic. Il étoic aflif- J,l »
té en cela de l'A rchevcqae Conrad qui n'a voit pas encore embraf- I4.IQ
ië le HufTitifme. On place au 1 i. de Juin une exécution que fie
ce Cardinal à Slane , ville royale de Bohême dans la Province de
ce nom. Etant entré dans l'Eglifc de cette ville , il jecta par terre
un coffre qui étoit fur l'autel (a), donna la communion fuivant le (^)iheob.
décret du Concile de Confiance, c'efl-à-dire fous une feule efpé- part* '• caP*
ce , 6c fît brûler un eccléfiaftique 5c un féculier , qui fans doute s'y attend. iLf-
étoient oppofez (i). C'eft-là qu'on peut marquer le commence- fak*
ment du plus grand éclat. Depuis ce temps-là ce ne fut plus que
mafïacres, qu'incendies, que brigandages, fous prétexte de re-
ligion. Parens, amis, compatriotes , tout devint indiftindemenc
l'objet d'une populace irritée.
^amque faces &faxa volant , furor arma minifirat.
Les magiftrats tentèrent en vain d'appaifer cette rage effrénée;
ils en furent eux-mêmes la victime, comme on le verra tout à
l'heure. Wenceflas nefètrouvoit pas lui-même en fureté parmi
ces troubles , où il ne pou voit contenter perfonne. Quoiqu'il Tem-
blât favorifer les Huflïtes 3 on raconte néanmoins que ces der-
niers mécontens de ce qu'il ne prenoit pas leur parti autîi chau-
dement qu'ils l'auroieiit voulu, délibérèrent entre eux d'élire un
autre Roi. Cependnnt un de leurs prêtres nommé Wenceflas Co-
randa(i) , plus fage & pius éclairé y d'ailleurs fort éloquent , les
détourna de cette révolte par ce difeours : Mes fiers s , quoique
nous ayons un Roi ivrogne , & fainéant , cependant Jl nous jettons
les yeux fur tous les autres princes , il ne s" en trouvera point qui lui
foit préférable , & on peut même le regarder comme le modelé des prin-
ces , parce quil ejl paifible 3 bénin 3 & que de plus il nous aime ( }).
Car qui ejl-ce qui ofera nous attaquer fous fon récrie 7. il nous laijje vi-
(i)Ilya apparence que dans ce coffre étoicntles Calices pour, communier le peuple. Au
refte on a vu dansl'Hijloire drt Concile de Confiance que Dominique n'ayant pu réùiïïr en Bo-
hemes'en alla en Hongrie où le Hullitifme a voit pénétré, & qu'il y mourut en 1419.
( 2 ) Wenceflas Cjranda étoit Profelfeur en Théologie à Prague. Il fut de l'ambalTadc que le
Roi George Vodiebmd envoya à Pie IL II mourut en 151p. âge' de p; . ans. On lui fit cette Epi-»
taphe.
Artibus exaiïis Coranda verendus £> annis ,
Nunc vyv'%% Cljrijlo ; vixerat aute libris,
Ii y a de lui en Bohême quelques ouvrages de pieté manuferits. Lttpac. t. Février.
( l ) Je ne fçai comment accorder ceci avec les horribles cruauté? qu'on attribue à Wenceflas.
Il faut, ou qu'il n'ait pas été fi cruel, 0.1 qu'on ait mal retenu la harangue de Çoranda. Ceperi*
jdant ce font des Auteurs Catholiques qui le font parler.
9 8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSÎTES
1 4 1 o . vrefclon notre dèjïr y s'il rieft pas de notre fentiment fur la religion , il
ne nous trouble pas dans notre culte , & il ne permet pas qu'on nous y
trouble. C efi pourquoi je trouve qu'il efi jufte de prier Dieu four fa.
confervation , parce que c^efi fon indolence qui fait notre falut & notre
tranquilité. Ce dilcours tranquilifa les efprits du peuple, 6t celui de
Wenccflas que cette émeute avoic fort allarmé. Un autre auteur
fait tenir à Coranda un langage un peu différent. Nous avons , leur
dit- il, un Roi 3 & nous n'en avons point. Jl efi Rordenom, il ne l' 'efi
pas d'effet. Ce ne fi que comme une peinture fur la muraille. L'un &
l'autre nous efi avantageux fi nous voulons maintenir & fortifier
notre parti. Car i. fon titre de Roi des romains efi pour nous d'une
grande force contre la faïlion romaine qui n'ofera rien entreprendre
contre les Bohémiens , quand elle verra le Roi dans leurs intérêts ( i ).
Et que peut faire contre nous un Roi qui efi mort en vivant7. Que fi
nous choifîffons un particulier pour notre roi , dès le moindre péril , /'/
n'aura pas affez^dc force pour nous défendre &pour fefoutenirlui-me-
(a) T)nh-civ. *»f f a J . On dit que depuis ce temps Coranda eut beaucoup de parc
Lib. xxiii. àfes bonnes grâces (b). Non feulement Dominique ne réùfiitpas
%) Mn.Syiv. en Bohême , mais il y reçut millejnfultes , &; on l'y menaça mê-
Hift.Boh. me delemaflacrer 3 s'il n'enfortoit au plutôt. Oeil ce qui i'obli-
*,lp" ' gea à aller en Hongrie trouver l'Empereur ,& l'animer contre les
Hufîites, difant qu'il ne falloit plus balancer d'employer contre
eux le fer & le feu. Ce Cardinal mourut en Hongrie en 141 9,
Après fa mort Martin V. avoit envoyé Branda de Chatillon car-
dinal de Piaifance en Bohême & en Hongrie nour y réduire les
c-> A J
HuiTites qui avoient aum pénétré dans ce dernier royaume,où l'on
prétend qu'il fut plus heureux qu'en Bohême. Pendant le féjour
qu'il y fit, il fe préfentaà fon zélé un objet toutfmgulier. C'étoic
un certain Bachelier aux arts libéraux, qui après avoir fait îes étu-
des à Vienne 3 &: reçu l'ordre de prêtrife étoit allé en Hongrie où
il prêchoit&adminiftroit les facremens félon l'ufage de l'Eglife
romaine : fi d'abord , ce fut de bonne foi, ou non ,c'eftcequ'onne
dit pas. Quoi qu'il en foit , voulant approfondir les myfteres dont
il étoit le minifîre , il lui entra dans l'efprit que ce n^toit que des
rêveries, n'épargnant ni le vieux ni le nouveau Teftament qu'il re-
gardoit comme des fables. En un motc'étoit un pur déifie , dont
toute la religion febornoit à la lumière naturelle qui nous apprend
qu'il y a un premier principe de toutes chofes. Cérémonies , facre-
(1) Ceraifonncment eftfaux, car la faftion Romaine ne regardent plus K'encrfas coranaç
Roi des Romains , Lonifau IX. ayant tté le folliciteur de fa dcpoûtkm*
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. VI. 95
mens j pères 3 docteurs 3 glofes, il faifoic main bafFe fur tout cela, i±iq
difant pourtant toujours la Meiîe à bon compte. Mais un jour dans
ia ferveur de fon naturalifme , il infulta un prêtre qui fedifpofoità
célébrer la Méfie, & blafphema contre Jeius-Chrift en des termes
qui font frémir d'horreur ( 1). Quand la Méfie fut achevée, le prê-
tre lui alla reprocher [qs blafphêmes j mais bien loin de s'en dédi-
re, il y ajouta de nouvelles impiecez. On le dénonça à l'Evêque
qui le fît mettre en prifon ; & après l'avoir examiné , il trouva qu'il
ctoit tel qu'on i'avoit dépeint. Le Cardinal légat qui fe rencontra
là _, voulut le vifiteravec trois do&eurs en théologie & en droit
canon pour tacher de le ramener. On le fonda fur le fujet des Sa-
rafins , des Juifs 3 des Ariens 3 des Vaudois , des Wiclefites , des Bo-
hémiens 3 il fe moqua également destins & des autres. Après cet
interrogatoire on l'entreprit par la difpute: il fe défendit fubtile-
ment , mais non fans paroître quelquefois fort embarrailé. Ces
entretiens durèrent trois jours pendant lefquels le prifonnier dé-
clara jufqu'à la fin qu'il vouloit mourir dans fa fciencc (2). Enfin on
infînua àl'officialde l'Evêque de le refîerrer plus étroitement de
de le faire attacher à un poteau pour voir fi cette poflure lui ouvriront;
l'entendement. Ce qui fut dit, fut fait, & le remède opéra bien-
tôt après. On l'alla vifiter ,, il cria miféricorde, demandant la
mort comme une grâce. Comme on le vit ébranlé, après quel-
ques remontrances fur la foiblefïe de l'efprit humain , on lui laifla
encore du temps pour faire fes réflexions. Enfin le lendemain il fe
rendit , fe rétracta publiquement , 6c demanda d'être mis dans un
monaftére des Religieux de St. Paul (I'aulitarum)Qn Hongrie. Si
la prifon de le pilori ne s'en étoient mêlez , j'en croirois plus volon-
tiers ceux qui ont attribué ce changement à une infpiration divine.
Je tiens ce fait de Jean Nider{&) célèbre dominicain de ce fiécle (a)N;<krde
là 3 Inquifiteur de la foi , qui I'avoit oui raconter à un des docteurs m10"^?»1"
qui examinèrent ce déifie. On verra dans la fuite Jean A7 /^em-
ployé par le Concile de Bafle à la réduction des Hufïïtes.
1 1. Si dans cette violente fermentation desefprits , on ne ref- znka bâtit
pectoit pas même les têtes couronnées 3 comment les Magiltrats Tabor*
auroient-ils eu afîez d'autorité pour arrêter le torrent ? C'efl de
quoi on peut juger par une des plus tragiques feenes de ce malheu-
reux fiécle. Les hiftoriensde l'un de de l'autre parti s'accordent
fort bien fur lé fond de l'affaire ^ ils varient même pe^kns les cir~
(i)T/y ne iterum cotijecrare fittuœfiliuml
{ X ) Se ;« fcicntiafun mort velle,
Nij
i4i?'
ioo HÎST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
confiances eflentielles 3 fur tout ils détellent unanimement ces fu-
reurs, fous quelque prétexte que ce foit. Mais avant que d'en-
trer dans le détail, il eil bon de prendre les chofes d'un peu plus
haut. On a vu dans l'hifloire du Concile de Confiance , que Ziska
( i ) chambellan de Wencejlas 3 s'étoit engagé à vanger la mort de
'Jean Mus. Il y en a même qui ont prétendu que Wencejlas le mu-
nit de fon fceau pour l'autorifef dans cette entreprife. Que ce fut
férieufement , ou non , cette patente du prince ne laifîa pas de lui
attirer beaucoup de monde (2). Ayant donc ramafîé un bon nom-
bre de gens de toute forte 3 il couroit la campagne , & mettoit tout
àfeu&àfang. Sa première courfe fut dans la province, ouledif-
trict de Pilfen (3 ) à quelques milles de Prague au couchant de cet-
te métropole. S étant emparé de la capitale du même nom il fe
rendit aifément maitre de tout le pays , d'où il chafTa les prêtres
& les moines, 6c s'enrichit des dépouilles des monafleres & des
Eglifes. Il y établit par tout la communion fous Iqs deuxefpéces
par le miniflere du docteur 6c prêtre Coranda dont on vient de
parler. Mais comme il craignoit d'être furpris dans quelque em-
bufcade , n'ayant aucune ville où il pût fe retirer en cas de befoin,
il réfolut de fe pourvoir d'une place de fureté pour lui , & pour les
fiens. Il choifit pour ce defîein dans la province de Bèchin un en-
droit fort par fa fîtuation 3 où il y avoit eu autrefois une bonne for-
terefle (4) qui fut détruite par les guerres. En attendant qu'on y
pût bâtir une ville , il ordonna à fes gens de drefler des tentes dans
les endroits où ils voudroient avoir leurs maifons. Et c'efl là l'o-
rigine du célèbre Tabor ( 5 ) , mot qui en Bohémien lignifie une ten-
te , ou un camp félon le témoignage des hifloriens du pays. Ce fut
apparemment alors qu'il fe joignit à Nicolas feigneur de HuIJinet^
( 1 ) Jean Ziska , ainfi appelle , parce qu'il étoit borgne , ce que lignifie le mot Ziska en Bo-
hémien , étoit un Gentilhomme né dans un baurg de Bohême appelle Trwsywsw dont il por-
toit le nom , avant que de s'appellcr Ziska. Ce bourg eft fitue' auprès d'une ville appellée Jjo-
rovdnnidzns le (fiftricl: de Béchin , dans laquelle il y a un beau Couvent de Chanoines régu-
liers. On dit que Ziska l'épargna, parce que Troctnovv fa patrie apgartenoit à ce monaftere.
Zisk.a prenoit auffi le nom de Ziska du Calice , ( Ziska de Calice.)
(2) haqite ( juxta quofdam ) ut contumeliam iftam vindicare ip/i concèdent à ~Rege inflanter pe-
tiijje, idque à Rege affedatam ip/ius Jimplicitatem , veram panpcrtatem , tenues opes jtve amicos
refpiciente perjocumeoncedi , figiiloque injuper confirmait quod ille accipere , eeque pado multos ad
fe clam allicere atqueattrahere. Theobald. Cap. XXVIII. p. 62.
(3) Voyez la defeription de cedirtrict. Balb. Mifcell. Lib. III. Cap. IV. p. 16. 27. Pilfen efl;
une ville royale de Bohême fur la Mife à quelques milles de Prague au couchant fur les fron-
tières de la Bavière.
(4) Elle sapÉJÊkùtHradiftie.
(5) Cette villWïï-ihfte encore. On y voit une tour que Ziska avoit bâtie pour y faire un ma-
Çafin. Dans cette tour étoit l'effigie de Ziska tenantde la main gauche un moine raie , & de la
main droite une mafiuê'pour L'aflommer- Balb, Mifcell. Lib. UI. Cap- III. §. $.
TMuul fcufy
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. VI. ici
qui s'étoit retiré de Prague fur la menace que lui avoit fait le Roi 1410,
de le faire pendre , parce qu'on Paccufoit d'avoir afpiré à la
royauté.
III. Ilsavoientun fi grand nombre de partifans, qu'il fe trouva AffcmbUc
plus de 40000. perfonnes ( 1 ) qui communièrent fous les deux ef- de 4°o°°-
péces dans la ville royale d'Auft , proche la montagne deTabor. ^°"om-
L'on drefta 3 00. tables , où il y avoit du vin & des calices de bois, munier fous
Jtîagec met des enfans dans cette multitude , mais il ne dit point k(fceds^ux ei'
qu'ils communièrent. Il dit que les prêtres n'avoient point d'ha-
bits facerdotaux,& que tous ces communians s'approchèrent de
la table fans avoir été à confefle , & fans nulle préparation , com-
me des profanes , ayant des épieux , des a^balettes , des maiïuë's ,
& d'autres armes qui étoient alors en ufage(a). Cette affaire eft (a) a™.
racontée en gros par tous les hiftoriens de Bohême 3 mais comme H^-p ^7°«
elle eft importante , elle mérite bien un plus grand détail. Balbïn
nous la donnera fur les mémoires d'un Auteur contemporain (b) (b) £««$«/
qui avoit vu les chofes de Ces propres yeux , & qui, félon lui , a deHtnumtvr
parlé le plus exactement de la guerre des Hufïïtes. Il avoit vu &
entendu Jean Hus , &. l'avoit foutenu vivement dans l'affaire des
trois voix contre les Allemands. Quoiqu'il fût hérétique , Balbin
rend pourtant témoignage à fa fidélité dans i'hiftoire. Voici donc
comme il raconte l'affaire. » En 1 4 1 9 . le jour de la Saint Michel ,
» il s'attroupa une grande multitude de peuple dans une vafte cam-
» pagne appellée les Croix (c) ( Cruces) en allant de. Benechau à (c) Autre-
«Prague. Il y avoit des gens de plufîeurs villes & villages 5 mais meut cv/dty.
»il yen avoit plus des villes de Prague , alors fort peuplées, les
» uns à pied, les autres en chariot. Ce peuple avoit été invité dans
» cette plaine par trois prêtres , fçavoir M. Jacobel, M. Jean Cardi-
» nal , M. Matthieu de Toczenic^, Car lorfque Wencejlas vivoit en-
core, le peuple fe donnoit rendez-vous fur quelques montagnes
» auxquelles on donnoit les noms d'Oreb , de Beraneck , de Tabor y
» &c. pour y communier fous les deux efpéces. Donc , dans cette
» campagne M. Matthieu fit drefler une table fur trois tonneaux
«vuides que ces gens avoient bus, & donna PEuchariftie au peu-
» pie fans nul appareil ^ la table n'étoit pas même couverte, éc ils
» n'avoient point d'habits facerdotaux. Sur le foir toute cette foule
» partit de-là pour Prague , & arriva pendant la nuit à la clarté des
» flambeaux à Wifrhade. Il eft furprenant que dans cette occafion
(i)Dubrausk. ubi fupr. p. 624. Dali/. Epitom. p. 43 I . /£neas Sylv. &.Cocbl. n'en comptent
«[i.'cawon J 0000 . ïbeoù. p. y 1 .
Nii>
ici HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1419. » ^s ne s'emparèrent pas de cetce fortereffe, dont la conquête leur
» coûta depuis tant de lang. Mais il n'y avoir point encore de
» guerre. Le prêtre Coranda curé de Pilfin fe rendit auffi dans ce
» même endroit avec une grande troupe de l'un 6c de l'autre fexe
» portant l'Euchariftie. Avant que de partir des Croix , un gentil-
» homme ayant exhorte le peuple à dédommager un pauvre hom-
a> me dont on avoit gâté les bleds , il fe fit une (1 bonne collecte que
» cet homme n'y perdit rien. Car il ne le faifoit aucune hotlilké ,
» les troupes marchoient comme des pèlerins avec un baron feule-
>» ment j mais les chofes changèrent bien- tôt de face. En partant,
» les prêtres avertirent le peuple de s'y rendre avant la St. Martin.
» Mais toutes les garnifcns qu'avoir alors Sigifmond dans les villes
» 6c dans les châteaux , fe joignirent enfemble pour s'oppofer à cet
*» attroupement. Ce qui donna lieu à plufieurs fanglants combats.
» Car ceux de Pilfen, de clattau , de Taufcb , 6c de Sufficz^ qui
?> étoient en chemin pour aller au rendez-vous , ayant été avertis
» de l'embufeade par Coranda, prirent dej armes, & donnèrent
» de toute part le même avis : de forte qu'il fe forma bien-tôt une
» armée con fidérable. Quand ils furent arrivez à une certaine ville
3» appellée Cnin , ils reçurent des lettres des habitans d'Attfi, dans
3> le diftrict de Béchin non loin deTabor, par lefquelles on les
» prioit de leur donner du fecours pour aller à Prague , parce que
» les Impériaux les traverfoienr dans cette route. Ils leur envoyé-
» rent donc cinq chariots avec des gens bien armez. A peine ces
»gens avoienc palîé la Moldave , qu'ils apperçurent devant eux
* deux corps d'armée, l'un de cavalerie, & l'autre d'infanterie.
» L'un étoit commandé par Pierre S ternberg feigneur Catholique,
V Préfident delà monnoyeà Cuttenberg. L'autre étoit une troupe
» d'environ 400 perfonnes, tant hommes que femmes, qui alloient
» comme en pèlerinage d'Aufi à Prague. Ceux qui avoient été
» envoyez de Cnin au lecours de ces derniers , y écrivirent auiTi-tôt
;> pour donner avis que l'ennemi approchoit , 6c qu'ils avoient be-
»? foin d'un prompt fecours , 6c continuèrent leur route vers ceux
» d'Aufi qui s'étoient portez fur une petite éminence. Ils furent at-
» taquez là 6c défaits par S ternberg, ava.ni que ceux de Cnin puiTent
» les joindre. Il y en eut pourtant quelques-uns qui fe fauvérent
» par la fuite, & allèrent joindre ceux de Cnin qui s'étoient aufTî
» placez fur une petite montagne. Ceux-ci attaquez par Stemberg
:» fe défendirent lî bien , qu'ils obligèrent ce Général à fe retirer à
w Cuttenberg. Après cette victoire ceux de Cnin demeurèrent tout
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. VI., 103
» le jour dans l'endroit où ceux & Auft avoient été battus , enterré- 141 o,
» rent les morts, 6c firent célébrer le fervice divin par leurs pré-
» très. De-là ils allèrent à Prague chanter victoire, où. ils furent
» reçus joyeufement par leurs confrères (1).
IV. Thibaut rapporte à cette occafion une lettre de Ziska Lettre de
aux habitans & au Seieneur ou Gouverneur de Taufck ou Tilla 1z';k;1 au*
-ni? // j> \ hurtans de
dans la province de Piilen. Au vaillant Capitaine &a toute la ville Taufch.
d£Tifia. »Mes très-chers frères, Dieu veuille par fa grâce que
» vous reveniez à votre première charité , & que faifant de bonnes
» œuvres, comme de vrais enfans de Dieu, vous perfiftiez en fa
» crainte. S'il vous a châtiez Se punis, je vous prie enfonnomde
» ne vous pas laifler abattre par l'affliction. Ayez égard à ceux qui
» travaillent pour la foi , & qui fouffrent perfécution de la part de
» fes ad verfaires, fur tout de la part des Allemands, dont vous avez
» éprouvé l'extrême méchanceté , à caufe du nom de J. C. Imitez
» les anciens Bohémiens vos ancêtres, qui étoient toujours en état
» de défendre la caufe de Dieu , 6c la leur propre. Pour nous,
«mes frères , ayant toujours devant les yeux la loi de Dieu , 6c
»le bien de la République, nous devons être fort vigilants, 6c
» il faut que quiconque efl capable de manier un couteau, de
» jetter une pierre , & ,de porter un levier ( vetiem geflare , une
» barre, une mafluc ) fe tienne prêt à marcher. C'eft pourquoi ,
«mes chers frères, je vous donne avis que nous aflemblons de
«tous cotez des troupes pour combattre les ennemis de la véri-
»té,&les deftructeurs de notre nation, 6c je vous prieinftam-
»ment d'avertir votre prédicateur d'exhorter le peuple dans fes
» fermons à la guerre contre l'Ante- Chriffc , & que tout le monde i
» jeunes & vieux, s'y difpofe. Je fouhaite que quand je ferai chez
«vous, il ne manque ni pain, ni bière, ni alimens, ni pâtura-
» ges , & que vous faffiez provifion de bonnes armes. C'eft le
» temps de s'armer non feulement contre ceux du dehors, mais
»aufli contre les ennemis domeftiques. Souvenez-vous de votre
» premier combat, où vous étiez peu contre beaucoup de mon-
» de , 6c fans armes contre des gens bien armez. La main de Dieu
»n'eft pas raccourcie, ayez bon courage, 6c tenez- vous prêts.
"Dieu vous fortifie. ZiskA du Calice, parla divine efpérance
» Chef des T aborites ( 2 ).
fi) BaîL Epit. Rer.Bohem.p. 435". 436. Cet h-iftorien témoigne que ce morceau d'hiftoire
lie le trouve pas dans les livres imprimez.
[i] La lettre cfl datée de WitVien. ou Routiez. petite ville non loin de *ÏAbor. Cette lettre a été;
io4 HIST- DE LA GUERRE DES HUSSITES
r Quoique ziska fe fût déjà mis à la tète des Hufïîtes , ce ne fut
qu'en ce temps-là qu'ils le déclarèrent leur chef folemncllement.
Il femble pourtant par la fuite de l'hiftoire , qu'il les comman-
doit fous Nicolas Huffînctz^ A l'inflant il les mena à Prague au
nombre de 4000. qui par ion ordre s'emparèrent du monaflére
de hmiAmbroife^ dont ils avoient déjà chaflé les moines , & là
ils communièrent fous les deux efpéces , ayant porté l'Euchariffie
dans un ciboire de bois. D'abord ceux de Prague leur propoiérent
de détruire la forterefle de Wifrhade & celle de Wencefias , 6c de ne
jamais recevoir Sigifmond. Mais quelques gens plus fàges s'y étant
oppofez , l'enrreprife fut différée.
Défection V. Comme on vient de parler de la ville & forterefle deTa-
de Taber. kor ^ j[ eft bon j'en donner la defeription qu'en a fait Aineas Syl-
vius. telle qu'il la vit de fon temps vers le milieu du XV. fiécle.
» Quoique cette ville 3 dit-il , fût défendue par des rochers efear-
» pez , Ziska ne laifTa pas de l'enfermer de murailles & d'un avant-
» mur ( 1 ). Elle eu: baignée en partie de la rivière de Lufinitn^, & en
» partie d'un gros torrent qui , arrêté par un rocher , eft contraint
x de fe détourner à droite pour entrer dans la rivière à l'extrémité
»> de la ville. L'efpace pour aller dans la ville par terre ( car les
» deux rivières en font une peninfule ) eft à peine de 3 o pieds. Là
«il y a un folié fort profond , & une triple muraille , fi épaifle
«qu'elle étoit à l'épreuve de toutes les machines de guerre. Les
» Taborites maîtres dans l'art de prendre les places , avoient bâti
"plufieurs tours 6c plufieurs remparts le long des murailles dans
» les endroits les plus néceflaires. C'étoit là le refuge de tous les
» hérétiques. Ziska le conftruifit le premier $ ceux qui le fuivirenr,
v en augmentèrent les fortifications chacun félon fon génie. Nous
9 la décrivons telle que nous l'avons vue. On t rouve dans la rivié-
» re de Zujîmtzjdes grains d'or de la grofleur d'un pois , qui n'ont
«pas befoin d'être purifiez. Le même Auteur ajoute que jufqu'a-
*> lors les Taborites n'avoient point eu de cavalerie 3 parce que c'é-
» toit des gens de la lie du peuple, qui fembloient moins embraf-
»? fer une nouvelle foi , qu'éviter la juflice & les prifons (2). Voici
» comment il dit qu'ils acquirent des chevaux. Un certain Préfi-
» dent de lamonnoye nommé Nicolas 9 que Sipfinond avoit en-
trouvée en 1541. dans la Maifon de ville de Prague. Iheobali dit qu'il l'a vue , & qu'il y avoit
avec cette lettre un Hymne Bohémien dont fe fervoient \cslaborites. p. 71.
( 1) Atitenutrale. L'Auteur du redoutable aveugle traduit des contrefearpes.
(z ) On a fait voir ci-deflus le contraire par le grand nombre de grands .Seigneurs qui ccrivî-
joit à Sigijnxmd & au Concile de .Confiance , pour fe plaindre du fupplicç de 'Jean Hus.
wvoyç
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. VI. 105
•w voyé pour prendre foin des affaires delà Bohême, voulant s'op- 14.1g
«pofëraux mouvemens des Hufîîtes,s'étoit poftéavec 1000. che-
« vaux dans un village nommé Vogi^e. Ziska en ayant eu avis,
»> l'alla furprendre de nuit la veille de Pâques , lui ôta les armes
»> & ies chevaux , les fit monter à Tes gens, & leur apprit l'exercice
«du manège ( 1 ). Il brûla le village, & Nicolas fe fauva dans le u^ma j^,,
«château. Depuis ce temps-là Ziska ne marcha plus lans cava- cap. XL. p.
»lerie(a). 4'
VI. W'encefl.is pendant ces troubles, intimidé par plus d'une Djverfesrc*
fâche ufe expérience , s'étoit^retiré dans la fbrterefle àtWifrhade, m^eÛM.
léparée de la ville par la Moldave : il fera fou vent parl^ de cette
fbrterefle de la nouvelle ville de Prague. Le Prince, àfcn départ,
avoit ordonné aux Magiftrats d'empêcher lesHuilites de porter
en pompe i'Euchariftie dans les rues. Hagec raconte ici .ine parti-
cularité que je n'ai pas trouvée ailleurs. Un Bourgeois de la nou-
velle ville, nommé Nicolas Gans^, apparemment Huflite , puif.
qu'il recommandoit la communion fous les deux efpéces , ayant
parlé infolemment du Roi ,il le fit mettre en prifon j ma:s les Hu£
ïites ayant demandé fa grâce, il le mit en liberté, à condition
qu'il s'abfenteroit des villes de Prague. Cet homme fe re:ira donc
chez les Taboritcs , qu'il animoit contre le Roi par fés difeours fé-
ditieux. i^g^rajoure que peu de temps après il courut un bruit
que les Taboritcs vouloient fe foulever contre Wcnccflas , & choifir
pour Roi Nicolas Gansz^ Ce qui n'allarma pas peu ce Prince. C'efl
fans doute ce qui l'obligea à fe retirer dans une autre forteref-
fe (b) qu'il avoit fait bâtir à une lieuë de Prague, fous le nom (b) utifupr,
de nouvelle Fortereffe ou de Chàtcauneuf (1) {Arx nova).
VII. Ziska ne manqua pas de profiter des allarmes & de la Ziska entre
fécurité de Wenceflas. Tufoues-là il s'étoic contenté de quelques , ns PraS"e
■ ' J 1 , 11 les armes a
courfes , remportant toujours quelques petits avantages , dreflanc la main.
peu à peu [qs gens à la difeipline militaire , 5c les encourageant par
fes libéralitez. Mais la conjoncture étoit trop favorable pour ne
s'en pas prévaloir. Animé par les confeils de Nicolas de Hufjinefz^
il rentra dans Prague , où la plus grande partie de la ville l'ar-
tendoit avec impatience. Les HufTites fortifiez par la prefence
de leur Chef, bien loin d'avoir égard aux défenfes des Magif-
trats , n'en firent que plus d'éclat (c). Ils alloient inf ultant les egli- Çc) ***•
fes & Iqs monaflcres par leur affectation de porter le calice. Le rv.p. 117.
(i ) L'Auteur du Redoutable Aveugle dit qu'il fut depuis General d'année.
(2 ) La ville où étoit bâti ce Château s'appelloit Kotiradicie,
Tom. I. O
10É HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1419. premier coup de leur fureur fut fur le couvent des Carmes (1),
à ce qu'on prétend 3 parce que les moines de cet Ordre avoienc
porté de nouvelles accufations contre Jean Hus & Jérôme de Pra-
gue à Confiance, comme on l'a vu dans l'hiftoire de ce Conci-
(i) jheob.ÏQ (a). De cette églife ils allèrent à celle de St. £//>#«<?, paflant
«bifupr.p. par plufi-urs ruës & par plufîeurs églifes, bien armez. Quand
ils y furent arrivez, ils commencèrent par piller la maifon d'un
Prêtre, qui fans doute voulut s'oppofer àleur entreprife de com-
munier fous les deux efpéces. C'elt tout ce qu'en.dit Alneas Syl-
(b) H;)?. Bob. vius (b). Mais Thibaut, tout Proteftsnt qu'il eft , Se après lui Bal-
caP- hin~ dit nettement que Ziska tua ce Prêtre, après l'avoir dépouil-
XXXVII • . *■
p. m. 77. le de fes habits facerdotaux. Balbin ajoute qu'il le pendit aux fe-
nêtres. Si ce fut parce que ce Prêtre -là avoit alors abufé de la
fœur de Ziska, c'en: ce que les hiftoriens n'ofent pas affirmer (1),
D'autres difent que ce fut un moine qui commit cette impureté fa-
crilege ; car la fœur de Ziska étoit religieufe.
Les Séna- V 1 1 1. De-là ils s'en allèrent en fureur à la Maifon de Ville ,
tcurs de Pra- ^ -j fcavoienc que le Sénat étoit afïemblé pour prendre des
gue maffa- 1 1 , r , f ,
crczparks mefures contre eux. Onze d entre les Sénateurs échappèrent a
Huffitcs. }eur fureur par la fuite. Ils fe faifirent de ceux qui reffcoienc , Se
les jettérent par les fenêtres avec le Juge & quelques citoyens ( 3 ).
La populace en furie recevoit leurs corps avec des lances , des
broches & des fourches , pendant que "Jean de P remontré , nou-
vellement HufTite, & que l'on reprefente comme un homme au-
dacieux &c capable de tout entreprendre, montroit avec often-
tation un tableau où étoit peint le calice, pour animer davan-
tage un peuple qui ne l'éroitdéja que trop. Le Chambellan du
royaume étoit forti du château avec trois cens chevaux pour ap-
paifer le tumulte : mais il fe trouva fort heureux de pouvoir fe
retirer & fauver fon monde. On prétend que Ziska fut préfent
& même acteur dans toute cette horrible fcène , irrité de ce que
le Sénat avoit défendu de porter publiquement l'Euchariftie , ou
ce qu'ils appelloient la monflrance (4) du corps de Chrift. C'efl ce
(c)Mifceii. qu'affirme Dubravius , & après lui Balbin (c). Cependant tous les
lïob. San3.
h. IV. p.i 17. C1) Ce Monaftere avoit été fondé par Charles W. en 1347.
(zj Nefcio qtta de caufa , Ji tamen res ha febabet. Ditbravins cnimLib. 214. dubitatttfr ea de rt
feribit quod forori ipjùtî vitium obtuliffet. Theob. ubi fttp. p. 69. On a vu dans Yhifioire du Qm-
cile de Cinftar.ee que c'étoit une des raifons qui avoient rendu les Ecclefiaftiques odieux à ZisSM
(3) Les uns en marquent fept-, les autres onze en comptant le Juge, & ion valet. 11 arriva
une même fcéne l'année précédente à Brcflau , mais les mieux informez ne croyent pas que jc
lut pour affaire de Religion.
(4) SanSum Chrijlt iorpus in mctjfîrantia,
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. VI. 107
autres Auteurs , tant proteftans que catholiques qui ont rapporté l^l »
ce fait, n'y font point intervenir Ziska. Il y a entr'autres un ma-
nufcrit allégué par Bulbln 3 où cette affaire efl: racontée fans que
Ziska y paroifle. Je rapporterai ici fur la foi de Balbin les paroles
de ce manufcrit, parce que, félon lui 3 il eft d'un Auteur contem-
porain, & qu'il y a des circonflances particulières. » L'an 141 9.
»iour de Dimanche , fête de faim Abdon > il fe fit une Proceflion
» folemnelle de l'églife de fainte Marie adNives à celle de Saint
» Etienne. Ayant trouvé cette églife fermée , ils en rompirent les
» portes , ils dirent la Méfie 3 6c communièrent fous les deux efpé-
» ces. En revenant de la proceffion, ils s'arrêtèrent un peu à la Mai-
son de ville, 6c demandèrent au Sénat l'élargifîement de quel-
» ques gens qui avoient été emprifonnez à caufe de i'ufage du cali-
» ce. Le Sénat répondit avec fermeté qu'il ne pouvoit le faire. Ce-
» pendant on jetta du palais une pierre lur un Prêtre hérétique (1 ) ,
» qui dans la proceflion avoit porté devant le peuple ce qu'on ap~
«pelle hmonfirance. La proceflion en ayant été troublée, on rit
» irruption dans la Maifon de ville , 6c on fe jetta d'abord fur le
» Bourgmeftre, 6c enfuite fur, tous les Sénateurs , 6c fur le Juge ,
» dont le valet fut afïommé dans lacuifine (1). Tous ces gens -là ,
» èc plufieurs autres furent inhumainement jettez par les fenêtres,
» 6c reçus en bas par la populace fur des pointes de javelots , de
» broches, d'épées 3c de, poignards. Ceux qui tombèrent encore
» en vie, on les tua avec des fouets ferrez ». Balbin ajoute que l'Au-
teur du manufcrit impute toute cette tragédie à Ziska ^ mais il ne
dit pas qu'il y fût prçlent , c'eft au fond la même chofe (a). Le ma- (a) Mifieii.
nuferit de Siléfie, dont l'auteur étoit Huiïite, aceufe formelle- ub'Mr-
ment ziska d'avoir eu part à ce malîacre (3 ) , auiïï-bien que Hagec
quiluiallocieun nommé Zibr^d. La fureur n'en demeura pas là.
Comme ceux de la vieille ville , contre leur parole , ne fe joigni-
rent point à ceux de la nouvelle, ces derniers allèrent ce même
jour attaquer la vieille ville , dans le deiîein d'y mettre tout à feu
ôcàfang. Ils ne vinrent pourtant pas à bout de leur defïein: mais
ils fe retirèrent pleins de fureur , 6c il y eut ce jour-là beaucoup
( 1) Comme Balbin dit que l'Auteur du manufcrit étoit herctique lu'-méme , il faut qu'il em-
ployé le mot d'hérétique félon 1-e fens de l'Eglife Romaine. Ce Prêtre hérétique e'toit facs dou-
te le moine de Premotlire dont on a p:;rlé tout.ù-l'heure.
( 1 ) Le manufcrit les nomme nom par nom jufqu'au valet.
(l) Die men/is Julii XXX. Maçijier Qui uni , £j Cmfules nltqtti ri&va Civitatis cum Subjudice <
Commun ianis jub utrxqne izmuli f'untde prœtoria nova Ctvitaf.s enormner dejeçti , £> atrocïttr muc-
tati fer populum , ^Jjhanncm Ziskam Régis Bohemix fami(iaretn,
Oij
io8 HÎST. DE LA GUERRE DES HUSSlTES
i a i o . de ^anS répandu. Depuis ce temps-là les deux villes furent prefqut
(aj Hagtc toujours animées l'une contre l'autre (a).
Ur t-upr*H ^" ^~*cs ^e ^endemain la troupe iéditieufe alla fondre fur les au-
plufiews très monaftéres de la nouvelle ville où. elle n'ignoroitpasqu'ily
naftércs de avoit bonne capture à faire 3 Se fur tout de bon vin àc de bonne
r Su • bierre dont ils fe régalèrent à merveille. C'efl; ce qu'ils firent au
monafterede Zderazjituè dans la nouvelle ville, ils y mirent le feu
après l'avoir pillé. Delà ils palîerent avec la même fureur dans
la belle Chartreule de la vieille ville connue fous le nom de Jardin
de < M trie , & fondée en i 341. par Jean furnommé ï 'Aveugle Roi
de Bohême, père de Charles IV. Le Prieur étoit alors un nommé
Jlfarquard de Wurtemberg qui avoit été un des plus ardens ennemis
Ôc aceufateurs de Jean Hus , &. queBalbin appelle le fléau des hé-
rétiques. Les HuHites étoient tellement animez contre lui, que
rie ie trouvant pas en fureté pour fa vie dans fon monaftere , il fe
retira, par le confeil de fes amis à Bruna en Moravie. L'expérience
fit voir que fes amis l'avoient bien confeil lé. Les pauvresChartreux
furent traitez le plus indignement du monde. On les mena en
fpeclacle dans la vieille ville avec *des couronnes d'épines fur la
tête. On prétend qu'un conful de la vieille ville nommé Jean
Bradati 3 inftigateur de ces infultes , avoit apoffcé un tanneur
(b) Baib. e- de la nouvelle ville pour marcher devant les Chartreux en habits
&%*K4y^ facerdotaux, fautant & triomphant le calice à la main (b). Quand
Sans. §. ' on fut arrivé au pont de Prague , il y eut un grand débat entre les
lxiv. Huffites , les uns criant qu'on jercât les Chartreux dans la rivière ,
les autres s'y oppofant. On fe querella, on fe battit, plulleurs fu-
rent bleilez , & il y en eut deux de tuez. Enfin les Chartreux fu-
rent traînez en prifon dans la maifon de ville de la vieille cité. Les
magiftrats firent couper la tête au tanneur, comme au principal
auteur du tumulte, malgré Bradati qui l'avoit incité. Quelques
hiitoriens débitent que trois de ces Chartreux difparurent mira*
cuîeufement parlefecours des prières de leurs confrères 3 & que
les magiftrats touchez de ce miracle , mirent les autres en liber-
jth./iTub rez 3 & leur donnèrent bonne efeorte & de l'argent pour les con-
1. p. 9- H*, duire en Moravie (c). Un autre hiftorien a jugé plus vraifembla-
S%ï\^Bato. élément °lue ce miracle fut pieufement fuppofé par les magiftrats-
£eéem.Satià. pour fauver les Chartreux de la fureur du peuple (d). Il y a en
MfceiLL, e£ret t|ans cette hjftoij-e atfez de chofes incroyables , quoique
vbiiupr.cap. CO H pourrait être de la famille du Baron Marquardde Wurtemberg grand guerrier mort en
XXIX. p. XÏ9Z- Lupac. zz. Otfobr.
ET DÛ CONCILE DE BASLE. Ziv. VI. 109
vrayes, fans fuppofer des miracles fort fufpects. Ces Chartreux 14.1c
n'allèrent pourtant pas tous en Moravie. Ayant trouvé beau-
coup d'holpitalité chez les moines de l'ordre de Cifteaux dans
leur monafterede Sedlitz, quelques-uns s'y arrêtèrent. Maison
ne les y laifla pas long-temps en repos 3 ce monaftére fut fàccagé
peu de temps après parles Huffites qui exercèrent des cruautez
horribles contre les Chartreux , 8c contre les propriétaires du
couvent , oomme on le verra dans la fuite.
X. Dès que la nouvelle du mafïacre des Magiftrats de Prague Monde
& des défordres arrivez enfuite , fut portée au Roi , il en fut ex- nM^u
trémement ému, 6c elle caufa une confternation générale dans
toute fa cour. Pendant que chacun faifoit fes réflexions là-defîus,
il échappa à fon grand echanfon de dire, quil avoit bien prévît
tout cela (1). Le Roi à ce mot, foit qu'il en fut piqué, comme
d'un reproche de fa négligence, foit qu'il le foupçonnât d'avoir
trempé dans le complot, ou qu'il lui fût mauvais gré de ne l'en
avoir pas averti , le prit par les cheveux , le jetta par terre , &. lui
auroit enfoncé un poignard dans le fein , h* ceux qui étoient pré -
fens ne lui avoient retenu le bras. Dans ce même infiant le Roi
fut faifî d'un accès d'apoplexie, ou félon d'autres de paralyiie
qui l'enleva au bout de 18. jours, âgé de 5S.ans,fanslaifîerd'en-
fans (2) , quoiqu'il eût été marié deux fois. Balbin met fa mort le
16. Août de 14.19. & lemaiïacre arriva le 30. Juillet. Il yapour- (a) Manufcr.
tant des hiftoriens de Bohême (a) qui difent que WenceJIas mourut fY'vin
fur le champ d'apoplexie 3 mais comme ils mettent aufïï fa mort Lupac. Ephe-
le 1 6. d'Août, il s'enfuit de Là qu'il ne fut pas faifî d'apoplexie {""• Rtl-
le 30. Juillet, lorfqu'il fe mit fi fort en colère , ou que le 1 6. d'Août <^'.
fut une nouvelle attaque dont il mourut. Ces mêmes auteurs ajou-
tent quelques particularitez qui feroient voir que WenceJIas ne de-
meura pas dans l'inaction. » Après cette action , dit le manufcrit de
"Brcflau^ tous leshabitans de la nouvelle ville de Prague, tant
«ceux du pays que les étrangers, fur tout les adverfaires de la
«communion fous les deux efpéces, furent mandez à la maifon de
» ville , fous peine de la vie , ou de l'exil , par ceux qui avoient maf-
»facré les fénateurs, avec ordre d'y porter leurs armes. Lesen-
»nemis des Huilites allarmez de cet ordre prirent la fuite. Cepen-
( l) Quelques-uns lui font dire qu'il y avoit trois jours qu'il le fçavoit ', cequieft fort diffé-
rent. Dubrav. ttbifnpr. p. 6l~j.
(i) Un Hirtoriende Bohême dit qu'il avoit été rendu fterile par lesenchantemens. Bail/, p.
4$ 2. Je l'attribuè'rois plutôt au poilon qu'on lui avoit donné, comme le témoigne la grande
C.ironique Belgique. Ldit. Trancf, ad Mœn. h.\\n. itf^.p. 1x6.
iro HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
Jf 4- 1 9. „dant la communauté fe choifk quatre capitaines jufqu'à Télec-r
» tion desëchevins qui devoit fe faire bien-tôr, leur donna le iceau
,. 6c les autres marques du confulat, & fit mettre grofle garde dc-
»vantla maifon de ville. Le Roi irrité 6c concerné de ces mou-
„ vemèns propofa d'extirper tous les Huffites ( i ) . & fur tout leurs
» prêtres; mais quelques uns de fes confeillersqui étoient dans le
» parti de Jean Mus 3 avec les Sénateurs de l'ancienne ville lui pro-
» pofcrent un accommodement. Il fut donc conclu que la commu-
» nauté (des Huflires ) demanderoit pardon au Roi du maiïacre
» des Confuls , 6c que le Roi conlirmeroit l'éle&ion des nouveaux
» qu'elle cliroit. Le i 6. Aoufl le Roi Wenceflas frappé d'apoplexie
» mourut fur le champ dans fon château de Prague, jettant de
» grands cris , & rugiflant comme un Lion ( i).
X I. Tous les Hifloriens ont afTe&é de nommer rugiffement le
mcnTVur2 " cri que Wenceflas fit en mourant, 6c ils ont relevé ce fait comme
WençejiAs. quelque chofe de fort remarquable 6c de fort lîgnificatif. Pour
moi je ne crois pas qu'un le&eur équitable 6c éclairé puilîe tirer
aucune conféquence d'une chofe auflî naturelle, 6c je n'y ferois
pas plus d'attention qu'à ce qu'on dit qu'il falit les foncs baptif-
maux £c l'autel fur lequel il fut couronné. Mais on aura peut-être
occasion d'en parler ailleurs. Il faut rendre ici juftice à la modé-
ration d'Alneas Sylvius qui n'a point infulté aux mânes de Wences-
las , comme ont fait prefque tous les autres hiftoriens qui l'ont re-
prefenté comme un homme monftrueux , comme un Sardanapale,
comme un Therfite 6c un Copronyme. Voici ce qu'en dit Cochlèe
après avoir raconté la mort de ce Prince. Telle fut la fin de Wen-
ceflas XII. Roi de Bohème , d'une tige très-noble 3 mais d'une vie toute
oppofèc. On peut dire de lui eec^e S allufledxx.de beaucoup de gens,
qu'ils font adonnera, leur ventre & au foynmeil , qu'ils "vivent comme
s'ils nevivoientpas , paffant leur vie dans l'ignorance & dans la grof-
fiereté 3 dont le corps efi efclave de la volupté > à qui l'ame cfl à charge ,
($- dont on ne peut pas plus cflimerLi vie que la mort. J'ai trouvé dans
un ancien manuferit, qu'un jour fon cuifinier lui ayant refufé à man-
ger , il le fit embrocher & rbtir. llfîtjettcrdans la rivière un Docleur
en Théologie , pour avoir dit quilny a de vrai Roi que celui qui rè-
gne bien. Mais, ditlà-deiïus Cochlée, ces chofes paroifent cruelles .
X i ) Mngas Sylv. témoigne qu'avant fa mort il avoit fait une lifte des Hérétiques qu'il vou-
loit qu'on fit mourir , & qu'il imploroit fans ceiTe le fecours de fon frerc & de fes autres amis.
ueifit.fr. cap. XXVIII.
(2) Ceci eft tiré du manuferit de Breflau, fol. vil. vin. dont l'Auteur allure qu'il n'avance
rien qu'il n'ait vu & oiii. Voi. la Préfae. fur ce Manuferit. [La mortde M, l'Enfant l'a empéy
ché de faire la Préface qu'il annonce par cette Note. }
ET DU CONCILEDE BAS LE. Liv. VI. ni
On trouve dans le même livre qu'il aimoit p abonnement un chien 3 parce \a\c\
qu'il mordoit tous ceux qui lui montr oient le doigt. On dit auflî qu'il
av oit toujours à [on cote un bourreau pour intimider les gens , & qu'il
i'appelloitfon compère , parce qu'il avoit été parrain d'un des cnfans
de cet Exécuteur. Je ne [ai 3 dit Cochlée , jitout cela cfl vrai. Mais
tout cela même efi encore peu de chofe en comparaifon des maux extrêmes
que fouffrit par fa nonchalance l'illuflre Royaume de Bohème qu'il
avoit reçu très-floriffant des mains defon père. On ne vit depuis qu hè-
re''fie 'S 3 que [éditions, que [acrilcges , que guerrespque ma ([acres , &
que ne vit- on pas 1 Et certainement quand il nauroit fait que ce mal 3
qui par oit pourtant petit au prix des autres , de dêfoler } comme il fit ,
lafayneufe'Univerfitè de Prague , c'en étoit aflez^pour rendre fon nom
odieux à la pofleritc. Il faut pourtant moins lui imputer cette perte
qu'a Jean Hus qui le fur prit malicicufement. Ce Roi néanmoins fut
affczqcncreux & a /fez confiant pour ne point abandonner la Religion S^Cot}1'
de Jes pères , maigre Les artifices des Hérétiques (a). Lib. iv. p.
XII.» C'eft la coutume des Bohémiens , die ^Eneas Sylvius , l?s-
» d'embaumer les corps de leurs Rois, ôc de les porter ainfî en i^efllt
«pompe pendant huit jours dans les Eglifes delà Ville pour les
«pleurer îblemnellement. Cette cérémonie fut négligée à l'égard
«de Wenceflas , parce que la reine Sophie n'ofoit pas entrer dans
«la Ville neuve où tout étoit en combuftion. On porta donc le
«corps du Roi dansl'Eglife de St. Vit (i), &de là dans la Bafili-
« que de la Cour Royale (2) ( Aula Regia Konigsfaal ) où il avoir.
« ordonné qu'on l'inhumât. Mais ce monaffere ayant été (comme
«on le verra dans la fuite ) détruit par les hérétiques , qui déter-
«rérent les Rois de Bohême, & les firent jetter dans la rivière,
«un certain pêcheur nommé Mufcha qui avoit acoutumé de ven-
«dredu poiflbn à Wenceflas 3 & qui avoit affectionné ce Prince,
« enleva ïecrettement fon corps 3 & le cacha dans fa maifon. QueL
« que temps après les affaires étant rétablies, il le rendit pour 20
«ducats d'or, & il fut enterré avec les cérémonies accoutumées
« dans le tombeau de les ancêtres (3 ).
(1) Cette E.llfe eft dans le château appelle c!e St. Wenceflas , parce que ce Roi y repofe
( Cctjirtitn Saniïi IVenceflai ) Cétoitla réiidence des anciens Rois de Bohême. Balfr. Mifceil. L.
IlI.C.lX.p. rao.
(2)C'clU'Eglifede Sainte Marie. Elle e'toit entourée de fept chapelles dont chacune étoit
àc li jufte grandeur d'une Eglife. Ces chapelles avoient été conftruites par ordre de la Reine
EiZAhcth mère de Charles IV. Balb. ubifttfr. p. 133. C'étoit la fépulture des Rois de Bohême.
{3 ) Mn. Sjlv. cap. XXK VU. Les autres Hirtoriens ont raconté la chofe de la même maniè-
re. Ibibastd dit que le Pécheur rendit le corps à Sigifmond, ce qui neput_arriver qu'allez long»
temps après.
m HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
I4I9« XIII La. mort de Wence/las fat faivie d'un loue interrègne (i).
Interrègne. , ' „ • , i i V
La fucceffion à ce Royaume appartenoïc naturellement a ion
frère S igifmond roi des Romains & de Hongrie , le fécond des fils
deCharles 11^. Il eft vrai que Balbin témoigne avoir vu dans les
archives des rois de Bohême , qu'en i 3 S t.parun exemple rare fur
tout entre les Rois 3 Sigifmond^»»^ un témoignage d'amour frater-
nel , en cédant à [on cher frère Jean Duc de Gorlicx^ Marquis de
Lu face , Province qui appartenait alors à la Bohème , tout (on droit k
(a)B*#. e- la Couronne en caWqueW enceflas mourut fans enfans (x). Mais les
th. p. 196. ci10fes changèrent depuis par la mort de ce frère, puifque dans
toutes les lettres que Sigifmond écrit depuis cette ceiîion, il k nom-
me toujours comme fuccefleur de Wznceflas. Et c'elt auiîi à Sigif-
mondque Sophie de Bavière veuve de Wmceflas s'adrefTa de même
qu'aux autres Princes fes voifins & alliez, pour avoir du fecours
dans ces violentes extrémitez ; mais inutilement. Sigifmond étoit
trop occupé en Hongrie contre les Turc pour pouvoir porter Ces
foins ailleurs. Je ne fçai fi jEneas Sylvius a eu raifon de l'en blâmer.
» x» L'envie le prit, dit-il , d'aller contre les Turcs qui l'avoient dé-
»ja dépouillé, au lieu de palier en Bohême. S'il fût allé à la tête
» d'une armée àPrague avant que les Hérétiques enflent eu letems
»de s'y fortifier, on n'auroitpas vu le feu allumé en Allemagne ,
£pf "' Syh' » comme on l'a vu depuis.Mais pendant qu'il va harceler iesTurcs,
xxxix. 0 il perd la Bohême , & il ne défend pas la Hongrie (b),
u Reine fe XIV. Cependant Sophie deftituée de fecours le fortifia comme
fortifie dans^jg c Da ch4teau de Wisrhade qui eft dans la nouvelle Ville
fttaqucrZiï- elle s'étoit transportée dans le fort de St. W enceflas dans le petit
**• . . côté (c),où elle pouvoir être plus en fureté, parce que ks habitans
sinla:!mi de ce côté-là ne s'étoient point encore afl'ociez avec ceux de la
vieille & de la nouvelle Ville , & retenoient fort & ferme l'an-
cienne religion. C'eft pour cela que par le confeil du Seigneur
UlricdeRofenberg elle fit mettre des garnifons dans les principaux
endroits, comme à l'Eglife de S*. Thomas, au Palais épifeopai ,
&càSaxenhaufen(Mù(ondeSaLxe) pour fe mettre elle-même èc
les habitans du petit côté à couvert des infultes de .l'ennemi. On
rapporte à cette année une tentative que fit cette Princefle pour
furprendre Ziska , qui étoit alors dans le diftrict de Pilfen. Afîiftée
du Seigneur de Schwambew elle rarnafia quelques troupes, alU
attaquer Ziska , &Tenveloppa fi bien par deux fois qu'elle
(1) Sur cet interrègne voyez DuWav.Ub.XXlV. F- m° 6l o.theob. le fait durer 18. ans.
(thi [upr* cap. XXX. p. 72« 1,
J r ■ F t \ aurojt
ET DU CONCILE DE BASLE. Llv. VI. k'rj
l'auroic faic prifonnier fans ce ftratagême donc il s'avifa. *4i<^
XV. Se trouvant inverti par la cavalerie, il trouva moyen de Rufe de
gagner un lieu marécageux , où elle ne pou voit aller. Mais comme suerrc de
il n'y put pas long-temps demeurer non plus , il fut encore enfer- Zis *
mé dans un endroit où il n'eut point d'autre retraite qu'une
colline , où il n'y avoit que pierres & brofîailles , jugeant bien que
l'armée ennemie qui coniïltoic prefque toute en Cavalerie feroic
obligé de fe battre à pied. C'en: ce qui arriva. Les cavaliers des-
cendirent de cheval , 6c tout bottez & épronnez allèrent attaquer
Ziska ^ efpérant d'en venir aifément à bout , parce qu'il avoit peu
de monde. Ils y furent trompez. Ses foldats J^/^mwavoient leurs
femmes avec eux. ziska leur commanda d'étendre toutes leurs
robes, & leurs voiles à terre. Cela fait, les éperons s'embarafTé-
rent tellement, que cette Cavalerie démontée fut prefque toute
taillée en pièces. On ne dit pas ce que devinrent la Reine & fon
Général. L'Hiftorien rapporte feulement que ce qui échapade
cette cavalerie qui avoit manqué foncoup, s'alla retirer à Pil-
feny où elle fut fort bien reçue, parce qu'on étoit irrité contre
Ziska de ce qu'il avoit détruit les monafteres de cette Ville ; èc
même ce qu'il y avoit defes gens en furent chailèz. Pour ziska
lui-même il fe retira à Taborfa/ On verra tout- à-1'heure que ces (a)T^.ubî
précautions ne furent pas d'un grand fecours. Maisii fautaupara- xxxn13"
vant parler de la défblation des Eglifes 6c des Monaltéres. 7j .
XVI. On peut juger qu'un interrègne n'étoit pas propre à met- Ruine totale
trelecalmeen Bohême. Quoiqu'il n'y eut pas beaucoup de ref- dfs Monaf-
fource dsiïisWenccflas 3 il ne laifloit pas de tenir quelquefois les Eglifes, tant
efprits en bride par l'ombre d'autorité qu'il y polîcdoit encore. À Prague que
Les HuiTites avoient été obligez d'implorer fa clémence après le jju^ e ""
malïacre desMagiftrats,fans quoi il étoit réfolu d'en faire un exem-
ple par-'unmaiîacre général. Il n'eut pas plutôt les yeux fermez que
la populace HuiTitique,déjamife en haleine,couroit de toutes parts
à bride abbatuc, comme des chevauxqui ont pris le mord aux dents.
Elle s'alla ruerfur les Monafteres 8c leurs Eglifes, pillant, brûlant 8c
mafïacrant tout avec une fureur & une profanation fans exemple.
Ils alléguoient pour prétexte de toutes ces horreurs, que les moi-
nes n'etoient que des ventres pareiîeux, de vrais pourceaux , 8c*
que les couvens leur fervoientd'étables. On brifa les images 8c
îesftatuës, on leur arracha indignement les yeux, on leur coupa
le nez & les oreilles. Les orgues furent mifes en pièces. Des vête-
;nens facerdotaux 6c des chafubles ils en faifoient des habits a leur
Tom. J. P
n4 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
141 9. ufegeJ ou des drapeaux. Et pour ce qu'il y avoic de plus précieux,
comme les ftatuës d'or 6c d'argent , les rofaires, les ciboires , les
coupes, ils l'emportoient chez eux. On ajoute qu'ils le fervoient
du chrême pour grailler leurs fouliers 6c leurs bottes. Onjetta de
la boue 6c de l'ordure fur les grands tableaux aufquels on ne pou-
voir atteindre. En un mot, on vit tous les horribles excès qu'on
peut attendre d'un interrègne arrivé dans un temps de trouble 6t
de fchifme , où chacun veut s'emparer du gouvernement ', 6c tout
cela à l'inftigation de Ziska 6c de fes adhérans , comme le rappor-
ubifupr!cap. tentles deux Auteurs Proteftans qui ont fait cette tragique def-
xxxi. cription (a).
Defcrîptîon XVII. Ziska , comme on l'a vu , étoit fort prévenu contre les
de. Monafic- Ecclé fiaftiques féculiers 6c réo-uliers. D'ailleurs ils avoient le plus
j es de bjuc- •? < r »• 1 *■
me. contribue au lupphce de Jean Hus 6C de Jerbme de Prague , par
leurs aceufations au Concile de Conftance. Les Eglifes 6c les Mo-
naftéres furent donc les premiers objets de fa vengeance. Tous les
Hiftoriens nous donnent une idée magnifique des Monaftéres 6c
des Eglifes de Bohême. ^Eneas Sylvius Italien, qui par conféquent
devoir être jaloux de la gloire de fa patrie, parle avec admiration
desEglifès 6c des monaftéres de ceRoyaume,où il avoir été envoyé
comme on le verra dans la fuite , 6c il ne fait pas difficulté de lui
donner l'avantage fur tout les pais de l'Europe,tant par rapport au
nombre, que par rapport à la magnificence, non feulement à Pra-
gue,mais dans toutes les villes de la Bohême , fans en excepter les
villages. On peut voir au bas delà page la defeription qu'il en-
fait (\). Il parle entr'autres de la magnificence du monaftere de la
Cour royale. Il y av oit, &\t-\\ y un jardin, autour de s mur ailles du-
quel è toit écrite fur de belles planches toute £ Ecriture fainte en lettres
majufcules depuis la Genefejufquà £ Apocalypfe. Les lettres croijfant
infenfiblement à proportion de la hauteur de la planche , de forte quon
pouvoit lire depuis le bas jufqu en haut. Mais après la mort de ^en-
ceflas cet ornement fut détruit parla rage des Huffîtes.
MoraftlTreT xvl11- ^ felloic en effet qu'il y eut une quantité prodigieufe
ruinezà Pra- d'Eglifes 6c de Monaftéres en Bohême , puifque les Hrftoriens en
gue- comptent jufqu a 550 détruits par Ziska (b). On peut juger que
Ann. Bojor. ( l) Nttllumego ~Ragnum mate niflra in tota Europa tam frequentibus , tam artguflis , tam orna-
Lib. VII. cap. *'s Remplis dicatrtmfuijft , quamBohemicumreor. lempla in cœlttm ereiïa 3 longitudine atque am~
XXIV. p. flitudihe tnirakHi , firnicihm tegebantur lapidas : altaria in fublimi pojitcf, anro^ argento , qno
778. Iheob. fan^orum Reliqitiœ tegebantur , onufia : Sacerdowm vefles margaritis texttz : otnatus omnis dives :
p. yA.Balb. Pret>°J*JBmn fuppellex : fenefirx aluz cttqite ampLJJtwii i, confpicuo vitro , £? admirabili opère hteem
Epit.p. 4? 3 . ¥r*fob*nt. Nequebœctantumin ogpïdis , mque ttrbibus }jed invillis quoque admïrari luebat*caç>.
XXXVI. p.74. 7$.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. VI. 115
iranc de richenes qui fe trouvoienc dans les Eglifes en or , en argent
î& en pierreries , écoienc, &ime bonne reffource pour foûnenirla
guerre, & une grande amorce pour le foldac. On a déjà parlé de
celui de zderax^ & de celui des Chartreux qui furent pillez &; brû-
lez à Prague , foie immédiatement avant la mort de Wènceslas , foie
auificôc après , caries Auteurs varient là-deffus. Outre ces deux
là, BalbinQn compte quatorze détruits à Prague en 141 9. ceux
des Bénédiflins , des îsfortbertiyis de l'Ordre de Prémontré , des
Ermites de St. Auguftin 3 des Chevaliers de Malthe 3 des Vejlales de
la Pénitence de S te Marie Magdelaine. Tous ceux-là, fijene me
trompe, étoient dans le petit coté de Prague. Ceux de la vieille
Ville & de la nouvelle Ville ne furent pas plus épargnez. Il y
avoit entre autres celui des Dominicains ou Frères Prêcheurs , celui
des Filles de Ste Claire de l'Ordre de St. François , un autre
d'hommes du même Ordre, un des Bénédictins , un des Cheva-
liers Tcutoniques. Tout cela fut pillé , & impitoyablement réduit
en cendres. On n'eut pas plus de pitié des perfonnes que des édi-
fices. On maflacratout ce qu'il y eut de gens de l'un 6c de l'autre
fexe , qui ne purent échapper à la fureur populaire en fe réfugiant
chez leurs parens& leurs amis3 ou qui ne voulurent pas adhérer
auxHuilîtes. Quelques-uns obtinrent difficilement que la peine
de mort fut changée en celle de banniiïement. Le monaftére de
St. Jérôme dans la nouvelle Ville s'étant déclare pour eux fut con-
fervé, L'Abbé de ce couvent nommé Paul alla au devant d'eux
avec fes moines les fupplier à genoux d'épargner le monaftére ,
promettant de donner la Communion fous les deux efpéces. En
effet à l'inflant il la donnaà une vingtaine de Taborites, qui la re-
çurent avec leuffc arcs., leurs halebardes 3 leurs mafluës , leurs
feorpions , leurs catapultes , machines de guerre de l'ancienne
milice , dont on peut voir la defeription dans Vegèce (a). Ce Cou- (a.)Cmme*tt
vent fubuftoit encore dutemps deTheobald(\uicn rapporte ainfî kÇg»-p»
l'origine. Charles JV '. dit-il , ayant bâti la nouvelle ville de Prague en
1 348. voulut l'orner de fomptueux édifices & de beaux monaflére s.
Entre autres 3 il fit bâtir un M onafl ère auquel il donna le nom de St. Jé-
rôme (1) , &y établit des moines Bènèdiïtins Efclavons. Il obtint en-
fuite de ClementVI. le -privilège défaire le Service divin enLangue Ef-
clavonnedansce couvent, ce que le pape Grégoire Vil. avoit refufé
au Duc Wrarislas, comme on l'a vu. Au refle , pour le dire en pal-
/ant , ces moines fe vantoient de pofleder un Diplôme à'Alexan*
(î) Mtuajîerium Hieronymi ad S. Sovctnnm. Ce Couvent s 'appelle auffi Emaus. Theob. p. 'JXt
/ P ij
n6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
141 9. dre le Grand en faveur des Efclavons , pour l'avoir fidèlement fèrvi,'
fa) Mifeeii. Mais Balbin a démontré que c'eft une pièce fuppofêefa). Tous ces
xxVn ravages font atteliez unanimement parles Hiftoriens de l'une &
g.viii. de l'autre Communion. On n'épargna pas plus les Eglifes à la
campagne que celles de la ville. Onavoit déjà commencé les bri-
gandages dès qu'on eut appris l'exécution de Jean Mus. Comme
elle avoir extrêmement animé le peuple , plufïeurs brigands fe
fervoient de ce prétexte pour pêcher en eau trouble. Il en faut
donner quelques exemples.
Dîgreflions. XIX. Il y avoit dans la forterefle de Frawenberg ( 1) , fituée
lyjhi fameux dans le diftricî: de Pilfcn, fur une haute montagne efearpée de tous
ngln cotez 3 &; prefque inaccefîible , un certain Gentilhomme 3 nommé
Jean Tyfia , d'une ancienne famille de Bohême , maisinfîgne bri-
gand. Cet homme profitant de l'émotion des efprits dans cette
province > en ravagea impunément la campagne & les villes. Il y
fit de fi grands ravages , que Wenceflas tout indolent qu'il étoit r
fe mit en devoir de le ranger. Il y envoya pour cet effet quelques
officiers avec environ miile chevaux, qui fe partageant en plufïeurs
petits corps, s'allèrent pofter à l'entrée de la nuit en divers en-
droits au pied de cette montagne. On n'ignoroit pas qu'à ces heu-
res-là ces brigands fe donnoient à cœur joie de leur butin. Ils fu-
rent en effet furpris , les uns y vres , les autres dormant profon-
dément , les autres jouant & danfant au fon de la mufîque. Il y en
eut environ 3 50. de pris fans nulle réfiflance. Leurs chevaux 8c.
toutes leurs dépouilles furent partagées entre les foldats , &: on les
conduifit à Prague où ils furent tous pendus. On raconte qu'il y
avoit dans cette troupe trois frères d'une grande beauté , éc que
plufïeurs intercédèrent pour euxj mais on ne dit pis s'ils obtinrent
leur grâce. A l'égard de Tyfia il entendit bien le bruit, mais n'o-
fant fe mettre en défenfe contre tant de gens , il demeura caché,
dans quelque endroit de fureté. Irrité de la défaite de fon monde^,
il s'aflbcia d'autres brigands , & fe mit à piller plus que jamais».
Mais ayant appris qu'on vouloir l'afliéger de nouveau, il prévint
le coup, &: fit fa paix avec le Roi _, fous promefle qu'il n'exerceroit
plus le métier de brigand. Au refte Theobald a fait une descrip-
tion fort exacte de cette ancienne forterefîè qui n'efl: plus qu'une
vafte mafure. Ce qu'il dit fur tout de fon origine , mérite bien une
digreflïon , quand ce ne feroit que pour délafîèr le ledeur de tant
{ 1 ) Ce mot en Allemand lignifie montagne des Femmes; fans doute à caufe de l'^vanturcs
qu'on ya raconter-
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. VI. 117
de fpe&acles lugubres, quoiqu'il y aie auffi du tragique dans ce que 1410.
je vais raconter.
XX. On trouve dans les Annales d'Allemagne que Henri I. Avanture
furnommé YOifeleur, avoit une fille d'une grande beauté nom- amoureufe
mée Hélène. Le comte Albert dAltenbourg en devint amoureux ,
& s'en fit aimer. Comme il n'y avoit nulle apparence qu'ils obtinf-
fent de l'Empereur la permifîîon de fe marier , ils prirent la réfolu-
tion de fe retirer enfemble dans quelques forêts inacceflibles. Pour
y réuffir_, le Comte fe mit d'abord au fervice de l'Empereur y afin
d'avoir le temps de vendre fes biens. Quand il eut amaflé une afTez
grande fomme pour fe mettre en état de fubfifler avec fa maîtreflè
dont il vouloit fairefon époufe , il demanda congé pour un certain
temps 3 fous prétexte de quelque voyage pour fes affaires. Il jetta
d'abord les yeux fur la Bohême pais de montagnes ôc de forêts, 011
il efl aifé de fe retrancher. Ayant trouvé un endroit favorable à
fon defléin , il s'y arrêta ,& y fit bâtir la forterefTe dont il s'agit,
Il fit en même temps pour plufieurs années une bonne proviiion
de toutes les chofes néceilaires à la vie. Il n'oublia pas plus l'arfe-
nal &: les armes, que les magaflns. Le fort achevé 3 il afTembla
tous fes ouvriers &. leurs familles , fous prétexte de leur faire bâtir
une ville au pied de la montagne où étoit le château. Ils rnirens
en effet la main à l'œuvre^ mais l'ouvrage fut bien-tôt interrompu,
parce o^x Albert craignoit avec raifon que tes ouvriers s'en retour-
nant chez eux, ne révélaffent fon fecret. Il prit donc le cruel parti
de les faire tous brûler , après les avoir enyvrez. Cette horrible
exécution faite, il retourna plus paffionné que jamais à la Cour ,
où il avoit laifTé la belle Hélène. Quel moyen de l'obtenir ? Il
n'y en avoit point d'autre que de l'enlever s comme ils en étoienc
convenus. Il lui propofa donc un jour de faire avec des dames une
partie de promenade à la campagne dans un certain endroit qu'il
lui avoit marqué. La compagnie arrivée au fecret rendez-vous ,
Je Cavalier prit la Dame, & l'enleva à la vue des autres, fuyanc
au grand galop. Après une allez longue courfe , ils arrivèrent à
leur château , où Hélène fut ravie en admiration de fe voir reçue
iî fplendidement. Beaux jardins, appartemens commodes & ma-
gnifiques , charmante vue, munitions de guerre &; de bouche , ô£
for tout une entière liberté à leur pafîion réciproque. Pendant
ce temps-là PEmpereur avoit été occupé à la guerre de Hongrie*
En étant revenu victorieux, il établit fa réfidence à Ratisbonne
qui n 'eft pas éloignée de la Bohême* Comme il étoit fort paf-
P ni
1 1 8 HIST. DE* LA GUERRE DES HUSSITES
fionné pour la chafle , l'ardeur i'emportoit fouvent dans les forêts
de Bohême. Il s'y engagea un jour fi avant qu'il s'égara , 6c rue
long-temps fans içavoir où il étoit. Enfin découvrant de la fumée
il donna des deux vers cet endroit, où il n'arriva qu'avec peine
la nuit, tant les chemins étoient impratiquables. Il n'eut pas moins
de peine à fe faire ouvrir, tant tout étoit clos & bien o-ardé. Al-
bert ayant demandé, Qui va là ? Ayez^pitiè 3 dit Henri , d'un voya-
geur qui s3 étant égaré 3 n'a ni bu ni mangé depuis trois jours. Il y a voit
long-temps que nos amans, ou nos époux, n'avoient vu l'Empe-
reur , & apparemment il avoir beaucoup changé depuis ce temps-
là , de force qu'ils ne le reconnurent pas , pour fon bonheur , com-
me on va le voir. Hélène curieufe de voir un homme, ce qui ne
lui étoit pas arrivé depuis cinq ans , à la réferve du fien , le pria in-
ftamment de recueillir cet étranger. On le reçoit amiablement,
on lui allume du feu 3 6c on lui donne les rafraichùTemens nécef-
faires. L'Empereur reconnut d'abord fon gendre &; fa fille , mais
il n'eut garde d'en faire femblant. Il fit accroire qu'il étoit un
gentilhomme qui après avoir beaucoup dépenfé à vifiter plufieurs
Cours de l'Europe, s'en retournoit chez lui fort court d'argent.
Sur cela Hélène lui demanda des nouvelles de l'Empereur Henri.
Quoi 3 dit-il , vous ne fçavez pas qu'il y a déjà un an qu'il eft mort?
Ha y dit-elle 3 l 'agréable nouvelle que vous m'apprenez^! en reconnoif-
fance je veux de ma propre main faire votre lit , & vous coucher molle*
ment. Je voudrois que tout le rejle de ma famille fut éteint , pour recou-
vrer ma liberté & celle démon cher ami que voilà. Mais 3 dites-moi,
je vous prie , Madame, y£ vous aviez^ à préfent l'Empereur entre vos
mains 3 comme vous m'avez^, que luiferiez^vous ? Nous ferions en forte
qu'il ne pafferoit pas le jour. Après de femblables entretiens on ac-
compagna l'Empereur dans fa chambre , & le lendemain il retour-
na à Ratifbonne au grand contentement de fa Cour qui étoit fort
en peine de lui. Comme tout le monde le félicitoit : Trêve de com-
plimens 3 dit-il aux Seigneurs qui l'entouroient , foi une prière a
vous faire : cefi de vous armer incejfammcnt contre un ennemi que j'ai
découvert. Ce qui fut dit fut fait. On fe met en marche en bonne
pofture , on commande des ouvriers pour abattre les arbres, & ap-
planir les chemins jufques à la forterefle. Cependant ces Seigneurs
voulurent fçavoir qui étoit donc cet ennemi qu'ils alloient com-
battre. C'efimonfcélérat de gendre , dit-il 3 & mon indigne fille qui
font dans ce château que vous voyez^ A 'llez^l 'envahir , & me les ame-
né z^prifonni ers. A Imitant on marche droit à la forterefle ? & on
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. VI. 119
en demande l'entrée. Albert al larme de ce tumulte inopiné, de-
mande qui c'eft. C'eft 3 lui cria-t-on , l'Empereur Henri qui a été
chez^vous ces jours pajfez^, & qui nous commande de vous amener à)
lui mort ou vif. Aulîi- rôt il le mie en état de défenfe , mais les cor-
des de Ton arc étant pourries , il fallut fe fervir de pierres. Hélène
cependant jettoit des cris pitoyables. J e ne furvivrai pas 3 dit-elle,
une heure à mon époux , tuez^moi , ou je me tuerai moi-même. Les chefs
de l'armée touchez de compafïîon , prièrent Henri de leur faire
grâce. Il le fit , non fans quelque combat. Le traité conclu , la for-
terelle fut ouverte à Parmée, les coupables demandèrent pardon
à genoux 3 & l'obtinrent. Ils ouvrirent leurs tréfors cachez en terre
ious la porte de la chambre où l'on mangeoit. Après quoi ils ac-
compagnèrent l'Empereur à Ratisbonne 3 & depuis ce temps-là le
château fut négligé pendant long-temps. C'eft ce qui arriva en
93o(i).
XXI. Voici un autre exemple de ces brigandages , tiré du me- Aventure de
me Auteur , mais d'une nature différente. C'eft le pillage du mo- olZovitl. *
naftére <¥ Opatovitz^proche Konigs-Gratz^ Ce couvent de Béné-
dictins fondé fur la fin de l'onzième liécle par Wratiflas premier
Roi de Bohême, étoit un des plus riches de tout le royaume,
parce qu'on n'y recevoit que des perfonnes de qualité qui y appor-
toient tous leurs biens. On raconte qu'en 1 3 59. l'Empereur Char-
les IV. ayant oui dire qu'il y avoit de grands tréfors cachez dans
ce couvent, voulut l'aller vifiter pour en voir les richeffes. Pour
cela il prit avec lui une trentaine de fes courtifans fous prétexte de
faire une promenade. Etant arrivé à Konigs-Gratz^, il y laifla fon
monde , de ne prit avec lui que deux de les chambellans pour l'ac-
compagner à Opatovitz^ Il y fut fort bien reçu & bien régalé par
l'Abbé oui ne le connoiflbit pas 3 mais qui voyoit bien à fa mine
que c'étoit quelque grand Seigneur. Après le repas, l'Abbé PayanG
prié de lui dire fon nom , il promit de le dire pourvu qu'il pût en-
trer dans l'Eglife avec lui , & deux des plus anciens moines , en qui
il avoit le plus de confiance : ce qui lui fut accordé avec plaifir.
Quand il fut entré dans l'Eglife, Charles dit à l'Abbé '.Révérend
Abbé , puifque vous v ouïe z^fc avoir mon nom , apprenez^ que je fuis
Charles Empereur des Romains & Rot de Bohême votre fouverain,
A ces mors l'Abbé recula quelques pas en arriére tout efFrayé , &,
s'exeufa de n'avoir pas connu l'Empereur , fur ce qu'il étoit fi mal
(ï)lbcnb. ubi f;;pr. cap. XXVI. p. Cl. 64.. Au refte cette avinturea été ajoutée par Jaques
Dupont de Hcidelbtir d;ij:s la Traduction latine de Thibaut, Elle n'eft point dans l'Allemand,
no HIST. DE LA GUERRE bES HUSSITES
efcorté. fai laiffè mon monde à Graditz^, dit l'Empereur , pour m'en*
tretenir plus confidemment avec vous 3 mes chers pères , fur les chofes
que j'ai à vous dire. Mais dites-moi 3 je vous prie 3 fi les pères qui font
ici prcfens , font ceux de vos confrères en qui vous avezje plus de con-
fiance. L'Abbé l'en ayant allure , je vous dirai franchement , die
l'Empereur 3 ce qui m'amène ici. On m'a dit que vous avezjLms ce lieu,
un très-riche tréfor. Si cela efl3 ne m'en refufez^pas La vue à moi qui fuis
votre maître & votre prote'céeur , & je vous promets , foi d'Empereur,
que je ne prendrai abfolument rien, & que je ne foujf rirai pas que perfon-
ne en prenne la moindre chofe. La proportion furprit les moines.
Ayant obtenu du temps pour en délibérer , l'Abbé tint ce langage
au Rv>i : Très-clément Empereur , pnifque vous fouhaitez^d' être infor-
mé des tréfors de notre monaft ère , nous vous dirons que de do Reli-
gieux que nousfommes ici , il n'y a que nous trois qui ayons connoifsance
de ce trèfor qui nous a été confié à nous feuls. Quand il en meurt un des
trois , on confie le fecret à un autre, & nous fomme s de ferment de ri ou-
vrir le tréfor à ame vivante. D'ailleurs l'accès en eft fort dangereux ,
& ne convient point à votre Majeftè. L'Empereur après y avoir un.
peu penfé , demanda qu'ils l'aflociaflent lui quatrième à eux trois,
offrant auflî de prêter le ferment. La propofition paroiflant fufpe-
&e & artificieufe aux moines défiants 3 ils délibérèrent encore , &
firent enfin cette réponfe à l'Empereur. ~N ous ri o ferions ni accorder
ni refufer abfolument à notre protefleur ce que vous propofez^ Ayez^donc
la bonté de choifir de ces deux chofes l'une 3 ou de voirie lieu fans voir le
trèfor^ ou de voir le trèfor fans voir le lieu. Montrez^moi feulement le
tréfor, dit l'Empereur, & je ferai content. Jlfaut donc 3 dirent les
moines , que vous vous abandonniez^ à notre conduite ( i ). Mes chers
pères , répondit l'Empereur, ma vie eft entre vos mains , je ferai
tout ce que vous ordonnerez,. Là-defîus ils prennent l'Empereur par
La main, le mènent dans un enclos obfcur {conclave') pavé de bri-
ques , allument deux cierges 3 lui mettent un capuchon à l'envers
fur la tête 3 en forte qu'il ne pouvoit voir que ce qui étoit devant
fes pieds (2). Enfuite ks moines ayant ôté quelques briques, l'Em-
pereur apperçut confufément une caverne très-profonde , où il
lui falloit defeendre jufqu'au bas. Quand il y fut arrivé , les moines
le tournèrent & retournèrent, jufqu'à ce qu'il en fût étourdi.
Alors ils le conduifirenr dans une cave fouterraine longue de deux
( i) Si quidem artgujîa Majcflas tua bue eligit , oportet ut ex noflro prœfcripto vhas.
(2) Vejïem monajïicMnfHtnerewverfamip/iinduerfi, quitubil vïderg poffet pertnde atque qux ifp
\iwbrii n}icct, mji qua atite pedes tram,
rues,
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. VI. nr
m'es. Là ils lui ôterent fon capuchon , & lui montrèrent une gran- 14.1 «.
de chambre toute pleine de lames ou de barres d'argent, puis ils
Je menèrent dans une autre remplie d'une grande quantité d'or
en barre , & enfin dans une troiliéme , où il y avoir grand nombre
de croix d'or, de paix, {pacificalia) ôc autres ornemens d'Eglife
enrichis de pierreries }§L de quantité d'autres fortes de joyaux.
Sire , dit alors l'Abbé , tous ces tré fors font à vous > on les garde pour
vous & Pour vos légitimes fùcccffeurs j ainfi vous pouvez^ en prendre
tout ce qu il vous plaira. Dieu me pré ferve y dit l'Empereur, de rien
emporter des biens eccléfiaftiques. il ne fera pas dit , repartit l'Abbé ,
que votre Majeflè s'en retourne a vuide de ce tréfor, & quelle n'empor-
te pas d'ici quelque marque de fouvenir. Il lui mit alors au doigt
une bague , où étoit enchaffé un précieux diamant que l'humidité
n'avoit point terni. L'Empereur le reçut avec plaifïr, & promit
de le porter toute fa vie, & même de le faire enterrer avec lui.
Quand il fallut s'en retourner , ils remirent fur la tête de l'Empe-
reur le capuchon qu'on lui avoit ôté pour voir le tréfor , de le pi-
rouéterent encore , afin qu'il perdît le fouvenir de l'endroit. Etant
arrivé dans la première chambre , où il avoit été d'abord , on lui
ota fon capuchon , il fe mit à genoux devant un autel , remercia
Dieu , &. parla ainfi aux moines : Je vous remercie , mes chers pè-
res , de m avoir montré ce tréfor ; mais y dites-moi , oferois-je dire feu-
lement à mes plus confidents amis 3 quily a un tel tréfor dans mon royau-
me 3 fans marquer le lieu ? Ils répondirent qu'il en pourroit ufer
comme il jugeroit à propos. Lorfqu'ii fut de retour à Konigs-
Gratz^, il ne manqua pas de faire à table le récit de ce qu'il avoit
vu , & la defeription du tréfor , fans dire où il étoir. On s'en infor-
ma des Chambellans quil'avoient accompagne. Ils dirent qu'ils
avoient été avec l'Empereur au monaftere d'Opatovitz^, de qu'il
avoit été fort long-temps en converfation avec l'Abbé, & deux
des plus vieux moines. Il n'en fallut pas davantage pour éventer
la mine (1).
XXII. Pour revenir donc de ces digreffions dont j'efpére qu'on Mi.fiecx.ki
ne me fçaura pas mauvais gré, un certain Gentilhomme deBohê- ,g
me , nommé Jean Mieftcczki , d'une famille distinguée, mais qu'il
deshonora par fes brigandages , ayant appris qu'il y avoit à Opato-
ivV^un fl riche tréfor, rélolut de s'en emparer , au moins d'en
(1) Iheobald dit que l'Empereur rftîma ce tréfor quntre mil1 ions de florins, nbiftpr. p. $J.
$ctlb. Epit. p. 434. Miffill. Bob. SattS. §. IXl.Uagec. Hift. Bohcm. Ann. i J $9. p. $91 • 5P4-
Tom. I. Q,
m HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
tirer bon parti. Pour y réuffir, il monte à cheval avec deux ê€
fes camarades 3 fous prétexte d'aller vifiter l'Abbé qui s'appelloic
Pierre Laczure. Le brigand fut fort bien reçu & bien traité ( i ). Au
bout d'une heure il vint deux autres eftarîers , & enfin le nombre
multiplia jufqu'â 3 o 3 qui comme autant de dogues détachez par
leur maître, tuèrent tout autant de moines qu'il leur en tomba
fous la main. Le Maître de fon côté , pendant qu'on étoit à table,
fe jetta fur l'Abbé & fur trois ou quatre des plus vieux moines, leur
commandant le poignard à la gorge de leur dire où étoit le tréfor.
Les moines le refuferent conftamment 5 l'Abbé fut mis à la tortu-
re j & ne voulut rien révéler. Ainfi le tyran fe retira fort irrité de
ne pouvoir découvrir le tréfor. Cependant il emporta S 000. flo-
rins que l'Abbé avoit en fon pouvoir y & pour 2000. florins de
vafes facrez. L'Abbé mourut peu de temps après de fes bleiTures,
ScBalbin n'a pas fait difficulté d'en faire un martyr. A l'égard de
Miefteczjii il s'en alla chez lui 3 & régala fplendidement de fon bu-
tin fes amis de l'un 6c de l'autre fexe pendant plufieurs jours. Du
reftede fa proie il acheta le château & la ville &Opokz,no dans le
diftrict de Konigs-Gratz^ Il fut cité par l'Empereur , mais il ne vou-
lut point paroîrreàlacour, que quand l'affaire fut ailoupie. Je
confens qu'on mette l'Abbé au rang des martyrs , comme un autre
faine Laurent (i)\ mais je ne crois pas qu'on doive mettre fur le
compte des Hufiites le pillage de ce monaftere. Il ne paroît point
que ce bandi fût alors Hulfice. Au contraire Balbin témoigne
qu'il voulut expier ce facrilége en faifant rude guerre aux Huf-
fites étant dans fon château neuf de JJcbtembourg. Ileftvrai que
cet Auteur ajoute, qu'on vit pendant long-temps le drapeau de
ce brigand pendu à un gibet à Prague , parce qu'il leur avoit faufîé
(a>fi«lt'.ubi fa foi (a) , comme portoit Pinfcription. Cela ne lignifie pourtant
furr- pas qu'il eût abjuré le Huffitifme, mais qu'ayant traité avec les
Huffites , il ne leur avoit pas tenu parole. Quoi qu'il en foit , quand
la ville de Chruâim où il s'étoit renfermé , fe rendit aux Huffites,
il fe joignit à eux par force. Depuis i-1 rentra en grâce avec 5/-
gifmond. Ce monaftere fut depuis pillé par les Taborites 3 mais on
ne dit pas s'ils enlevèrent le tréfor.
Monaftere* XXIII. Je reprens le fil de l'hiftoire pour pafler aux monafteres
ruinez hors rafez & brûlez , & aux moines mafTacrez par les Huffites hors de
de Prague. A
( 1 ) Iheobuld dit que ceci fe paiïa la nuit. Balbin que ce fut à l'heure du dîner.
(z) On prétend qu'il fut martirifé dans le III. hécle fous Voler ien pour n'avoir pas voulu
découvrir les trefors de l'Egaie à cet Empereur.
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. VI. 123
Prague. Balbin compte entre les premiers, Iemonaffcere des Do-
minicains de la ville royale de Plfek ( 1 ) dans le diftnct de Prachin.
Les habitans de cette ville déjà favorables aux Hufïïces , y mirent
tout à feu & à fang , tuèrent 6c afforamcrent les prêtres &: les moi-
nes iàns quartier, 6c chaflerent les communians fous une feule
efpece. Ce même Hiflorien raconte que les Huflîtes propoferent
à ces moines l'alternative,, ou de la communion fous les deux ef-
peces , ou de la mort , ,&: qu'ils choilïrent courageufement le der-
nier parti (a). Ils furent en effet maflacrez , 6c le monaftere brûlé.
Plusieurs couvents eurent le même fort en diverfes provinces à
peu près dans le même temps. Il eft fort mai aifé de bien diftin-
guer les temps £c les lieux , parce que les Auteurs du pais n'en par-
lent eux mêmes que confufèment- ce quin'eftpas furp tenant dans
iirfe fituation auiTi turbulente. On peut mettre dans le nombre des
monafteres détruits cette année, celui des Dominicains de Glat-
tau } ville du cercle de Pilfen , dans laquelle les HuiTites avoient le
deflus. Comme ils fçavoient qu'un de ces moines avoit été à Con-
ftance iorfque Jérôme de Prague y fut brillé, jugeant par lui de tous
les autres, ils les mirent en prifon,où ils les laiflerent périr de
faim (b).
(ï) Ville royale dans le diftritt de Prachin, non loin de Trachcttitt»
H1?-
(a) MifcelL
ubi f'ipr.
Tbeoh. ubi fit»
pr.p.71.
( b) Bali.
E] :t-434.
C%.echor.
MarsMoravy
fiij
1410.
La ville
d'Auft dé-
truite-
HISTOIRE
DELA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE-
LIVRE VIL
|1 A l b 1 n place au commencement de l'an 1420. la
jîdeftruction de là ville à'Auft (1). Cette ville fituée
au pied du mont Tabor avoit pour Seigneur Ulric
\de Rofemberg , alors zélé Catholique Romain^ & fort
animé contre les Hufîites. Ziska craignant que ce Gouverneur
n'inquiétât les Taborites, & ne les empêchât de bâtir leur ville,
alla furprendre cette ville la nuit dans le temps du carnaval , &;
£ 'J Elle s'appelle autrement SeJ'emi,
ET DÛ CONCILE DE BAS LE. Liv. V2I. 125
en l'abfence du Gouverneur. Comme ces jours- là font des jours jaio,
de débauche, tout le monde étoit endormi} la ville lut prife avant
cn'on s'aoperçût qu'elle étoit attaquée. Tous les habitans furent
paflez au ril de l'épée , ou écralez ious les ruines de leurs maifons ,
ou de leurs murailles. Le monaftere des Dominicains fut rafé, &
on ne fit aucun quartier aux moines ( 1 ). Quelques-uns néanmoins
fe retirèrent au voifinage dans la fortereflé de SedlitzJ^à) , où étoit (a) Dans le
alors Vlric. Mais les Taborites allèrent auffi furprendre cette pla- ç^fj*
ce. Elle fut réduite en cendres , les pauvres moines maflacrez, &
Ulric aflommé à coups de fléaux : on lui coupa après fa mort les
pieds & les mains 3 & on les jecta au feu avec le refte de fon corps ^) Ueoh p.
(b). Cette défolation fut fui vie de celle d'un couvent de Religieux 77*
de Prémontre à Milovitz^ Magec témoigne que ces moines echa-
perent à la faveur de la nuit. Balbin parle de deux couvents dé-
truits à Launy , l'un de Religieufes de Premontrê , l'autre de Bcne-
diciins (c). Ce dernier fut auffi réduit en cendres avec les moines (-) B«/f. ubî
qui y étoient au nombre de cent , & une bibliothèque , la plus ri- ul r" ^'
che en manuferits qui fût en Bohême. Il en fut de même de celui
àeBenefchaw. Les moines de l'ordre de Cifteaux eurent à peu près
le même fort à. 2f épomuk , auffi-bien que les Religieufes du même
Ordre , & du même lieu. On met auffi à ce temps l'incendie de
quelques autres monafteres de Prague , outre ceux dont on a déjà
parlé.Je me difpenferai de faire rénumération de ceux fur lefquels
on ne dit rien de particulier. Je rapporterai dans les termes de
Balbin une particularité qui regarde le monaftere des Servîtes (2)
dans la nouvelle ville de Prague. » Dans ces conjonctures , dit-il,
5> toutes périlleufes qu'elles etoient 3 la Providence permit que les
» Servîtes afïemblaflént leur Chapitre, comme lî elle eût voulu
» leur procurer la gloire du martyre. La plupart étoient des plus
-» nobles familles de Florence & de Sienne [à). Pendant qu'ils étoient (d) Balh.
«aflemblez, les Taborites allèrent fondre fur eux , leur deman- Mîfceii.ubi
» dant s'ils vouloient ligner les quatre Articles. Comme ils prote- lxix.
»ftérent de vouloir perfévérer dans leur religion 3 on mit le feu
»> au couvent , 8c on alluma des bûchers pour brûler les moines qui
"fouffrirent gaiement le fuppliceen chantant leTeDeum ». Il en
périt 64. dans les flammes. Balbin ajoute ici un miracle dont je
laifle le jugement au lecteur. C'eft que les âmes de ces moines for-
( 1 ) L'Auteur dit qu'il a pleuré fur les vefliges de cette Ville & de ce Monaftere , & que ce
tfeltplus qu'un champ où on féme du bled.
(z) Ordrede Religieux de St. Augitflin de'vouez particulièrement à h Vierge. Sporide en
tnec la fondation en izj 3 . par des banquiers de Florcacc»
ïi6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1420. tirent des bûchers pour s'envoler vers le ciel , &: que les Taborites
eux-mêmes les virent. Après avoir détruit tous les monatteres de
fond en comble à Prague, les Taborites voulant en faire autant
des autres Eglifes , tant de Prague que d'ailleurs 3 ceux de Prague
prièrent Ziska d'épargner tant d'édifices confierez au Service di-
vin. Mais cette prière, loin de le toucher , ne fit que l'irriter da-
vantage. Il fortit de Prague avec Coranda dans la refolution de ne
rien épargner,
Ruine du II. Balbin rapporte à ce temps- ci la deftruction d'un monade-
Monartcre re aufli de l'ordre de Cifteaux à Gradit^ *> Les Orébites ( 1 ) , dit-
»il , ayant à leur tête Hinek KruJJina de Zichtenberg, homme de
y> tête &c de main , mais qui avoit pris le mauvais parti , détruifirenc
» le magnifique couvent de Gratz^(i) dans la province de Baies-
» lavie 3 animez par les confeils d'un prêtre facrilege nommé Am-
»broife, & d'un autre apoftat nommé Matthieu Lupacius 3 ôc en
>? emportèrent toutes les dépouilles , dont leur Chef payoit fes
«troupes. Ce ne fut pas un combat, mais une boucherie. Lemo-
>; naftere fut réduit en cendres, & les moines périrent par le fer
(z)Tutib. » & par le feu (a). Theobald qui a rapporté le même fait avec quel-
M'fteUan. ques auCres circonftances , le place à Tan 14195 mais peut-être
lxx?/ que ^ même chofe eh: arrivée une féconde fois dans ce même en-
droit , ou qu'il a confondu deux villes à peu près de même nom.
Quoi qu'il en foit, il dit que les habitans de Gratz^ ayant pour-
fuivi Hinek, lui enlevèrent tout fon butin , tuèrent beaucoup de
les gens, en emmenèrent plufieurs prifonniers dans la ville pour
„,Be//H . les faire pendre , 6c qu'un prêtre, auteur de cette tragédie , fut
jà.p.iis. brûlé (b).
Ruine de h III. Quelques jours après les mornes de l'ordre de Cifteaux
Cou.- royale fubirent le même fort dans leur monaftere de la Cour royale (3 ),
mgsrSfMi. tf" Plnfieurs de ces moines furent brûlez. On épargna pourtant un
certain Jacques , furnommé le Scholafiique , qui avoit été Recteur
de l'Univeriité de Prague. Il étoit alors Prédicateur dans PEglife
de 7V/;z , où il exhortoir le peuple à recevoir le facrementdel'Eu-
chariftie avec refpect , & fans doute félon la pratique de l'Eglife
Romaine. Le Sénat obtint que fa peine fût changée en exil à caufe
(c) Bçib. ubi de fa grande éloquence (c). Theobald dit que ziska fut le chef de
Çupr,
(1) Les Hufînes svappelle'rent auflî de ce nom, d'une montagoe de Cuttetiberg qu'ils an»
pelloient Oreb.
(2) Cette Ville s'appelloiiauffi Graditx..
O ) C'eft un monafte'rc proche Bagni , Ville royale fur la Mifç , dan* le diftrift de VoH<
yerther,
Et DU CONCILE DE BASLE, Liv. VU. 117
€etreenrrepri(e(a). La fortereile fut pillée & brûlée, aufïï-bien 1420.
que lemonailere. Le corps de Wenceflas fut déterré, éc indigne- (a)TW.p.
mène traité. On a vu ailleurs comment il fut mis à couvert de leurs 8*'
infultes,
IV. Dans le même temps 3 ou à peu près , ziska alla mettre le Ziska perd
jfiége devant la forterefle de Raby dans le dictrid de Prachin 3 ôc uafli^uhfié'
la prit d'aflaut. Mais cette conquête lui coûta cher. Car comme gC<"
il etoit fur un arbre , d'où il regardoit de encourageoit [es gens , il
tomba tout à coup une bombarde qui fracatfa l'arbre, dont il fe
détacha un éclat qui lui creva l'œil qui lui reftoit (1 ). Il fallut aller
le faire panfer à Prague. Cependant le fort de Raby fut réduit en
cendres. Ilneparoîtpas qu'il y eûtlàde monailere. Mais Balbin
dit que huit à dix moines qui y avoient fauve leurs effets , furent
jettez dans le feu aux grandes acclamations des Taborites.Theo-
bald ne parle là 3 ni de monafleres ni de moines.
V. Un incendie, ou un maflacre n'attendoit pas l'autre. Pra- DertrutUon
chatitz fumoic encore du fang de la fureur Huffitique , que ziska d!un M°n*fr
partit de-là pour enfanglanter d'autres lieux. Il y avoit près de c^mLlv
Cromlovv , ou Cromavv, lur les terres des feigneurs de Rofemberg , dansle dif-
imvafleôc riche monaftere de Cifteaux que le monde alloic voir JJia/
par curiofité. Les Taborites fe fervirent de ce prétexte pour l'aller
détruire. Les uns difent qu'ils avoient à leur tête Ziska , les autres
ViciorinBoc^ekde Kunftad , père de George de Podiebrad 3 qui fut
depuis roi de Bohême. L'Abbé nommé Rudger avoit réfolu de s'y
défendre jufqu'à la dernière extrémité. Balbin qui rapporte ce
fait, die qu'il a vu dans laMaifondevillede^a^x/z'^une lettre
de cet Abbé par laquelle il demandoit du fecours (b). Il en vint s (b) B*Mft**
mais trop tard. L'Abbé eut bien de la peine à fe fauver dans les rm*
bois voifins , avec ceux de [es Religieux qui purent le fui vre. Ceux
qui relièrent furent pendus à des tilleuls. MiracleiDepuis ce temps
les feuilles des tilleuls de cet endroit , (ont comme des capuchons
de moines. Balbin dit qu'il en a vu , 6c qu'on les montroit comme
une merveille (c). On a parlé en paflant des Orébites. C'étoit des (c) ubifupr.
troupes de payfans qui étoient au fond dans les mêmes fentimens
que lesTabontes 7xï\ais ils avoient leurs armes à part, & ils venoient
au fecours les uns des autresdans le befoin.Lespremiers (èpiquoient
de ne point céder en zélé à leurs confrères, 6c c'étoit entre eux
une émulation de furieuiès hoftilitez. Il eft confiant par le récit
fi ) Il avoit perdu l'autre des f* jcmicffe en jouant avec des cnfaui* J>*lb. ubi fupr.Ji.
tXXy. Ibcobt ubi fupr. p. oit
nS HIST. DE LA GUERRE DES HUSSÎTES
14.10. ^es Auteurs catholiques , hulTites 6c proteftants, qu'ils exercè-
rent des cruautez inexprimables , brûlant , noyant 6c' mutilant
impitoyablement les pauvres Religieux. Les Relations font il
confufes là-deflus 3 qu'on ne fçauroit entrer dans aucun détail. Ils
commirent desinhumanitez horribles à Graditz^dont les habitans
Huffitesfê joignirent à eux pour brûler un monaftére appelle St.
Champ. Ceci fe paffa en 1420. Revenons de cette digrefîion.
LcsHuiïites vi. Nous avons ïaifTé la reine Sophie avec Rofemberg, fe re-
deTforti tranchant de fon mieux dans le petit côté de Prague. Pendant ce
reiïede^^r- temps-là plufieurs des habitans de la vieille & de la nouvelle Ville,
bnfc, invitez parles Calixtins , qui , comme on l'a dit ailleurs, fe bor-
noient au privilège de la Communion fous les deux efpéces, ôc aux
crois autres articles dont on a parlé 3 allèrent à Tabor où. il y
avoitdéja une quantité prodigieufe de Taborites , communiants
fous les deux efpéces en toute liberté. Ces derniers tinrent ce lan-
gage aux Praguois. Nous vous plaignons de n avoir pas la liberté de
communier fous les deux efpéces , parce que vous êtes conimandez^par
deux fortereffes (1) Si vous voulez^ accepter notre fecours , nous irons
les démolir , nous abolirons le gouvernement monarchique , & nous
C\)Dubrav. ferons de la Bohème une République (a). On accepte les offres,
ubi fupr. jes Xaborites fe joignent aux Praguois & aux Calixtins , ayant
à leur tête Nicolas de Huffinctz^, 6c vont aiîieger Wifrhade. Ils
l'emportent d'allaut , parce qu'il n'y avoit qu'une foible garni-
fon. Delà, fortifiez par la jondion de ziska^ ils vont attaquer le
petit coxé par Saxenhaufen ou Mai fon de Saxe y qui gardoit le
pont, 6c fermoit les avenues. Le combat fut fanglant, 6c dura
long-temps. Les afïïégeants effrayez par les bombardes , ôc par
d'autres machines d'autant plus terribles , qu'elles étoient nou-
vellement inventées ou plutôt employées en Bohême (2) différè-
rent de continuer leurs attaques jufqu'à la nuit, où les coups ne
font pas (1 fûrs. Ce fut alors qu'étant entrez de vive force dans la
place , on en vint aux mains à coups d'épées ; les Taborites dem cu-
rèrent les maîtres du champ de bataille ^ mais non fans perdre
beaucoup de monde. Un Auteur qui fut témoin oculaire de l'ac-
tion , dit qu'on ne vit jamais rien de plus horrible que le carnage
quife fît dans ce combat nocturne. Ils s'emparèrent dePEglife de
St. Thomas , du Palais épifcopal , 6c de la M.iifon de Saxe , où il y
avoit des garnifons. Il y eut encore là beaucoup de fang répandu
(1) Celle écWifrhade dans la nouvelle Ville, & celle de St. Wencejlcts dans le petit côté.
(2.) On en attribue communément l'invention à un moine Allemand nommé SchwartZi
D'autres les croyent beaucoup plus anciennes. Struv, ad Carol, IV. $. XXXVII.
de
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. Vil. n9
de part & d'autre j mais les Taboritcs eurent l'avantage, & allé- 1420*
rent attaquer la rorterefle de St. Wenceflas , où. s'étoit réfugiée la
Reine , qui fut conduite fort difficilement ailleurs par Rofemberg.
Cependant comme Sigismond y avoit envoyé fecretement du fe-
cours pour fortifier la garnifon , après un fîege fort opiniâtre , les
H uffi tes furent repouilez dans la ville dont ils fe feroient rendu
maîtres, fi par l'entremife de quelques-uns des Grands de Bohê-
me 3 on n'eût conclu une trêve de quatre mois 3 avec ces condi- Trêrc*
tions j qu'il y auroit liberté de part & d'autre de communier, ou
fous les deux efpéces , ou fous une feule j & qu'on ne troubleroic
perfonne dans l'un ni dans l'autre ufage y que les Huflites ne chaf-
îeroient point les Religieux & les Religieufes de leurs couvents , &:
qu'ils rendroient Wifrhade.JEneas Sylvius qui parle de cette trêve
dit qu'elle fe fît par la médiation des ambafîadeurs de Sigismond ,
qui étoient venus prendre les rênes du gouvernement en l'atten-
dant (ij. Il ajoute qu'une des conditions du traité étoit que ziska
reftitueroit Pilfen , & les autres places dont il s'étoit emparé.
VII. Cette trêve donna quelque répit à Prague. Les Huffites Les Hoftili-
étrangers fortirent de la ville. Le Sénat reprit ks fondions. Les ^eiicent"1
Catholiques qui étoient fortis de la ville n'oférentpourtant y ren-
trer, craignant la fureur du peuple. Ilsattendoient«S:g//5«<W qui
avoit promis de venir bientôt à leur fecours. Mais comme il avoit
écrit qu'à fon arrivée il gouverneroit le Royaume de la même ma-
nière que Charles IV. fon père , cette lettre produifit un très-
mauvais effet dans l'efprit des Huffites , parce que Charles avoit
fait des Edirs très-féveres contre les hérétiques , comme on l'a dit
ailleurs. Cette nouvelle fervit de prétexte aux Taborites pour
continuer leurs ravages hors de la ville. Comme ils étoient fupé-
rieurs en nombre, ilsrépandoient par tout la terreir , non fans
être pourtant quelquefois vigoureufement repoufe. Us eurent
fur tout beaucoup à fbufFrir des montagnards de Cu:temberg qui
travailloientaux mines. Ces gens-là comme des dogues alloient (a) Dufcav*
à la chafle des Huffites , &. tout autant qu'ils en pouvohnt trouver, jjjj^" PJj*
ils les jettoient dans des puits profonds. Il y en eut 600. qui furent fupr.cap.
traitez de cette manière , dans ces conjonctures (a). xxxii.
VIII. Sigifmond voulant remédier à ces défordres alla tenir une D,etc *
J)iéte à Braun ou £ ri nny capitale du diftricl: de ce nom en Mora-
(1) y£». Syh.aip. XXXIX. D'autres difent que la Reine avoit la régence avec quelques
Seigneurs de Bohême-, mais aufond le gouvernement e'toit entre les rnaius dj plus fort, c'eft-
,à-dire, d'une'populace indomptable.
Tom. /, R.
i3o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
»4io. yie-> °IU* ^t0*c auffi- agitée par les troubles de la Bohême. Le 15I
de Décembre il s'yrenditaccompagné delà Reine Sophie fa belle-
foeur, d'un Légat du Pape, de quelques Evêques Hongrois, Se
de quantité de Grands Seigneurs. Afon arrivée les choies chan-
gèrent tout à coup de face dans cette province. On vit en un inf-
tantfuccéder le calme à l'orage* Tous les Ordres de la Province
lui promirent à l'envie de facrifler leur fortune & leurs enfans pour
fa defenfe , pourvu qu'il prît celle delà religion de leurs ancêtres,
fa) cvchor. 6c que Phéréfie fût extirpée de la Province (a) Il écrivit de là à la
xA< Çu]BaiT. n°klefle 6c aux magiftrats de Prague de s'y rendre inceiîamment.
Epitom. p. Ils y entrèrent avec toute forte de démonîtration de joie , 6c y fu-
437* rent reçus de même. Cependant on put comprendre dès le len-
demain de leur arrivée , lur quel pied ils avoient deflein de traiter,
puifque les Prêtres qu'ils avoient amenez avec eux donnèrent la
Communion fous les deuxefpéces dans un poêle à quiconque la
vouloit recevoir 3 malgré les exhortations des Prélats à éviter cet
{b) v,eoh ubi éclat (b). Le manuferit de Breflau porte même qu'à caufe de cette
iupr. entreprife l'interdit fut mis à Braun pendant le fejour qu'ils y fi-
rent. Ils eurent audience quelques jours après j ils demandèrent
d'abord pardon au Roi, 6c promirent de le reconnoître. Ils pref-
foient même inftamment Sigifmond devenir fans délai prendre
pofTeiïion du Royaume , pour en appaiferles troubles. Mais Thco-
bald dit qu'ils ajoutèrent à leur foumiffion des conditions qui ne fu-
rent pas du goût de l'Empereur. C'etoit de leur laifîer la liberté
de confeience ', que fans égard aux traditions humaines, ils puf-
fent célébrer l'Euchariftie félon l'inftitution de J. C. & que leurs
Eccléfiaftiques ne fe mêlaflent point d'affaires fèculieres. Ils ajou-
toient à cela de grands éloges de Jean Mus, &des plaintes de fa
fin tragique , par laquelle , difoient-ils , il a plus mérité de grâce de-
vant Dieu que St. Pierre lui-même. L'Empereur ne fit que fourire
de ces prétentions qu'il trouvoit exhorbitantes , & de ces difeours
téméraires 6c hors de propos. Mes chers Bohémiens , leur dit-il,
laijfe^celaàpart , cenefi point ici un Concile , il falloit faire ces de-
mandes a Confiance. Mais puifque vous voulez^quc je règne fur vous,
je vous expliquerai ma penfée par écrit. La fu bilan ce de cet Ecrie
étoit» qu'il donneroit une amniftie générale, fans jamais marquer
«aucun refTentimcntdu pafTé , pourvu qu'ils le reconnurent pour
«leur fouverain : qu'ils ôtaflènt les chaînes 6c \qs barricades des
«rues de Prague ; qu'ils portaient toutes les barres 6c les colom-
»nes, de autres machines dans la Forterefle > qu'ils abbatiflent
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv.VII. 131
:> tous les remparts & retranchemcns qu'ils avoienc dreilez vis- \a±q
» à-vis de la Forterefle après la mort de Wenccjlas \ qu'ils laiilailenc
»en repos les Religieux & lesReligieufes j qu'ils dégageaflent de
» leur ferment tous les gouverneurs & commandants qu'ils avoienc
jo mis dans les Places , 6i qu'ils y reçuflènt les fiens 5 fur tout qu'au
„ Heu du gouverneur (a) qui occupôit la Forterefle Caroline^ ils y (tfjeanW.
«reçuflènt pour gouverneur celui qu'il leur nommeroit(b) ». Aces lJc.\ _. „
conditions il leur promit de venir a Prague pour y gouverner en Tiux*»sB*rc.
père de la patrie , fur le pied de Charles If. fon père , & non autre- ***«*«« > o«
nient (c). Les députez s en étant retournez chez eux , on ht la lec- f c j Tiwj#
t Lire des ordres de Sigfmond 3 &: on les exécuta de point en point, ubîfupr.p.
Les Catholiques, & fur tout les Allemands qui iè trouvoient à 74'7**
Prague , en triomphoient, & chantoient victoire contre ceux
qu'ils appelloient les Hérétiques. Les chanoines , les curez, les
prêtres & les moines que la crainte des Huflites avoit fait fortir de
Prague y revinrent , fur ce que le Roi avoit publié qu'on leslaif-
fât entrer fïb rement, & que perfonne ne criât fur eux VfakfUfak,
comme on faifoit toutes les fois qu'il pafloit un Moine.
IX. Mais les Taborites & les Huflites , qui n'avoient point paru Usiafontee
à la Diète , ayant appris cette nouvelle en furent extrêmement qjlttc*nt 1>ra*
confternez. Ilsfortirent de Prague lur le champ, ce allèrent, les portent une
uns trouver ziska à Tabor , les autres Nicolas de Hnljinetzi. Sudo- yi<a°ire, f?.r
_. ' , . i /^ 1 1 t» les Cathou-
mirtx^ Us furent attaquez en chemin par quelques Cj rancis de Bo- ques.
hême fidèles au Roi. Le combat fut longée rude j mais on prétend
que l'avantage demeura aux Huflites (1). De là ils allèrent atta-
quer Auft > Sedlitz^, Milcwfcov yBenefchaw , Launy ^ comme on
l'a déjà vu dans l'énumération des monaftéres ruinez. Ziska étoit
à cette action, à ce que quelques-uns prétendent. Depuis ce
combat perfonne n'ofa plus attaquer les Taborites jufqu'à l'arrivée
de l'Empereur. Ce Prince ayantappris la retraite des Taborites &.
la foumiflion de ceux de Prague , écrivit au Burgrave de Wartem~
lerg&i tous les gouverneurs 3 pour les remercier de leur obeïf-
fance , leur enjoignant févérement de ne rien céder aux Wiclèfites
& aux Taborites ,ôc de les exterminer abfolument s'ils ne vouloient
pas voir périr toute la Bohême. (1) Il n'en falloit pas d'avantage
pour enflammer les catholiques Romains fort ulcérez de tant de
(1) Eagcc a prétendu que ce furent les Huflites qui eurent du Acftourimï-.s'Iheobctld & Lupa-
cvts croyent le contraire plus vraifemblablement fur d'anciens MSS. Balùiu pour accorder
ces Auteurs conjecture que l'avantage fut douteux. Balb. Epitom. p. ^l^.lheob. ubi fupr. L«-
fMÏus. z$ . M:irs.
( 2 J Hifi omnemdithmmvctfjtutam vellcnt,
Rij
^^.to.
532 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
pertes qu'ils avoienc faites , 6c de tant de maflfacres &c d'incendies
qu'ils avoient foufferts. Ils fe jettérent avec fureur fur tout ce
qu'ils purent rencontrer de Huffites tant dans la ville qu'ailleurs.
On a déjà vu plufieurs échantillons de ces cruautez réciproques.
Car on peut juger par le paflé que les Taborites ne furent pas plus
modérez.
Prophétie X. Ils fe mêloient même de prophétifer , en difant 3 par
Bttï«£rrifft«. exemple , qucj. C. viendrait bientôt juger le monde , & que par les
armes des Taborites, il établiroit un nouveau règne fur les ruines de
tous les royaumes de toute la terre j que toutes les villes de Bohême
feroient englouties fous la terre a, la réferve de cinq qui leur étaient les
f lus favorables (\). L'Auteur du manufcrit de Breflau 3 qui étoic
feulement Calixtin , & non Taborite ou Huffite outré, n'a garde
d'approuver ces téméraires prophéties. Je rapporterai fes paroles.
Ces prédictions rirent une telle impreffion fur quelques villes , fur
tout fur celle de Pilfen (2) où la Communion fous les deux efpé-
ces étoit reçue , qu'elles ne vouloient plus avoir aucune corref-
pondance avec leurs adverfaires en ce point. Car ces Taborites 8c
leurs prêtres afrolloient le peuple dans le diftricr, de Bechin 6c
ailleurs 3 en répandant pluiïeurs opinions erronées 6c contraires
à la Foi chrétienne, interprétant les prophéties de l'Ecriture à
leur fan taifîe, & méprifant les faints Docteurs. Ils exhortoient
le peuple à éviter la colère de Dieu qui alloit fondre dans peu
fur tout l'univers , Ôc à quitter villes , châteaux, bourgs, à l'e-
xemple de Loth s pour fe retirer dans les cinq villes de refuge.
Ces drfcours frivoles portèrent pluiïeurs (Impies de Bohême 6c
de Moravie à vendre leurs biens à vil prix , & à s'en aller avec
leurs femmes 6c leur.s enfans en porter l'argent aux pieds des
r Prêtres.
m t XL Sigifmond ne trouvant pas de fureté à aller fi tôt à Pra-
exécutions 2;ue 3 parmi tant de troubles , s'en alla à Breflau capitale de la Silé-
de Sivfmond flC ^J \\ y fignala le (ejour qu'il y fit par des exécutionsbien fan-
glantes. On a parlé ailleurs d'une fédition arrivée l'année précé-
dente , où les habitans de Breflau avoient jette le Magiitrat par les
fenêtres de la Maifon de ville. Ceux du païs témoignent que ce ne
à Breflau.
(r) Pilfen qu'ils appelloient le Soleil ; Zafe\ capitale dudiftridtde ce nom qu'ils appelloient'
Segor ; Launi qu'ils appelloient la- Lune ; Slan capitale dudirtridde ce nom qu'ds appelloient
YétoiU ; Glato qu'ils appelloient X aurore. Balb. Epit. Rer. Bob. p. 427.
(2) On verra dans la fuite cette ville redevenue Catholique.
( 1 ) 11 appelloit Brejlavv fa féconde rcfidence, & la féconde capitale de la Bohême. Balb,-
«bi iupr,
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. VU. 133
fut point pour caufe de religion 3 comme quelques Auteurs l'ont 142 o^
dit , mais pour quelque affaire civile. Quoi qu'il en foit, l'Empe-
reur en fit mourir douze des plus coupables. II y avoit alors à Bres-
lau un Hutîite de Prague nommé Jean Crafi qui prêchoit la com-
munion fous les deux efpéces , & préconifoit Jean Mus , blâmant
hautement le Concile de Confiance qui l'avoit fait brûler. Les
Religieux de Breflau l'avoient fait mettre en prifon avec un étu-
diant de Prague qui étoit dans les mêmes fentimens , & que ceux
de Prague avoient envoyé à l'Empereur pour lui offrir de le recon-
noître , s'il vouloit leur permettre la communion fous les deux ef-
péces. Jean de Crafa fut tiré à quatre chevaux dans les rues , mais
l'étudiant fe fauva la vie en fe rétractant ( 1 ). Dans ce même temps
Ferdinand évëquQ de Zucques , nonce du pape 3 fît publier & affi-
cher à Breflau la croifade de Martin V. contre les Huflites, & ceux
de Breflau promirent à Sigifmond de lui donner du fecours contre
ces derniers.
XII. Cette nouvelle irrita extrêmement les Bohémiens. Ils LesBohe-
étoient animez principalement par un moine nommé 'te an de Pre- mifns fc re'-'
montré, qui avoit embrafTé leur doctrine ., 6c qui s'etoit déjà fignalé trcSigif»»nd+
dans cetee guerre intefline. Ce prêtre prêchant le Carême à Pra-
gue 3 élevoit jufqu'aux nues Wiclefêt Jean Mus3 déclamoit contre
1 Empereur, 6c l'appelloit le cheval roux de l'Apocalypfe. Mes chers
Praguois 3 difoit-iî, ne voyez^vous pas de quel efprit l'Empereur efi
forte a votre égard .? Il e[i ennemi juré du Calice. Cefl lui qui nous a.
fait excommunier. Croyez^vous quil vous traite autrement que ceux
ds Breflau f Là-deflus le peuple de Prague aflembla la bourgeoifie
& l'Univerfité (a). Ils jurèrent tous de ne jamais recevoir Sigifmond (a) Le %.
pour leur Roi,, de défendre la communion fous les deux efpéces d'Avri1-
jufqu a la dernière goutte de leur fang, & ils recommencèrent
leurs hoftilkez à la ville 6c à la campagne (b). Ils écrivirent des let- (b) ibeaî*
très circulaires par tout le royaume , pour exhorter les villes à n'y "£. fe^
point laiffer entrer Sigifmond. Ils le repréfentoient comme un en^ 3. Avril-.-
nemi de la langue Efclavonne 3 qui n'avoit point d'autre vue que
ds perdre le royaume , qui avoit engagé à l'Ordre Teutonique un?
piïs appartenant à la Bohême (2) , aliéné la Marche de Brande-
bourg, & qui, après avoir fait brûler Jean Mus 6c Jérôme de Pra~
(i)Tbeob. ubifupr. p. 76". Ht]}, perfec. Eccl. Bob. p. 3 3.40. Cet Auteur anonyme met Crafa
crtre les martyrs de Bohême. Manufcr. de Brejl.
(z) Qui Dalmatica lingua boftis effet , necalitt cura teneretur qttam perdendi regni , qui anti~
qmm Prutenorumcivitatem ( alias Marcbiam novam Prutenorufn fâc. J Ordinijtire pignoris obli~
gflf.t. An. Sylv. ubifupr. cap. XXXIX. p. 81.
Rii)
134 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
t J. 10. %ue j vouloir encore exterminer leur do&rine. C'eft ce qui fît rç-
Coudrç S igifmond à. leur faire une guerre ouverte. JEneas Sylvius
prétend que fi ce Prince, au lieu d'aller à Breflau , eût marché
tout droit à Prague, après la dictte de Braun 3 il n'auroit pas été
obligé d'en venir à cette extrémité. Quoi qu'il en foit, voyant
qu'il ne pouvoit rien gagner ni par promefles , ni par menaces , il
leva des troupes dans tout l'Empire, dans la Hongrie, dans la.
Siléfie 6c dans la Luface.
Avantages XIII. En attendant que toute l'armée arrivât , l'Empereur en-
dc Zisha fur vova je Siléfie 4000. chevaux courir la campagne en Bohême.
les troupes J ~ ri u 1
impériales. Ces troupes lurent renforcées par d autres de Moravie & d Au-
triche, qui avoientà leur tête Albert archiduc d'Autriche , 6c le
(a) ihnri de Capitaine de Moravie (a). Ziska remporta fur ces troupes une
&w*r%,. victoire confidérable à Voticz^ViXxt Tabor & Prague. Cette petite
ville fut réduite en cendres. En même temps les Taborites qui s'é-
toienç emparez de la nouvelle ville pour empêcher ceux de Wif-
jrhade d'y faire irruption , rirent faire un long 6c large folié depuis
l'endroit appelle Botitz^, jufques à la Moldave. Pour hâter l'ou-
vrage, on y employa nuit 6c jour les femmes 6c les enfans. La
garnifon impériale qui étoit dansWifrhade, fe moquoit de ces
travaux. Que vous êtes foux , difoient-ils , croyez-vous que desfojfez^
fuifjent vous fêparer de l' Empereur ? Vous f crie z^bien mieux de vous
occuper a cultiver la terre. On a déjà eu occafion de parler de la
deftru&ion du monaftere de Sedliz dans le cercle de Czajlau. On
ajoutera feulement une particularité, c'eft que fix qui s'étoient
battus comme des lions , ayant échappé du maiïacre général, Zis-
ka promit la vie à celui des fix qui tueroit les cinq autres. &\ors ils
fb) T/.v*&.p. fé jetterent comme des dogues les uns fur les autres (b). Il n'en re-
fta qu'un qui s'étant déclaré Taborite , fe retira à Tabor , 6c com-
munia fous les deux efpéces en témoignage de fidélité.
Le Château XIV. Ce fut à peu près dans ce même temps que le Burgrave
àca"eftceM Czenko de Wartenberg, qui, à ce que quelques-uns prétendent,
Hjffitès. étoit Huflite dans le cœur, rendit aux Hulîîtes la forterefle de
[Z)Cochi.mft. Wenceflas , après avoir pillé l'églife 6c brûlé les reliques (c). D'au-
Huffit. Lib. très Auteurs racontent l'affaire tout autrement , èc d'une manière
•P* « °- beaucoup plus honorable à ce gouverneur. Ils difent que ce gou-
verneur ayant, par ordre de l'Empereur, chaflè delafortereiîè de
Wencejlas les Communians fous les deux efpéces, ceux de Prague
irritez de cette violence, lui coupèrent tous les vivres , l'empêchè-
rent de réparer le mur qui çtoit tombé , & lui envoyèrent des gens
ET DU CONCILE DE BAS LE. Ziv. VII. 1 3 5
pour lui propofer deux chofes, l'une de communier fous les deux , . 2 a
efpéces , l'ancre de rendre la place. Il répondit que ce feroitune
légèreté honteufe de pafler ainfi tout à coup d'une religion à l'au-
tre 3 & demanda quinze jours pour y penfer, leur faifant efpérer
de fe rendre après ce terme. Ayant obtenu ce délai , il envoya
fecretement de Tes gens à l'Empereur pour demander du fecours ,
promettant de tenir bon jufqu'à ce qu'il fût arrivé. L'Empereur
n'y manqua pas. Il y envoya aufTi-tôt deux de Ces Généraux avec
quelques troupes. Wartenberg leur remit la place, & fe retira char-
gé de riches dépouilles , dans une forterefle qu'il avoit près de la
ville de Gitcbin. Ceux de Prague en furent fî irritez 3 qu'ils pendi-
rent [es armes à la potence , où elles demeurèrent jufqu'à l'année
fui vante qu'il fe réconcilia avec eux ( 1 ). Mais ils ne fe rebutèrent
pas pour ce mauvais fuccès : comme de cette forterefle on peut
voir tout ce qui fe pafle dans la vieille 6c dans la nouvelle ville , ils
l'attaquèrent de nouveau. Ils avoient même déjà gagné les de-
hors -y mais croyant le fort moins gardé qu'il n'étoic^ils furent
repouflez avec perte jufqu'à un certain endroit 3 où il fe vengèrent
fur des monafteres. Ceux de Prague apprenant leur defaftre , vin-
rent à leur fecours avec fept cens hommes feulement : ce renfort
n'eût pas été fuffifant , fi Ziska n'y eut accouru de Piifen où il étoic
alors. Quoiqu'il n'eût amené avec lui que trente chevaux 3 fon ar-
rivée releva tellement le courage des affiégeans^u'ils fe rendirent
maîtres de la forterefle défendue par Plavven à qui Wurtemberg
l'avoir remife(2). Aigris d'avoir manqué plus d'une fois leur coup,
ils fe difpofoient à réduire tout en un monceau de pierres comme
ils l'avoient promis à ziska. Car on raconte que Ziska rencontra
dans fon chemin quelques Taborites près de Prague occupez à dé-
truire un couvent , & à en infulter les moines ; ces gens lui deman-
dèrent : Frère Jean, comment vous fiait le régal que nous f ai fon s à ces
comédiens facrezj (inun&os fanniones ) Il leur répondit 3 en leur
montrant la bafilique du château de Wenceflas, Pourquoi avez-
vous épargné cette boutique de chauves ! ( calvitia officina ) défîgnant
par- là les moines ou les prêtres à caufe de leurtonfure. Hélas , ré-
pondirent-ils , nous enfumes honteufement repouffez^hier ; mais fî elle
retombe entre nos mains , nous ri y laijferons pas une pierre fur l'autre
(\)Theob. ubifup. Cet Auteur après Lrtpacins place cette adion au 7. de Mai. ubifup. p. 80.
Balb. la met au mois d'Août, Epit. p. 442-
(x) Je fuis la Relation de Tbeobaldp 80. Balbin dit que ^Tlavven battit les Praguois. Mais
cette Place fut iî fouvent attaquée avec de fi difFerens fuccès, que les Hiitoriens du pais eux-
mêmes ont de la peine à débrouille* ks faite.
13 6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1410. (a) î c'e^ ce ^ ne manqua pas. La magnifique chapelle de falnt
(a) Vnob. ubi Wenceflas toute bâtie de jafpe enchaffé dans de l'or , fut pillée &
frpr> démolie à coups de marteaux & de maiîuës ( 1 ). La forterelie qui
pouvoit pafîer pour une ville par fa grande étendue, 6c fa belle
bafilique auroient eu le même fort _, fi quelques officiers de la vieil-
le ville , touchez de ce fpe&acle affreux , n'euflent amené du mon-
de pour en ch aller les Taborites. Ce fecours arrivé , la garnifon
reprit courage , & les Taborites furent repoufïez. Les officiers qui
gardoient le château, remercièrent ceux de la vieille ville de les
avoir fecourus fi à propos, &: leur promirent de le faire fçavoir à
l'Empereur , 6c de lui recommander leurs intérêts. Ce qui leur fit
plaifir. On ne remarque ces petites particularitez, que pour mieux
faire connoître la fituation des chofes dans Prague.
Zi^vaau XV, Ziska , après avoir promis à ceux de Prague de les affi-
fecoursdes fter de toutes (es forces , s'en alla à Tabor , d'où, il écrivit des let-
PrazueT a tres circulaires à ceux de fon parti , pour les exhorter à fecourir
Prague contre l'Empereur , dont on attendoit à tout moment l'ar-
rivée. Il n'en falloit pas davantage pour les tenir tous à lerte. Un
des capitaines (z),Taborite , ayant levé en diligence 400 hommes
.dans le diftricr, de Hradicz^ou. Gratz^{}) , marcha vers Prague, non
/ans commettre de grandes inhumanitez en chemin. Il brûla en-
tr'autres la petite ville & le monaftere de Hradifiie dans le diflrid
de Boleflavv. Etant entré dans Prague avec fon monde, il alla
d'abord attaquer Wifrhade _, mais il y fut repouffé avec perte , 8c
il y aurojt fuccombé fi Ziska ne fût venu à fon fecours avec l'élite
de fes troupes. Comme il n'alloit Jamais nulle- part fans laiffer des
grâces fanglantes de fon paffage , c'eft: ce qui ne manqua pas dans
cette occafion. Il brûla en paflant la petite ville 6c le beau monaf-
tere de Benefchavv entre Tabor 6c Prague. De4à ayant fait alte
dans une plaine fur le bord de l'Elbe, il fut attaqué par un corps
de cavalerie Impériale , qui s'étpit mis en embufcade dans un tail-
lis j mais elle fut vjgoureufement repouffée par l'infanterie Tabo-
rite mieux portée pour combattre. Il fut reçu à Prague à bras ou-
verts. Le Clergé ,1e Sénat, la Bourgeoifie allèrent au-devant de
Jui : les foldats Taborites avec leurs femmes 6c leurs enfans , furent
(1) Voyez-cnladefcriptîon dans les Mifcellanees de BalbinL. III. C. IX. §. î.
(z) Hinko de Pndiebrad oncle de George de Podicbrad qui naquit cette année , & qui fut Roi de
Bohême en 14$%. quoique Huffitc. Lupacitts 2. Mart.
X 3 ) H y a en Bohcme deux villes de ce nom , l'une fur l'Elbe appcllce Kgnigsgratx. qui
.éUoitJTappanage des Reines de Bohême, l'autre eftdans le diftrid de Bechin, & appafrtcnojt
autrefois aux Seigneurs de Roftmbcrg. Je crois que c'eft celle dont il s'agit ici.
régalez
ET DU CONCILE DE BASLE. Zlv. VU. i37
régalez des provisions des monaftéres qu'on avoir pillez. Après .
s'être bien gorgez, ils courenr les rues de Prague, coupent les
mouftaches de tout ce qu'ils rencontroient de Catholiques, dé-
pouillent , décoè'fent les femmes, & (e conduifent en un mot avec
rant d'infolence, que les chefs furent obligez de les menacer du
gibet s'ils continuoient leurs violences. Cependant un Seigneur
du parti Catholique, nommé Jean Michalecs , fe mit en devoir de
fecourir Wifrhade avec de la cavalerie & de l'infanterie, & de
bonnes munitions de guerre & de bouche 3 mais les Taborites
l'ayant attendu au pailage dans l'ifle voifine , il y fut battu à plate
couture , & eut bien de la peine à fe fauver lui quatrième dans la
fortereiïe. On ne dit point ce que devint alors le fîége de cette
place fouvent prife &c reprife.
XVI. Pendant que ces chofes fe paiTbient à Prague 3 quelques Confédfra-
villes , comme Zatec ( i) , Launy ( 2) Slan (3 ) fe liguèrent pour la tion d\?lUCh
défenfe des HufTites 3 ôcinfefterent la campagne par desmaflacres Bohême en
& des incendies. Après ces courfes les Taborites entrèrent dans favc"5des
Prague (a) où ils furent reçus au chant des hymnes &; des pfeau- (aJLeaî.dc
mes. Leurs femmes , non moins aguerries que leurs maris allèrent M "•
fondre fur le couvent de Ste. Catherine , dans la nouvelle ville , 6c
le démolirent prefque entièrement j mais comme elles s'y pre-
noient avec trop d'ardeur, il y en eut vingt-fept d'écrafées fous
les ruines. Les maris s'étant mis en devoir d'aller déterrer leurs
femmes de deilbus ces ruines furent obligez de s'en retourner,
craignant d'y périr eux-mêmes ; une partie du couvent futeonfer*
vée par là (b). Theobald qui raconte ce fait , dit que de fon tems la CW P- 7*»
tour fubfiltoit encore, quoiquelle n'eût point de toit.
XVII. Comme on avoir avis que l'armée de l'Empereur s'a- CcuxdePra-
vançoit à grands pas , ceux de Prague réfolus de ne le point rece- g^^retran-
voir, firent des lignes depuis ce couvent jufqu'à la Moldave, & mi-
rent garnifon dans les endroits d'où l'on pouvoit fournir des vi-
vres à Wifrhade. D'autre côté ceux des grands qui tenoient pour
Sipfmond , tachoient de détacher du parti Taborite les villes qui
y étoient engagées. Dans cette vue le Seigneur Guillautne de Ha-
femberg accompagné de (es vaflaux & de quelques gentilshommes,
alla à Slan pour eiîayer de gagner cette ville royale, parce que
c'etoit une place de grande importance. Pour y rétuTir , il répan-
(1) Capitale du diftriftdecenom fur l'Egre.
( z ) V lie royale dans le méinc diftriâ:.
(3; Capitale du diftrid.de ce nom.
Tom. /, S
*42°.
138 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES.
dit le bruic que Prague s'étoit rendue à l'Empereur. Les habi-
tans allarmez de cette nouvelle, 6c deftituez de fecours 5c de
confeil , furent obligez de fe rendre 6c de chafler leurs prêtres
HufTites pour en recevoir de Catholiques , 6c on mit une bonne
garnifon dans la ville. Le même jour les Taborites s'allèrent pof-
ter en un certain endroit dans le deflein d'affieger la forterefle de
(0 Dan*le -Hatfchin (a), 6c celle de St. Wenceflas (b) 3 comme ils le firent,
P(h) Dans la Ceux de Prague de leur côté coupèrent tous les arbres de l'arche-
vieille vaie. vêché , afin que les ennemis ne pufTent s'y cacher.
H I S
r
OIRE
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE-
LIVRE VIII.
E 1 1. de Juin il vint un meflager donner avis que 142.9.
l'Empereur s'avançoit avec une girofle armée, &t Approche'de
qu'il avoir, envoyé devant lui quatre mille chevaux 1Arn|JcIra"
r 1 /• a pénale.
pour faire lever le fiége de Ratfchin & du château
de St. Wencejlas. Ceux de Prague en effet, lesTϝorites , &: les
citoyens de Zatec&c dcLauni, levèrent le iîége de ces deux places,
& fe fortifiant avec leurs chariots qui leur fervoient de remparts ,
fe mirent en état de dcfenfe, fufpendus entre l'efperance & la
crainte. Les Impériaux qui vouloient épargner le fang dans la
Sij
Ho HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.10. ville, allumèrent un grand feu loin du-camp pour attirer ceux de
Prague, qui en effet voyantla fumée & s 'imaginant que l'enne-
mi étoit là , y coururent pour le combattre. Aufîi-tôt les Impé-
riaux , qui s'étoient cachés fort loin de cet endroit, allèrent en
diligence s'emparer de la forterefle avant que ceux de Prague
puflent le fçavoir. Mais ceux-ci l'ayant appris allèrent en furie
rafer prefque tout entier le petit coté de la ville , &; fe retirèrent
avec ceux de Zatec & de Launi dans la vieille ville , où ils avoient
À beaucoup de correfpondance , comme les Taborites en avoient
82. dans la nouvelle (a).
Arrive.- de H. Enfin une partie de l'armée de Sigifnond arriva au mois de
L'Armée.' Juin. La plupart des Hifioriens de ce temps-là difent quequand
elle futcomplette, elle étoit de plus de 140000 hommes. On
peut voir ce qu'en dit Thèobald(\). Il s'y trouva plu fleurs princes
&crrands Seigneurs -, 1. Frideric électeur de Brandebourg. (57-
gifmond lui avoit donné l'inveftiture de cet Ele&oratà Confian-
ce , à condition qu'il lui fourniroit des troupes en cas de befoin. )
2. Guillaume, êc Frideric furnommé le Belliqueux } marquis de
Mifnie j le dernier s'étoit retiré mécontent de Confiance fur le
refus que lui avoit fait Sigifmond de lui donner quelques villes
de Bohême qu'il avoit conquifes 3 mais ils fe réconcilièrent. On
voit une lettre des magiftrats de Prague 6c des barons de Bohê-
me à ce Prince, où ils lui font de grands reproches d'avoir four-
ni contr'eux des troupes à Sigifmond, & l'exhortent de fe reti-
rer, s'il ne veut pas être damné avec Sigifmond 3 lui repréfen-
tant que Sigifmondn'cioM^s de les amis, & qu'il ne fe fer oit point
(b)Çochi. reconcilié avec lui s'il n'eût eu befoin de fon fecours (b) jlaJet-
Beii, Huflit. treeft dattéede 141 1. 3. Albert V. archiduc d'Autriche qui fut
'p' 9 ' depuis Empereur. 4. Les Princes de Bavière, fçavoir Henri de
Landshut , Guillaume de Munie , & Jean frère de Louis d'Jngolflad.
Ces Princes avoient eu de grands démêlez enfemble, comme on
l'a vu dans l'hiftoire du Concile de Confiance 5 mais ils fe réuni-
rent pour la caufe commune.
Sigtfmondc& m. L'Empereur fut reçu dans la ville de Konigsgratz (2) , où
^sgraat^°" il y a une bonne fortereffe! De là il envoya des lettres à Prague
(1) Cœfarianos milites 150000 Cttthenos , alii{ quodfidem excedit) 300000. Bagens de nnno
144 \.eos $0000. numéro 'fuijje feribunt } Germanos I2JOOO C.tfarianis jam antea 40000 addu-
xijje iti antiquo qitodam manujeripto legi. A Germants 140000 numéro Cafarimis fuppetiits latum
nddttllos effe Martintts Boreck Vratijlavienjis memoria prodidit. Theob. ubi f*pr. p. 3 $ .
( 1 ) Cette Ville eft fituée entre la Sik'lic , & le diftrift de Çbrndhn fur l'Elbe. C'ctoit Kappa*
jaage des Reines de Bohême,
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. VIII. 141
pour fommer les habkans de tenir leur parole, & de le reconnoî- 14.10.
tre pour Roi de Bohême. Il leur ordonnoit en même tems d'ôter
incelîamment toutes les barricades, & de porter leurs armes les
uns(i) dans la forterefTe de St. Wenceflas ^ les au très (2) dans cel-
le de ^ifrhade. Ces lettres furent lues à Prague le 24 Juin }
mais, au lieu d'y répondre, on redoubla les gardes & les barrica-
des. De Konigsgratz , l'Empereur alla à Cuttemberg & enfuite à
Litomeritz (3) où. les habitanslui fournirent abondamment des
vivres 3 & lui offrirent du fecours. Ayant appris dans cette ville
qu'on avoit brûlé à Prague quelques moines qui refufoient de
changer de religion, il fit jetter dans l'Elbe 24 Huffites qu'il y
rencontra. Apres avoir campé là autour pendant quelques jours
avec ce qu'il avoit de Hongrois, d'Allemands & de Cuttembour-
geois , il alla à Bolcflaw (4) en antendant le refte de l'armée. De-
là il alla à Milnik ville royale à quatre milles de Prague, puisa
Slan que Hafemberg avoit furprife. Il y fut reçu fplendidement 3
mais comme il ne fe fioitpasàdes ennemis tout récemment re-
conciliés , il alla camper ailleurs. Il profita de ce loiiîr pour al-
ler vifiter quelques fortereiîes, comme Ziebrah dans le diftricl de
Podwerth, Toccenic , Carl/iein (5) dans le même diflrid , où il al-
la vifiter les tréfors que Wenceflas fon frère lui avoit laifîez. Delà
il alla campera Beraume fur la Mile dans le même cercle, ôcy
fit faire diverfes fortifications.
IV. On a vii ci-defïus que \qs Seigneurs de Rofemberg avoient aba„aonne^
embraflé le Hufîîtifme. ÎJlricde ce nom allarmé de la préfence les Buffites,
de l'Empereur changea tout à coup de parti, abandonna les Ta- &cft-battu'
borites , envoya leurs prêtres prifonniers en divers châteaux, &,
obtint l'abfolution du Légat du Pape. D'autre côté plufieurs fei-
gneurs Hufîites ayant ramaflé un grand nombre de payfans al-
lèrent a Konigsgratz où ils furent bien reçus des habitans ,qui n'i-
gnoroient pas les difpofitions de Sigifmond à l'égard de la reli-
gion. On y communia librement fous les deux efpeces. L'auteur
du Mars Moravique nous fait part d'une anecdote à l'occafion
(1) Ceux de l.i vieille Ville.
( 2 ) Ceux de la nouvelk Ville.
(3) Ville royale de la Bohême fur l'Elbe à quatre milles de Prague.
(4) C'eft nue des plus anciennes villes de la Bohême. Elle eft (huée au milieu de ce Royau-
me lu r l'Elbe. Elle fut bâtie par le Duc Bolejlas vers le milieu du X.fiécle. Balbifi qui avoit été
fur les lieux , dit que ce n'étoit plus qu'un cadavre de ville.
(5)FortereiTebatie fur une fort haute montagne par l'Empereur Charles IV. l'an 1348. à J*
milles de Prague. Wencejlas y fit bâtir depuis un château qu'on appelloit Chàte au-neuf, ott
Conr .xàiit,
Siij
i4i HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
de ce Seigneur. Il dit qu'ayant des terres dans le diftrict de Be-
chin où dogmatifoit Jean Hus après fa retraite de Prague, il
s'engagea dans le Huiiitifme étant encore fort jeune 3 mais qu'il
s'en repentit bien-tôt après , en partie rebuté par les défordres
des Huffites , en partie frappé d'un fange fort étrange. Jefus-
Chrift lui apparut enfanglanté & fe plaignant que les prêtres l'a-
voient ainfi traité en voulant feparer fon fang de fon corps.
Notre Seigneur ayant difparu , Jean Husfe preienteà lui fur un
étang avec une torche ardente à la main , mais à l'inftant & la
torche &Jean Hus font dévorez par un chien. LàdeflusoY Wen~
ceflas fe montre & demande à Rofemberg s'il a vu le chien & le fal-
lût. J'ai vu l'un & l'autre, dit-il, mais je nefçaicequecelapréfà-
ge. Dieu , dit le Saint , a juré de punir la Bohême par divers erreurs
pendant deux cens quarante-fcpt ans. En même temps il voit un,
grand homme affreux qui met le feu à un gros monceau de paille.
Là-deflus le Saint lui dit : Souvenez^vous de Dieu , de moi , de St.
u4delbert , & n abandonne z^p a s votre première foi , féconde en grâces
divines. Aulîî-tôt après la vilîon , Rofemberg s'en alla avec cinq-
cens chevaux trouver le légat du Pape à Ziebrac , fortereflfe appar-
tenante aux Rofembergs , fit fon abjuration , alla enlever aux Huf-
fa) cachot ^tes la v*^e ^e Wodnian dans le diftrict de Prachin (a) 6c en fit ab-
MarsMorav. batre les murailles, afin qu'elle ne leur fervît plus de retraite.
p, 458. Théobald met au fixiéme de Juillet de cette année la défaite du
même Rofemberg devant Tabor où. il avoitmislefiége par ordre
de l'Empereur • mais Nicolas de Huffïnetz, , à qui Ziska avoit con-
fié cette importante place, avec la fleur de Ion armée, fit une fï
yigoureufe fortie , qu'il mit les affiégeans en déroute après en
avoir fait un grand carnage. Balbin témoigne avoir entre (es
mains trois lettres de i'Empereurà'L'/r/V de Rofemberg. Dans la
première écrite de Hongrie, il lui ordonne de fe joindre avec
Rogirz^de Landeflein gouverneur deBudweis pour afîïéger Tabor.
Dans la féconde, écrite du campaumonaftere de Cladro dans le
diftrict de Pilfen , il lui commande de craverfer les Huflîtes dans
la conftruction de leur Tabor , & lui donne avis qu'il lui envoyé
des troupes de Bavière &. d'Autriche. Dans la troifiéme il confo-
<b) Baih. e- je ce Général de fa défaite qu'il imputoit aux troupes Autri-
44*. chiennes (b).
Siège de Pn- y Le refte de l'armée étant arrivé le 30. de Juin, elle campa
iroupcsim- devant Prague dans des endroits qu'il eft inutile de marquer , par-
tiales, çequelespomsenfontrrop barbares ôctropinconnus.Lespremier*
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. VIII. 143
jours fe pafTerent en efcarmouches , oùilyeut beaucoup defang 14.20,
xépandu de parc &, d'autre. Le onzième de Juillet, l'Empereur
fît former le fiége en trois ou quatre endroits devant la vieille &
Ja nouvelle ville de Prague. On a peu de détail de ce premier fiége,
qui tourna mal pour les troupes impériales, quoique l'Empereur
eût garni/on dans la forterefle de Wencejlas d'où on pouvoir bat-
tre la vieille Ville, & dans celle de Wifrhade qui commandoit la
nouvelle. Les Taborites qui fe battoient en défefperés, comme
pour leurs autels &; leurs foyers, eurent bien-tôt repouflé les
affiégeants de la nouvelle ville. La vieille ville eut plus à foufFrir,
quoiqu'elle fut mieux fortifiée, parce que les Impériaux avoienc
fait entrer beaucoup de troupes par le petit coté dont ils étoient les
maîtres. Les Hongrois s'étoient poftez dans le grand enclos du
Palais épifcopal , d'où ils lançoient leurs traits jufques dans la
vieille ville. Cependant les Taborites étant venus au fecours des
afliégez, ils chaflerent les Impériaux de la ville & les pourfuivirenc
jufqu'à la Moldave.
VI. Les Allemands voyant qu'il feroit impoflible devenir à bout Ziskadé&it
de la vieille Ville , fi l'on ne challoit ziska d'une haute montagne mands fur fa
à l'orient de la nouvelle ville près du gibet de Prague , & qu'on montagne,
appelle encore la montagne de Ziska t dont il s'étoit emparé 3 &où
il s'étoit retranché jufqu'aux dents, prirent la réfolution de l'y
aller forcer. L'attaque fe fit d'abord alïez heureufement 5 les trou-
pes Saxonnes avoient déjà forcé les retranchemens malgré la ré-
fiftance des afîiegez , entre lefquels il fe trouva deux femmes &
une fille les armes à la main, qui aimèrent mieux périr que de fe
rendre. L'infanterie ayant arraché les hayes, coupé les fafeines ,
comblé les foflez pour frayer le chemin à la cavalerie, on étoic
au fommet de la montagne. Ziska lui- même étoic aux abois fî
les Taborites de la nouvelle ville ne fufTent accourus à fon fecours.
Ils avoient à leur tête un prêtre Taborite (a) qui au lieu d'étendart (a) Vitîts li~
portoit le ciboire. A ce lignai le combat commença avec une*"*
nouvelle furie. Les troupes Allemandes furent repouiîèes &mi-
£qs en déroute , quoi qu'elles fuflent fans celle rafraîchies par des
détachemens que leurenvoyoit l'Empereur. Les Hiftoriens don-
nent beaucoup d'éloges à la valeur d'un vigneron nommé Robyk
homme erofïier, mais robufte &: courageux, qui avec Ziska fie „„_, , ,
ai 1 • >> i> • ■> 1 ~r / • ,1 . t t • (bjlheoltai-
urer le combat juqu a 1 arrivée des Taborites (b). Les Impériaux j„Sp. g4.
perdirent plus de 1 500. hommes à cette action qui dura tout le Balb- EP;t*
jour. Ziska y perdit la moitié de fcs meilleurs Taborites, Il fut lui- do^p'^Z
i44 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
f4.20. m^me abbattu par terre, mais il en fut quitte pour une légère
bleflure. On trouva entre les morts les deux femmes 6c la fille
(a; Le iP. dont on vient de parler. Quelques jours après (a) cette défaite,
de juillet, il arriva un autre défait re -y le feu ayant pris par un grand vent
dans le camp impérial , confuma quantité de richeffcs & d'effets
de grand prix j mais fur tout les échelles pour le fiége. On dit
que le feu y fut mis par une femme de Prague qui rodoit incognito
(b) Bail, ybi dans le camp (b). Le fiége cependant continuoit toujours au grand
fuPr- defavantage des Impériaux , fort maltraitez par lesnnachines de
guerre de ceux de Prague. Il reftoit encore deux rnonafteres à
Prague que les Taboritcs brûlèrent , parce qu'ils les incommo-
doient.
L'Empereur VIL Enfin le 3 o de Juillet de cette année Sigifmond levaleflége
levé le îiege, de l'avis de tous les chefs de l'armée. Il dura à peu près un mois >
&fcf"litcou" pendant lequel ceux de Prague, pour montrer qu'ils n'avoienc
pas peur , ne fermèrent les portes ni jour ni nuit. Cependant com-
me Sigifmond étoit encore maître du petit côté où ét<oit laforte-
relTede5^.^/c»^77^,ils,y fît couronner le même jour (1) par l'ar-
chevêque Conrad , qui ne s'étoit pas encore déclaré Huffite, 6c
créa félon la coutume plufieurs Chevaliers. Comme ce prince
manquoit toujours d'argent, il enleva les tréforsque fon père èc
fon frère avoient cachez à Carlftein & ailleurs , les lames d'or àç
d'argentdont les tombeaux des Saints étoient couverts dans laba-
filique de St. ^«f^jj il engagea plufieurs villes de Bohême aux
Ducs de Saxe , pour payer leurs troupes 3 les joyaux de la couron-
ne à des banquiers, 6tles reliquesimpérialesaux Nurembergeois
pour une grofTe fomme d'argent. Les Hijloriens catholiques ( die
Balbin ) 3 ont remarqué , il y a long-temps , que cet argent a étèfuneflc
à plufteurs , g5* qu'il na de rien f'ervi ni à Sivifmond , ni à aucun Roi
M**1-**0- de Bohème {,)
Première dé- V 1 1 1. L'on rapporte peu d'exemples d'une défaite auiïi corn-
rereur en plette que le fut celle de Sigifmond cette année : ce ne fut pas feu-
«ui^me. lement devant Prague qu'il fut battu ,ille fut par toutou il voulue
pénétrer depuis en Bohême. On ne peut en avoir un meilleur té-
moin que Henri de Zandsbut^duc de Bavière qui y étoit, & qui
eut bonne part à la déroute générale. Voici comme il en parle dans
une lettre qu'il écrivit de Prague cette même annéeà fon Chance-
lier. ~Nous avons attaque la Bohème par cinq fois j & tout autant de
(i)C'e{lainfi que Balbin le rapporte. Thibaut marque ce couronnement le 20. de Juillet,
fcCzecborodk 28.
fiif
ET DU CONCILE DE BASLE. Zlv. VI II. 145
fois nous avons été défi il s avec Perle de nos troupes , de nos armes , de jaiq;
nos machines & inf rumens dé guerre ,de nos provisions , de nos valets
d'armée. La plus grande partie de nos gens a penpar le fer , & Tant re ' A^;[ \
dans la fui te. Enfin par je nèfeai quelle maligne fatalité nous avons L. vu. p.
toujours horileufcment tourne le dos , même fans avoir vu F ennemi (a). 7°°;c**cbor.
I X. Enfin Siyfmond fi opiniâtrement pourfuiyi par la fortune Retrait de
n'eut point d'autre parti à prendre que de le retirer en Moravie êC l'EmPereur'
de là en Hongrie , après avoir licentié ce qui lui reftoit de troupes
Allemandes, de laiffé des garnifons dans les deux forterefïes de
Prague. En s'en allant il palîa à Litomeritz pour s'ailurer de la fi-
délité de cette ville. Etant à Kuttemberg il partagea les Hon-
grois en deux bandes , avec ordre d'aller fourager les terres de
quelques feigneurs Huffites , en qui il avoit trouve plus de réfiftan-
ee(i;.
X. Quelque fanglant qu'eût été le fiége de Prague, ce qui fe Suite de h
pafla depuis cette année ne le fut pas moins. Les uns enflez de leur « ")°ire. des
victoire , les autres irrites de leur deraite , us le ruoient les uns lur Nouveau Uti-
les autres avec une fureur inoiiie. ziska ayant quelque répit £c,c s w,ifr"
1 • ■ 1 .■ ./• i c c hade parles
par la retraite de Sigifmond , en prohta pour mettre tout ivexptabmtif.
&à fang en Bohême. Sa fureur fe déchaîna fur tout furies monaf-
teres(i). Ce qui fe fit de plus mémorable depuis la retraite de
l'Empereur furent deux lièges de Wifrhade entrepris par les Huf-
fites. La première tentative fut faite par quelques Taborites Ôc
parles habitansde la nouvelle ville ; mais elle ne leur réufTit pas.
Car la garnifon du château voyant les feux &c les lanternes des
aiîiégeants 9 ne fît femblant de rien 3 jufqu'à ce qu'ils faflent près
de forcer la porte de la fortereiïe. Alors elle fît une fortie , fe jet-
tafur les Taborites ôcentua un grand nombre. Les fuyards eu-
rent bien de la peine à échaper , parce que la porte de la nouvelle
ville fut fermée par ordre du Sénats &ilsauroient tous péri fi la
garnifon craignant une fortie de la nouvelle ville ne fe fût retirée
dans le château. Les Taborites s'en plaignirent au Sénat comme
d'une hofbilité , difant qu'il n'avoit fait fermer les portes , qu'ariti
qu'ils périiTent ieuls, & menacèrent defortir de la ville. Cette
menace allarma ceux de Prague , qui deftituez de ce fecours ne le
poavoient défendre contre l'Empereur s'il revenoit les attaquer,
' i ) C'c'toient les comtes Hinko & Vifterin de BocxMon de CknfîfU Seigneur de Podiebrad, ville
fur i Elbe qui a donné un Roi Huffite a la Bohême , fils de ce / 'idorm. Balbin Mpit. p. 44 r.
2) On a ramâfle ailleurs à part toutes lesde'ibl/it'onsdecouvens, & les mafia cres de Prêt pef
arrivez en des temps différais ; mais on a change demiéthode, & ou les mettra chacun îh U
nlace & dans fon temps.
fom, Jz J
î46 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
j 0 comme il le fie. Là-defïus les prêtres 8c les citoyens de la ville s*at-
femblerent pour prévenir le danger commun. Il fut réfoludans
cette aiiemblée d'engager les Taborites à ne les point abandonner.
Ils ne purent pourtant II bien faire qu'il n'en fortît un grand nom-
bre avec leurs drapeaux où ils avoient peint des calices^ s'allèrent
joindre à Ziska <\u\ failoit tous les jours de nouvelles conquêtes,
renforcé de nouvelles ifSupes,
PrifeckRt/V- xi. Ce Général voulant éprouver leur valeur les mena à une
•j£*i«trt! petite ville nommée Rzjczan où il y avoit une forterefle jon ne
fçait dans quel dillricT;. Il emporta l'une & l'autre &: y brûla fepe
prêtres après les avoir garrotez & enfermez dans un poêle ardent,
De-là il marcha à Prachacitz. En chemin faifant il fit noyer Her-
man évêque de Nicopoli , & fuffragant de l'archevêque de Pra-
gue 5 avec deux prêtres. On prétend qu'il avoit ordonné des prê-
tres Taborites , comme en effet il en futeenfuré par l'archevêque
Conrad y que même il donna la communion fous les deux efpeces ,
mais que s'en étant repentit il avoit fait fa paix. C'eft pour cela
qu'il fut traité comme transfuge & apoftat par les Hulîîtes. Quel-
ques jours après Ziska arriva devant Prachaticz , dans le difbicl
de Prachin , où l'on a dit que Ziska avoit fait [es premières
études. Ilfomma d'abord la ville de fe rendre, & de chafîer les
Catholiques , alTurant les habitans de fa protection en ce cas-là.
Mais les Catholiques animez par leurs prêtres n'écoutèrent point
fes proportions } &fe difpoferent à fe bien défendre, lui difant
qu'ils n'avoient rien à craindre d'un petit gentilhomme comme
lui. Irrité de ce mépris , il invertit la ville de tous cotez. Elle ne
reiifta pas long -temps. Des le premier afTaut ils demandèrent
quartier. Ziska n'étoit pas d'humeur à leur en faire après en
avoir été infuité. Il entra dans la ville & y fit un grand carnage.
On compte qu'il y eut 13 5. hommes d'égorgez, félon l'ordre qu'il
en avoit donné (1) -, ce qui faifoit la plus grande partie des habi-
tans. Les prêtres qui n'avoienc pas pris les armes, & le peuple
avec les femmes & les enfansfe réfugièrent dans l'Eglife, où-dS-
(à) dp. neas Sylvius dit qu'il les fît tous brûler fa). D'autres racontent la
XLII# chofe d'une manière tant foitpeu moins tragique. Ils difentque
Ziska ayant fait fortir les femmes &: les enfans de la ville , fît
mettre le feu à TEglife, & qu'il y eut plus de 800. perfonnes
(b)Kaib.Mij: confumées dans cette incendie (b). Pendant ce temps-là lesTa-
J.LXXVI. v ' . r .
{ 1 ) Tbeobald dit qu'il a voit ordonné à fes gens de tuer 15 o. citoyens, p. 8$. %6* D'autres
«lifent qu'il en pe'rit poo.
ET DU CONCILE DE BASLE. Zfo. VIII. 147
borites qui étoient reftez à Prague , s'étant partagez en deux ban- \aio\
des allèrent piller, les uns fur les terres du feigneur de Rofemberg>
les autres en Luface.
XII. Cependant le 1 5. de Septembre ceux de Prague joints Autre fiége
aux Orebites, aux Taborites&àux villes de Gradit^, de Zatec , dc f^i*?e
de Zauny&c de Slan qui avoient quitté le parti de l'Empereur, rîtes?*
recommencèrent le fiege de Wîfrhade. Toutes ces troupes liguées
avoient à leur tête des chefs d'une valeur éprouvée. Sipfmond
de retour de Hongrie étoit à Cuttembcrg , fort mortifié de ces nou-
velles quoiqu'il tâchât de divertir ion chagrin avec des inftrumens
de mufique, Spemvultù fimulat 3 frémit altum corde dolorem. Pour
ne point céder iziska en incendies &en maflacres, il infeftoic
tous les environs avec fes Hufîars. Il mit tout à feu & à fans au-
tour de Boleflau , capitale du diftricl: de ce nom , n'épargnant ni
les femmes, ni les enfans. Les afîiégez réduits à l'extrémité lui
députèrent pour lui demander des vivres, fans quoi ils ne pou-
voientpas tenir plus d'un mois. Il leur promit de leur en envoyer
dans trois femaines au plus tard. En même temps il écrivit en
Moravie pour en tirer du fecours 5 en attendant il prit des me-
fures & donna des ordres pour faire venir des vivres parterre Se
par eau aux afîiégez ; mais Nicolas de HuIJinct^ l'ayant feu, al-
la s'emparer avec un corps de Taborites , de l'Ilîe qui eft au pied
de Wifrhade , afin de pouvoir couper les vivres en bouchant la
rivière avec des chaînes & des fafeines.
X I I I. Pendant que ces chofes fe pafioient , quelques Seigneurs On tentevaû
afîemblésà Graditx^ écrivirent â l'Empereur pour lui répréfen- aCec^mô'de.
ter l'état déplorable où étoit tout le pays , &lui offrir leurs foins ment.
pour quelque accommodement amiable avec ceux de Prague.
L'Empereur répondit favorablement & promit d'oublier cour le
paflé fi on le vouloitreconnoîtrepour Roi. Ces Seigneurs por-
tèrent aufii-tôt ces nouvelles à ceux de Prague. Ceux-ci ayant
pris du temps pour en délibérer, fe déchaînèrent d'abord con-
tre Sigifmond, comme contre leur ennemi déclaré, ainfi qu'il l'a-
voit fait paroître parlefiége de leur ville. Ils difoient d'ailleurs
qu'il vouloit opprimer leur religion , & que fi Dieu ne les en eût
préfervez il feroit arrivé ce que Charles IV. avoit prédit avant
fa mort , que l'un defes deux fils perdroit Prague (1). Cependant
(1) Hagec raconte qu'en 1 3 yj. Charles IV. étant à la fenêtre de fon appartement à Jiïfrbade
d'où il regardoit la Villc?fc mit à pleurer. Le Gouverneur lui en ayant demande' h caufe : Je
fçai , dit-il, que mes deux fils feront ennemis de ce Royaume , Ç$ que l'un d'eux abîmera Prague i
fiais jije fçavois lequel c'efî des deux , je le tuerais Je ma propre mam. Theob. p. 87.
t48 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
J410. ^s conclurent que Ci l'Empereur vouloir permettre une confèv
rence de fes Théologiens avec ceux de Prague fur les quatre arti-
cles de religion dont Ziska étoit convenu, ils confentiroientàuii
accommodement. La réponfe portée à l'Empereur qui etoit alors
à Berone., il donna les mains à une conférence où il vouloir, af-
filier lui-même ■ mais il ajoutoit qu'il falloit auparavant faire une
trêve & fe retirer de devant Wifrhade. Ceux de Prague au con-
traire déclarèrent qu'ils ne cefîeroient point d'agir jufqu'à ce que
l'Empereur entendît leurs théologiens & leur cédât lui- même vo-
lontairement Wifrhade. L'Empereur en colère renvoya cette
demande aux calendes yeques. Toutes les avenues de Wifrhade
étant fermées par terre 6c par mer , la garnifon fut contrainte de
capituler après un fiége de plus de cinq femaines, où l'on man-
gea flx-vingt chevaux ,. des rats ,. des chiens & des chats. On en-
voya de part & d'autre des officiers pour parlementer. La con-
vention fut que fî dans quinze jours l'Empereur ne délivroit pas
fa place , ou n'y envoyoit pas des vivres dans la quinzaine , elle fe
rendoit fans nulle oppofition.
Seconde de- XIV. Le 3 1 . d'Octobre l'Empereur fe difpofa à faire lever le'
fiitedel'Em- fiége de Wifrhade avec une armée qui lui étoit venue de Mora-
vie. En même temps il ordonna â la garnifon du château defain?
Wenceflas d'aller attaquer la Maifon de Saxe affiégée par ceux
de Prague dans la petite ville, & de la brûler,, s'il fe pouvoir y
pendant qu'il iroit devant Wifrhade attaquer les Taborites. Mais
fes lettres ayant été interceptées, ceux de Prague fe mirent en
état de le bien recevoir, il pofta fon armée fur une haute colline ,
d'où il fe montra aux affiégez l'épée à la main , comme pour leur
faire ligne de charger l'ennemi -y mais il étoit trop tard j le temps
auquel ils avoient promis de fe rendre , étoit expiré depuis plus
d'un jour. De forte que les affiégez en gens de parole ne tirèrent
pas même l'épée. Les Impériaux voyant que la garnifon ne faiV
Soie pas la moindre défenfe , & que d'ailleurs ceux de Prague s'é-
toient trop bien retranchez pour les pouvoir forcer , avertirent
l'Empereur de ne pas s'expofer 3 lui & fon armée. Non , non 3 dit^
il _, je veux hasarder le combat avec ces Porte-fleaux. Un de fes Gé-
néraux ( 1 ) lui ayant repréfenté que ces fléaux étoient fort redou-
tables : Vous antres Moraves 3 repartit-il , vous nêtes- que des -poL*
irons. Auffi-tôt les cavaliers defeendant de cheval, Vous allez^voir^
( 1 ) Defpeta Plmnlovijeus Cravaftius capitaine de Moravie. Il fut tue' dans cette action.
ET DU CONCILE DE BAS LE. Liv.VUl. 149
dirent-ils, que nous irons où Votre Majeftê n ira pas. A Pinflant 1j1g
s'étant jetrez avec furie en divers endroits , ils furent par tout
raillez en pièces , ou aiîommez à grands coups de ces fléaux que
l'Empereur avoit fifort meprifez. Les Hongrois ayant voulu les
défendre, ils eurent à dos ceux de Zatec , de Launy ScdeSlan,
qui en paflérent au fil de Pépée un grand nombre, mirent en
fuite les autres. L'Empereur lui-même fut du nombre des fuyards.
Ceux de Prague qui etoient dans d'autres retranchemens , voyant
cette déroute , fe jetteront fur les Moraves , & fans faire quartier
à aucun , ni s'amulèr à faire des prifonniers 3 les aflommérent avec
leurs fléaux de fer. La victoire ne fut pas moins complète, ni
la défaite moins générale. La plus grande partie de la noble/Te
de Moravie y demeura. On peut voir les noms des principaux
dans Theobald -, Balbin , ôc" C^echorod. Un des Généraux échapé
de cette boucherie , qui a décrit cette action , dit qu'il y périt trois
cens ou environ des Grands Seigneurs Bohémiens du parti de
l'Empereur. Leurs corps demeurèrent quatre jours fansfépulture
en proie aux chiens , ce qui caufa une telle infection , que la place
n'etoit pas tenable. Enfin un des Généraux touché decompafîion ul^ùmfi'
du fort malheureux de tant de braves gens , les fît enterrer à fes 38. Baihn.
dépens dans le cimetière de faim Pancrace voifin du champ de ba- ?* •?'^£^*,
taille. On voyoit encore leurs noms dans ce cimetière du temps c. vii.p.*
AeTheobald.^). 44*-
XV. Le même jour que fe donna la bataille, les Impériaux Laforterefle
rendirent Wifrhade à ceux de Prague avec les catapultes 3 les mor- ^molic- *
tiers &. autres machines de guerre , à la réferve de leurs propres ar-
mes,, félon la capitulation. Ils témoignèrent une grande recon-
noiilance à la garnifon de ce qu'elle avoit lî fïdellement tenu fa
parole 3 & leur donnèrent libéralement tout ce qui lui étoit nécef-
faire pour fe retirer en bon ordre. Les jours fuivans furent em-
ployez à démolir la forterefîe & à piller les églifes. On en compte
quatorze de ruinées dans ce temps-là. A cette occafion on ra-
conte que pendant le fiége les afïïégeans manquant de grofTes
pierres , briférent les colomnes & les piiliers d'une églife pour les
jetter par monceaux contre la place avec leurs catapultes. Le troi-
ficme de Novembre qui étoit un Dimanche , ceux de Prague fu-
rent en proceflion dans l'endroit où ils avoient remporté la vidoi-
re, pour en rendre grâces à Dieu folemnellement au chant de leurs
jjvmnes en Bohémien.
' XVI. Ainfi périt la fuperbe forterefîe de Wifrhade , qui avoit d/™2ïia
Thj
15© HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.10. ^ *e féjour des Ducs & des Rois de Bohême. Elle étoit plus arW
cienne que la ville de Prague , ayant été fondée en 6 8 3 . par Crocus
fécond Duc de Bohême. Quelques années après elle avoir, été
mieux munie par LibuJJa fille de ce Duc qui avoir le gouvernement
de Bohême. Przimiflaus troifiéme Duc de Bohême fut le premier
qui l'appella Wifrhade , mot Bohémien qui lignifie lieu élevé. Il
n'en reftoit plus que quelques monumens. C'etoit un jardin pota-
(a) Theobaid. ger du temps de Theobald. Et campos ubi Troja fuit (a). L'Eglife
p. 88. Baib. C0Hégiale de cette fortereffe , fondée dans l'onzième fiecle par le
dtwiïr * duc Brzftiflas , & enfuite ornée magnifiquement par le duc Sobie^
Mars Mo- }as ^ avoit de grands privilèges accordez par Alexandre IL Elle
rav, p. iq . reievojc immédiatement du Pape. Le Prince & Chancelier de Bo*
hême en étoit le Prévôt perpétuel. Le Prévôt, le Doyen, ïçs Cha-
noines avoient le privilège de porter la micre dans les jours folem-.
nels, ôc même le Diacre quand on célébroit la Méfié devant le
Duc.
Eavag« que XVII. L'Empereur voulant fe vanger en quelque forte de la,
font les im- perte de Wifrhade , s'alla jetter fur les terres de Victorin de Podie-
fetr'Te'trake! brad, & de Henri fon frère, parce qu'ils avoient aflifté ceux de Pra,
gue, & il porta la défolation par tout ; mais un autre Seigneur
(b) Pochais ^e la Maifon de Podiebrad (b) , qui auparavant avoir été l'ennemi
fodiefoad. capital des Praguois , irrité de cette irruption contre ceux de fa
Maifon , confpira avec eux contre l'Empereur , 6c fe rangea dans
le parti des Calixtins. L'Empereur avec (ts Huflars exerça les mê-
mes violences dans tout le territoire de Prague 3 il brûla 3 pilla
tout, 8c fit mener des vivres dans le château de Wenceflas fitué dans
la vieille ville.
Horribles XVIII. Dans ce même temps plufieurs payfans s'afîemblérenc
pruautez des fuf une montagne , qu'ils appellérent Oreb ( 1 ) , entre Zedeczjia.ns
le diftricl: de Czatzjavver , 6c la forterefle de Lipnïch dans le diftrift
de Zeitmerit^. De-là ils faifoient des courfes dans tout le voifina-
ge , principalement aux environs de Graditz^, pillant, mafïacrant,
brûlant, fur tout les moines. Ceux qu'ils ne brûloient pas, ils les
(c) c'étoitau mettoient enchainez fur la glace pour les faire périr de froid (c),
mois de No- On rapporte d'eux des chofesaufTi infâmes qu'inhumaines. Us cou-
yembre. -M i i o i ' i j •
poient a quelques-uns les parties , ce les leur pendoient au cou , au
lieu à'amuletes. Les Bohémiens eurent tant d'horreur de cette bar-
barie,qu'ils entreprirent de s'en défaire,quoiqu'ilss'enfufIent bien
Cl) D'autres difent qu'elle t'appelloit ainfi.Quoi qu'il enfoitj c'eflt de là qu'il* furent ap»;
peliez débites. '
ET DÛ CONCILE DE BASLE.Zlv. VUI. 151
têt vis au ffége de Wtfrhade. LesOrébites enayanteule vent,pri- \ai®<
i-ent le parti de fe retirer à Tabor auprès de Ziska. Ce que les Hu£
fars de l'Empereur ayant fçû , ils fe campèrent dans un certain
ilieu en embufcade j mais les Orébites avoient pris un autre che-
jmin '. ils furent pourtant atteints par les Huiïars dans un taillis où
ils fe défendirent fi bien, qu'il n'y en eut que quatorze de *uez
à coups de flèches. De ce nombre ètoit leur prêtre qui fut renver-
fé avec le vafè où il portoit l'Eucharittie , qu'il èlevoic en guife d'é-
cendart. Ils portèrent ce vafe à Tabor où ziska les prit en fa pro-
tection (a), Ils firent depuis de grands ravages en Moravie & en ubfiw^a*!
Silefle. On en pourra parler dans fon lieu. xli.
XIX. Après la conquête de Wifrlvide , ceux de. Prague ne pou- Divific
ion cn-
vant rien attendre que de funefte de la part de Sigifmond confus & pre ceux de
irrité de la défaite 3 d'ailleurs obftiné à leur refufer le libre exerci- ies irrites.
ce de leur religion , ne penferent plus qu'à fe choifir un autre Roi.
Les principaux Seigneurs d'entre eux s'étant ailemblez ( i), ils jet-
térent les yeux fur Jagellon roi de Pologne , qui avoit embraiîé le
chriftianifme en 1389. ôtréfolurent unanimement de lui offrir la
Couronne, pourvu qu'il les laiflât communier fous les deux ef-
peccs ^ mais [çsTaborites s'oppoférent vivement à ce deffein. Ils
difoient qu'il leur falloir un Roi Bohémien, & qui eût fes terres
dans le païs. Nicolas de Huf/tnetx^ fur tout éclata ouvertement
contre une telle proportion. ^4 peine avons-nous chajffe 3difok- il ,
un Roi étranger , que vous voulez^en appeller encore un. Voyant qu'il
ne gagnoitnen par Ces remontrances , il fit forcir de Prague tous
\tsTabontes , & s'en alla avec eux joindre les autres qui étoienc
occupez à quelques lièges (2).
XX. Nicolas de Hufïïnetz feignant de vouloir reprendre la Ki/V^«rcn-
petite ville de Rz^czan fur les Catholiques tout proche de Prague, p"Aj^* de
envoya des députez dans cette capitale pour attirer ceux de Pra-
gue, &: fe faciliter par-là l'entrée dans la ville. L'artifice réuffit.
Ceux de Prague allèrent au-devant des Taborites , portant avec
eux l'Euchariflie en grande pompe. A leur arrivée , comme leurs
prêtres fe difpofoient à communier avec leurs ornemens , les Ta-
borites, hommes & femmes , fe jettérent fur ces prêtres. 4 quoi [er~
vent, difoient-ils , ces habits de comédiens ? quittez^les & communie^
Jans ces ornemens , ou nous vous les arracherons. Mais les plus fages de
(î)Hinsk?, ou Henri de Kruftbin } Viiïorin , Boiïo & Henri de Vediebrctd. Thcobaldt ni*
fupr.y.Zp.
(1) ïropovviti» &. Lejîna,
i5z HÏST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
i4io. ^>un & ^c i?aLUre Parc^ ^es accommodérenCjà condition que de part
& d'autre on ne fe traverleroit point dans ie culte. Cependant*
Huffïnetz^entrii dans Prague avec quelques prêtres, & propjfa
avec menaces à la Communauté , que, félon leur pro méfie, ii y eue
un égal nombre de Taborites, que de ceux de Prague, dans la Mai,
fon de ville & pour la garde des tours. Ceux de Prague s'écant af-
femblez pour en délibérer , répondirent que l'ennemi étant éloi-
gné, ils n'avoient plus befoin d'une li forte garde , & que quand il
feroit néceiTaire, ils ne refuferoient pas de s'unir à eux pour le bien
commun. Ainfi Huf/înetz^s'cn retourna à l'armée. Le château de
JL%ic%an fe rendit à ceux de Prague , à condition que tout ce qu'il y
avoir de monde auroit la vie^uve, ôf qu'hommes & femmes au-
roient la liberté de fe retirer avec ce qu'ils pourroient emporter
fur eux. Mais quelques Taborites s'étant fourrez avec ceux qui
avoient été commandez pour faire fortir paifiblement les ailiegez,
fe jettérent fur ces derniers 3 & les fouillant par tout , leur prirent
ce qu'ils avoient de meilleur , non feulement leurs habits , leur or
leur argent , mais leurs ornemens , leurs ceintures d'or &. d'argent,
les exhortant à fe joindre à eux pour fuivre la loi de Dieu, ziska fe
montra encore plus cruel que fes Taborites. Car ayant fait arrêter
ceux qui étoient fortis de la fortereilé , il les livra à des fondeurs
qui les brûlèrent inhumainement , quoiqu'ils ofFriflent de fe faire
inftruire.
Ter/ XXI. Cependant quelques Seigneurs Calixtins vinrent à Pra~
pour la réu- e DOUr cenrer un accomriîodement entre les Calixtins & les Ta-
JIM.'.'l UCS i~> X
Jcuxpswtis. borites s ils afiemblérent pour cet effet les deux villes à l'Eglife de
faint Ambroife. On donna ordre que chaque ville auroit fa place
à part, &; que les Taborites auroient aufîi leur place particulière,
fans être confondus avec ceux de la vieille & de la nouvelle ville.
On défendit en même temps, fous de certaines peines, qu'il ne
ié trouvât là ni femmes, ni prêtres, de peur que les prêtres par
leurs fuggeitions , &; les femmes par leurs clameurs n'aigrifîent les
efprits , & ne caufallent de la confuflon. Cette difpofition déplai-
fant à HufinetzjLclé Taborite , qui efperoit d'avoir un grand parti
fi tous les Corps e.ulîent été mêlez enfemble , il fe retira fort mé-
content & bienréfolude n'y plus retourner. Il ne voulut pas mê-
me fe trouver à un repas auquel il avoit été invité par les Confuls
dans la Maifon de ville avec ziska & les autres Seigneurs, craû
gnant, difoit-il, d'y êtreafïafhne. Cependant il fut obligé d'y re-
venir malgré lui, Ayant eu la jambe caflée par la chute de fon
cheval
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. VlIItift
cheval dans une fofle, il fallut qu'il s'allât faire pan fer à Prague. IA à
Mais la gangrène le mit dans fes bleflures , & il en mouru t le jour
de Nocl dans la maifon de Rofemberg. Cette mort mit la confier- fa£deH"^
nation chez les uns , & la joie chez les autres. Les Taborites per-
doient un grand appui, & les Calixtins un redoutable ennemi. Quoi-
que les Taborites eud^nt reconnu Ziska pour leur capitaine, c'étoit
pourtant H:i(]înct^\\x\ commandoit en chef. Ziska lui fuccéda.
XXII. L'Aflemblee avoit été mandée dans l'Univerfité au Conférence
collège de Charles iy '. mais les Taborites déclarèrent qu'ils ne s'y des T«*#r«w
rendroient pas , craignant fans doute d'être opprimez par l'Uni- ^Jc$ C*1'*'
verfité toute Calixtine. On leur accorda donc un autre endroit
dans la ville. Les prêtres & les docteurs de l'un & de l'autre parti
s'étant aflemblez , les barons voulurent que l'on commençât l'acte
par la célébration de la Méfie. Mais le .Recteur del'UniveVfité die
qu'ilfalloit préalablement examiner certains articles des Tabo-
rites fort préjudiciables au royaume de Bohême. Là-defTus Pierre
de Maldonovit^(i) alors prédicateur à faint Michel^ lut ces arti- -
clés en Latin & en Bohémien, avec leurs qualifications. i.Que Articles de*
cette année i42 0.feroitlaconfornmationdu fîécle&lafïndetous T<***"t«.
les maux 3& que dans ces jours de vengeance & de rétribution
tous les ennemis de Dieu & tous les pécheurs du monde péri-
roient , fans qu'il en reftit aucun 3 par le feu, par le fer, par les
fept dernières plaies , par la famine , par les dents des bêtes , par
les ferpens , les feorpions , Se par la mort , comme cela eft dit Ec-
clefiafiique XXXIX. 34. 36. 2. Que dans ce temps de vengeance
il ne faut avoir aucune compaflion des ennemis de Dieu , ni imi-
ter la douceur de J. C. parce que c'eft le temps du zèle , de la fu-
reur 3 & de la cruauté. 3 . Que tout fidèle eft maudit s'il ne tire fon
épée pour répandre lefàng des ennemis de J. C. & pour y trem-
per (es mains , parce que bienheureux eft celui qui rendra au dou-
ble à la grande proftituée le mal qu'elle a fait. 4. Que dans ce
temps de vengeance, & long-temps avant le Jugement dernier ,
toutes les villes , bourgs , châteaux , &c tous les édifices feront dé-
truits comme Sodôme, & que Dieu n'y entrera point , ni aucun
jufte. 5. Que dans ce temps il ne reftera que cinq villes où les fi-
dèles feront obligez de fe réfugier , auffi-bien que dans les caver-
nes & dans les montagnes où. font aflemblez les fidèles, &que Pra-
gue fera détruite comme Sodôme. 6. Que les fidèles aflemblez
.dans ces montagnes , font le corps mort où s'aflembleront les ai-
< 1) Il étbitauflî Notaire , & avoit foutenu Jean Httt à Confiance.
Tom. J. V
i54 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
*■ r ltJ.1© gies , c'eft-à- dire, les armées du Seigneur, pour exécuter fes juge-
mens. 7. Que tout feigneur, vaflal , payfan qui n'adhérera pas
aux quatre articles, fçavoir la liberté de prêcher toute forte de ve-
ritcz , d'avancer la loi de Dieu , & de détruire les pécheurs, qu'un
tel homme fera foulé aux pieds comme Satan , 6c comme le Dra-
gon , 6c qu'on pillera fes biens aufll-bien que tous ceux des ennemis
de j.C. 8. Que l'Eglife militante dans ce nouvel avènement de
J. C. fera réparée jufqu'au dernier jugement , 6c qu'il n'y aura plus
nul péché, nul fcandale, nulle abomination, nul menfonge, &
que les fidèles feront brillans comme le foîeil , fans tache , c'eft-à-
dire , fans nul mélange de méchans. 9. Que dans cette réparation
les élus reflufciteront de la première réfurre&ion , jufqu'à lafecon-
de qui fera générale , 6c que J. C. descendra du Ciel avec fes élus 5
qu'il converfera fur la terre , que tout œil le verra , qu'il donnera
un grand feftin fur les montagnes, qu'il regardera les conviez,
qu'il jettera les méchans dans les ténèbres extérieures , &: qu'il
confumera en un moment ceux qui ne fe trouveront pas fur les
montagnes. 1 o. Qu'avant cette première réfurrection , ceux qui
avoient été enlevez dans le ciel ne mourront pas , mais qu'ils vien-
dront avec J. C. fur la terre, 6c qu'on verra accomplir ce qui eft
prédit Jfaie LXV. & Apocal. XXL 1 1 . Que dans cette réforma-
tion il n'y aura plus ni perfécution , ni fouffrance , ni oppreffion ,
ni impôts, ni domination féculiere , 6c qu'il ne fera point permis
aux fidèles de s'élire un Roi , parce que Dieu feul régnera , 6c que
le Royaume fera donné au peuple de la terre , 6c que la gloire^ de
ce règne fera plus grande que celle de la primitive Eglife. 1 2 . Que
dans ce règne chacun n'enfèignera point fon frère , mais qu'il fera
enfeigné de Dieu j qu'il n'y aura plus de loi écrite , que la Bible fe-
• ra détruite , parce que la loi étant écrite dans tous les cœurs -9 il ne
faudra plus de docteurs , 6c que tous les pafîages où l'Ecriture pré-
dit des perfécutions , des fcandales , des erreurs , n'auront plus de
lieu. 1 3 . Que dans ce règne les femmes enfanteront fans douleur,
14. Qu'après la réfurredion générale les hommes engendreront
fils ôl filles. 1 5 . Que dans le nouveau règne les femmes ne rendront
point le devoir conjugal à leurs maris , parce qu'elles enfanteront
fans cela. 1 6. Que dans ce jour de vengeance les femmes pourront
quitter leurs maris & leurs enfans, pour fe retirer fur les monta-
gnes , ^>c dans les villes de refuge. 17. Que dans cette réparation
de l'Eglife on démolira jufqu'aux fondemens toutes les églifes,
les autels 3 les baftliques, les chapelles & autres femblables édifi-
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. VIII. 155
ces 5 qu'on détruira tout de même toutes les maifons des prêtres 3 14.1a.
comme étant infectées d'héréfies. 1 8. Que les prêtres évangeli-
•ques ne pofîederont point de biens temporels. 1 9. Qu'il n'y aura
point de facremens , point d'habits facerdotaux , qui ne font que
des mommeries, 6c que les jupes {joppœ ) des laïques 6c autres ufa-
ges impertinens n'auroient plus de lieu,&: qu'on retrancheroit
toute fuperfluité dans les habits, parce que les femmes qui s'en
ièrvent , ne font autre chofe que des courtifanes parées. 2$. Que
les prêtres qui célèbrent la MeiTe autrement qu'on ne faifoit dans
la primitive Eglife, ne font pas des prêtres, mais des hypocrites
qui prient par o (tentation , 6c qu'il ne faut pas entendre leur Mefîe.
Qu'on peut faire le Service divin en plein air , dans les maifons s
dans les tentes, auffi-bien que dans les maifons deftinées à cela.
2 1 . Que Judas n'a pas communié , & qu'il n'eut pas le pouvoir de
faire le facrement. 22. Que J. C. n'en: pas corporellement 6cfacra-
mentellement dans l'Euchariftie , 6c qu'il ne faut pas l'y adorer , ni
fléchir les genoux devant le Sacrement 3 ni donner aucune mar-
que de culte de latrie. Qu'il n'eft point permis de garder le Sacre-
ment pour le lendemain , afin de s'en fervir pour le culte divin.
Qu'il ne faut point l'élever. Qu'on prend auiïi-bien le corps 6c
le fang de J. C. dans le repas ordinaire que dans l'Euchariftie 3
pourvu qu'on foit en état de grâce. Qu'on ne fçauroit dire la Mef-
feplus d'une fois en un jour dans toutes les paroiffes. Qu'un laï-
que peut fe communier lui-même. 23. Qu'il ne faut rien croire
que ce qui eft contenu dans l'Ecriture fainte. Qu'il faut abolir
abfolument toutes les traditions humaines, comme on fépare la
paille du bon grain. Qu'il nefaut point lire les écrits des anciens
do&eurs , comme Denys , Origene , Cyprien , Chryfoflbmc , Jcr'omc ,
Auytflin , ni les alléguer pour confirmer l'Ecriture. 24. Que le
Baptême & l'Euchariftie , autïï-bien que les autres facremens , ne
fubfifteront pas dans l'Eglife jufqu'à ce que J. C. vienne. Qu'il ne
faut point confacrer l'eau du Baptême. Qu'il ne faut point bap-
tizer les enfans par queftions 6c par réponfes, ni avoir des parrains.
25. Qu'il ne faut faire aucun cas de la confeffion auriculaire. Qu'il
ne faut point impofer de fatisfaclions aux pénitens ,, mais feule-
ment leur dire , Va , & ne pèche plus. Et qu'il ne faut point em-
ployer le chrême pour oindre les malades & les enfans baptifez.
26. Que les prêtres, fans être évêques, peuvent confacrer des
evêques. 27. Qu'il ne faut point invoquer les Saints , parce qu'ils
ne prient point pour nous dans le ciel. 1 8 . Qu'il ne faut point ob~
V ij
i$6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.10. fervër le Carême, & qu'on peut manger de tout ce qu'on veut
dans ce temps-là. Qu'il ne faut pas célébrer d'autre fête que le
Dimanche. 1 9 . Qu'il ne faut point croire le Purgatoire , ni prier
pour les morts. 30. Qu'il faut abolir les hymnes ôcles chanfons
fpirituelles. 3 1. Qu'il n'eft pas permis aux chrétiens démanger
10 Mnnufcrit de la viande étouffée , ni d'aucun animai avec fon fang (a)
de ISrcilau.
fêté par l'Écriture dans des théfes publiques. Quelques Tabori-
tesles foutintent tous véritables. D'autres plus modérez en ex-
ceptèrent quelques articles où ils trouvoient du venin , & qu'ils
difoient leur avoir été fauflement imputez. Au Concile de Conf-
tance } dit l'un d'entr'eux , on na mis fur notre compte que quaran^
te articles hérétiques } &vous nous en impofèz^plus de feptante. Orr
demanda copie de ces articles pour y répondre. Cependant un
certain Nicolas Hifcupecque lesTaborites avoient pris pour leur
principal prêtre, prenant la parole : Nous n'agiterons, dit-il , pour
le préfent que cette queftion , fçavoir lequel eft le mieux de faire
la cène, cœnam conficere , en habits facrdotaux > ou avec l'habit
ordinaire. Pour nous, nous croyons que les prêtres des Taborites-
font mieux de donner la communion en habits tout fimples , que
ceux de Prague avec leurs ornemens 3 parce que Jefus-Chrifl
& (es Apôtres ne s'en font point fervis , 6c que c'eft une invention
des Papes, introduite plufieurs fiécles depuis. Il reprocha aufll
aux prêtres de ceux dePiague de n'avoir pas encore tout-à-fait
renoncé à la donation de Confiant in , & de polîèder des biens fécu-
liers. Jean Hus avoit fort infifté contre ces donations des Empe-
reurs & contre lapoiîeilion des biens temporels par des Ecclé-
fiaftiques. Après que celui- ci eut parlé , Jacobclte leva pour lire
un long cahier qui fe réduifoit à ces chefs.
Articles des • X X 1 1 1. i . Que dans PEglife il y a des chofes efîentielles au
toltxiw. fa]Llt s comme de lire les paroles delà confecration fur le pain & le
vin, & d'autres accidentelles, telles que font celles qui regar-
dent les ornemens. 2. Que perfonne ne peut, ni ne doit changer
les premières -7 mais que pour les autres on peut les omettre félon
les temps 3 les heures, lanécefîîté 3 qu'on doit pourtant les obfer-
ver quand cela fe peut. 3. Qu'il en eft même des inftitutions des
faints docteurs , quand elles ne font pas contraires à la loi de Dieu,,
ou qu'elles ne mettent point d'obftacleà fa pratique. Quyfi>à\z-
£T DU CONCILE DE BASLE. Ziv. VTII.itf
il 3 les frères Taborites veulent imiter Jcfus-Chrifi en tout dans la cène, 1420.
qu'ils lafafjent le foir après fou pè & quils lavent les pieds de ceux
qui doivent communier. Après avoir parlé , Jacobel remit fôn ca-
hier encre les mains du Seigneur de Maifon neuve pour le gar-
der 3 & on fie Ravoir aux Taborites ques'iis avoient quelque cho-
feàpropofer ,ils pouvoient le faire dans un certain terme, afin
que conférant ces divers écrits on pût mieux éclaircir la vérité.
Ainfi finit la conférence.
Ce fut à peu près dans le même temps que le clergé s'afîem-
bla pour tâcher d'accommoder les différends de religion. Thèê*
bald prétend que cette aflemblée n'aboutit pas à grand chofe ,
parce que chacun vouloir avoir la raifon de fon côté 3 comme
cela arrive d'ordinaire dans ces fortes de conférences où. l'on
cherche plus la victoire , que la vérité. Cependant l'auteur du
manuferit de Breflau raconte l'affaire autrement & avec plus de
circonftances. Après avoir parlé aflez amplement, mais d'une
manière fort embrouillée , de la défunion de ceux de Prague avec
les Taborites , entre lefquels il y avoit , dit-il , des Picards , il rap-
porte ce qui fe pafla dans ce fynode. Le 8. de Juillet commen-
ça Paflèmblée du Clergé dans la vieille ville au collège de Char-
les JV. &c.Voyez dans ce manuferit la fuite qui finit par ces mots
par une relation générale.
XXIV. Comme Sigifmond perfiftoit à refufer à ceux de Pra- Dîvérfe»
gue l'ufage de la communion fous les deux efpéces3 ils tinrent Ambaffadea
aufîî leur réfolution de ne le point recevoir, & d'appeller le Roi J"gnc pour
de Pologne, malgré les Taborites. Ils avoient déjà envoyé une luioffnria
ambafîade à ce monarque pour le fonder. Elle fut fort bien reçue ^Bohême,
mais le Roi fe contenta de répondre pour lors , qu'il vouloit
avoir l'avis de fon Confeil , avant que de donner fa réfolution fur
une affaire de cette importance. Ilinfinuoiten même temps qu'il
falloir aufîi fçavoir fous quelle condition les grands de Bohême
lui faifoient cette offre (a). Ils lui envoyèrent peu de temps après W Dl,isff°
une ambafîade plus folemnelle , fçavoir de la part des Grands > \0ln°[\ xi"
Hinko de Colftein , de la part de la NoblefTe Jean Stlas , deux Con- p- 4*&-
fuis delà part de la bourgeoifie, &: deux Eccléfiaftiques , Jean
Cardinal 3 & Pierre F Anglais. Avant leur arrivée Wladijlas ayant
tenu confeil là-defîus , il fut unanimement réfolu que le Roi n'ac-
cepteroit point la couronne de Bohême, par ces raifons. 1. A
caufe de l'héréfie dont la Bohême étoit infectée. 2. A caufe de
la guerre imeffcine dont elle étoit déchirée. 3. Parce que Si£if>
V iij
158 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
jAzo. monâ ctoit l'héritier légitime du royaume de Bohême, outre
d'autres confidérations moins importantes. On convint pourtant
que le Roi ne s'ouvriroit point aux nouveaux ambaffadeurs qui
dévoient venir, & de les laiiler autant qu'il fepourroit dans l'efpé-
rance,afin de tenir en bride Sipfmond alors ennemi de la Pologne.
Harangue XXV. Ces ambaflàdeurs arrivés, ils tinrent ce difeours au
dcs-Anibaf- „ j^0j# Sire, quoi qu'après la mort de Wenccflas notre roi, nous
Bohême au » eufhons envoyé une ambafîade foiemnelle au Roi des Romains
Roi de Polo- })g£ je Hongrie, pour le prier humblement,que comme héritier Se
«fuccefTeur du royaume, il vînt en prendre poiïeffion 5 noncon-
« tent de méprifer nos inftances, il nous a donné pour toute ré-
« ponfe , animé par les Allemands nos ennemis , qu'il ne viendroit
» point en Bohême fi nous ne remettions entre les mains de Tes of-
» fteiers toutes les armes de Prague, & fi nous n'abbattions un mur
«delà ville pour y faire fon entrée. Vous pouvez juger, «Sire,
« quelle fut notre indignation ôc notre furprife à l'ouïe de cette pro-
* pofition. Il s'eft mis en effet en état d'exécuter Tes menaces , ne
« méditant que la ruine du royaume de Bohême. Il y eft entré
« avec une grofïe armée qu'il avoit levée chez la plupart des Prin-
«ces d'Allemagne nos ennemis, & après avoir ravagé tout le
«pays, il a formé le fiége de Prague. Voyant qu'il ne pouvoit ve-
» nir à bout de la prendre , il a enlevé la couronne royale , les re-
« liques des Saints , les tréfors , les livres , les joyaux de la Couron-
' » ne ramaflez depuis long-temps , & les a diffipez ou portez en
«Hongrie. C'efl: pourquoi, bien-loin de reconnoître un Roi fi
«cruel , un homme fi profane , nous fommes réfolus au contraire
«de lepourfuivre jufqu'à la mort comme un ennemi capital de
*> notre langue ( languagii ) & de notre nation. Si donc , Sire , votre
» Sénérité veut bien accepter l'offre que nous lui faifons du royau-
«mede Bohême, nous en avons commiffion de tous les barons,
«gentilshommes, citoyens, feigneurs &c fujetsde ce royaume,
« pourvu que Votre Majeflé nous donne fa parole royale de nous
«défendre contre nos ennemis , & deconfentir aux quatre arti-
» clés de notre religion , fçavoir la communion fous les deux cfpçces ,
« la correHion publique des crimes , la libre prédication de la parole de
« Dieu par tout , & quon bte aux Eglifes & au Clergé la pojfe.fjion des
» biens feculiers. Votre Sénérité ne doit point fe figurer que n'ac-
«ceptant pas le royaume de Bohême, elle puifïe jouir en paix de
«celui de Pologne, ou le conferverque par une grande efflifion
«defang. Sipfmond eft notre ennemi commun, & quand il aura
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. VT1J. 159
«détruit ou au moins fore affoibli le royaume de Bohême, ilaf- 1420.
a>pirera à celui de Pologne. On en peut aifément juger par lafen-
-->ten ce inique qu'il a portée à Breflaw contre votre Excellence
» & fon royaume en faveur des chevaliers de l'Ordre Teutonique.
.-'Onfcaitque depuis long-temps il anime ces Chevaliers contre
» vous'fc votre royaume , & qu'il les foutient par tes armes ôc ks
» intrigues.
XXVI. Le Roi répondit à cette harangue en ces termes : Me fi Réponfe du
(leurs, ( Viri Nob'ùes) nous apprenons avec douleur que vos démélezj^oldcï>olo~
avec Sieifmond Roi de Hongrie vont toujours en augmentant ; nous ne a
fommespas moins fenfibles à vos pertes quaux nôtres , & fur tout la
ruine de Prague nous afflige fenfiblement 3 & nous offrons d'employer
tous nos bons offices , fi vous les voulez accepter 3 pour négocier une bon-
?ie réconciliation. Mais comme la propofition que vous nous fontes d\ic-
fi'
Alexandre \\^ithoud duc de Lithuanie . C'efi pour cela que
Ions lui envoyer une ambaffade , afin de convenir d'un lieu où nouspuif
fions nous aboucher & en délibérer cnfemble. En même temps deux
des ambaffadeurs de Bohême partirent pour la Lithuanie afin de
corn muniquer l'affaire au Duc. A l'égard des deux autres , le Roi
les rit conduire à Micpotomixe avec ordre de les traiter honora-
blement. C'efl un endroit fequeftré & prefque inhabité. La rai-
fon de cette précaution étoit que Martin V. avoir mis un inter-
dit fur tous les endroits où féjourneroient les Huffites. De forte ^ DU(re$
que s'ils avoient demeuré davantage dans des lieux fréquencez , abifopr.f.
le peuple auroit été trop long-temps privé du fervice divin (a). 434-
XXVII. Ladiflas peu de temps après afTembla une diète à Diète à Lu-
Lublin pour délibérer avec fon frère Withoud fur les offres de Jb£là£
la Bohême. Les ambafladeurss'y étant rendus, on leur fit cette Bohême,
réponfe. » Il ne nous eft pas permis à nous qui fommesdesPrin-
»ces chrétiens &: qui voulons être réputez tels , d'accepter le
» royaume de Bohême 3 que vous nous offrez, fur tout Sigifmond
» roi des Romains en étant l'héritier légitime. Car bien qu'il ait
» violé ks droits de l'amitié & du fang par fa fentence arbitrale
»contre nous (1), nous remettons notre caufe entre les mains
» de Dieu qui eft le vangeur des injures. Nous ne refufons pour-
» tant pas nos bons offices au royaume de Bohême. Si vous vou-
liez renoncer à vos erreurs qui font condamnées par tonte TE-
(i)En faveur de l'Ordre Teutonique.
iCo HIST. DE LA GUERPvE DES HUSSITES
1420. " g^^eî nous ^rons enforte de pacifier votre royaume fans que
» votre honneur en fouffre. C'eft. dans cette vue que nous envoyons
»des ambafladeurs à Sigifmond , pour délibérer avec lui' des
«moyens deyous ramener à la Foi catholique, 6c de vous récon-
» cilier avec l'Eglife. Nous écrirons en même temps au .Siège apof-
^tolique, pour y négocier en votre faveur un retour honorable
» 6c une réunion avantageufe. D'ailleurs comme Sigifmond a dé-
»jadeux royaumes, & qu'il lui feroit fort difficile de vaquer à
» l'adminiftration d'un troifiéme , peut-être que voyant votre
» converfion , il voudra bien céder ion droit héréditaire , & vous
«laifler celui devouschoifir un autre Roi qui vous convienne. En
» ce cas , l'un de nous deux pourroit accepter vos offres , & fe char-
>; ger du gouvernement } Ôc même en cas de refus de la part de Si-
»gifmond. Ci vous voulez abandonner vos erreurs, nous ne ferons
»pas difficulté d'accepter le royaume, avec ieconfentement du
(a) Di*g. ubi „ Siège apoftoliqne (a).
Hoftiiitetlé- XXVIII. Le refte de cette année fe pafla comme le commence-
cipoques. ment en brigandages 3 en incendies 3 en maffacres., en profanar
tions &enfacriléges. On raconte une a&jon des plus inhumai-
nes & des plus impies commife à 7^/0#z/>(i) parle capitaine delà
garnifon que les Impériaux avoient dans la forterefle. Le peu-
ple de la ville s'étant aflemblé pour prier Dieu , & pour commu-
nier fous les deuxefpéces, cet officier furvintàTimpourvû 5 il en
maiTacra un grand nombre dans i'Eglife, donna une partie du
vin de l'Euchariftie à fes chevaux , & fit répandre le relie à terre
(b)i«/w. (k)« A peu près en même temps Hinko de Po die brad Huilîte , fie
i5. Dccem. unea&ion fort barbare dans une efearmouche qu'il eut avec quel-
poTSm'a <îues troupes de Silène & de Luface proche de la ville de Nym-
oublie ce bourgRxr les frontières de la Siléfie. Ayant eu le defTus dans une
idit' adion } il fit couper les mains , le nez èc les oreilles aux prifonniers,
& les renvoya dan.s cet état 3 mais il en porta bien-tôt lapeme. La
garnifon impériale de Nymbourghù drefTa une embufeade 3 & le
mit en fuite ayee perte de pluueurs de fes gens.
Conraditz XXIX. Quelques jours après ceux de Prague affiégerent le nou-
pris, & brûlé veau chàteau^^WçÇonra^it^ bâti ç&rJVence/Ias ern 3 9 1 . La gar-
Prague!*0 n^on impérialefedéfenditvaillammentpendant un mois. Le Gou-
verneur ne pouvant plus tepir , fe rendit à condition que la garni-
fon pourroit fe retirer en toute fureté à Kaurfchim capitale du dif-
tricl: de ce nom à quelques milles de Prague 3 & qu'on leur four-
(i) Ville de Bohême fondée au commencement du fiécle onzième par le Duc de ce nom.
niroJE
ET DU CONCILE DE BASLE. Llv.Vlll. 161
niroic des chariots pour emmener ce qu'ils avoienc de plus pré- ia.iq^
cieux. Ce qui fut accordé 6c même juré furies faines Evangiles.
Cependant quand la garnifon qui ne pouvoit foupçonner les af-
iiégeans d'infidélité iortit avec tous [es bagages , le peuple de Pra-
gue alla fejetter fur leurs chariots & piller tout ce qu'ils avoienc.
La garnifon irritée de cette mauvaise foi rentra dans la forterefîe
avec ferment defe défendre jufqu'àla dernieregoute de leur fang.
Mais ceux de Prague voyant bien que les affiegez nepourroienc
tenir leur ferment, puisqu'ils s'étoient déjà rendus une fois, re-
mirent le h*ege devant la forterefîe 6c la battirent plus fort que
jamais. Les afîicgez fe défendant en défefperez , tuèrent d'abord
cinq cens -cinquante fept hommes à ceux de Prague ; de forte
que ces derniers ne refuferent pas un accommodement. Les af-
fiegez ayant fait mine de l'accepter , ceux de Prague leur envoyè-
rent pour parlementer un officier qui leur tint ce langage ? Mef~
ficurs nos bons amis , nous fommes fort furpris 3 que défi tu ez^ comme
vous êtes de toute efpcrance de fecours 3 vous vous défendiezjivcc tant
d'opiniâtreté. A in fï pendant qu il en efl temps encore rendezjvous , &
acceptez^ la grâce quon vous offre. Un officier de la garnifon répon-
dit de la part du Gouverneur ; Voici la rèponfe que notre Gouver-
neur nous a ordonne de vous faire. Comment ètes-vous étonnez, que
nous nous défendions avec tant de vigueur ? Une telle défenfe nyefi- elle
pas né ce [faire contre des perfides \ Vous nous avez^promis toute forte
de fureté avec ferynent fur les faints Evangiles , gr* vous nous avez^
manqué de parole. Qui efl-ce qui vous croira déformais ! Nos gens en
ont ufê plus honnêtement dans lafortereffe de Wif rhade. Sachezjlonc
que nous aimons mieux mourir que de nous fier à vous. Là-deflus ceux
de Prague fe mirent à miner la Place ^ mais les afîiégez ayant faic
fauter les mineurs par une contre-mine ; il en fallut venir à une
cranfadion , à la réquifition même de ceux de Prague , par la-
quelle les affiégez fortirent de la place à cheval. J'ai rapporté ce
fait fur la relation de Theobald -y la chofe fe raconte un peu autre-
ment dans le manuferit de Breflau. On n'y parle point de l'infidé-
lité de ceux de Prague ^ mais on y ajoute que le gouverneur du
Château ayant mis fur un chariot plufieurs manuferits qui appar-
cenoienc à la Couronne, le peuple les enleva -y que cette populace
même écanc encrée dans le Château pénétra jufques dans une
voûte , où il y avoit encore plufieurs livres qui furent aufîi enlevez ;
que toutes ces dépouilles furent vendues à vil prix par la populace
i Prague , & que le lendemain la forterefîe fut brûlée.
Tm. I, X
HISTOIRE
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE-
LIVRE IX.
E commencement de l'année 141 1. amena Jes mê-
mes fpe&acles d'horreur. Ziska forcit de Prague
pour aller vifiter les moines dudiftrict de Pilfen^qu'il
_ appel loit par dérifion fes bons amis & fes beau-frères?
Il y avoir déjà fait auparavant une fi cruelle moiiîon , qu'il ne pou-
t«}7beob.r>. voit plus guéres qu'y glaner (a). Il parut qu'il n'en vouloit pas
14.11. ï.
Incendie &
pillage de di-
vers monaf-
teres.
moins aux religieufes qu'aux moines par l'incendie du couvent de
Cotifchau , où écoient des religieufes de Prémontré, Elles firenc
ET DU CONCILE DE BAS LE. Liv. 13T. 163
pourtant allez de réfiftance par le fecours des foldats qu'elles r^1I#
avoientfaitvcnirà leurs dépens. On ne dit point quel fut le fort
de ces Nones (a). De là ziska s'alla jetter fur le monaftére de Cla- (a) b*/*m.
draw appartenant aux Bénédictins dans le même diftrict près de Mifceii.««
îa ville de Mife. Il en échapa cependant plufieurs moines qui ■'**' ' F* 77#
ayant eu le vent de cedeilein emportèrent leurs archives, & ce
qu'ils avoient de plus précieux pour fe fauver à Ratisbonne dans
un monaftére de leur Ordre. Ceux des plus courageux qui réitè-
rent, après s'être bien défendus avec une garnifon qu'on leur
avoit envoyée , périrent enfin , obligez de céder au nombre. Zis-
Lt libéral du bien d'autrui fit préfent de Cladraw & de tout le
territoire du monaftére à un Préfident de la Monnoie , bon offi-
cier (ij. Celui-ci après avoir bien fortifié ce couvent & celui dont
on vient de parler, en donna la garde à un homme de qualité (2)
qui depuis le défendit vaillamment contre l'Empereur. Baiera
rapporte ici la ruine de quelques autres couvents, comme celui
de Plaffen de l'Ordre de Cifteaux dans le même diftrid ; celui de
Teplit^dzns le cercle de jLitmeritx^ où il y avoit des religieufes du
même Ordre , fut démoli & confumé dans les flammes. L'Abbefle
de ce monaftére voulant le fauver reçut le^s Taborites avec toute
forte de marques de bienveillance, & les régala de fon mieux. Ils
firent d'abord mine d'en vouloir ufer humainement ; mais ils ne
furent pas plutôt ralîafiez,qu'ils fe jettérent fur une proie qu'ils dé-
voroient depuis long-temps des yeux. Ayant tiré les religieufes du
couventils le pillèrent, & le réduifirent en cendres. On dépouilla
les religieufes, & on en noya quelques-unes. Comme TeplitzjzR.
un lieu connu à caufe de la falubrité de fes eaux , on ne fera peut-
être pas fiché d'en trouver ici l'origine. Ce fut des pourceaux qui
en découvrirent la fource en fouillant la terre, fur la fin du dou-
zième fiécle. Judith femme du KoiWladiJlas y bâtit un couvent
de religieufes Bénédi&ines , & leur en fit préfent avec tout le ter-
ritoire. Les Hufîites l'ayant détruit , quelques Gentilshommes
(b) bâtirent un château dans la même place, ôten 1467.1e roi rb) Equit(S
George de Podiebrad leur en fit donation à perpétuité. muÇovaii.
Le manuferit de Brejlaw & Theobald difent qu'en ce temps-ci , * j^-/*
eu à peu-près, ziska s'avança vers Mife ville royale fur la rivière
de Mife, fondée en 1 13 1. par le Duc Bolejlas. Comme c'étoit la
(1) Tierre SmirtJk. de Svoytfw*. II cft appelle Magifler Monetét. Je crois que c'eft lui qui ayoit
Ja direction des mines.
[z) C&vwtWdelaMaifon dç Rirpickj*
!X ij
i64 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.11. Patr^e de Jdcobel, on ne doit pas être furpris quQZiskay ait été
bien venu. Il y avoir au voiflnage une forterefle appellée Schwam-
berg^àont le Seigneur étoit fort ennemi des Taborites. ziska appre-
nant qu'il vouloir l'aller attaquer devant Mifè, s'avança vers lui
avec fes Taborites ëc mit le fiége devant fa forterefle. Elle fe rendit
par capitulation après fîx jours de réfiflance. Le Seigneur de
Schwamberg fe retira dans une forterefle voiflne, dont le comman-
dant eut bien de la peine aie garentir des violences des Taborites.
Il fut même contraint dele tenir prifonnier. Il ne faut pas oublier
ici la petite ville de Roc ki fane dans le diftrict de Pilfcn, non tant
pour l'importance du lieu, que parce qu'elle a donne naiflànce au
fameux 'Jean de Rockifane , dont il fera fouvent parlé dans cette
Hiftoire. ziska y fit pendre quelques Chanoines réguliers de St.
jiuytftinfiL brûler dans de la poix un prêtre vénérable par fon âge
autant que par fon caradére. La chofe effc aflez touchante d'elle-
même 3 fans y ajouter le miracle que Balbin y ajoute. J'ai oui dire ,
dit-il , aux Pères de notre So cietè , qu'en 1614.. lorfquils ramenèrent
Us habitants de cette ville a la foi Catholique far leurs -prédications ,
(a) uhifitpr. l'endroit ou ces faints hommes avaient fouffert le martyre exhaloit une
§. lxxviI. odeur fi douce ^ quils croy oient être dans le ciel (a),
incendie & 1 1. Le même Auteur met au 1 6. de Mars de cette année la tra-
Commotau. g^die de Commotau , aflez belle ville du diftrid de Sat^. Les Au-
teurs racontent différemment cette adion , mais ils conviennent
tous qu'elle fut des plusfanglantes. Il paroît que la ville étoit déjà
affiegée depuis quelques jours, & qu'elle fut prife ce jour. Un Au-
teur dit qu'elle fut furprife par la trahifon d'un fentinelle qui gar-
doit un porte, & qui fe laifla gagner fur la promefle d'un chapeau
plein d'argent qu'il reçut en effet par un trou de la muraille 3 mais
rw Defcript. ^e même Auteur ajoute que le traître fut le premier exécute (b),
de laBoh. en Outre i'efperance d'un grand butin dans un beau pais, ziska avoit
Allemand jus (jL>[ine rajfon d>en vouloir aux habitans de cetre ville. On rap-
par un Ano- r r
nymep. 88. porte que pour l'infulter les femmes avec les enfans parurent fur
fapxïl?é]t' ^es murailles toutes nues ( i ) , lui montrant ce que la pudeur veut
pik. chez qu'on cache priais fon principal grief , comme le témoigne Balbinr
je.™ Ziegem c'eft- que ]es Catholiques de cette ville avoient brûle plufieurs
en 1^1 z.
Taborites, & entr'autres un Seigneur (%) avec deux prêtres Huf-
fîtes. Dubrawski raconte l'affaire un peu autrement. » A peu - près
(i) Lupac. C-lend. 16. Mart. Je crois plutôt que cefut pour exciter fa compaiTion qu'elle»
parurent toutes nues.
(2) Urom.ylk* du Gijlebricxj. Bail?. E/>». ver. Bob. p»4<J4r
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. IJT. 165
en ce temps-là les Taborites, dit-il, eurent du deflbus. Ilss'é- \àii )
toient emparez des villes de Chotiebor^(i) 6c de Przglauez^i)
qu'ils avoient bien fortifiées 3Ôc d'où ils incommodoient beaucoup.
ceux de cbrudimer($) &de Cuttemberg. Un Maître de la mon.
noie de ce dernier endroit nommé Flafca leur enleva ces deux
places , en tua beaucoup 3 & en fit plufieurs prifonniers. A Cot-
tiburg il en demeura plus de 1000. fur la place, ôc leur chef
nommé Hromada fut conduit à Crudim avec trois prêtres qui fe
moquoient des vêtemens facerdotaux , &, ils furent brûlez en
place publique. Ceux de Cuttemberg jettérent dans des puits 225
Taborites qu'ils trouvèrent à Przglaucz^ (a) Quoi qu'il en foit, (a) bubrav.
Ziska s'étant rendu maître de Commotau, n'épargna ni les fem- Hift.Boh.L.
mes, nilesenfans. Onpaflaau fil de l'épée deux ou trois mille ^5. 585.
citoyens 3 Lupatius en met 220003 mais Balbin dans fon Abrégé
foupçonne que c'eft une faute d'impreffion 3 quoique dansfes M if-
cellanèes il dife que la chofe n'eft pas impoflible en comptant les fem-
mes & les enfans, outre les troupes étrangères qui étoient venues
de Mifnie pour renforcer la garnifon de la ville (b). On fie aufîî (b) B*ih. E-
brûlerun bon nombre de prêtres, de eentilshornmes,&; d'ouvriers. flt-Kcr- B^
r c 1 hem. p. 445.
Dubrawski rapporte que les femmes Taborites ayant emmené les Mifieii. ubi
femmes & les filles Catholiques hors de la ville fouspromefîé de SKviu
leur donner la vie , on les fit briller , même fins épargner les fem-
mes grottes (c). Balbin témoigne que comme la plupart de ces (c)Dafo-av.
crueiles exécutions s'étoient faites dans Péçlife & dans le cime- ubi fuPr< P-
tiére 3 on n'y avoit plus enterré perfonne depuis ce temps-Là. Je
rapporterai dans les termes de cet Hiftorien une particularité qui
tient du prodige. » J'ai appris , dit -il , âes concierges de cette
«Eglife , & j'ai vu. moi-même une chofe bien merveilleufe , Se
« dont ni eux ni moi, n'avons pu encore trouver la raifon. C'efl: que
» dans le cimetière de cette Eglife , il y a une fi grande quantité de
» dents humaines , qu'on diroit que comme dans la fable , on les a
» femées exprès en terre : fur tout quand il pleut 3 on peut amaifer
«desdents toutes pures^fi vous enfoncez le doigt dans la terre, vous
» trouverez des eiîains de dents. J'ai trouvé moi- même des dents
«dans les fentes des murailles du cimetiére,que j'ai montrées à ceux
» de nos pères qui y étoient avec moi. Peut-être cela étoit-il arrivé
«parce que plufieurs qui furent maflacrez dans cette occafion
( 1 ) Dans le diflrid de Cnctflctu.
(2 j Petite ville dans le dillrid de Chrudimer fur l'Elbe,
( J ) Dans le diftr kl de ce nom.
Xiij
raii.'ic
166 HIST. DE LA GUERÎIE DES HUSSÏTES
1411. » n'ayant point été inhumez, félonie rapport des habitans 3 leurs
» dents fe font ainfî difperfées , les dents ie corrompant beaucoup
«plus tard que les autres os dans. les cadavres. J'en laide le juge*
«mentàlafàgacité du lecteur »»} 6c moi auffi.
PrifedeB* III. Les Taborites fe piquèrent, au rapport de Balbin, d'une
plus grande humanité à Beraune qui fut afîîegée quelques jours
après. Mais félon fon récit & celui de Theobald , cette humanité
n'alla pas fort loin. Beraune étoit une ville royale à trois lieues de
Prague, fort attachée à l'ancienne religion. Elle étoit fervie par
un bon nombre de prçtres , èc pourvue d'un bon tréfbr éccléfiafti-
que , ce qui n'étoit pas une petite amorce. Les Catholiques fe dé.
fendirent durant trois jours avec une valeur incroyable, & tuèrent
aux afîlégeants environ deux cens cinquante hommes. La ville
prife, quelques habitans fe retirèrent dans la tour, où ils fe dé.
fendirent en défefperez pendant tout un jour. Enfin la tour fur,
forcée. On palla au fil de l'épée ce qui reftoit d'habitans. Leur
chef Jean de Chablitz, fut précipité de la tour & reçu en bas à coups
de fléaux comme fi c'eut été une gerbe de bled. Le curé nommé
Jarojlaus avec trente-fept autres , tant prêtres que moines , furent
brûlez auffi bien que quelques Seigneurs & quelques Dodeurs de
Prague, pour n'avoir pas voulu fe faire Huffites. C'eft le récit de
(*)uhjfupr. Theobald s celui de Balbinù) eft un peu différent. Il dit 1. qu'on
cm. XLV. r -L/T * l» J« ■ r ,
p. 91. ne ht point main balle , comme a 1 ordinaire , fur tout ce qu on
rencontra , &c que les chefs commandèrent d'épargner le fang.
%. Qu'il n'y eut que le commandant de la tour qui fut précipité,
& traité comme on vient de le dire. 3. Qu'on offrit la vie à ceux
qui voudroient fouferire aux articles qu'il appelle hérétiques ,'ôc
qu'on eut avec eux des conférences 3 où on les exhorta à avoir pi-
tié d'eux-mêmes & des leurs, à céder au temps, &ànepas irriter
le vainqueur. 4. Qu'ayant obtenu un jour pour délibérer , & qu'é-
tant demeurez inflexibles aux careflès & aux menaces , on en vint
aux fupplices. 5. Qu'on fit \qs exécutions dont on vient de parler.
fàMiftelian. jSa/bm (b) obferve au refteici en pafîant pour marquer la richefle
LKX|x; de Beraune, qu'en 1 63 2. les Saxons enlevèrent à cette Eglife 3 8
calices d'or & d'argent enrichis de pierreries, avec d'autres orne-
mens d'Eglife. Les habitans de Melnik (1) ayant appris ce qui fe
pafîoit à Beraune envoyèrent des députez à Prague pour fe mettre
fous la protection de cette ville , & accepter les articles des Tabo-
( 1) Petite ville avec un château fur une haute montagne dans le diflrivt de Ljtttmritt où U
Moldave & l'Elbe le joignent. Ibeob. ubifupr. f. _oz.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. uxr. 167
rites. Ils furent bien reçus, 6c on leur donna un Seigneur pour les r,n
commander.
IV. De Béraune ziska fe rendit à Broda de Bohême ( i ) : il alla prife & maC
d'abord camper devant Taufcb ville royale avec une forterefle facre dc Lro-
dans le diftrid de Pilfen. La garnifon fe rendit après avoir tenu
trois jours. Ziska la renforça de quelques-uns de fes gens , & s'en
alla mettre le fiége à Broda. Il fut repouflé par deux fois avec
perte -y mais les afliégez ne pouvant tenir plus long-temps , fe reti-
rèrent , les uns dans la tour , les autres dans l'eglife. Auffi-tôt les
Taborites ayant rompu les portes, toute l'armée entra dans la
ville :1a garnifon qui s'étoit retirée dans la tour, implora vaine-
ment la compaffiûn des vainqueurs. On mit le feu à la tour, &on
emmena les loldats hors de la ville , où. ils furent brûlez ou aïïom-
mez contre les loix de la guerre. Les habitans qui s'étoient retirez
dans YèglifedefàintGodar, ne furent pas plus épargnez. Il en fut
brûlé plus de deux cens avec l'églife qui fut auifi mife en cendres.
Il y eue une vingtaine de prêtres enveloppez dans cet incendie.
Mais un certain Nicolas KFavarra, fecretaire du Chapitre de la
métropole de Prague 3 fut plus maltraité que les autres , parce
qu'il étoit ardent ennemi de 'Jean Hus & des HuiTites. C'étoit à
qui le déchireroir, comme pour le facrifier aux mânes de Jean
Hus. Cependant les chefs de l'armée Taborire jugèrent plus à M-îfcrf. UM
propos de lui conferver le peu de vie qui lui reftoit , pour le confu- fapr. Bait.
mer dans les flammes. L'ayant emmené hors de la ville , ils le jet- ^lfcelI* ubl
térent dans un tonneau de poix ardente (a). lxxxi.
V. Des conquêtes fi rapides obligèrent plufîeurs villes à faire piufieurs vît
leur paix, à l'exemple de la ville de Melnitz. Les habitans de Kaur- lesCathoii-
fcbim(i) , capitale du diftricl: de ce nom , envoyèrent des députez dentàVux"
à ceux de Prague 3 avec offre de fe joindre à eux. Aufli-tôt ces der- de Prague,
niers en voyérent quelques troupes à Kaurfchim recevoir le ferment
des habitans,qui promirent d'embrafler leur religion. En exécu-
tion du traité 3 ils allèrent attaquer le monaftere de Cifteaux , le
mirent en cendres , & jetterent cinq prêtres dans le feu. L'exem-
ple de ceux de Kaurfchim fut imité par ceux deColin ou Colonia(i).
On y envoya des troupes de Prague qui brûlèrent le couvent des
( i ) Il y a deux -villes en Bohême qui s'appellent Broda, l'une la Bohémienne , l'autre
l'Allemande j l'Allemande eftdu côtédela Moravie, & la Bohémienne cft à J.0U4» milles
de Prague. Il y a aufli un Broda en Hongrie.
(2) C'eft une des plus anciennes villes de Bohême , ayant été bâtie en 6$ 3 .
(3 ) C'eftunc ville royale bien fortifiée dans le diftri&dc Cxaflcw fur l'Elbe. Il y a à pré-
fent uû château dans l'endroit où e'toient les Dominicains. Les Capucins y ont un monaftc'jfSy
i6% HIST. DE LA GUERilE DES HUSSITES
X4.li Dominicains avec fîx moines. A l'égard du doyen qui étoit nu
homme de qualité , ils le jeccérenr dans de la poix ardente. Balbia.
mec à ce temps l'expédition deChrudim (i } capitale dudiitrict de
ce nom. Cette conquête ne donna pas de peine à Zisk.iy leshabi-
tans ayant déjà pris les devans pour avoir bon quartier. Ils fe fi-
gnalérent même par une expédition qui dut être fort agréable
aux Taborites , en s'emparant d'un monaftere dont ilsmaiîacré*
rent les moines avec pluiîeurs citoyens. Des que Zisk.i fut entré
dans la ville, on courut au monaftere des Dominicains, où l'on
mit le feu. Il y eut, félon quelques-uns, huit, félon d'autres , dix-
huit moines brûlez. Balbin dit que paiïant par-là , on lui montra
la place du couvent & des bûchers. La conquête de RœudnitzJ^i)
ne donna pas plus de peine à ziska. Conrad (3) archevêque de
Prague , qui favorifoit déjà les HufTites , lui en facilita l'entrée , &
donna même fort largement des rafraîchiilemens à fon armée. La
ville n'en fut pas mieux traitée pour cela. Dès que les foldats eu-
rent bien bû 6c bien mangé , ce fut à qui pilleroitle mieux. Ils
fe jettérent d'abord fur le couvent des Chanoines réguliers de St.
Auyijiln , où. il y avoit une très-belle églife. L'Abbé Allemand
nommé Voldemar ayant voulu faire quelque réfiftance , fut mafia-
cré des premiers. Pluiîeurs chanoines eurent le même fort. Quel-
ques-uns fe fauverent dans les fouterrains. Quand on eut dépouil-
la) Baibin lé ce couvent 6c Péglife 3 on brûla l'un 6c l'autre (a). Je patte plu-
Lxxxiii fieurs autres monaftéres de moindre importance , dont Balbin ne
rapporte la ruine qu'en paflant.
çeuxdeKut- VI. On a déjà dit quelque part que les habitans de la montagne
temberg fe je cuttemberp; avoient en pluiîeurs occafions fort maltraité les
réconcilient b g r
avec ceux de Taborites. Je rapporterai la-deflus les paroles de l Auteur delà
Prague» ferfècution des -Eglifes de Bohème fur l'an 141 9. » Les Taborites
(b)Gciiius » ayant envoyé deux députez(b) à ceux deCuttemberg qui étoifenc
Petftennus & n pQur ]a p]ûpart venus d'Allemaene pour travailler aux mines, 6c
fins. » par confequent dans le parti de 1 Empereur j ceux-ci au lieude-
» coûter des propofltions de paix, s'en faiiirent & les jettérent dans
a» des puits profonds. La même chofe arriva peu de temps après à
(e) Jean " un pafteur (c) de Garim , ville où l'on avoit aufîi reçu des Aile-
çkodekj » mands, 6c à pluiîeurs autres tant prêtres que féculiers. Ils ache-
» toient les Taborites , donnant cinq florins pour un prêtre , 6c uq
(i)C'efl une villç royale auprès de la rivière de Cbrudimkg. Elle fut bâtie p*r umtQcici)
duc nommé Crud.
{ i) C'cft une grande ville avec un château dans le diftriû de Schlancr fur l'Elbe.
1 3 ) Voyez PHiliêirt du Concile de Confiance fur cet Archevêque,
0 florin
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. IX. 169
«florin pour un féculier : ce qui caufa une horrible boucherie». 14.21;
On trouve ce qui fuie dans un certain manuferic , félon le témoi-
gnage de Thermanus. » En 1420. on jetta dans la première mi-
»niére environ 1700 hommes, dans la féconde 1308,, dans la
"troifiéme 1334. C'eft pourquoi le 18. Avril on célèbre tous les
» ans la mémoire des martyrs dans ce même endroit, où il y a
» uneéglife qui fub fille encore. Celas'efl pratiqué jufqu'en 1 6 1 3.
» que le Prélident de la monnoie ( Wrefowetz^) voulut l'empêcher^
»* mais inutilement. La perfécution augmentant, cette pratique
» céda en 1 6 2 1 (a) Je ne veux pas contredire le fait $ mais il y au-
roit plus d'une réflexion à y faire : car pourquoi ces Taborites al- (a)P-37-î8.
îoient-ils par milliers à Cuttembers; ? On ne va pas en fi grande
foule pour des affaires particulières. Si donc c'étoit pour attaquer
les Cuttembergeois, on ne doit pas les mettre au rang des mar-
tyrs. D'ailleurs quelle apparence que ceux-ci, dont la plupart
étoient Allemands Catholiques 6c Impériaux , eufTent foufFerc
pendant tout un fiécle que l'on célébrât chez eux la mémoire
de ces prétendus martyrs ? Pour accommoder l'affaire , il faudroic
donc dire que ceux de Cuttemberg étant devenus Huffites , com-
me il paroît qu'il y en-avoit parmi eux , regardèrent comme des
martyrs les premiers Taborites que leurs pères avoient ou noyez
ou brûlez j mais c'elf la coutume des hrftoriens de ces temps-là
de mal circonftancier , & de faire des hifloires borgnes où. l'on
ne voit qu'à demi.
Quoi qu'il en joit, ceux de Cuttemberg, pour prévenir l'orage
qui les menaçoit,allerent au devant de ceux de Prague qui étoient
pofiez près du monaftere de Sedlitz^ dans le diftricSt de Czaflaw ,
non loin de cette montagne. Ils faifoient marcher devant eux
des prêtres qui portoient l'Euchariftie. Quand ils rurent arrivez
ils fe mirent à genoux pour demander grâce , repréfentant à ceux
de Prague les anciens traitez qu'il yavoit entre les deux villes j
qu'on devoit les confiderer comme deux feeurs ; que Cuttem-
berg étoit par ks mines d'argent le tréfor de tout le royaume,
&qu'ainfi en les épargnant ils s'épargnoient eux-mêmes , 6c la
patrie. Il y eut un prêtre Taborite qui leur reprocha fommaire-
ment les maux qu'ils avoient faits, les exhortant à n'y plus re-
tomber 3 après quoi il leur annonça la paix de la part de ceux de
Prague. Balbin rapporte qu'une l\qs conditions du traité , fut que
ceux qui ne voudroient pas changer de religion auroient trois
mois de terme pour vendre leurs biens, 6c fe retirer où bon leur
Tom. /. Y
17? HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
142 1. femblcroit. Cet auteur ajoute qu'on ne leur tint pas parole, &que
plufieirs catholiques de Cuttemberg voulant forcir avec leurs
effets furent dépouillez par les foldats de Prague ; qu'ils coupè-
rent aux uns les mains } aux autres le nez , aux autres les oreilles ,
(n) lupacitts 6c les traînèrent en cet état dans la ville (a). A l'égard du monaf -
7 May tere fc Sedlitz. ( 1 ) dont on vient de parler , voici ce que Phiftoire
96. Eaib. en dit: Ziska qui n en menageoit aucun voulant épargner celui-ci
Mifceii. §. à caufe de fa beauté . avoit défendu de l'endommager en aucune
façon. Cependant un de ks gens y mit le feu, apparemment la
nuit. Ce Général feignant d'en être bien content, rit publier que
fi celui qui avoit fait ce coup vouloit fe déclarer, il lui donne-
roit une bonne fomme d'argent. L'incendiaire auffî avare que
cruel rut la dupe de fon avarice, il fe déclara ôc reçût l'argent ;
(b) Tbeobaii. mais en le lui fit avaler fondu (b) j en même temps il défendit de
«bi„fuP!.\. mettre le feu nulle part fans fon ordre. Si l'on en croit quelques
EaIu. Mil. r \ r vii -r 1 ^t-? 1
6eil, §. auteurs, les ordres turent mal exécutes y puilque les Tabontes
lxxxv. maflacrerent 500 Religieux du couvent des Chartreux de Pra-
gue & de Podiebrad qui s'y étoient retirez comme dans un lieu de
fureté. Delà Ziska s'en alla à Chrudim où commandoit Jean
Micfteces dont on a parlé. Il fe rendit à condition qu'il n 'entre-
mit ni Praguois , ni Taborites dans la ville. De fon côté il commu-
nia fous les deux efpéces, fouferivit aux quatre articles des Huf-
lites & fe joignit à eux pour exercer un métier qu'il fçavoit bien :
«Mfupr*^" ^ ^c ra^er un monaftére dans la ville , brûler huit prêtres & piller
5>5. tous les vafes 6c ornemens facrez qu'il remit à ziska (c).
DigreflTon V I. Puifqu'on a parlé de Cuttemberg , c'eft ici Poccafion d'en
au fujet de marquer Porigine après Thcobald. La Bohême avoit eu autrefois
u cm erg. ^ fG^tenir l'effort de plufieurs puifïans ennemis , 6c ce fut pour fe
mettre à couvert de leurs irruptions que les Rois de Bohême pla-
cèrent des payfans dans la forêt dont ce royaume eft environné.
Leur occupation étoit de défricher & de cultiver le pays 3 mais il
falloic qu'ils fuflent toujours prêts à prendre les armes au premier
befoh. On leur donna de grands privilèges , le droit de pêche y
de cliaiïe > & autres droits royaux. On les affranchit de toute for-
te d'impôts & de fervitudes, & ils ne relevoient d'aucun Seigneur
que du Roi. Ils rendirent de grands fervices a la Bohême dans
Poccafion que je vais raconter. Le duc Br^ewetiflaus dix-neuviéme
Duc de Bohême (2) 3 pour vanger les outrages qu'on avoit faits à
(1) Li Fortereffe de Sedl't?. avoitdeja été rnfée , mais le Monaftére fut épargné alors.,
(z) Quelques-uns difent Le 22. Il e'toit appelle ÏAibiUc de h Bohême.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. IJT. 171
Boleflas III. fon grand père en Pologne (1) , ayant fait irruption 1a1 I:
dans ce royaume en chulla. Cafîmir,ôc étant entré dansCxacovie,
il en emporta des tréfors im me m'es en Bohême , 8c y emm ena pri-
fonniers plufieurs milliers d'hommes. Le? Polonois eurent recours
au Pape pour en avoir raifon. Les Bohémiens & principalement
le Duc furent citez en Cour de Rome. Mais le Duc y ayant envoyé
des ambafladeurs avec une bonne fomme d'argent , il en fut quit-
te pour bâtir la belle Eglife de St. Wencejlas à Prague. Les Polo-
nois ne trouvant point de reflource à Rome , s'adreflerent à l'Em-
pereur Henri III. quin'aimoitpas les Bohémiens. Ce Prince ne
demandant pas mieux qu'une occasion de continuer la guerre
que l'Empereur Conrad fon père, prévenu par la mort, n 'avoit
pu achever , envoya des ambafladeurs en Bohême pour redeman-
der tout ce que le Duc avoit enlevé aux Polonois. Br^etiflaus ré-
pondit qu'il avoit toujours été fort fournis & fort fidèle à l'Empe-
reur ; qu'il avoit exactement payé le tribut que Charles leGros avoit
impofé à laBohême en titre d'hommage (1), & qu'il n'étoit pas
obligé à davantage. L'Empereur envoya une nouvelle ambaflade
en Bohême pour faire la même demande &. menacer de la guerre
en cas de refus. Que l 'Empereur -vienne, dit le Duc, il ri amènera -point
tant de cavalerie quil ri y ait de la place pour l'enterrer. L'Empereur
irrité de cette réponfeleva une grofle armée &; alla fondre fur la
Bohême. Le Duc de fon côté ne s'endormit pas. Il pofta Ces
troupes entre Ronsberg &Taufch (3), & il y fut bien-tôt fuivi
d'une nombreufe multitude de Bohémiens que la crainte des Al-
lemands faifoit courir à lui comme les mouches ci miel courent après
lethim, dit l'hiftorien. Le Duc choifit dans cette troupe 500 paï-
fans pour aller couper dans la forêt de Bohême tout le bois entre
Schonfelds (4) & Ratifbonne , leur ordonnant de jetter les arbres
derrière eux. Les Bohémiens étant épouvantez de cet ordre , qui
fembloit frayer le chemin à l'ennemi : Quoi , leur dit le Duc , vous
ave^peur des AÎIcmans avant que de les avoir vus ? Que les poltrons
fe retirent , & que ceux qui font fidèles a la patrie demeurent avec
moi. Nous avons des èpees de fer & non des fourreaux , des armes d'ai-
rain 3 & non de bois , comme les Allemans. Cependant l'Empereur
fit avancer fun armée entre la Bavière & la Bohême , &; donna le
( 1 ) Après une paix, conclue on lui creva les yeux & on maflacra fes gardes, Balb. Epit. L*
JII.C II.
(z) C'étoit no. bœufs & foo. marcs d'argent.
(]) Dans le dfflriit de Pilicn , non loin de Cuttemberg.
(4^ Vieille ville fur uac montagne dans le diilrid de Ebbogner où il y a une mine d'argent.
y ij
i72 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1411» fîgnal du combat 3 mais ayant appris que les Bohémiens s'étoient
poftez de manière qu'on ne pouvoit les attaquer qu'à pied , il
ordonna à fa cavalerie de mettre pied à terre , pour aller chercher
l'ennemi. Les Bohémiens s'étoient fi bien retranchez dans l'abatis
de bois qu'on avoit jette au pied de la montagne, qu'il étoitim-
poflible de les y forcer. La plus grande partie de l'armée de l'Em-
pereur mourut de travail, delaflltude & de foif, fans coup ferir,
La plupart de ceux qui refterent,& entre autres le Marquis de Bade
accablez du poids de leur corps fe tenoient appuyez fur des arbres
fans pouvoir remuer. Dans cette fituation les Bohémiens en eu-
rent bon marché. Tout fut paflé au fil de l'épée. Les Cuttember-
geois en tuèrent un grand nombre avec leurs crocs , & jetterent
leurs dépouilles dans une large & profonde folle , où on jetta aufïi
les corps morts. Cette action ie palîa en 1 040. Le Duc Br^etiflaus
fît bâtir là un monaftere en l'honneur de la Vierge , où il mie des
hermites de St. Attqjiflin. Depuis ce temps-là les Cuttembergeois
eurent de grands privilèges , & une exemption générale de toute
v», , ,, forte d'impôts. Ils ont dans leurs armes un croc avec des étoiles.
(a) Iheobald. _ . L . .
ubi fupr. On leur engagea quantité de terres, ils ont encore vingt Sena-
cap. xxxv. teurs , qui tiennent leur Sénat dans leur vieille forterefle _, en par-
p- 17 • x79- tlQ br^lée depuis quelques années (a).
Autrescruel- V I I. De Cuttemberç ziska s'en alla à Tabor , où l'on dit qu'il
les execu- . , -ni » • • • _, , *.
tions de zh- extermina quelques Picards qui s croient joints aux Taborites
k.'}- (b). De là il s'en alla ravager £t brûler la campagne &. la faire ruif-
MiTceiL fol. -*^er ^e ^lng fansdiltinction d'âge ni de fexe. On compte plus de
lxxxv. trente monaileres détruits dans cette courfe,, foitpar le fer 3 foie
par le feu. On ne s'arrêtera qu'à ce qu'il y a de plus mémorable,
ou plutôt de plus digne d'être à jamais effacé de la mémoire des
hommes. Paflàntà Sezemitz, endroit non loin de Gratz^, où il y
avoir un couvent de Religieufes de l'ordre de Cifteaux , il en fit
prendre 13 (on croit que les autres moururent de frayeur ) &
ordonna qu'on les jettât dans la rivière. Ceux qui alloient exécu-
ter cet ordre rencontrèrent par bonheur des gens de Prague , qui
moins inhumains , quoique Huifites , les réclamèrent &; les ren-
voyèrent à Konigsgratz^fans leur faire aucun mal. La conquête
de Jaromir ( 1 ) ne fut pas ii facile que celle de beaucoup d'autres
endroits , parce qu'elle avoit été bien fortifiée, tant par les Bo-
hémiens, que par les Moraves. Les habitans qui s'étoient bien
(1) C'eft une ville royale dans lediftriA de Konigsgratt. Elle fut bâtie au commencement
«ta iitr'cle XI- par "Jaromir duc de Bohême»-
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. IX. 173
munis de pierres &. de flèches, firent d'abord beaucoup deréfif- I^1 lt
tance , & tuèrent beaucoup de monde aux afliégeans , moitié Ta-
borites, moitié de Prague. Quand on eut battu la chamade , on
ouvrit la porte pour capituler. Les conditions furent que les habi-
tans pourroient emporter tous leurs bagages &fe retirer où ils vou-
droient ; mais comme ils avoient déclaré que c'étoit à ceux de
Bohême qu'ils vouloient fe rendre, &: non aux Taborites, ceux-
ci contre leur parole, fe jetterent en fureur fur les habitans , en
maiïacrérent tout autant qu'ils en rencontrèrent , dépouillèrent foDubrav*.
les femmes & les filles & les jetterent dans l'Elbe. Le Gouverneur ^ y'v i'1' L
( 1 ) de la place fut emmené prifonnier. Les prêtres au nombre de 6\9. lùoL
18. qui ne voulurent pas embrafler la dodrine des Taborites fu- ubifup.cap.
rent brûlez. Trois autres qui changèrent de religion eurent U.MHceii.ubi'
vie fauve (a). fupr.f
VIII. On place à cette même année une violence faite à Pra- violences
gue. On avoit julqu'alors épargné dans la vieille ville le couvent faites à Pra-
de St. George où étoient des filles de qualité, dont Vrfule fœur ^Te:i £^%
du Burgrave de WartembergètoiX. Abbeffe(i). Jean de Ptèmontrk Rciigieufes
profelyte Hulfite, dont on a déjà parlé, étant entré avec fès gens dcSt-Georie'
dans ce monaftere follicita l'Abbefîe d'embralTer le Huilitifme ,
lui promettant la vie en ce cas-là;mais la menaçant de la per-
dre fi elle refufoir. Urfule ayant déclaré qu'elle vouloit perfé-
vérer dans fa religion , ils la traînèrent & trente (3) de fès Reli-
gieufes , dans les lieux les plus fréquentez de la ville, où ces pau-
vres filles étoient expofées aux infultes & aux huées de la popula-
ce. En partant fur le pont , quelques-uns propofoient de les jetter
dans la Moldave -y mais les moins furieux s'y étant oppofez on fe
contenta de la reléguer à Graditz^ Peu s'en fallut qu'il n'y eût
une grande efearmouche à cette occafion (b). Comme je ne doute (h) lUoUU.
point quecenefoit ce même 7?;*» que l'auteur de la Perfécution^"^'^~
de Bohème met entre £bs martyrs > puifqu'il l'appelle Jean de Ze li-
ma de Prémontré , je rapporterai ici fon cara&ere , fon hiftoire 2c
ià fin tragique, quoiqu'elle ne foit arrivée qu'en 1412.
I X. On l'a déjà vu- en 141 9. dans le mailacre des confuls d^CarafteVe &
Prague animant les Hufîites par la montre du Calice. En 1420.^^
Martin V '. ayant fait publier à Breilaw fa croifade contre les Huf- montré*
Jites , Jean de Prémontré prêchant à Prague fur quelque pafiàge
(i)Il e'toit de Moravie.
(2) Elle portoft le titre de Pn'ncefie.
(}) Selon Balbin ilbcobaldriea met que treize»
i74 HÏST. DE LA GUERRE DES HUSSITES.
[421. de l'Apocalypfe fe mit fur les louanges de Jean Hus & de Wiclef,
C\ comparant l'Empereur Sigifmond au cheval roux repréfenté par
St. 'Jean , & animant le peuple contre ce prince comme contre un
perfide qui n'avoit point de parole , & qui vouloir les livrer au pa-
pifme. Ce fut là-deilus que ceux de Prague prirent laréfolution
& jurèrent de défendre le Hufïîtifme au péril de leurs biens & de
leurs vies, à l'exemple de plufieurs autres villes ( 1 ) qui avoient déjà
pris le même para. Ils établirent quatre chefs de milice , deux à la
vieille , deux à la nouvell&ville, à qui le Sénat donna le fceau &, les
clefs du tréfor èc des archives. Il leur joignit enfuite 40. autres
perfonnes pour leur fervir de confeil. Cette réfolmion orife, ils
écrivirent par toute la Bohême des lettres fanglantes contreoV-
gifmond^ comme contre un ennemi delà patrie & de la religion.
La mçme année lesTaborites joints à ceux de Prague avant
eu du deflous dans le fiége de Wifrhade , ceux-là parloient de for-
tir de la ville , craignant l'irruption de Sigifmond. Ceux de Prague
en étoient fort confternez, parce qu'ils ne pouvoientfefoutenir
fans le fecours des Taborites 5 mais Jean de Prémontré alTembla le
Sénat des deux villes où. il fut réfolu par fon confeil d'engager les
Taborites à demeurer dans la ville. Quelque temsaprès il compofa
un Sénat de Picards qui l'avoient nommé pour leur chef 3 & il rît
chafler de la ville le curé de St. Michel , l'accufant d'être trop at-
taché au papifme , de ne vouloir pas donner l'Euchariftie aux
enfans, & de ne pas faire chanter dans fon églife des hymnes en
Bohémien. Il étoit de toutes les délibérations tant eccléfiaftiques
que civiles & militaires. Il fe trouva le 1 9. Aouft de cette année ,
dans l'armée que ceux de Prague avoient levée pour chafler les
Allemans de la Bohême. Dans une diète qui fe tint à Broda à
peu près en ce même temps pour traiter d'accommodement ,
quelques Seigneurs de Bohême (2) ayant invité ceux de Prague «à
y envoyer des députez, Jean de P remontré confulté là-deflus dé-
conseilla fortement cette députation qu'on avoit promife. Ces Sei-
gneurs , difoit-il 3 nagifjent pas avec affez, de franchi fe & de candeur ,
ils rfembraffent pas entièrement nos quatre articles ( 3 ) > & ils font
plus portez^pour l'Empereur que pour vous & pour la patrie. A ces
mots le peuple fe divifa , les uns voulant qu'on tînt parole aux
(i)I«««, Statt, Glntavv , 7 liftait.
(z)Vlric de Rôfemberg, Cmco de Wcirtemherg , WanvtcHi de Maifoti-Neuve avec quelques
autres. Ibenh. cap. I. p. 10$.
(3) Apparemment. ils n'e'toient que fimples Calixt ins , c'eft-à-dire que contents de la Com-
munion fous les deux efpc'ces , ils s'eloignoientpeu de l'Eglife Romaiuçdans le relie,
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. IJT. iyf
Seigneurs , les autres qui faifoient le plus grand nombre refufanc 142 1.
avec chaleur d'avoir rien à faire avec ces Seigneurs qu'ils trai-
toienc d'inrldeles. Jean de Prêmontré craignant qu'il n'arrivât une
fédition porta cette Sentence : Qu'on enverroit deux citoyens de
Prague , non à Broda , mais à Colin ( 1 ) , & que les députez qu'on
leur enverroit de Broda n'iroient point les trouver à Colin , mais
fè tiendroient à Cuttembcrg(i) , & que toute la négociation fe fe-
roit par meflage. Les Seigneurs ayant eu avis de cet ordre de Jeany
envoyèrent à Prague Rofemberg ôc Wartemberg pour exhorter les
habitans à fe joindre aux Seigneurs & à la Noblefle , afin de pren-
dre unanimement de bonnes mefures contre l'Empereur; mais
Jean quifaifoit toujours le maître dans le Sénat, n'y vouloitpoinc
entendre. Cependant fon oppofition ne prévalut pas. On nom-
ma Jean Pr^ibram , Procope Pr^enski ôc quelques autres 3 pour
conférer avec ces Seigneurs. On verra dans la fuite ce qui fut
conclu dans cette alîémblée. Cependant le moine de Prêmontré
mécontent de ce qu'on n'avoit pas fuivi fon avis, fit condamner
&; challer de la Ville Pt%ibram quand il eut rendu compte de fa né-
gociation. Son collègue de députation étoit mort de la pefte qui
étoit alors en ce païs-là. Les violences de Prêmontré ne fe bornè-
rent pas là , il aceufa un gentilhomme nommé Jean Sadlo de Çofte-
let^, d'avoir trahi ceux de Prague dans un combat contre les
Allemands , & dans une conférence tenue à Cuttemberg. Sadlo ,
pour fe juftirler 3 écrivit au Sénat qui étoit de l'éleclion de Jean.
Le Sénat répondit qu'il pouvoit venir en toute aflurance., & qu'on
le metrroit à couvert de toute violence. Sur cette parole il vient
à Prague , comparoît dans le Sénat -y mais auffi-tôt après on fe faifie
de lui la nuit , £c il eut la tête coupée dans la Maifon de Ville de la
vieille Prague. Ceux de l'un & de l'autre parti ont prétendu que
Sadlo étoit des leurs. Les Catholiques en faifant un bon Catho-
lique, comme Jean de Prêmontré l'en aceufa pour le rendre odieux,,
& fur ce pied- là Balbin ne feroit pas éloigné d'en faire un martyr.
Les Taborites ont foutenu qu'il favorifoit les Calixtins , & qu'il
tommunioit fous les deux efpéces. On ne fçauroit mieux faire
que de laiiïer la chofe enfufpens, comme a fait judicieufemenc
Balbin. Hagec rapporte quec'étoitun homme de bien & de pieté 5.
qu'il avoir été confeiller privé de Wencejlas , qu'il défira fort uit
confefleur à ia mort, & qu'il n'en put obtenir. Il fut enterre
.( i ) Cette ville* eR à 3 . Hclîc's de Broda,
(1) A i»i mille de Colin,
i76 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
t 4 1 1 dans l'Egiife de St. Nicolas derrière la Maifon de Ville de la vieille
fa) L.w/;.Mif- Prague (a). Enfin Jean de Prémontré en fie ranc , que ceux de Pra-
ycr§' gue le déférèrent comme \mPicard. Ils l'accuierent de palier les
bornes de fa vocation , & de s'ingérer tellement dans les affaires
politiques, qu'il avoit fait exiler £c tuer des gens diftinguez par
leur pieté, leur fçavoir & leur prudence, comme cela étoit ar-
rivé à Przj-bram 6c à Sadlo. Sur cet avis , le Sénat tint une déli-
bération fècrette -, mais elle ne pût l'être allez pour échaper à la
connoiiïance du Moine. Il alla donc , fans y être mande (i) , dans
le Sénat , accompagné de dix autres , querella les Sénateurs , leur
déclarant qu'il s'en alloit aiîembler les citoyens, èc qu'il feroit
jetter par les fenêtres le Sénat & fon Juge. Là-deilus on fe faille
du Moine & de Ces compagnons , on fit venir le bourreau , 8c après
avoir bien fermé la chambre, il eut la tête coupée avec fes ca-
marades. Il arriva que les Licieurs en lavant la chambre laiilérenc
couler du fang dans la rue. Le peuple à ce fpe&acle accourut à
la Maifon de Ville & enfonça la porte. Voyant la tête du Moine
ils fe jettérent en fureur fur les Confuls&fur le Juge & les maf-
facrerent. Un prêtre Picard , èc Jacobel} ayant mis dans un plat la
tête du Moine , la portèrent dans les rués, exhortant le peuple
à vanger fa mort (2). Le peuple animé par ces prêtres pilla les
maifons des Sénateurs : les Juifs qui n'y avoient nulle part n'y fu-
rent pas épargnez. On s'empara du collège de Charles IV. & des
autres Collèges & on emmena prifonniers les moines comme
hs inftigateurs du fupplice de Jean de Prémontré qu'ils regardoient
comme un apoflat. On brûla la bibliothèque du Collège qui paf-
fok pour fort riche. Cinq des principaux de la vieille Ville &
& deux de la nouvelle Ville furent exécutez à mort , parce qu'ils
avoient été ennemis de Jean. On prétend que J.tcoèel fit porter
pendant 15. jours dans les rues les têtes du Moine de de fes com-
pagnons , expofées en pompe fur une bière , & qu'ils chantoient
avec la foule l'hymne qu'on chante à la mémoire des martyrs.,
Jfti funtfantti qui ,&c. Je n'examine point ici quelle étoit la dociri-
rte de Je 'an de Prémontré. Je fuppofe même que ce fut l'Evangile
tout pur 5 mais je ne fçai fi un homme auffi violent , auffi feditieux
v& auiîi perfide qu'on reprefente ce moine , peut être mis au rang
fk)p-4P-*0- ^es marcyrs, comme l'a fait l'auteur de Yhifloire des ferfécutions
des Eglifes de Bohème (-b). Cet auteur ajoute que les corps de ces
( 1 ) /Entas Sylv. Hijl. Bob. dit pourtant qu'il y fut mandé.
( 2 ) Ce revit eft de Theobald ; mais JEncto Sylv. ne parle ni de Jacobel ni de Picards dans
cette aûion qu'U attribue à des femmes, ubifufr. Xheob. cap. 52. p. .107.
décapitez
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. IJT. 177
décapicez furent enfevelis folemnellement dans une Eglife , &c
qu'un prédicaceur qui n'eft pas nommé , fit leur oraifon funèbre
iur ces paroles: Des hommes peux cnfcvclirent Etienne. AcSt. VIII.
z. ôc qu'il exhorta le peuple après le fermon à perfeverer dans la
do&rine que ce fidèle maître iuiavoit enfeignée pendant que lui
&. tout le peuple fôndoic en larmes. Quand je confidere tout ce-
ci, j'ai du penchant à foupçonner que Tbecbalds'en eft trop lé-
gèrement rapporté aux auteurs anti-Huiîites , comme Jtïaysc &c
JEneas Sylvius , & que Jean de Prêmontrè n'étoit pas fi médiane
qu'on le fait. C'eft de quoi je laille le jugement au lecteur.
X. Balbin attribue au même Jean de Prêmontrè la deftru&ion Manaftérea
de plu fleurs monafteres , comme celui desreligieufes de Prêmontrè nnftigation
à Doxan (1). Il y eut dans ce même diftrid plufieurs monafteres àePrénu»-
pillez & brûlez. Quelques Religieux fe fauverent dans les bois j trs'
mais ayant voulu rentrer dans leurs couvents quelques années
après, ils eurent le même fort que les autres. Plufieurs tant prê-
tres qu'autres Catholiques s'étoient retirez dans une ville appel-
l.ée Bilin{z). Ceux de Prague s'emparèrent d'abord de ïa ville;
la garnifon s'étoit retirée dans le château avec ce qu'il y avoit de
prêtresj mais ayant été pris par trahifon, il y eut une grande quan-
tité de gentilshommes & de prêtres brûlez.
XI. Ce ne fut pas la même chofe à Prix (3 ) où il y avoit une L-s Taborf*
forterefîe. I/Eiec)eur Frfderic de Saxe & le Duc de Mtfnie à qui deVaaPt°Bdk!
appartenoit cette ville, vinrent à fon fecours avec quelques Sei-
gneurs de Bohême, 6c en chaiferent les Taborites avec perte de
2000. hommes (a). Us avoient commencé l'attaque de cette ville (aj Merian,
parle monaftere des religieufes de l'Ordre des Frères Pénitens de T'fw- lhh-
Marie Mayielaine{\). Sept de ces Religieufes s'étoient fauvées a
dans les bois voifins ; mais n'y pouvant fubfifter , elles retournè-
rent dans leur couvent. Elles y furenc cruellement mallacrées aux
pieds de l'autel. L'hiftoire dit que la terre trembla à ce maflacre ,
que la ftatuë de la Vierge Marie détourna la tête, & que l'enfant
jefus qu'elle portoit lui mit le doigt fur la bouche (b). (MB*tf wc-
Si ce miracle trouve des incrédules 3 au moins feront-ils bien- cdi. Dccad.
aifes de voir là-defïus les vers de Pontanus , car ils font beaux. lv**' x c ■•
(1) Petite ville furTEgre dans le diftrid de Slcin.
.(2) C'eft une des plus anciennes villes de la Bohême dans le d.ftr.'d de Leut»urit%.
(3 ) Ou Brux ville royale dans le diftrid de Leutmeritx..
^4) Voyez l'inftitutiou de ce mouaftere , Balb. Epitom. rer. Bohem. p. 4^2 .
Tom. Io Z
*
17* HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
lAn, Mi ( Hîeretici ) ira moti claujïrum Vefialibus aptum
Jnvadunt : medio templi feptem ordine facras
Ji filvaque domum reduces , quo exegerat ingens
Ante timor , revocarat amor claufirique bonique
Afartyrii , lettas dextris adfidera vertas.
JHLeu mi fer è maïtant partim cervice recisà ;
Partim tranfatio tenera in prœcordiaferro
Spmnantes halant animas 3 & labra fatigant
Ultimafurreîiis adfidera vultibus amne
Sanguinis irriguo : fcelere hoc terra ipfa tremifcit:
Santta JDei Genitrix , hune declinantis ad infiar
iHuni , fe fletfit , l<eva digitum ingerit ori
JWaterno puer ipfefinu geftatus Je Jus ,
fi) lîtftë.Epit. Ut monimenta docent & tefles Numinis ara (a),
j. 448.44p.
Digreffion XII. Balbin témoigne qu'il n'a rien trouvé dans les Auteurs
lavv. e " touchant le fort de la ville de Boleflavv(i) dans ces violentes con-
jonctures. Il la repréfente comme une ville très-catholique 5c mê-
me iacerdotale, au moins toute pleine deprêcres. Etant comme
elle l'étoit environnée de Taborites , il étoit furpris de ne trouver
nulle-part qu'elle eût été prife & pillée par eux , comme les autres
villes , d'autant plus qu'elle avoit depuis peu reçu Sigifmond. Enfin,
après bien des recherches il a trouvé dans un manuferit , que Bo-
Icflavv s'étoit rendue fous certaines conditions à ceux de Prague ,
qui n'en uferent pas avec tant d'inhumanité qu'ailleurs , tant par
cette raifon , qu'en mémoire de St. Wenceflas fon fondateur , dont
ils confervoient encore le culte, 6c dont ils avoient épargné le tem-
ple à Prague. Il y avoit dans ftoleflaw une Eglife collégiale de Cha-
noines réguliers, dont on remarque avec éloge qu'aucun d'eux ne
changea de religion , quoique plufîeurs prêtres l'eufîent fait , foit
par crainte , ou par intérêt, foie par perfuafîon. Mais s'ils épargnè-
rent Boleflaw , il n'en fut pas de même d'une forterefle voiiine ap-
partenante à un Seigneur (2) à qui ils en vouloient pour plus d'une
raifon , fur tout parce qu'il étoit zélé Catholique, 6c bon Impé-
rialiste. Quelques années auparavant ce Seigneur fprt dans les in-
térêts du Roi 3 avoit mis en fuite Nicolas de Huffirptz^ 6c d'autres
chefs des Taborites dans un endroit appelle Sudomir. En une autre
occafion il avoit fait un grand carnage de Taborites à Prague , en
(1) Capitale du diftrittdece nom. Elle fut fondée en 03 7. par St. Wencefcts.
(z) "Jean de Mkbalcvitx. , ou de Muhelsberg. Cette fortereilc s'appelloitLi».' , ou lait/en,
Czaslayv.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. MT. 179
t>aflanc à gué la Moldave avec fes croupes par un lieu qui lui étoic iah.
connu. La forterefle fut emportée après crois jours de réfiftance.
Pour s'en venger, Michalovitz^aWa. accaquer vigoureufemenc la
vieille ville de Boleflaw j mais il fuc repoufle par ceux de Prague
qui vinrenc au fecours de la place (a), ziska ayanc à plufieurs fois (a)B*/*.Epît.
inucilemenc cencé de s'emparer d'une Commanderie de Cheva-P-4J°«
liersdeMalthe ,, qui fuc vigoureufemenc défendue par la valeur
de Henri de M ai [on- Neuve Grand Prieur des Chevaliers Teuto-
niques , s'alla rabaccre fur les villes, les châteaux & les monafleres
du voifînage. Il détruifit& brûla entr'autres un monaitere de Re-
ligieufes à HorafdovvitzJ^ 1 ).
XIII. Ce fuc au commencement du mois de Juillet de cetee an- Dicte de
née que ceux de Prague enflez de leurs vidoires, aiïemblerent une
diète de tous les Etats de Bohême à Czaflaw capitale du diftrid de
ce nom (2). Ils écrivirent en même temps à ceux de Moravie pour
leur demander deux chofes. La première , de ne porter plus les ar-
mes contre le royaume de Bohême, comme ils avoienr faic, mena-
çant que s'ils concinuoient, ils iroient mettre tout à feu & â fang
chez eux. La féconde , d'envoyer inceflamment leurs députez à la
diète. Ils y envoyèrent en effet, quoiqu'un peu tard , une ambaf-
fade compofée de plufieurs gentilshommes de la province. On mie
d'abord fur le tapis les quatre articles dont tous les Bohémiens
étoient convenus , fans en excepter même la nobleile Catholique ,
dont la plus grande partie chanecloit entre l'Empereur 6c les Bo-
hémiens. Mais à ces quatre articles ils en ajoutèrent un cinquième,
qui ctoit d'abandonner S igifmond,& denereconnoître pour Roi
que celui qu'ils éliroient. La réponfe des Moraves fuc , que pour
les quacre articles ils s'y rangeroienc aifémenc -y mais qu'ils ne pou-
voienc accepter le cinquième avec honneur , avant que d'être dé-
gagez du ferment qu'ils avoient prêté à Sipfmond. Cependant ,
pour ne pas rompre tout-à-fait, ils demandèrent du temps pour
en délibérer avec les Etats de Moravie. A l'égard de l'archevê-
que Conrad qui étoit préfent à cette diète, comme il penchoic
pour le Huffitifme , il ne fie nulle difficulté de recevoir les quatre
articles. C'eft depuis ce temps-là qu'on marque fa rupture ouverte
avec le déçe de Rome. Le manuferit de Breflaw le met à la tête
des Seigneurs de la diète , au lieu que Theobald y met le Seigneur
f\ ) Cette V^Ilccfl: connue par la mort de Rodolphe roi de Bohême qui y mourut en 1307.
pour avoir mange' trop de melons. Gérard Roo hift. Auftr. L. II. p. 6%. Balù. Epit. p. 3 \6.
(z) Le marinier. t de Breflaw nomme les principaux Seigneurs de Bohême qui s'y trouvè-
rent , & met à leur tête l'archevêque Qamcid.
Zij
le.
ïSo HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
£411. Vlric de Rofembcrg , fans donner aucun rang à Conrad. On ne dis
pas ce qu'il penfoit fur le cinquième article. Enfuice les villes, fur
tout ceux de Prague, infiftérent à élire pour roi Sigifmond Cori-
but 3 fils d'Alexandre Withoud Grand Duc de Lithuaniefi). Les
Grands , après quelques difficultez , fe rendirent enfin à cet avis ,
& on nomma douze d'entre eux pourl'ambafiade de Lithuanie,
Voici quel fut le réfultat de la diète.
Rc^iutîon „ XIV. Nous Ulric de Rosemberg , &c. Sçavoir fai-
tic cette eue- f ' r % r < ^ . . ■*
«Ions ce qui fuit par ce prefent écrit. Confiderant les malheurs
«extrêmes, les (éditions , les incendies, l'oppreiïion générale
« dont le royaume de Bohême eft affligé depuis long-temps à loc-
» canon des véritez révélées dans l'Ecriture fainte, & voulant,
» autant qu'en nous eft, apporter du remède à ces maux, appai-
» fer ces troubles , de remettre fur un bon pied le Royaume , com-
- me notre devoir nous y engage 5 avons reçu unanimement dans
» cette diète générale les articles fuivans, réfolus de lesfoutenir
*>& de les défendre envers &. contre tous, à moins que peut-être
» on ne nous enfeigne mieux par l'Ecriture fainte 5 ce que les doc-
teurs & les prêtres de l'Académie de Prague n'ont encore pu
» faire.
1 . Que la parole de Dieu foit annoncée par tout librement par les
-prêtres chrétiens dans le royaume de Bohème & dans le marquifat de
Moravie.
2. Que le vénérable facrement du corps & du fang deJcfus-Chrifi
foitadminifîré fous les deux efpeces aux adultes & aux jeunes gens,
a in fi que jcfus-Chnfl t'a infiituè.
3 . Quonbte aux prêtres & aux moines , dont plufieurs s'inqjrcnt
dans le gouvernement de la République , les biens temporels qu'ils po[
fedent en grande quantité , & qui les détournent de l'office facerdotal,
é* qu'on nous les reftitue yafin que félon la dottrine de l' Evangile &
la pratique des Apbtres , nous étant fournis , & vivant dans la pau~
vreté , ils [oient aux autres en exemple d'humilité.
4. Que tous les feche^ publics qu'on appelle mortels , & tous les
autres déreglemens contraires à la loi de Dieu 3 [oient réprime^ félon
les loix & d'une manière convenable dans t eut es fortes de perfonnes ,
par ceux qui en ont la charge 3 afin d'effacer dans le royaume de Bo^
(i)Lemanufcritde Breflavv ne parle point de Coribnt ; mais feulement de Ladif as roi
de Pologne, ^d'Alexandre JVirthoud fon frère. Ce même manuferit ajoute qu'il fut réfolu à
la Dicte qu'elle ne feroit point au préjudice du choix qu'on a voit fait du roi de Pologne, ou
de i un frère.
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. IJT. 181
hemc & dans le marquifat de Moravie 3 la mauvaife réputation oà ils ja%j
font, de tolérer le de [ordre (i ).
*> 5 . Que de notre vie , à moins que Dieu par quelque fatalité
3d fecrete ne femble le vouloir ainfl, nous ne recevrons pour no-
»tre Roi Sigifmond, parce que par les confeils de fes adhérens
» ii nous a trompez 3 qu'il a fait mille maux à la Bohême par fes
«cruautez, & qu'il s'eft rendu indigne delà fucceflion au Royau.
» me , Se de l'héritage qui lui venoit de droit. Telle a été la ré-
«folution unanime des députez de Prague, des citoyens de Ta-
» bor y de toute la Noblefle dQs villes & des autres communautez
» qui ont reçu les quatre articles ci-defïus mentionnez -y parce que
»ce Roi méprife ouvertement les véritez révélées dans l'Ecritu-
»rQ3dc qu'il ne tend qu'à perdre le Royaume. Que fi quelques
» Seigneurs , Gentilshommes ou Villes fe détachent de nous pour
» adhérer audit Roi , ou le ravoriler , après en avoir ete convain-
» eus par des témoignages fuffîfans , & avertis ,,.ils fubiront les pei-
» nés marquées ei-dejffous,
» 6. D'un confentement général nous avons élu vingt perfonnes
» graves ôc intégres, pour adminiftrer le Royaume fendant la va-
» cance , ( quatre Confuls des villes de Prague , cinq d'entre les Sei-
«gneurs, ièpt d'entre les Gentilshommes, à la tête defquels eft
Ziska, & cinq autres , on ne dit pas de quel ordre ) (2 ).
» Nous leur donnons plein pouvoir 3 comme aux Régens, de
» gouverner le pais y & d'y entretenir l'ordre & la tranquilité.Touc
» ce qu'ils réfoudront & nous ordonneront d'une commune voix ,
» fur tout pour le bien du Royaume , nous l'exécuterons de bon-
» ne foi fans balancer & fans biaifer. S'il y a quelqu'un qui y con-
trevienne ^ ils ont le pouvoir de l'y contraindre, & nous les ap-
«puieronsen cela de toutes nos forces. Quelque part qu'ils nous
» commandent démarcher , nous irons } à moins qu'il n'y ait quei-
» que obffcacle invincible. En tout cas nous fournirons nos troupes
«auxiliaires : fi quelqu'un des Régens déplaît aux autres , ou aux
»» villes de fa direction , on en fubfticuera un autre. Quand il y aura
« quelque cas grave & difficile que les Régens ne pourront pas dé-
» cider , ils s'aiTocieront deux prêtres , &. fur tout Maître Jean de
» przj,bram , pour les afîîlter de leurs confeils : lefdits Régens ne
» pourront exercer le pouvoir que nous leur donnons , que jufqu'à.
» la faint Wenceflas (a). Que fi pendant ce temps-là la Providence ,faJ te*fc
J ^ * 1 de Septera»
(1) Ce font là les 4. articles dont on a fouvent parle, & qui furent agitez au Concile de Balle. 1C*
{z\ Ils font nommez dans Ibeobatd*
Ziij
H*1
Dicte.
181 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
» nous donne un Roi , chacun rentrera dans Ton ordre & dans Ton
» rang, & jouira de les privilèges. Cependant les quatre articles
» feront maintenus dans leur force & teneur , à moins que d'un
» confentement général on ne fafle quelqu'autre convention. La
» peine des contrevenans fera la confiscation de leurs biens, l'exil
(,}TW;.oap. „ & l'infamie (a).
Lrttredc Si- XV. Dbs que Sigifmond eut eu avis de cette diète, il envoya
gifmoni*U des ambafladeurs ( i ) avec des lettres de créance. Ayant été ad-
mis à l'audience avec beaucoup de peine , ils s'étendirent d'abord
avec profufion fur les louanges de l'Empereur. Mais Vlric de Ro-
femberg préfident de la diète, à qui ce début ne plaifoit pas , in-
terrompit l'orateur pour lui demander Ces lettres de créance de Si-
vifmond. Elles étoient conçues en ces termes. «Sigismond Em-
> pereur des Romains >roi de Hongrie , de Bohème , de Dalmatie , de
Croatie , &c. A tous les Seigneurs , Chevaliers , Gentilshommes , a.
toutes les Villes , & à tous les habitans de Bohème. Nous vous fai-
fons fçavoir qu'ayant appris qu'il fe tient une diète en Bohême,
nous y envoyons deux de nos confeillers & fidèles miniftres,
pour vous inffcruire de nos intentions. Elles ont toujours été,
& feront encore à l'avenir , que le pais foit gouverné par de bon-
nes loix , & que vous entreteniez l'ordre & la tranquilité -, fur
tout que vous preniez notre parti contre ceux qui , pour des om«
brages &; des aceufations fans fondement , nous dépouillent de
notre droit héréditaire , comme vous y êtes obligez envers votre
Souverain. Dieu nous eft témoin combien nous avons de dou-
leur de voir la Bohême en proie à tant de maux. C'eft pour-
quoi nous avons toujours différé & nous différons de défendre
nos droits far aucune hoflilitè , parce que nous ne voudrions pas
donner occafion à des étrangers de venir ruiner le Royaume.
Quant aux quatre articles pour lesquels vous nous avez fouvent
follicité, demandant d'être ouïs là-deffus, nous vous l'avons
toujours accordé , & même nous vous déclarons que chacun
peut demeurer en pofîeflion de ce dont il jouit , félon Dieu ,
Ôc félon la juftjce& l'équité, en forte que chacun demeurant à
couvert de toute oppreffion , nous puiffions vivre enfemble tran^
quillement. Que s'il femble à quelques-uns que nous avons été
la caufe de quelque confufîon dans le pais , ce que certainement
nous ne croyons pas, nous y apporterons du remède avec plaifir,
nous remettrons Içs chofes dans l'ordre , & nous recevrons les
( i) Ahfch de Stemberg & Puta de Cx.eJltvvitH,.
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. IX. 18$
» avis qu'on nous donnera , afin d'éloigner de nous ce blâme.Vous tA.lt ^
« fçavez cous outre cela , que même du vivant de notre très-cher
«frère Wenccflas d'heureufe mémoire, nous avons toujours été
* prêts à marquer nos bonnes intentions pour le pais , 6c que nous
» avons etfuyé beaucoup de travaux & fait beaucoup de dépenfes ,
» afin que chacun pût vivre en liberté félon fes loix (k privilèges ,
» comme à l'ordinaire. Que s'il fe trouve des gens qui ne veulent.
» pas accepter les offres que vous avez toujours déftrées vous-
» mêmes , & qui entreprennent d'expofer le pais à une entière
«defolation, 6c de nous exclure contre tout droit & équité de
» notre Royaume héréditaire , nous fommes réfolus de ne le plus
* fouffrir : nous implorerons le fecours de nos amis & de nos voi-
» fins , & nous nous employerons avec vigueur à remédier à ces
» defordres généraux , 6c à nous maintenir dans notre droit,quand
» même nous fçaurions que cela ne fe pourroit faire fans que vous
"en fouffrifîîez des pertes irréparables pour vous 6c pour votre
» poftérité , 6c fans un deshonneur qui vous expoferort aux raille-
ries mordantes du public. C'eft ce que vous expliqueront nos
» ambafîadeurs , aufïi - bien que le refte de nos intentions 5 6c vous
» leur donnerez à tous deux , ou à l'un d'entr'eux , la même créan- (a) lUot. p,
» ce qu'à nous mêmes (a). pp. 100.
XVI. Les Bohémiens répondirent à cette lettre en ces termes. Réponfe des
* Très-illuirre Prince 6c Roi, puifque Votre Augufte Majefté nous \ffr^^ *
•y promet par fes lettres , que fi elle a été la caufe de quelque trou-
» ble 6c de quelque confufion en Bohême , elle eft difpofée à y re-
» médier ^ voici les griefs que nous avons à vous propofer. 1 .Vous
^avez permis, au grand deshonneur de notre patrie, qu'on brû-
>- lât maître Jean Hus qui étoit allé à Confiance avec un fauf-con-
»duic que vous lui aviez donné. 2. Tous les hérétiques qui s'é-
* loignoient de la foi Chrétienne , ont eu la liberté de parler au
» Concile de Confiance : il n'y a eu que nos excellens hommes
" à qui on l'a refufée. Outre cela, pour y aggraver encore l'a£
» front fait à la nation Bohémienne , vous avez fait brûler maître
» Jérôme de Prague homme de mérite, qui étoit allé à peu près
«de même fous la foi publique ( fub fîmili fide , pari fide public a.)
» 3 . Dans le même Concile Votre Majefté a fait proferire , frap-
» per d'anathême bc excommunier la Bohême par une Bulle d'ex-
«communication que le Pape a lancée contre les Bohémiens 6c
» leurs prêtres , ou plutôt leurs prédicateurs , pour les extirper
-> tous jufques à la racine. 4, Vous avez fait publier certe Bulle à
i§4 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
2421. » BreflaWj à la honte de la Bohême, 6c à la ruine de tour le royali-
sme. 5. Par cette publication, Votre Majefté a excité & ameuté
« contre nous tous Iqs païs circonvoiiins , comme contre des hé-
» rétiques publics. 6. Ces Princes étrangers que Votre Majefté
»a détachez contre nous, ont mis la Bohême à feu & à fano-,
* fans épargner ni âge, ni fexc, ni condition, 8c fans diftin&ion
» du féculier 6c du religieux. 7. Vous avez fait tirer par des che-
» vaux 6c brûler à Breilaw un de nos citoyens nommé JcanCrafa,
«parce qu'il approuvoit la Communion fous \gs deux efpéces.
» 8. Vous avez fait trancher la tête à quelques citoyens de Bres-
»law pour une faute qu'à l'a vérité ils avoient commife envers
"Wencejlas , mais qui avoit été pardonnée -y 6c vous avez envoyé
» les autres en exil. 9. Votre Majefté a aliéné le duché de Brabant
»{i) que Charles IV. avoit acquis par de grands travaux, Hercu-
y» leis laboribus , à grands frais , 6c a engagé la Marche de Bran-
» debourg ïàns le confentement du Royaume 6c des Grands. 1 o.
«Contre fes engagemens , elle a fait tranfporter hors du Royau-
« me la couronne de Bohême, fans l'agrément des Grands, de la
«nobleffe 6c des citoyens, comme pour nous expofer au mépris
« 6c aux railleries du monde. 1 1 . Elle en a fait de même des
» faintes Reliques de l'Empire, acquifes aufîl par de grands tra-
» vaux 6c avec beaucoup de dépenles par le même Prince , 6c qui
«faifoient tant d'honneur au Royaume. 1 2. Outre cela, Elle a
«fait emporter de l'Eglife de Carleftein divers joyaux ramaftez
«par nos ancêtres avec grand foin 6c dépenfes, auffi - bien que
*> d'autres monafteres où il y en avoit de cachez. 1 3. Elle a en-
« corexaliené tout de même, contre nos droits 6c coutumes, la
*> menfe (i)de la Province ou du Royaume , 6c l'argent qui y étoit
» gardé pour l'entretien des veuves, des orphelins , ôc de quan-
tité de gens de bien. 14. En un mot Votre Majefté a violé 6c
» enlevé tous nos droits 6c nos privilèges, tant en Bohême qu'en
« Moravie , 6c par ces raifons elle eft la caufe des confusions de
» la Bohême. Ainlî nous prions Votre Majefté, 1. de nous refti-
» tuer toutes ces chofes , 6c d'ôter cet opprobre de deflus la Bo-
«phême 6c la Moravie. 2. De rendre au Royaume les trois Pro-
(r) On voit ailleurs des plaintes des Bohémiens fur l'aliénation de la Luface pour la donner à
l'Electeur de Brandebourg, à condition de leur faire la guerre, fansqu'ily foit parlé du Bra-
dant.
(x) Menfe , Menfa , Table. C'eft un terme d'Eglife pour dire le revenu d'un Evêché >>u d'une
Abbaye. La menfc royale étoit apparemment un treibr public deftinepar les Rois de Bohème
u des aumônes»
» vinces
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. IX. 185
évinces qui en ont été détachées à ï'infçû des crois Ordres du 14.21,
«Royaume. 3. De rcftituer la couronne de Bohême , les chofes
» facrées de l'Empire , Imperii facra ( 1 ) , les joyaux , la menfe roya-
» le, les lettres publiques, les diplômes, & tout ce qui a été enlevé
» à Carleflein. 4. D'empêcher les nations voifines , & fur tout cel-
» les qui font corrrprifes dans la Bohême (1), de nous troubler 6c
» de répandre notre fang. 5 . Nous prions auffi Votre Majefté de
» nous faire fçavoir fa réfolution claire & nette furies quatre ar-
» ticles(3) ,dont nous fommesabiolumentréfolus de ne nous point
» départir , non plus que de nos droits , constitutions , privilèges
» & bonnes coutumes , dont le Royaume de Bohême & la Moravie
» ont joui fous vosprédécefleurs.
XVII. L'Empereur ne tarda pas à répondre à une déclara- Réplique de
cion auffi nette, 6c auflî vigoureufe. Sa réponferouloit fur ces chefs, £mPeceur-
>i 1. Qu'il étoic innocent du fupplice de Jean Hus&cde Jerbmcdc
» Prague 3 £c des troubles arrivez en conféquence ; qu'il avoit pris
» en main au Concile la défenfe de fon frère Wencefïas & du royau-
» me de Bohême , & que même cette intercelîion lui avoit attiré
» des chofes fort dures à digérer. 1. Que la Bohême en elle-même
» n'avoit âbé ni flétrie ni condamnée 5 mais feulement des gens qui
» après avoir honteufement dillipé leurs biens, s'étoient jettez fur
» les monafteres 6c fur les temples confacrez à Dieu , & bâtis avec
«tant de peines & de dépenfes , pillant, tuant, brûlant, facca-
» géant par tout, foulant aux pieds les chofes faintes,, 6c envelop-
pant dans ces maiïàcres 6c ces incendies indistinctement toutes
«iortes de gens, religieux , moines, prêtres , hommes & femmes,
» méchans & gens de bien , avec une cruauté £c une avidité infa-
» tiable de fang 6c de butin. 3. Que c'étoient cqs fureurs 6c ces im-
» pietez qui avoient attiré contre eux les Princes voiilns, 6c qu'ainfî
» c'étoit à ces gens-là qu'il falloit imputer les malheurs de la Bo-
» hême. Qu'il n'y avoit nulle apparence , 6c que perfonne ne pour-
voit croire, qu'il eût voulu défoler ainfi fon Royaume hérédi-
» taire , dont au contraire il plaignoit infiniment le fort. 4. Qu'il
» n'avoit enlevé la Couronne 6c les autres chofes facrées que pour
«les conferver au .Royaume, & empêcher que tout cela ne fût
* détruit èc pillé comme le rêfte. Qu'à l'égard de la menfe du
» royaume, il en avoit fait enlever les tréfors du confentemenc
(i) Il faut entendre pnr là les Reliques , les vafes, ciboires & autres ornemens d'Eglifc,
( 2 ) LeBrabant , la Lufacc, le Brandebourg , la Moravie , la Silclie,
(3) Ils font répétez,.
Tem. /. A a
tU HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
T42 1. " des Grands, qui les avoient fait tranfporter ailleurs munis de
» leurs féaux. 5 . Qu'il remettoit à Parbicrage des Princes 6c des Sei-
» gneurs voifins les défordres 6c les troubles dont ils prétendoienc
» qu'il étoit la caufe , 6c ceux dont ils l'étoient eux-mêmes , afin
«que chacun redreflât le mal dont on jugeroit qu'il avoit été i'au-
«teur. 6. Quant aux quatre articles aufquelsiUetoient /I réfolus
» de fe tenir , il répond qu'il n'a jamais tenu à lui qu'on n'en fît la
» difcuffion j mais qu'avant que d'en venir là , ils avoient tout mis à
« feu 6c à fang dans fon Royaume , 6c dans le leur. 7. Qu'à l'égard
«de leurs droits ôcde leurs privilèges, fon intention n'a jamais
«été d'en enfreindre aucun, & qu'il eft encore difpofe à les con-
»Hrmer, 6c même à les augmenter.
« C'eft pourquoi, dit-il pour conclujton de fa lettre , c'eft à vous
« de bien pefer qui c'eft qui a violé vos droits. Confiderez les let-
» très par lefquelles vous vous êtes obligez les uns envers les au-
» très, 6c vous verrez fi c'eft par vous, ou par d'autres que vos
«droits ont été enfraints (1). Nous avons appris auffi que vous
«avez brifé les «Statues de pierre, enlevé celles d'argent, 6c brû-
» lé celles de bois dans PEçlife de St. Vit de la forterefle de St.
» Wencejlas. Certainement je ne fçai pas Ci c'eft par l^que vous
» prétendez confirmer vos privilèges ( 2 ). Vous voulez encore dé-
« truire la forterefle même que vous n'avez point bâtie, avec les
» belles Eglifes dédiées à l'honneur de Dieu : cJeft pourquoi nous
« vous prions , au nom de Dieu , de ne point détruire ni laifler dé-
« truire ces temples. Vous n'avez déjaque trop deshonoré ce païs
«en détruifant Wifrhade , cette célèbre réfidence du royaume,
« avec le temple augufte de St. Pierre 6c de St. Paul , 6c quatorze
» belles églifes qui dépendoient de cette forterefle. Que fi vous dé-
«truifez l'autre, vous vous attirerez & devant Dieu 6c auprès de
«tous les Princes voifins ., une confufion Se une ignominie érer-
» nelle. Vous les animerez contre vous. Dieu lui-même vous les
« détachera & vous livrera à la honteufe dérifion de tout le mon-
« de 6c à une ruine irréparable j car vous n'ignorez pas que ce
» temple eft la plus grande gloire de la Couronne de Bohême.
a» Là font inhumez St. Wencejlas Se les autres Saints nos patrons ,
« aufli-bien que l'empereur Charles notre feigneur & père de très-
(i)Etant héritier légitime du Royaume,il regardoit comme une fédition la ligue qu'ils avoient
faite contre lut.
(xj Ces chofes e'toient à la Couronne , & par confluent inviolables.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. IX.. 187
»heureufe&de très-fainte mémoire, avec quelques autres Rois 1411,
«& Princes (i)&c.
XVIII. Pendant cette diète , une armée d'environ 20000 irruption d<*
Siléfiens lie irruption en Bohême aux environs des villes de Na- s'li[\cns en
1 - Bohême.
cod(z) &de Trautenau (3 ) , & de Polit \(4) , ou ils commirent de
grands défordres. Mais ayant appris que ziska venoit pour leur
donner la chafle ils fe retirèrent, félon Tbeobald. Le manuferit
de Brefîaw entre dans un grand détail. Il dit que ces Siléfiens maf-
facrerent un grand nombre de perfonnes de l'un & de l'autre fexe ,
qu'ils epupérent les pieds , les mains , ôc le nez à plufieurs enfans.
Il ajoute qua cette nouvelle , il fut conclu que tous les Seigneurs
avec leurs troupes, les païfans du voifinage & la communauté
de Graditz, iroient fondre fur les Siléfiens ; mais qu'ils ne les at-
tendirent pas. Cependant ces derniers encore au voifinage allar-
mez de cet armement, écrivirent aux barons de Bohême, qu'ils
étoient difpofez à entrer encompofition ^c'efl: ce qui obligea le
Seigneur Cz^nko de Wurtemberg à commander à Ces gens de ne pas
pouiïer les Siléfiens ^ mais un certain Ambroife chef 6c curé de
Graditz^ouleva. tellement le peuple contre ce commandement,
que les Grands auroient été aiîommez par les paifans avec leurs
fléaux ferrez, s'ils ne s'étoient retirez. En même temps le mê-
me prêtre Ambroife fe rendit à Prague pour aceufer Czjnko d'in-
fidélité, puifqu'on auroitpû conquérir toute la Siléfie., s'il n'a-
voit pas commandé à fes troupes de ne pointagir j mais quelques
Seigneurs jufrifiérent fa conduire.
XIX. Ziska cependant chef des Taborites (5) pourfuivit à Supplice des
trance la fe&e des Picards , faifant brûler tous ceux qui ne p,cards-
vouloientpas changer defentiment. Entre ces Picards étôit un
prêtre nommé Martin Loquis , qui avoit été arrêté prifonnier
par un Seigneur nommé Vlric deVavac , & enfuite relâché à la
prière des Taborites. Ce Prêtre , pour échaper dts mains de ceux
( 1 ) Le manuferit de Breflavv dit que dans cette diète Conrad indiqua un fynode provincial
»k fe pourrait trouver tout le Clergé ami ($ ennemi , tant de Moravie que de Pologne , pour traiter
de l'unité de i"Eglife & de £ avancement de la lot de Dieu. Je ne trouve point les attes de ce Syno-
de. Balbin en marque un aflemblé à Prague par Conrad le 7. Juillet 1 4.x 1 . où la Communion
fous les deux cfpéces fut réfoluë ; le domaine féculier ôté aux Ecclcfiaftiques , & la jurifdic-
tion fur le Clergé donnée aux 4. Seigneurs nommez fii-deSus. Balti». Epitom.ubi fupr. p.
447. 448.
(2) Ville Seigneuriale fur une haute montagne dans lediftriâ de Konigsgratz,
(]) Dans le même d'flriâ , c'étoit la patrie de Jean Zisk*>
{4) Dans le même diftrift.
($ ) C'eft aififi qu'.l eft appelle dans le manuferit de Breflavv, ce qui femble f-u're voir que
Jcs Taborites étoient des gens différents des Picards.
Aaij
ou
iSS HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
de Prague , s'en alla en Moravie fa patrie ■ emmenant avec lui un
autre prêtre borgne qui étoit de fa fe&e. En paflant par chrudim ,
le Capitaine de la ville les arrêta & les rit attacher à un poteau.
Pendant qu'il les tenoitainfi il les interrogea fur la religion ,leur
demandant entre autres chofes ce qu'ils croyoient fur le facre-
ment de l'Euchariftie. Martin répondit que le corps de Jefus-
Chrift étoit dans le ciel , parce qu'il n'en avoir qu'un , & qu'il ne
devoit pas y avoir plufieurs hofties fur Pautel ( i ). Le capitaine fut
fi irrité de cette propofition , qu'il donna un grand coup de poing
à Martin & l'auroit fait brûler , fi le prêtre Ambroife n'avoit inter-
cédé pour lui. Ces prifonniers ayant été remis entre les mains
à'Ambroife , il les emmena liez à Gradit^, ou pendant environ
i 5 jours , il tâcha de les ramener à {es fentimens. Mais n'en pou-
vant venir à bout il les conduifit à Raudnitz^ où étoit l'archevê-
que Conrad^ qui les fit mettre dans un cachot , défendant au peu-
ple de les vifiter, de peur qu'il n'en fût infecté , comme parle
l'Auteur du manufcrit de Breflaw. Conrad acres les avoir retenus
près de huit mois, fans rien obtenir fur leurefprit, les envoya à
Prague à la réquifition de Ziska qui vouloit les y faire brûler pour
l'exemple } mais les Confulsde Prague craignant qu'il n'arrivât
quelque fédition dans la ville, parce que Martin y avoit beau-
coup de partifans, envoyèrent un Conful à Raudnitz^avec un
bourreau , afin que Conrad punît à fon gré les prifonniers. Cet Ar-
chevêque leur fit donner la torture pour leur faire déclarer leurs
fentimens & pour fçavoir s'il y avoit à Prague des gens de leur fec-
te. Ils en nommèrent dans les tourmens quelques-uns qui étoienc
dans leurs fentimens fur l'Euchariftie (2). L'Archevêque les ex-
hortant à revenir à l'unité de l'Eglife & à renoncer à leurs erreurs:
Ce ne fi pas nous , dirent-ils en fouriarit , qui fommes fèduits , cefi
vous qui trompez^ par le clergé 3 vous vous mettez^ à genoux devant la
créature , c'efl- à- dire devant le pain de l'Euchariftie. Enfin ils fu-
rent conduits au fupplice environnez d'une grande foule de peu-
ple. Comme on les exhortoit à fe recommander à fes prières :
Cenefipas nous , dirent- ils, qui avons befoin de prières '•> que ceux
qui en ont befoin en demandent. Ils furent tous deux jettez dans un
(i) L'Auteur du manufcrit de Siléik traite cette propofition de blafphéme. Il étoit Ample-
ment Calixtin.
(2) CVtoit marchandée fort mêle'e à Prague. Il y avoit des Hnjjites , c'était le nom gênera}
des Taboritcs, quoiqu'ils allaiTent plus loin c\ucJeanHu< n'avoit été, comme orrle voit par
leur déclaration ci-dciTus \ des Picards que les Taboritcs fcmblcnt quelquefois favoriier & que
d'autres fois ils femblent avoir en horreur, & enfin des Qilixtins qui faifoient le plus grand
nombre. Conrad paroit avoir été de ces derniers.
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. 7Jt. 189
tonneau plein d'huile ou de poix ardente. L'auteur du manufcric I4.1I#
de Breflaw témoigne beaucoup d'horreur pour les fentimens de
ces gens-là & félicite même l'Eglife d'en avoir été délivrée. Ce
même manufcrit rapporte qu'après cette exécution on arrêta
prifonniers à Prague quelques prêtres Taborites entre lefquels il
met Procope Rafe ( 1) ôc un autre nommé Abraham, qui ne vouloir
pas qu'on allumât des cierges devant le iacrement de l'Eucharif-
tie.
X X. A la nouvelle de cette exécution , ceux d'entre les Pi- Sédition à
cards qui fetrouvoient a Prague , fur tout dans la nouvelle ville , Pra§ue-
allèrent trouver Jean de P remontré (aj qui pafloit pour Picard, (0 voyez
afin d'en délibérer avec lui. Sétant allemblez dans un cimetière , cuddTus.'rC
ils feplaignirent hautement de la tyrannie de ziska3 & du Sénat
des deux villes contre ceux de leur religion , ôt aufon de la clo-
che Jean de Prémontré rè[o\ ut de former un nouveau Sénat com-
pofé pour la plus grande partie de ces Picards qui étoient venus
le trouver. Enfuite il les amena dans la maifon de la vieille ville
de Prague, où. après avoir accufé d'infidélité & d'autres crimes
l'ancien Sénat , ils le caiïerent & élurent quatre Picards pour gou-
verner l'une & l'autre ville dont ils ne firent qu'une, en atten-
dant la création dçs nouveaux confuls , laquelle création fe fis
bien-tôt après. Cependant cette élection faite violemment con-
tre les privilèges de la ville déplaifoit aux plus fenfez, & à ceux
qui avoient quelque bien dans la ville. On dit même qu'il y eue
un armurier, fans doute Picard, qui ne voulut pas accepter le
confulat par cette raifon. Il falloit que cet armurier fût aftrolo-
çue , puiicjue de la conjonction de la Lune , qui félon lui défignoit
le peuple , avec la planète de Mars qui défigne la guerre , il augu-
roit que cette éledion allumeroit une diviilon parmi le peuple
(LA C'eft dommage qu'on ne feache pas le nom d'un homme qui (b)Miinufcr.
1 • r\_- • >i C m'a r* 1 1^ ; 1 de Breflavv,
devina fi bien , quoiqu il ne fallut pas être grand devin pour cela.
En effet, auffi- tôt après cette élection factieufe, Jean de Pré?non-
tré adreffà ce difeours à la communauté de Prague afïemblée
dans la Maifon de Ville. » Vous autres féculiers , vous ne faites
«qu'un corps & un même peuple. Si vous voulez donc que le
» corps éccléfiaftique &; vous ne failent non plus qu'un corps , &
» que le peuple ne foit plus partagé par leurs divifions , il faut
»que vous chafllez maître Chrétien curé de l'églife de St. Michel
«dans la vieille ville, &fes autres prêtres qui ne s'accordent pas
(1} Il y en cul un de ce nom qui fucceda ixZiskj) , comme on le rerra dans U fuite.
A a iij
i9o yiST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
. «avec nous j mais qui retiennent encore ces mommeries ( enten-
»dant par là les rites & les ornemens Romains) qui ne veulent pas
» communier les enfans, ni chanter les hymnes en Bohémien 3 &
»que vous fouffriez qu'on leur en fubftituë d'autres. La popu-
lace applaudit à cette propofition en difant en Bohémien , tack,
tack, ce qui fîgiiirle oui 3 oui (a). Ce qui fut exécuté en plu (leurs
[al iheohai'.. églifes malgré les Confuls & les principaux de la ville , qui n'ofé-
p. ioj. renc pas j'y oppofer ouvertement de peur d'être malTacrez par
le peuple. L'auteur du manufcric de Breflaw raconte qu'il y eut
des femmes & des filles qui furent plus courageufès. Voyant la
timidité des conducteurs , elles aflemblérent danslaMaifon de
Ville les mieux intentionnez (i) pour porter leurs plaintes aux
Confuls , & une fille d'entr'elles lut mot à mot l'écrit qu'elles
avoient dreflé. Ces Confuls irritez de cet écrit qui leur repro-
choit l'irrégularité de leur élection, les arrêtèrent toutes , or-
donnant qu'on mît les femmes mariées & les filles dans des en-
droits à part, afin d'en venir plutôt à bout par leur défunion j
mais comme elles s'oppoferent vigoureufement à cette féparation
(i), les Confuls demandèrent qu'on leur remît cette lettre. On
la leur refufaôcils fe retirèrent retenant les femmes renfermées
dans une chambre pendant deux heures, au bout defquelles on
les laifTa aller. Leur lettre ayant été lue par la plus faine partie
de la ville , elle fut approuvée ( 3 ) ; mais on ne dit pas quel en fut
le fuccè§.
En ce temps-là les Taborites & les Orébites s'aflemblérent au-
tour de Cuttemberg , & s'emparèrent de la ville àQPrzgîautzi fur
l'Elbe. L'Empereur qui étoit alors à Cuttemberg apprenant que
Ziska faifoit de grands ravages à Pilfen, en décampa pour aller
fecourir cette Province , lailîant le foin de chafîerde PrzeLtutzj
les ennemis au nom de Jean de Miefteczjzi qui avoir pillé le mo-
naftere â'Opatovitz^ Ce dernier, en effet, avec les mineurs de
Cuttemberg & quelques troupes auxiliaires, furprit PrzelautzJ ,
y tua beaucoup de monde, en fit 125 prifonniers qu'il fit jetter
dans les minières. Ce même capitaine ayant appris que la petite
ville de Çbutifor2voitété furprife par les Taborites,s'y en alla avec
fon monde , les en chafla avec perte de mille hommes 9 & fit brû-
ler leur commandant avec deux prêtres.
(1) Omties veritati fervitntes.
(2) Mulieres depofito timoré virum ijiàuHnt , <$ nullatenus ab invictmfepArari vélum»
(j) Cette particularité eft tirée du manufçrit Je Breflaw.
H ISTOIRE
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE.
LIVRE X.
N a vu. que l'année précédente le Roi de Pologne 3
& le Duc de Lithuanie avoient offertaux Bohémiens
leur médiation pour les reconcilier avec Sipfmond.
En effet , le Roi de Pologne avoit envoyé dans cette
vue des ambafladeurs à l'Empereur. Outre les proportions de
paix entre la Bohême & Sigifmond 3 les ambafladeurs dévoient
offrira ce dernier, que fî les Bohémiens refufoient de s'accom-
modera des conditions raifonnables ., le Roi leur maître fejoin-
14-21.
Négocia-
tions des Bo-
hémiens
avec la Polo-
gne.
i9i HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.-» i. droit à l'Empereur pour les réduire par les armes , à condition
que l'Empereur de fon côté s'uniroic avec lui concre les Cheva-
liers Teutoniques , félon leur convention. L'ambaflade fut fore
bien reçue , &: même S ipfmond offrit plus qu'on ne lui deman-
doit, puifqu'il lui propofa un mariage, ou avec fa fille, ou avec
la veuve de Wencejlas , à qui il promettoit de donner pour dot la
Siléfieavec iooooo florins. Le Roi de Pologne trouvant ce der-
nier mariage plus avantageux , envoya un ambaiîadeur à Sigif-
mond pour en traiter. Mais cet ambafladeur ayant fuivi Sigifmond
dans fon expédition de Bohême, fut arrêté parlesHufïïtes , & em-
mené à Prague où il demeura long-temps prifonnier , ce qui em-
pêcha la négociation du mariage. 'Cependant quelques mécon-
tentemens étant furvenus entre Sipfmond d'un côté, le Roi de
Pologne 6c fon frère le duc de Lithuanie de l'autre , ce dernier ré~
folut d'envoyer Coribut fon neveu , ou fon coufin germain , pour
prendre pofleffion du royaume de Bohême en fon nom. Mais au-
paravant il voulut prévenir les Bohémiens par une ambailade ,
tant pour leur donner avis que leurs ambafladeurs avoient été
arrêtez en Siléiie par Jean duc de Troppaw , & envoyez à Sigif-
mond, que pour leur, faire agréer Or/fequiétoit déjà fur lesfron-
(a) Crpmef&c tieres avec fes troupes -y il leur demandoit outre cela du fecours en
Lib.xvin. cas d'oppofltion. Ceux de Prague répondirent qu'ils le rece-
p. 43 1.434. vroient avec plaifir , mais que pour des troupes ils ne pouvoient
IheobaU. ubi , . r ' n , ,f , . r .f, r
fupr. p. Pas lui en envoyer , parce quelles etoient occupées ailleurs, lur
104. 105. quoi i'ambafïadeur iè retira (a).
Divers mou- II. Cependant ceux de Prague s'avancèrent vers la ville de Bie-
ceuxd! Pra- ^* C1 ) > °ù commandoit le Seigneur M^chalecc. Mais ce dernier ,
gue. pour faire diverfîon , et oit allé afïïéger fur le chemin la vieille
ville de Boleflau occupée par ceux de Prague, bien afluré delà
prendre _, fi on ne venoit pas promptement à fon fecours. C'eftà
quoi les troupes de Prague ne manquèrent pas. Faifant mine de
quitter l'entreprife de Bicla 3 elles coururent à Boleflau & en fi-
rent lever le fiége , puis reprenant leur deflèin , elles retournèrent
affiéger Bicla. Mais la garnifon n'attendit pas Paflaut s eHefe fau-
va de nuit & laifla la place vuide aux affiégeans. Dans ce même
temps , Albert duc d'Autriche, gendre de l'Empereur , emporta
la forterefle deGenifcowit^ , & fit la garnifon prifonniere.
rEmpereur m L'Empereur faifoit avancer ies troupes en Bohême. Quand
heme." ' il fe arrivé fur la frontière, il envoya des faufeonduits àquel-
[ 1] En Allemand H'aifvvajfer. Elle eft dans le diftr.it de Bolcflavv.
ques
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. A". 193
ques Seigneurs (1) qu'il fçavoic bien intentionnez avec ordre de x . , r#
venir le trouver à Iglavv , ville de Moravie qui confine à la Bohê-
me. Dbs qu'ils y furent arrivez 3 ils prêtèrent hommage à S/g^
#2072^, & promirent delereconnoîtrepour leur Roi. Le 2 S No-
vembre l'armée de ce Prince ayant campé à Zcdec dans le dif-
tndt de Czailau , il s'y rendit pour reconnoître lui-même le terrain
& donner ordre à toutes choîès.
IV. Ceux de Prague,allarmez de la reconciliation des Seigneurs zhhtcnttck
avec Sigifmond) implorèrent le fecours de Ziska. Ce Général ne Prague &
manqua pas de s'y rendre dès le 1 de Décembre avec Ta cavale- [r„£"bonno
rie êc fon infanterie,, & tout ce quiétoit néceiïaire pour foutenir défcnfc.
un fîége. Il y fut reçu avec de grandes acclamations -y les prêtres
& la jeunefTe de la ville allèrent au devant de lui , comme au de-
vant d'un héros. A fon entrée on fonna toutes les groflès cloches
de la ville , & il n'y eut régal que l'on ne fît à lui & à tout fon mon-
de. Après y avoir demeuré huit jours pour donner les ordres né-
ceiïaires , il alla munir quelques places importantes , comme
C^aflovv et Cuttemberg.
V. La garnifon de Prague apprenant que l'Empereur amenoit i! remporte
une grofle armée, s'écouloitinfenîlblement. ziska lui-même ne f^3^3^
fe fiant point à ceux de Cuttemberg , qui n'avoient jamais été fin- impériaux
cerement pour lesTaborites, alla fe fortifier fur une montagne *uPrl"s .de
1 . , . r -iir • 1 j » Cuttemberg.
voifine (a) , où retranche juiqu'aux dents il obiervoit les demar- (aj Turgna-
ches de l'armée de Sigifmond. Ce Prince de fon côté allas'empa- §°-
rer de Cuttemberg , Ôcdelà attiéger ziska fur fa montagne. Mais
à peine le iiége eut-il duré deux jours , que Ziska avec fes Tabori-
tes , ayant pendant la nuitpaflèau fil de l'épée toutes lesfenti-
nelles , s'ouvrit le paflage au travers de l'armée 3 & fe rendit à Co-
lin^ 1) avec fon monde & fon bagage pour attendre de pied ferme
l'ennemi. Sigifmonda.ya.nz quitté la campagne à caufe du froid ex-
trême qu'il faifoit alors , ziska profita de fa retraite pour faire
lever des troupes à Gitfchin dans le diftrid de Konigsgratz Se à
Turnau afrvoifinage de la Siléfie. Le froid s'étant ralenti à Noël ,
ce Général afTembla tout fon monde four aller mefurer fes armes ,
difoit-il , contre celles de l'armée Impériale.
L'Empereur de fon côté ne s'endormoit pas. Bien réfolu d'at-
taquer Ziska 3 il alla prendre pofte à Cuttemberg dont ce Général
( 1 ) Henri de Rofemberg , Ceitco de Wartemberg , Guillaume de Hafenberg , Jean Miefteci\, Se
Vnta Cti.ïftalovicz. a vec plutieurs autres Seigneurs & Gentilshommes. Ibeebald. p. ioô".
(i) A. un mille de Cuttemberg , & A fix de Prague.
Tom. I. Bb
ï94 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
. ±1 1 n'étoit pas éloigné. Mais apprenant qu'il venoît un gras de crou-
pes auxiliaires 3 il brûla la ville , afin qu'elle ne fervit pas d,e re-
traite à ion ennemi. Les Hongrois qu'il avoit avec lui y paflerenc
tout au fil de l'épée fans épargner même les enfans au berceau
(.)iupac. (a). Après cette cruelle expédition 3 Sigifmond alla en toute di-
6. janv. Ijgence attaquer B roda l'Allemande. Ziska l'ayant atteint le len-
demain , tailla une partie defon armée en pièces, & pourfuivit
les fuyards trois îieuës durant. On enleva 140. chariots de ce
qu'il y avoit de plus précieux. Il y en avoit trois entre autres pleins
délivres Hébreux , Grecs & Latins, dont les Hongrois avoienc
dépouillé les Eglifes de Bohême. Le butin fut partagé également
entre les Taborites. Le lendemain Ziska alla mettre le iiége de-
vant Broda. Les aifiégcz fe défendirent fi bien d'abord,, que les
aiîiégans perdirent environ 3000. hommes. Les derniers irritez
de cette réfiftance fe battirent le lendemain comme des démons ,
c'eft ce que porte ma relation. Eu vain la ville voulut fe rendre ,
elle fut brûlée & détruite à un tel point, que pendant 14 ans il
n'y habita ame qui vive. Après cette victoire ziska aflîs fur les
drapeaux Impériaux , fit quelques Chevaliers parmi les Tabori-
tes. A l'égard de l'Empereur , il n'eut point d'autre parti à pren-
{K)ïhtobaid. dre 3 que de fe retirer à grande hâte en Hongrie. Le Général Pipo
P-,10?- , Florentin l'ayant voulu fuivre fe noya malheureufement avec en-
CotK.dePife. viron i 500. nommes qu il commandoit , voulant palier la rivière
Tome 11. P. â'Iglawfar la glace (b). En 141 2. ce Général avoit bien fervi
Sipfmond contre les Vénitiens (c).
in Moravie* ^- ^ ^auC P^acer * cette année ce qui fe pafla en Moravie par
au fuje* du rapport à la religion. Ce fut dans le dixième fiécle que la Moravie,
Huflïtifmc. qUj auparavant étoit un Royaume , devint une Province partagée
entre les Hongrois , les Polonois 8c les Bohémiens. Dans le fiôcle
fuivant le àwc Brzettjlas , appelle Y Achille de la Bohême , la con-
quit toute entière , & l'unit au Royaume de Bohême fous le nom
de Marquifat. On a déjà remarqué que la Moravie avoit eu les
mêmes Apôtres que la Bohême, c'efl-à-dire, les defrx moines
Grecs , Cyrille & Methodius , qui la convertirent au chriftianifme
avant que de pénétrer en Bohême. Il faut donc faire à l'égard de
la Moravie les mêmes obfervations qu'on a faites dans le premier
Livre de cette Hiftoire , fur les divers changemens arrivez dans la
(d) Cxjttbor. religion en Bohême.Quoiqu'un Hiftorien de Moravie (d) ne mette
ubi fupr. qU>£ ]>an 1/^ll pentrée du Huffitifme dans cette Province , il pa-
roît pourtant qu'il y avoit fait plufleurs années auparavant des
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. X. 195
progrès confidérables, puifque les lettres qui furent écrites de Bo- i±nt
hême à Confiance , avant & après le fupplice de Jean Hus , font
écrites au nom du Royaume de Bohême , & du Marquifat de Mo-
ravie , 6c que même la Bulle de Martin V. défîgne l'un 6c l'autre.
Quoi qu'il en (bit , n'ayant point d'autres mémoires , je m'en tiens
àladatedecetHiflorien. Il raconte qu'en 142 1. deux prêtres (a) foBeéxicfo
s'étant emparez d'une ifle de la Moravie,yafTemblerent une erofle ieJZa%*kb,s>
,r iii-i î • • 1 1 Y & Thomas de
troupe de gens de la lie du peuple , qui prirent le nom de Taborites munies,
à l'exemple des Bohémiens. Pour fubfifler dans cette ifle, ils fau
foient des courfes continuelles aux environs , pillant bourgs , châ-
teaux & monafleres. Ils pillèrent entr'autres le beau couvent de
Welehradàz l'ordre de Cifteaux, où ils brûlèrent l'Abbé 6c fept
moines. Les Grands de Moravie allarmez de ces mouvemens,
s'aflemblerent à Bruna 3 pour engager le Capitaine de la province
(b)à en prévenir les fuites. On envoya en même temps ijean de (b) Pierre de
Prague évêque d'Olmut^ pour lui demander des troupes. C'efb le ^rnjicm.
même prélat qui étant évêque de Lytomils , dénonça Jacobel au
Concile de Confiance. Il s'étoit retiré à Rome pour éviter la fu-
reur de Wenceflas qui le haïfloit mortellement. Mais ayant appris
la mort de ce Prince , il retourna dans fon diocèfè , dans lequel il
avoit été confirmé par le Concile de Confiance , malgré Wenceflas
qui l'avoit conféré à un autre. Lorfque l'Archevêque Conrad eut
embrafîé le Hufîîtifme , Jean fut adminiflrateur de l'Archevêché
de Prague. On le repréfente comme un homme de tête 6c de
main, & pour ainfi dire, au poil 6c à la plume. Quand il avoit
dit la Méfie , il quittoit fes habits facerdotaux pour en prendre
de militaires , êc montoit à cheval armé de toutes pièces , le cafque
entêre, l'épée à la main , 6c la cuirafTe fur le corps. Ennemi juré , . . A
' * . ' r 1 (c) AHvitfiui.
de Yherefie ^ il faifoit gloire de n'épargner aucun HufTite. Ilcnpé- Brun. Cita!.
rit plufieurs milliers par fes foins & par fes armes 3& il en tua lui- Epifc*(Ç1;i"
même deux cens de fa propre ynain. Il mourut Cardinal en 1430 (c). d&»r. Mars
On peut juger à ce portrait qu'il ne fe fit pas prier pour aller au Morav.p.
fecours de la Province. 11 avoit même déjà par avance aflèmblé, p^Jp. i£l
de fon propre mouvement , tout ce qu'il y avoit de gens en fa dif- L.lli. p. 64.
pofition à Kremfritx^, place qui lui appartenoit , pour faire la guer- *"
re à l'œil. Kremxritt<
Toutes ces troupes s'étant rendues dans la forterefîe deBuklow, Bukiow.
après avoir délibéré fî l'on iroit d'abord attaquer l'ifle 3 ou fi Ton
attendroic des troupes auxiliaires d'Autriche 6c de Hongrie 3 il
fut réfolu unanimement de ne point perdre de temps, de peur
Bbij
ï96 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES.
142 1. que les Taborices de Bohême ne vinfTent au fecours de ceux-cL
L'ifle fut attaquée par trois endroits 5 mais les infulaires fortifiez
de quelques Gentilshommes de leur fecte , s'étoient fi bien retran-
chez , 6c fe défendoient fi vaillamment,, qu'il n'y avoit nulle ap-
parence de les pouvoir forcer. Cependant le courage des aflié-
geans fut bien relevé par la nouvelle de l'arrivée des fecours de
Hongrie & d'Autriche. En chemin faifant, Pierre Perrin l'un des
Généraux qui commandoient les troupes auxiliaires, alla par or.,
dre de Sigif?nond ravager les terres de quelques Seigneurs ( 1 ) , qui
foucenoient les afîîégez. Les autrichiens & les Hongrois s'étant
donc joints aux Moraves, on recommença l'attaque de l'ifle. L'ar-
mée le difpofoit déjà à pafîer la rivière fur un pont de batteaux
que l'évêqued'0/w#/^ avoir, fait conftruire, lorfque les afîîégez
l'ayant appris , décampèrent la nuit pour fe retirer dans les forêts
& fur les montagnes voifines. Elles furent inaccefiibles à la ca-
valerie qui voulut les pourfuivre. L'infanterie même n'y put grim-
per fans beaucoup de peine êc de danger , les fuyards lançant fur
elle continuellement de gros éclats de rocher. On atteignit pour-
tant quelques-uns qui furent mafiacrez. Le reflefefauvaenBo-
00 Cucbor. hême , 6c lé joignit aux Orébites (a).
p. 471. 473 . Cette même année deux d'entre les Grands de Bohême entrè-
rent à main armée en Moravie, où ils avoient de bons corref-
pondans parmi lanoblefTe de cette province. L'un étoit Borzek
Dobalitz^, qui l'année précédente s'étoit emparé de Litomijl ville
épifcopale de la Moravie. L'autre étoit Viïtorin de Podiebrad^z-
re de George , qui fut depuis Roi de Bohême. Comme ils n'avoient
point de plus ardent ennemi que l'evêque d'Olmut^ ils allèrent
attaquer ce valeureux Prélat , 6c mirent {qs troupes en déroute.
Kremfr. j)Q.\^ i\s entreprirent le fiége devant la ville de Kremfir 3 6c s'em-
parèrent delà ville après deux jours de fiége. Mais la fortereile
fut fi bien défendue par deux vaillans capitaines (1) qui y com-
mandoient , que les Hufiites furent obligez de décamper avec
quelque perte , fans pourtant abandonner leur deflein. Ils recom-
mencèrent en effet l'attaque peu de temps après avec beaucoup
de vigueur, 6c ils furent reçus de même. Mais dès que les aflie-
geans apprirent que l'evêque d'Olmutz^&C l'archiduc Albert ve-
noient au fecours avec une grofTe armée, ils fe retirèrent en di-
ligence en Bohême , fans être pourfui vis. Il n'en fut pas de même
( 1 ) Pierre de Str<t%.ttics , Haffltonis d'Ojlrow , $ Bocxkonis le jeune de Ktinftut.
(1) Jean Herbert de lulflein , £> Mladota de PrttJJî-novvitz..
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. Jï. 197
de ceux qui les avoient appuyez dans leurentreprife. Il y avoir 1411,
parmi eux des gens de la première noblefle , cous Huffices, ou pen-
chans de ce coté-là (1 ). On réfoluc de les pourfuivre à toute ou-
trance. Mais l'Archiduc étant rappelle en Hongrie par l'Empe-
reur fon beau-pere, il chargea l'Evêquc de cette expédition , lui
laiiïant un bon corps de cavalerie qu'il avoit amené de Hongrie.
L'Evêque fans perdre de temps s'en alla attaquer Boc-^kon de Kun-
ftat dans la fortereiîe de Wiskowit^, Mais ce Seigneur en ayant eu
avis ne l'y attendit pas. Il fe retira dans une autre fortereiîe (a) (A »"««-
qu'il avoit auparavant bien pourvue de toutes les choies neceiiau
respourfoutenirun liège. Outre que fituée fur une haute mon-
tagne , elle pouvoitfe défendre long-temps 3 comme elle le fit en
effet , fi bien qu'il fallut abandonner l'entreprife. L'Evêque fut
plus heureux dans l'attaque de la fortereflè deit^vXaPParce-
nanteau Seigneur de Cravar^. Elle fe rendit enfin après une vi-
goureufe réfiftance. Le Général de Fulftein fut bleffé à mort dans
cette attaque. L'Evêque vouloit encore attaquer une autre place
voifine , nommée Château-neuf 'ou Neufchàtel^ fituée fur un roc
efcarpé entre des bois & des montagnes , où un Seigneur (b) Huffi- fb) Cvtrn*
te avoit laide garnifon en s'en retournant en Bohême. Mais corn- Uor«<
me la faifon étoit fort avancée 3 il fuivit le confeil qu'on lui donna
de remettre l'entreprife au printemps prochain , Se de mettre fes
troupes en quartier d'hyver. De fon côté il fe retira à Kremfir
avec un régiment de fantaffins pour obferver ks ennemis.
VII. Avant que de m'engager dans l'année 142 2. il faut, félon Affaires c-
notre plan, voir en gros ce qui s'eft palîé dans l'Eglife pendant £^^Er.
les deux années précédentes. Martin V. partit de Florence le 1 1 . pagnc.
de Septembre de 142 o. & arriva à Rome le 2 2. Il y fut reçu com-
me un Dieu tutelaire. Cette capitale avoit en effet grand befoin
d'un puilTant réparateur de ks brèches : ayant été toujours en
proie au premier occupant depuis le fchifme , perfonne ne fe met-
toit en peine de tenir en bon état une place qu'il faudroit aban-
donner tôt ou tard. A peine y reconnoifloit-on la forme d'une
ville. Les maifons étoient des mazures 3 les églifes tomboient en
ruine, l'herbe croiiîoit dans les rues dénuées d'habitans, & les
vivres y étoient rares & chers. Martin V. touché d'un fi trifte
fpe&acle , fe mit en devoir de rétablir Rome dans fon ancienne
fplendeur,& d'en réformer les moeurs, qui fe reflentoient bzzu-
(1) MnceflasdeCurnaHira.Bôcikfn de Kunjlat.irencejlas de Cravart. & le Bavarois de
Pemjliin. Czechor. ubifurr. p. 481.
Bbnj
i98 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.2 1. couP de la ruine générale. Ce qu'il exécuta en effet avec tant de
fuccès , qu'on le regardoit à Rome , non feulement comme le vrai
(a) vutin. Pontife , mais comme le Père de la patrie (a). Etant fur le point de
Martin v. fortir de Florence , Martin V. avoit publié une croifade contre
p. i i. 4 . p-crre fa £une ^ (îégeanc toujours comme Pape à PenifcoU. Après
avoir inutilement employé les cenfures eccléfiaftiques par le mi-
niftere du Cardinal Allemand, Martin jugeant qu'il n'y avoit plus
de reflburce que dans la voie des armes , envoya le cardinal Pierre
de Fonfeca en Efpagne pour y faire exécuter fa croifade. La corn,
million étoit des plus difficiles. La France toujours divifée par
les anciennes factions , avoit de plus fur les bras la guerre avec
l'Angleterre. Le Portugal étoit occupé contre les Maures j on
içait l'état où étoit l'Allemagne , & tout le Nord s'en refîentoit.
La Caflille étoit déchirée par des concurrens pour le Gouver-
nement pendant la minorité _, & ces mouvemenstenoienttour le
refte de l'Efpagne en échec. Ce fut pour les aiîoupir que Martin V.
envoya l'é vê que de vWW^tf? à. Jean roi de Caflille pour négotier
un accommodement.
La France & VIII. On vient de voir en paflant quel étoit alors l'état de la
l'Angleterre. France. Elle ne fut pas pacifiée par le fameux Traité de Troye,où
Henri V. roi d'Angleterre époufà Catherine de France, à condition
qu'il fuccederoit à la couronne de France après la mort de Charles
VI. à l'exclufion du Dauphin. Je trouve dans l'hiftoire de France
du P. Daniel cette particularité qui regarde l'Eccléfiaitique. il
■paroit , dit-il , que dès ce temps-la le roi d Angleterre , le duc de Bour-
gogne , & la Reine firent agir à Rome pour faire approuver par le Pape
Martin V. ce qui s'étoitpaffé en France contre le Dauphin , & que ce
Prince l'ayant feu , il écrivit à ce Pape pour l'empêcher de rien faire
contre fes intérêts. Il y a au Tbrcfor des Chartres une Lettre écrite
au Dauphin en forme de Bulle 3 par laquelle le Pape l'afjuroit quil
ri avoit jamais eu le deffein de préjudicier en rien au droit que fanai /;
(b) Tom. ni. fance lui donnoit au royaume de France (b). Il eft certain que le
p. 6o$. Pape s'entremêla beaucoup dans ces guerres, foit pour en tirer
du profit , foit pour les pacifier. On voit une Lettre de lui à Henri
V. pour l'engager, comme il en donnoit l'efpérance, à faire ré-
tablir en France & en Angleterre fur l'ancien pied, les droits que
le liège deRomeprétendoity avoir. Il y adeux Lettres du même
Pape , Tune au même Roi, l'autre au Dauphin , pour les exhorter
à la paix , fur tout dans des conjonctures, où l'héréfîe ravageoit le
Septentrion , & où les Turcs infeftoient l'Orient. Il avoit envoyé
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. Jf. 190 r.,¥
pour cette négociation le cardinal Nicolas Al&ergati èvëque de (a) R«y<*.
Bologne. Mais elle fut interrompue par la mort des deux Rois ÎJ""I4*i'
d'Angleterre 6: de France , arrivée l'année fuivante, comme on leggs. Par-
le verra (a). ffr?f;L"
IX. En parlant des affaires d'Italie, on a oublié de parler de Napic*.'
celles de Naples. Ces troubles inteftins de la France avoient em-
pêché Louis III. duc d'Anjou d'en tirer les fecours nccefïaires
pour entrer en poflefîion du royaume de Naples. Le Concile de
Pife & Alexandre V. Pavoient adjugé à Louis Ion père. Jean XXÎll.
avoir confirmé ce jugement, & au rapport de Platine (b), Martin (b) ubi fupr.
V. lui avoir promis l'inveftiture de ce Royaume après la mort de
J:anne. Cependant ce n'étoit pas une conquête ailée à faire. Les
obftacles n'étoient pas pourtant du côté de Jaques d'Anjou époux
de Jeanne II. reine de Naples _, puifqu'il avoit abandonné toute
prétention aux Couronnes de la terre , pour prendre le froc dans
l'ordre de faint François. Il s'agiffoit donc de dépofleder Jea nne ,
qui n'étoit pas d'humeur aie foufFrir. D'ailleurs après la mort de
Jeanne, il y avoit d'autres prétendans à cette couronne, comme
u4lphonfe roi d'Arragon que cette Princeflè avoit adopté pour fon
fils & Ion fuccellèur (c). Cependant Louis 3 dans Pefperance d'être (c) RaptaU.
appuyé par le pape , par le duc de Milan , & par les Florentins qui ann< "A*0,
lui avoient promis du fecours , s'avança dans le royaume de Na- vm.
pies avec delîein d'en afTiéger la Capitale. Dès qu Alphonft -en eue
la nouvelle , il lui envoya une ambafïade pour le détourner de cet-
te entreprife , ou pour lui déclarer la guerre , s'il y pefiftoit. Il en
alléguoit pour raifons d'un côté certaines prétentions qu'il for-
moic fur le royaume de Naples , &: de l'autre fes engagemens avec
la reine Jeanne fa mère. Louis répondit que perfuadé de la juftice
de fa caufe , il ne doutoit point que Dieu ne la favorisât , & qu'ainfî
il étoit réfolu de la foutenir , fans craindre les menaces d'un ufur-
pateur. Comme il n'avoit point de port à Naples en fa difpofition,
&que d'ailleurs il n'avoit pas affez de vaifleaux pour l'attaquer par
mer , il i'afliégea par terre avec allez de fuccès. Pendant le fiége,
Sforce fon général alla attaquer les villes & les châteaux voifins,
pour empêcher qu'il n'entrât du fecours & des vivres dans la ville.
Il s'empara d'abord de la ville , &: du fort à'Averfa, à huit milles
(1) de la Capitale, d'où il faifoit des courfes fort avantageufes.
Comme les fecours promis par le roi d'Arragon ne venoient point,
les citoyens étoient prêts à fe foulever , lorfque la Reine envoya
(1 ) Milles d'Italie qui font de mille pas.
203 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
jAllt dos Ambafladeurs à Alpbonfe pour les hâter. Mais le Roi répon-
dit qu'il n'iroit point en Italie , que Braccio général de la Reine
ne fe mît en campagne pour le foutenir. Cette nouvelle fit fou-
lever la plus grande partie du Royaume 3 où Louis fut prefque
par tout déclaré roi de Naples , fans fe mettre en peine de Jeanne,
qui n'étoit regardée que comme une Reine en peinture. Il ne man-
quoit plus que la conquête de Naples pour rendre complet le
triomphe de Louis : mais un accident imprévu changea tout à
coup la face des chofes. Quelques mécontens avoient offert à
S force de lui ouvrir une des portes de la ville, qui avoit été né-
gligée , parce qu'on la croyoït fuffîfamment munie d'ailleurs. Il
s'y rendit en effet la nuit avec quelques cavaliers pour y entrer,
6c un corps de troupes qu'il pofta au voifinage pour les foutenir.
On trouva la porte ouverte félon les conventions. Mais une pou-
tre qui traverfoit la porte, empêchant les chevaux de pafîèr, il
fallut mettre pied à terre j ce qui ne put fe faire fans bruit. Les fen-
tinelles de la ville réveillées par ce mouvement , £c par le hennif-
fement des chevaux , on cria aux armes. Aufli-tôt Chriftophe Caje-
tan courut au fecours avec un corps de cavalerie, 6c chafîa ceux
des ennemis qui étoient déjà entrez dans la ville. Ce coup man-
qué, Sforce remena fon monde à Averfa. Dans ce même temps
Braccio fi long- temps attendu } vint enfin à la tête de 3000. che-
vaux. Après avoir remporté , chemin faifant, un avantage con-
fldérable fur les' troupes de Sforce 3 il alla fe porter devant Naples.
Mais ayant appris que cette ville manquoit de vivres, il s'ouvrit
un pafîage dans la Lucanie 6c dans la Calabrc, provinces qui paflenc
pour les greniers de l'Italie. Sforce averti de fà marche , le fuivit à
la tête de fa cavalerie , comptant fur une victoire certaine. Il l'au-
roit en effet remportée fans la noire trahifon du capitaine Tarta-
lia , que le Pape avoit envoyé avec 1 000. hommes armez de tou-
tes pièces (Cataphratli) au fecours du duc d'Anjou. Ce traître
donna avis fi à propos à Braccio que Sforce le pourfuivoit chaude-
ment, que celui-là eut encore le temps de repafTer le Sarnau en
grande précipitation , 6c d'échapper à un danger inévitable. Mar-
tin & Louis n'en furent pas moins mortifiez que Sforce lui-même.
Tartalia eut la tête coupée. Comme Martin V. craignoit que
cette guerre en tirant en longueur ne devint fatale au fiége de
Rome, il envoya deux Légats à Naples pour négocier la paix en-
tre les concurrents. A Ipbonfe n'écouta, pas ces Légats ^ parce qu'il
avoit bien des raifons defç délier du Pontife 3 qui en effet avoit
envoyé
ET 3U CONCILE DE BASLE. Liv. 'X. 101
envoyé du fecours à Louis. Mais ce dernier 3 au grand étonne- ia.h,
ment de tout le monde , confcntiràunc trêve, faute d'argent, ou
peut-être décourage, 6c ayant mis fes places en fequeftre entre
les mains des médiateurs 3 il fe retira auprès du Pape ne huilant
pas fort bonne opinion de lui. Ilfembloit que cette retraite dut
pacifier les troubles de Naples. Maisil s'éleva de nouvelles brouil-
leries entre le Pape 6c la Reine Jeanne. L'adoption qu'elle avoit
faiced'^//?/^;^ d'Arragon pour luifuccéder au Royaume de Na-
ples , donnoit beaucoup d'ombrage à ce Pontife , qui avoit deftiné
ce Royaume à Louise Anjou. D'ailleurs cette Princefle ne payoic
pointa la chambre Apoftolique le revenu annuel auquel elle s'jé-
toit engagée par fon couronnement. Elleempêchoit de plus, au-
tant qu'elle pouvoit, l'entrée des vivres à Rome, tant par terre^
que par mer. De forte que Martin V. fut obligé#d'adrefIèr
une Bulle aux Archevêques, Evêques, Eccléfiaftiques 6c Magif-
trats du Royaume de Naples, de ne payer à Jeanne aucun tribut
ni redevance, jufqu'àcequ'elleeûtfatisfaitàla chambre apofto-
lique. D'autre côté, il furvint desbrouilleries entre Jeanne 6c Al-
phonfe fon fils adoptif. Ce dernier ne fondoit pas feulement (qs n
prétentions au Royaume de Naples fur l'adoption de J^nne. Il
prétendoit aufli qu'il lui appartenoit par droit de fucceffion , par
Mainfroy Roi de Sicile, qui dans le XIII. fiécle avoit époufé la.
fille de Pierre III. Roi d'Arragon. Il eu: vrai que R.tynaldus ob-
ferveque les ancêtres d* Alphonfe avoieiu renoncé à ce droit pour
le Royaume de Sardaigne 6c de Corfe , mais Alphonfe ne laifloit
pas de renouveller (es prétentions, comme font ordinairement
les Princes, quand ils en ont l'occafion favorable. De forte que
Jeanne 6c Alphonfe , dans des défiances réciproques l'un à l'égard
de l'autre, ne cherchoient que les occafions de fe détruire (a) (a) R«r*aW.
Mais les Légats de Martin V. rirent fi bien que tout fe pacifia. A ^j,'^
laperfuafion de ce Pape, Louis d'Anjou reftitua à Alphonfe & à
Jeanne les places qu'il avoit mifes en fequeftre. Les Généraux
Braccio 6c Sforce fe réconcilièrent , 6c il fut permis à chacun d'eux,
en cas qu'il arrivât quelque rupture entre Jeanne ôc Alphonfe , de
fervir le premier des deux qui imploreroit fon fecours. Jeanne ^ de-
meura en poflefïion du Royaume, 6c Alphonfe fe contenta du
droit à la fucceffion. Quoique Martin V. ne fût pas content,
comme on l'a dit , de l'adoption que Jeanne avoit faite d' Alphonfe ,
il aima mieux le fouffrir , 6c abandonner Louis £ Anjou ^ que d'à-
voir toujours à dos le Roi d'Arragon , qui pouvoit continuer le
Tom. /, Ce.
îoî HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.11. fchifme en faveur de Pierre de Lune qu'il avoit repris fous fa pro-
tection depuis le Concile de Confiance. Cet anti Pape en effet
agifToit toujours comme vrai Pape dans fonifle de Pcnifcola. Il ne
manquoitpasmêmede partifansquidéclamoient contre le Con-
cile de Confiance qui l'avoit dépofé. C'efl ce qui paroîcparune
bulle de Martin V. au Patriarche de Jérufalem , administrateur
de l'Eglife de Barcelone., ôc aux Chanoines de cette Eglife, par
laquelle il leur ordonne d'excommunier folemnellement(i) deux
des principaux auteurs de cette faction, & de les faire mettre en
prifon^ eux Scieurs partifans. Il donna les mcmesxjrdres aux Ar-
chevêques de Sarragofieôc dçTarragone , &. à l'Evêque des Iiles
Baléares. Il envoya aulîi dans cette vue l'Evêque de St. Papoul,
t Légat dans les provinces méridionales de France, pour éteindre
les refles*du fchifme,qui fubflfloient encore dans quelques en-
(a) R/ïy».ubi droits (a).
fupr. ann. x. On a parlé ailleurs de la fe&e des Fraticelles. Quoique ces
Fraticclles! gens enflent été déjà condamnez plus d'une fois , il y en avoit en-
core de répandus dans l'Italie , ôc fur tout dans la Marche d'An-
cone. Le Pape y envoya deux Cardinaux pour les exterminer par
la voy^des armes. C'efl de quoi ces Prélats s'aquiterent vaillam-
ment. Ils mafïacrerent ces pauvres gens 3 & mirent tout à feu &;
àfang dans les lieux de leurs habitations. Ce qui en échappa fe
(b)Antgm- retira en Grèce (b). Us ne furent pourtant pas tellement exter-
Tît! ^xi. ' mmez qu'il n'en reitât encore en plufieurs endroits de l'Europe ,
cap. vu. $. puifqu'en 1426. le Pape donna a Jean de Capiftran de l'Ordre des
1 v' Frères Mineurs lacommilfion d'en purger l'Italie. Ilparoît aufïi
qu'il y en avoit en Efpagne dansce même temps, par l'ordre que
(c) TLayn. Martin donna à deux moines de travailler à leur converfion (c).
ann. 14Z5. Ceci appartient aufîi à l'Italie, & avoit été omis.
Allemagne. X I. Le Concile de Confiance avoit ordonné de tenir tous
candie de les trois ans des Conciles provinciaux. En exécution de cet ordre
s*t%j>ourg. Eicrbayû^ archevêque de Saltzjtourg en tint un cette année. La
plupart des Canons de ce fynode tendoient à corriger, fur le plan
du Concile de Confiance, les abus qui s'étoient gliflez dans la
difciplineeccléfiaflique, par rapport à l'ufage de l'Eglife Romai-
ne.Quelques-uns de cesCanons regardent les mœurs& la doctrine.
Il y en a un fort févere contre le concubinage des prêtres, qui ,
dit-on dans ce Canon, avoit fort augmenté pendant le fchifme,
(1) Fejîis diebus adflante circnmfufapopuli multitudine , pulfatis tatnpnnis , $$ fctciluts accenfa
0c de m Je in terrant prijeiïis. Raynald. ubifupr. nutn. III. .
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JT. 203
& qui n'étoit pas fans exemple dans ce diocèfe. Le décret du i±i\t
Concile de Confiance à cet égard, yefl confirmé. Dansunau-
tre Canon , on permet aux pères 6c aux mères de baptifer leurs
propres cnfans , dans une grande nécefîité , àlaréferve de l'huile
fur la poitrine , & fur les épaules , ôc du crème fur la tête , qui doi-
vent erre donnez par les prêtres. Le Canon contre les ajufte-
mens fuperflus des femmes eft conçu en ces termes : » Nous avons
» appris de divers lieux avec douleur , & nous l'avons vu nous-mê-
« mes en partie de nos propres yeux, .qu'en plufleurs endroits de
»> laProvince, les femmes fe mettent immodérément, ayant des
» queues en forme d'afpics , &c d'autres ornemens d'une fomptuo-
»fîtéexcefîive. Il y en a qui avec leurs voiles, leurs cheveux, Se
» aucres ornemens de tête , fe font des têtes monflreufes par de-
«vant & par derrière. Confiderant donc que ces fortes de vani-
»tez caufent du fcandale dans l'efprit des fimples , &c donnent
«lieu à des médifahees -, que par là on fe ruine, & qu'après avoir
»épuifé fon patrimoine, on volé & on pille pour fournir à ces
» dépenfes 5 que d'ailleurs ce luxe donne lieu à des fpeclacies , qui
» provoquent la concupifcence : Nous, par l'approbation du Con-
»cile, conjurons au nom de Dieu, & fous peine d'excommunica-
tion, tous les laïques de notre Province de contenir leurs fem-
» mes ôc leurs filles , & toutes celles qui font à leur fervice , dans les
> bornes de lamodeflie, évitant toute forte de fuperrluité. Tout
» de même fous peine d'excommunication, nous ordonnons aux
» femmes d'obéir à leurs maris , priant les Puifïances féculiéres
y> de tenir la main à l'exécution de cette ordonnance (a). Quoique (a) Coucii.
le Concile de Confiance eût fait brûler Jean H#.f,&anathema- ^L'J'iz7.
tifé fes fentimens, il nelaifïbit pas d'avoir Ces fe&ateurs hors de
la Bohême, &en particulier en Allemagne, &: dans le diocèfe
de Saltzbourg. C'efl pourquoi le fynode renouvelle là-deflus les
Sentences du Concile de Confiance, &; ordonne uneinquifidon
exacte & févere contre les Hufïïtes& leurs fauteurs, de quelque
ordre &de quelque condition qu'ils foient. C'étoit la coutume
de diflinguer par quelque marque extérieure les Juifs d'avec les
Chrétiens. Le légat de Bologne Nicolas Alberqatiwoxx. ordon-
né dans fon diocèfe qu'on les distinguât par quelques marques
jaunes fur la tête (bV Un autre légat en Allemagne avoit ordon- M Se&s*
ne qu'on diflinguât les juifs d'avec les Chrétiens , par un bone-t DûCt. l. m.
cornu , & les Juives par une cloche fonnante. Le Synode confïr- p. 69.
me cet ufage. On défend dans ce même Synode aux Eccléfiaf-
Ccij
204 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
142 i . tiques de tenir des tavernes chez eux , de les fréquenter ailleurs ,'
d'aller à des fefkins , d'avoir chez eux de jeunes femmes ou filles
pour fe fervir , d'aller à la chafîe , de nourrir des chiens 6c des
©ifeaux de chafle 3 & de jouer aux dez.
Il paroît par l'hiftoire Eccléfiaftique que ce dernier abus étok
fore commun dans ce fiécle-là. Il y avoic alors en Italie un prédi-
cateur célèbre nommé Bernadin de Sienne 3 qui avoit fignalé fon
zélé avec beaucoup de fuccès contre le jeu. Prêchant un jour à
Bologne fur les mauvaifes cqnféquences du jeu , il s'exprima ainfï :
Que le joueur ne s'imagine pas de ne commettre que ce péché. Un hom-
me qui fe plaît a ce métier , s'engage dans toute forte de crimes. <Je
ne parle pas même de la perte irréparable du temps dont on rendra
compte à Dieu. Non feulement ce joueur mange fon patrimoine , &
prodigue un bien defiiné à fon entresien 3 à fe procurer une vieillcffe corn-
mode , a aljîfier les pauvres , mais il ravit le bien & autrui y il bte à
un bon cytoyen , quelques fois à fon meilleur ami , ce qui luiferoit né-
cefjaire Jînon pour le prêfent , au moins pour l'avenir , &pou? la né-
cefjîté. S' il gagne, ilejl infultant : s'il perd , il eft furieux. Au lieu,
d'exercer fa colère contre lui-même , il la décharge fur fa femme qui en
7ibiiupr?p! efl innocente. Quelquefois plus criminel encore , il s'en prend à Dieu ,
70. & aux Saints dont il brife les Images (zj.
Bulle de XI'I. Je trouve dans Raynaldus , l'un des Continuateurs de
Marti» v. £ aronius , une Bulle de Martin V. datée de cette année , concer-
contre un ^ • - _ . » 0 • 1 1 r.
Hufïite des nant un certain Nicolas àerrurarius hermice de àt. AuQuftin , qui
Païs-bas. répandoit le Hufïïtifme , £c d'autres opinions partic/Ticre^ dans
le Pays-bas. Je rapporterai le précis de cecte Bulle. I. Elle expofe
la doctrine de ce docteur à peu près en ces articles que j'abrege-
rai. 1 . La charité a Dieu pour objet , 6c le prochain , & non pas
foi-même. i. Les Prêtres en concubinage public n'ont pas l'au-
torité d'abfoudre, & le Service Divin eft nul entre leurs mains.
Ils font excommuniez , 6c pires que Judas qui nourriiîoit fa concu-
bine 6c Ces bâtards de la bourfe des Apôtres. Ceux qui commu-
nient avec eux fon excommuniez aufîi. 3. On ne doit prier que
Dieu 3 Se nullement les Saints. 4. Les Moines mendians font les
vrais curez 6c les vrais confelïeurs , qui ne doivent point être tra-
verfez par les Curez ordinaires. .5. Dès qu'on a commis un péché
mortel, il faut le confeiTer au premier confefleur quife trouve,
avant que de l'avoir oublié. 6. Une femme n'a point befoin de pu-
rification y c'efl judaïfer. 7. C'eft une idolâtrie que de rendre au-
ET DU CONCILE DE BAS LE. Ziv. Lr. 205
cun honneur à la bière de 6" t. Antoine (1). C'efl un péché mortel tj,
de donner à manger aux porcs qui portent la clochette de St. An-
toine. Nicolas Serrurarius s'ètonnoit , dit la Bulle , que les Prélats
fujfent [ouffrir qu'on portât dans le pays la bière de St. Antoine pour
quelques préfères que ces Moines leur faifoient. Ceux qui font char-
qez^ de porter cette bière ne font que des impofieurs. (trompatores 6c
abufacores , hoc ell impoftores. ) // ne croyoit pas qu'il fut vrai que
les Papes enflent donné aucune concef/ïon aux Moines de St. Antoine
de recevoir quelque chofe pour eux & pour leurs pourceaux , parce
au aucun Pape n'a donné des indulgences pour nourrir des animaux.
Ces Religieux dèputez^pour exercer cette mendicité nobtenoient rien
que par la crainte , fur tout dans les villages , que St. Antoine n'y
mette le feu , comme on les en menace , s'ils ne donnent rien. Ce fi pour-
quoi ces pauvres gens donneraient jufqu'au dernier denier. II. La Bulle
die que Serrurarius parut au Concile de Confiance (2) pendant la
vacance du fiége , & que fon affaire fut donnée à examiner au Pa-
triache de Conftantinople. Ce Patriarche aHembla ks Arche-
vêques , les Evêques , êc les Docteurs pour en connoître. Il fe trou-
va par cet examen que Serrurarius avoitimbu de fa doctrine ceux
de Tournay , & de Cambrai. Le jugement fut que cet hermite
de St. Auguftin n'approcheroit de fa vie ces contrées-là de plus
de trente lieues 3 que s'il le faifoit, il feroit liv«ré au Magiftrat,
mais que s'il donnoit des témoignages de repentance, il feroic
rétabli à la paix de l'Eglife , à condition qu'on lui donneroit pour
prifon le monafteredes Auguftins à Metz } fans avoir communi-
cation aveeperfonne, qu'avec les Religieux. Ce Jugement etoit
bien modéré en comparaifon de celui de Jean Hus , quoique ce
dernier fût moins hérétique que l'autre au fens de l'Eglife Romai-
ne. Mais comme la Bohême avoit été troublée à î'occafion de
Jean Hus , ôc qu'il attaquoit plus directement le Siège de Rome $
il en falloir faire un exemple. Quoi qu'il en foie, la Bulle porte
III. Que Serrurarius fe rétra&a folemnellement , déteflant en
particulier le Wiclefifme &le Huffitifme. IV. Cependant com-
me il demeuroit toujours reclus , quelques Auguftins , Domini-
(1) C'efl: Antoine de Padoue, vulgairement de Pade, autrement de Portugal, Moine de
l'Ordre de St. François dans le XIII. fiéclc. Comme félon la Légende les porcs lui étoient
confacrez , fes Moines en entretenoientpar le moyen des quêtes qu'ils faifoient, portant une
efpéce de bière de St. Antoine, àquron rendoit un culte religieux. Voyez la curieufe Difler-
tation du célèbre Hermatt Conritigius fur une Neuvainc de St Antoine imprimée ù Helmftadt
en 1725»
(2) Je n'ai rien trouvé de cette affaire dans les adtesde ce Concile, ni dans aucun autre Au-
teur. Raynaldus allègue u-t Manufcrit qu'il ne fait point connoître.
C C i.ij
zoC HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
141 1. cains, Frères Mineurs, & Carmes s'étant plaines de la rigueur de
(a)ÎÊyna!d. ce jugement 3 Martin V. le confirma par cette Bulle datée de
1420.11.17. Florence (aV
Allemagne XIII. Ce fut environ ce temps que fe conclut le mariao-e de
& Pologne, frideric marquis de Brandebourg, fils aîné de Fride/ic Ele&eur de
ce nom, avec Hedwige fille de Wladiflas Roi de Poloo-ne. Les
premières propofitions s'en firent à Tanguermunde ( 1 ) dans la
moyenne Marche de Brandebourg , où le Roi de Pologne avoic
envoyé quelques Seigneurs Polonois pour délivrer des prifon-
niers de cette Nation , que l'Electeur avoit faits pendant la guer-
re avec les Ducs de Stettein. Les conditions du mariage étaient
que fi Wladiflas n'avoit point d'enfans mâles , fon gendre lui
. fuccéderoit 5 que la partie de la Saxe 3 & le territoire de Lebus >
aliénez delà Pologne, y feroient réunis, & que Hedwige auroic
100000 florins de dot. Cette Princeflé mourut en i43i.avanc
que le mariage fût confommé. Le Roi de Pologne & l'Electeur
de Brandebourg firent en même temps une ligue 6fïen fi ve&dé-
fenfive contre leurs ennemis, âf en particulier contre les Che-
valiers Teutoniques que Wladiflas avoit deilein d'attaque'r incef-
iamment. Mais l'Electety: l'engagea à continuer la trêve encore
un an. La même année le Roi de Pologne déjà décrépit épou-
fala Duchefîe Stnca nièce de fon frère Withoud 3 PrincefTe à la
ibyDiugos. *?eur de ^on%e- Comme elle étoit Grecque , il la fit rebapti-
ann. i4zi.' fer, & elle fut nommée Sophie (b).
Mort de XIV. On marque à 141 1. la more de Philebert de Nailiac >
Faiiiac grand Maître de Rhodes. On l'a vu entre les Gardes du Con-
Ielhoîes.re cIave au Concile de Pife , où fut élu Alexandre V. & à celui de
Confiance où fut élu Martin V. Mais comme par une faute d'im-
preilïonqui fe trouve dans tous les Actes de ces Conciles où il eil
mal nommé, on n'en trouvoit de nouvelles nulle part, on n'a
pu rendre lajuftice qui efr. diic à un perfonnage de cette impor-
tance. C'eft ici l'occafion de le faire en fuivant les mémoires que
nous en fournit l'illuftre Abbé de Vcrtotàms fa belle hifloire des
Chevaliers de Malte. Philebert ( car il l'appelle ainfi) de NaiUac\
Grand Prieur d'Aquitaine fut élu Grand Maître de Rhodes en
1397. Il eut grande part aux affaires politiques & éccléfiaftiques ,
aulli-bien qu'aux guerres de fon temps. Son ordre fut d'abord
(0 Cette Ville a donne' la nailTance à des Empereurs, des Eletleur?,& d'autres Princes. On
rapporte qu'après Prague l'Empereur Charles IF. ne prenoit plus de plaifir nulle part qu'à
Tanguermunde. Voyez des Mémoires curieux fur cette Ville par Mr. George Godefroy ¥Luflcr ,
imprimez à Brandebourg en 172*,
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. jf. 207
engagé dans une ligue contre Baja^t I. qui menaçait la Hon- I/Llî
grie fous le règne de Sigifmond de Luxembourg qui fut depuis Em- '
pereur. Le Grand Maître avec les principaux des Commandeurs
& des Chevaliers fe trouva en 1 397.4 la fameufe bataille de iV/-
copoli,qui fut fi fatale aux Chrétiens par la témérité Ôtlaméfin-
telJigence des Chefs 3 & par la licence du foldat. Sigifmond lui-
même qui étoit à la tête de cent mille hommes entreprit le Siéo-e
de cette importance place. Mais d\e fut fi bien défendue , qu^il
fallut le lever pour aller au devant des Turcs qui venoient'à fon
fecours avec une grofîe armée. La déroute des Chrétiens fut fî
générale 3 que le Roi & le Grand Maître auroient eu le mè?ne fort
fi dans ce de [ordre ils ri eurent trouve par hasard au bord du fleuve
la barque d'un pécheur dans laquelle ils fe jetterent 5 & malojè une
nuée de flèches que ces barbares tiroient contre eux , ils s'èloianerent
du rivage , & fi lai fiant aller au courant , ils gagnèrent l'embouchure
du fleuve , d'où ils découvrirent la flotte Chrétienne qui rien étoit pas
éloignée. Ze Roi & le Grand Maître accable^ de douleur , prirent
une des galères de la Religion . qui les porta heureufiment à Rhodes
(a). Quelques années après le Grand Maître de Rhodes avec fes (a) l,v. vi.
Chevaliers fe trouva engagé dans une guerre avec Tamerlan P- "7-
qui après avoir dompté Bajaçet vouloits'aiïujettir tous les Prin-
ces de YAnatolie. Ce Conquérant mourut peu de temps après
avoir pris Smirne (b) , où les Chevaliers 3 félon notre Auteur , fi_ (h; en 1435.
gnalerent leur valeur , & après avoir fait la paix avec un Roi des
Indes , qui étoit entré en Perfe à main armée.
Pendant ks guerres que fe faifoient ces Princes infîdelles le
grand Maître prit des mefures pour la feureté des Ifles de la Reli-
gion, & dans cette vue il fe rendit maitre d'un ancien Château Ci.
tué en terre ferme à 1.1 milles de Zango , l'une des Ifles qui appar-
tenoient aux Chevaliers. Il monta lui-même fia flotte 3 courut les cotes
de la Carie , aborda dans le golfe , entra dans le Port par un vent de
fud-oueft , ou de lebe fiche , débarqua fies troupes , furprit & attaqua une
garnifon de Tartares que Tamerlan avoit laifièe dans cette place &
s'en rendit maître h mais en ayant reconnu lafoiblcffc 3 ilenfitconftruire
une nouvelle , quilfit bâtir fur le roc a la pointe d'une prefqu'lfle qui
- s'avancoit dans la mer $ /'/ la nomma le Château de St. Pierre & les
Turcs l'appellèrent depuis Bidrou{c). Depuis ce temps-là Jean le fc)p.ip,
Meingre Maréchal de Boucicaut^ qui commandoit dans Gènes
pour le Roi de France, ayant paflé à Rhodes pour aller fecourir
lamagoufte attaquée par le Roi de Chypre , qui voulok l'enlever
io8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSS1TES
14.21. aux Génois ^ le grand Maître l'accompagna dans cette expédi-
tion pour y négocier la paix entre le Roi de Chypre 6c les Génois ,
&il y réuflic. Avant que de s'en retourner à Rhodes , ils allèrent
courir les côtes de Syrie Se de PaleftinejufquesàTripoli, pour ci-
cher de délivrer les chrétiens de ces régions , opprimez par les
Sarrafins. Quoique Naillac & Boucicaut n'euflènt qu'environ
3000. hommes ils fe battirent avec une prodigieufe valeur contre
plus de 1 5000. de ces barbares , qui défendoient les bords de la
mer, Se les repouflérent jufques dans Tripoli. Mais les Généraux
chrétiens n'ofant attaquer cette place trop bien défendue fe rem-
barquèrent pour palier à Baruth ville de la Phénicie très -confidé-
rable dontilss'emparérent. Après ces courfes affez heureufes , le
grand Maître prit la route de Rhodes , Se Boucicaut celle de Farna-
goufie. Dans ce même-temps le Sultan rechercha la paix avec ks
Chevaliers de Rhodes fous 6qs conditions fort favorables à l'Or-.
(OjK /"V-fïie (a).
Mais, dit ici notre Historien, » quelles auroient été les forces
» de ce Corps redoutable, fi elles n'avoient pas été divifées par
» le malheureux fchifme qui déchiroit alors l'Ordre auffi-bien que
»PEglifeUniverfelle. Nous avons dit qu'il fe trouvoit en même-
» temps dans l'Eglife deux Papes, qui avoient chacun différentes
«Nations dans leur Obédience, & dans l'Ordre deux Supérieurs
»indépendans l'un de l'autre. Le couvent de Rhodes, les Cheva-
lliers qui étoient en Orient, ceux de France, de Caftille Se d'E-
%»cofTe, & d'une partie de l'Allemagne reconnoifîoient l'autorité
vdu grand Maître, qui adhéroit à Benoît S£I II. fuccefleur de
» Clément VII. ôc les Papes fuccefleurs ^Urbain VI. pour retenir
«dans leur Obédience les Chevaliers Arragonois, Italiens , An-
»glois, ceux des Royaumes du Nord, de Bohême Se deHon-
?'grie, leur avoient donné pour chefs des Commandeurs Italiens,
» qui fous le nom de Lieutenans du Magiflere , Se comme fi la gran-
» de Maîtrife eut été vacante, gouvernoient cette partie de T'Or-
»dre , fans aucune relation avec le grand Maître de Rhodes. On
» peut juger du préjudice qu'une fi funefie divifion caufoit dans
» cette Ifle , qui voyoit fes forces partagées , 6c qui depuis long-
temps ne droit plus aucun fecours des PrieurezSe des Comman-
/W». 170. " deries qui s'étoient féparées du corps del'Ordre (b).
Ce fchifme , comme on l'a vu. ailleurs , donna lieu au Concile
de Pife, où fe trouva le grand Maître de Rhodes accompagné
de feize Commandeurs. Des c^u Alexandre V. y fut élu, le grand
Maître
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JT. 209
Maître plein d'efpérance de voir les Princes chrétiens réunir leurs 14.2 1 '
forces contre les Turcs , envoya une ambaiïade de la part de l'Or-
dre à la plupart des Souverains de la chrétienté , pour leur repré-
senter combien la conjoncture préfente ètoit favorable pour faire la,
guerre aux Turcsique le trbne de Bajazet étoitbien ébranlé par la chute
de ce Prince >&par les victoires de Tamerlan , & qu'il falloit profiter
des guerres civiles allumées entre les enfans du Prince Turc qui fe dif-
futoient fa fucce.flîon, & les débris de fon empire. Le Pape approuva
ce projet, & donna une Bulle par laquelle il déclaroit Philebert
de Naillac\tiQ\x{ légitime grand Maître de tous les Chevaliers
de l'Ordre de St. Jean de je ru fa lem (à). Ce fut en vertu de cette (aj P. t7^;
Bulleque 7W//7/^aiïembla un Chapitre général à Nice , &: puisa
jiix en Provence, pour réunir tous Tes Religieux. Il ne put s'y trou-
verlui-même, parce que le Pape le nomma AmbaiTadeur auprès
des Rois de France èc d'Angleterre pour négocier la paix entre
eux. On peut voir dans notre Auteur les réglemens de ce Chapi-
tre^). Le fchi/me, comme on fçait , ne fut point éteint par le (bj P. ij$.
Concile de Pife. Jean JfJTIII. allez connu par les Hifloires de l77-
Pife Se de Confiance, 8c d'après elles par M l'Abbé de Vertot ^
fùccéda à Alexandre V. pendant que Benoit Jf IIP ôc Grégoire
JCII. fe maintenoient Papes.
L'Ordre , dit cet Abbé , fe vit a la veille d'être anéanti (c) par la (<0 p. 18 r*
fîmonie qu'y exerçoit JcanA'A^III. ainfi que par tout ailleurs.
C'eft ce qui engagea le Confeil de Rhodes à écrire à ce Pape une
lettre forte ôc touchante, dent notre Hiftorien a donné le précis
avec fa netteté ordinaire. Mais l'Ordre ne tira de cette lettre qu'- •
une fatisfaction très-legere. Le Concile de Confiance ayant , au.
moins en partie, terminé le fchifme , le Grand -Maître voulut
aufli le terminer dans fon Ordre fort divifé & fort appauvri. C'eft
dans cette vue qu'il convoqua à Aviqnon une affcmblée des Prieurs >
des' Receveurs , & des plus anciens Commandeurs de France , d'Efpagne
& de Savoye. Le Grand-Maître leur propofa Iq fujet de cette convo-
cation particulière ; & après qu'on eut ouvert differens avis , on en re-
vint à celui-ci qui é toit conforma au Gouvernement républicain de l'Or-
dre ? c'eft qu'il falloit convoquera, Rhodes un Chapitre gênerai } y invi-
ter par une citation le plus grand nombre de Prieurs & d'anciens Com-
mandeurs qui pourroient s'y rendre , & fur tout prévenir par une dé-
flation particulière , les Prieurs de Lombardie , de Venifc , de Rome
& de Pife , qui jufqu alors av oient paru les plus éloignez^de reconnaître
l'autorité du Grand- Maître j afin que Leur réunion au corps entier de
Tom. I. Dd
no HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
î±i I. l'Ordre 3 fut dut or i [ce far les décrets d'un Chapitre gênerai , ou que
cette augufie afjemblée , dans laquelle réfidoit la puiffance fouveraine
de l'Ordre j décernât les peines quelle juger oit à propos contre les def
obéiffans & les refraïlaires.
Pour exécuter heureufèment ce projet, Naillac envoya un des
Chevaliers nommé Jean de Patru 3Tré(onQr conventuel, fous le
titre de Vifiteur 6c de Correcteur , dans les quatre Prieurez de
Lombardie , de Vernie , de Rome , & de Pife. Ces Chevaliers Ita-
liens ayant reconnu Martin V. fe fournirent aufîi au Grand Maître
confirmé par ce Pape. Tous les autres fui virent leur exemple , à la
referve d'un feul (i) qui fe rendit pourtant à la fin. Le Chapitre
s'afîembla donc à Rhodes , & tout s'y pafla à la fatisfa&ion com-
mune, & au contentement du Grand Maître. Il y avoit longtemps
qu'il ne s'en étoit tenu aucun fi célèbre 3foit par le nombre des Capi-
iulans , ou par l'importance des affaires qu'on y traita. On y vit pour
la première fois la plupart des Chevaliers 3 qui auparavant s' et oient
engagez^ dans le fchtfme , & qui , fans s'en apperccvoir , $• avec de
bonnes intentions , s'étoient trouvez^infenfiblement hors des bornes de
leur devoir. Ils y rentrèrent tous ; les Prieurs & les Baillis d'Italie ,
d' Angleterre 3 des Royaumes du Nord 3 de Bohème 3 de Hongrie 3 &
d'Arragon, reconnurent folemnellement le Grand -Maître pour leur
chef & leur feul fuperieur : il n étoit plus que/iionde fchifme que pour
le détefier. Les Chevaliers qui avoient été fous différentes obédiences ,.
s'embraffoient avec joie pour célébrer leur réunion , (^ les uns & les
autres qui la regardaient comme le fruit de la fageffe du Grand Maî-
tre 3 s'emprefjoient de deviner & de prévenir fe s intentions pour s'y con-
(*) p. 18p. former (a.) Il envoya les attes de ce Chapitre au Pape qui les con-
i?0' firma par fon autorité. Ce fut le fceau que mit cefage Pontife à la paix
& à l'union de l'Ordre , £?* ce fut auffi la dernière a fi ion qui fe paffa
fous le magiftere de ce Grand-Maître. Il fembloit qu'il n'en attendit la
nouvelle que pour quitter la vie avec plus de fatisfaïlion. Peu de temps
après avoir reçu le bref du Pape , il tomba malade : & fans autre pré-
paration que celle d'une fainte vie 3 il finit fes jours avec une tranquil-
lité qu'on peut regarder comme un préfage de la félicité que le Ciel
lui deftinoit. Sa place fut remplie par Frère Antoine Fluvian ou de
la Rivière 3 du Prieuré de Catalogne , Drapier de l'Ordre 3 & Grand
Prieur de Chypre 3 ou Grand Confervateur , & Lieutenant de fon Pré-
deceffeur.
( i) Frère "jetrn Tigncuclli Commandeur de St. tt'itnne de Monopoli.
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE-
LIVRE XL
j|U commencement de cette année les Taborices fi- r>i2,
renc la conquête de la ville de Sobicflavv à deux Coquet
lieues de Tabor. Cet avantage étoit confidérable, ^sTa-Wi-
,., • i- i • mi • i ' tes en BoIk
m parce qu il y avoit dix-huit villages qui en depen- mc.
doient, &; qu'elle fourniiloit beaucoup de poiiion,par le grand
nombre d'étangs qui étoient dans ce territoire. Un Hiftorien té-
moigne qu'il y avoir trois fortes de religions dans Sobiejlaw , Ra-
voir i . les Huljîtes qui faifoient le plus grand nombre -, i. les Ta-
bçrifeSyQWt cet Auteur appelle Frères ? qu'on nommoit aufïî^K
Ddij
ii2 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
141 1. cards 3 Reformez , & Wiclefîtcs , & qui ne vouloient pas qu'on ies*
(ajÀfan/;. appellât Picards ', & 3. les vieux Picards {a). Quoi qu'il en foit,
MeriaHl b°" ^en ^ue ^a v*^e ^ ^uC renc^uë> on ne lâîfla" pas d'y brûler quel-
hem.Morav. ques prêtres , apparemment des vieux Picards , que Ziska n'épar-
& Silef. p. gnoic point (b). On met à cette année une courfe que ziska fit en
7{b)ibeob. Autriche 3 où 3 à fon ordinaire , il Te fignala par des brigandages.
ubi fupr. p. A fon arrivée les gens de la campagne (e fauverent 3 les uns dans
les villes &. dans les forterefîes avec leurs effets , & les autres dans
les bois & dans les deferts. Quelques-uns mirent leur bétail fur
des radeaux pour les tranfporter dans une ifle du Danube, mais
Ziska s'avifa d'un ftratagême pour enlever ce butin. Il fit conduire
des cochons , des veaux , des agneaux , &: d'autres beftiaux fur le
rivage. Les animaux de la même efpece qui étoient de l'autre cô-
té , entendant mugir , bêler êc grogner , fe mirent à la nage pour
(c)y€»«w jes joindre, 6c furent enlevez comme le reflefcY Ce fut dans ce
Bohcm. cap. même temps que ceux de Prague le défirent du moine Jean de
xliv. iheob. premontrè , comme on l'a dit ailleurs. Il arriva aufîi à peu près en
upr' ce temps un incendie dans une forterefle nommée Burglos (1 ) , où
s etoient retirez les Catholiques de Prague 3 parce que Siytfmonâ
y avoit une garnifon. Ceux qui purent échaper de l'incendie , fe
retirèrent à Pilfen.
irruption 1 1. Cette même année les Taborites parlèrent dans la Marche
des(*ZalJ°rI" de Brandebourg , pillant , brûlant & maflacrant tout fur leur paf-
Marchc de &ge. Us allèrent aftiéger Francfort fur l'Oder , & brûlèrent d'a-
Brande- bord les fauxbourgs , & la Chartreufe. Mais les bourgeois ayant
,ur^ fait une fortie , les mirent tous en fuite. S'étant retirez dans une
forterefle appellée Landfcron 3 c'eft-à-dire , Couronne du païs , ils
recommencèrent le fie^e de Francfort avec de nouvelles forces „
mais ils furent encore repouflez , & contraints de quitter le païs.
En même temps ceux de Francfort allèrent devant la forterefle de
Landfcron , & s'en étant emparez , ils la raferent par ordre de Si-
pfmond. Ceux de Prague mirent dans le même mois le iîége de--
vant la ville de Luditz^ la prirent, & y mirent tout à feu & à fang.
S'étant retirez de-là dans un bourg voifin , ils fe battirent pour le
butin , & il y en eut environ 70. de tuez , &. plufieurs de blellez qui
furent transferez à Prague.
Arrivée de ni. Cependant Siq-ifmondCorihnt fit fon entrée à Prague avec
ConbutÀ 1 L Tl r i-l 1 •
Prague. 5000. chevaux. II raut remarquer qu il y avoit alors trois partis
politiques. Les Grands 3 au moins pour la plupart , tenoient pour
(1) JLneas Syhius l'appelle Purgelhnutru
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. JF7. n3
Sigifinond. Les Taborites , & Ziska à leur tête, ne vouloient point ja1z:
de Roi. Mais ceux de Prague vouloient avoir un autre Roi que
Sigifinond. On ne dit point au refte fi Withold Grand Duc de
Lithuanie envoya Coribut Ton proche parent pour prendre pof-
fetfion du Royaume en fa place , ou fi Coribut devoit lui-même
être Roi. Quoi qu'il en foit , il fut très-bien reçu à Prague. Ce
qu'il y a de certain , c'en: que Martin V. écrivit à Withoud une
lettre très-forte pour le détourner d'aflîfter les Bohémiens (a), [a] mibr**
Dès que Coribut fut arrivé, on le fît notifier dans toutes les villes die%"
de Bohême , afin qu'elles envoyaflent leurs Députez pour le cou-
ronnement. Les Grands de Bohême en ayant eu avis , afiemble-
rent toute la noblefie , & déclarèrent qu'ils ne pouvoient recevoir
Q?r/^pourRoiparcesraifons. i. Que le Royaume appartenoic
à Sigifinond par le droit héréditaire, en qualité de fils de Charles
IV. & de frère de Wencejlas. i. Qu'il avoit déjà été couronné 3 &c
qu'il ne leur étoit pas permis de prendre un autre Roi de fon vi-
vant. 3. Que quoique la première députation au Duc Withold
n'eût pas été faite à leur infçû, n'ayant point eu de part à la fe^
condeniàlatroifiéme, ils ne vouloient point y déférer. 4. Que
Coribut n'avoit point été baptifé au nom de la Trinité, puifqu'il
étoit RuJJe èc ennemi du nom Chrétien ( 1 ). Mais ceux de Prague ré-
pondirent que bon gré mal gré , il falloit qu'ils acceptaflent Cori-
but pour Roi. Les Grands auffi-tôt ayant tenu confeil envoyèrent
ordre de tranfporter la Couronne & les autres ornemens royaux
nécefîaires pour le couronnement, de la chapelle de St. Wencejlas
à la forterelîe de Carl/lein. Enfuite apprenant que ceux de Prague
avoient delîein d'afliéger Carlftein , ils firent tranfporter la cou- [b] Xap*
ronne dans un autre endroit (b) avec bonne efcorte. ann. i4iz.
IV. En effet Coribut à la tête de ceux de Prague, & de quelques "siège de
troupes auxiliaires des autres Villes, mit le fiége devant Carlflein c*rfyû«yV**
où Sigifinond avoit garnifon (1). La place fut attaquée par quatre
endroits, à chacun defquels on pofta 6000. hommes avec les ma-
chines de guerre nécefîaires pour la bien battre. Theobald remar-
que que de fon temps on gardoir encore dans un monaftére de Bo-
hême (c) les Catapultes dont on fe fervit à ce fiége , & que depuis [c] suVVMi9
aucun ouvrier n'en avoit pu faire d'une fi belle invention. Après
s'être bien retranchez pendant deux jours devant la place , on
(1) Il y avoit pourtantdcja quelques années que les Lithuaniens, & fur tout leurs Princes,
ctoient Chrétiens , mais à la Grecque.
(%) Fortereffe à trois lieues de Prague bâtie par Charles IV. en 13.48. fur une haute mon-
tagne*
Cdiii
114- HÎST. DE LA GUERRE DES HUSSITES \
i 4.1 2. commença à la battre d'une G. terrible force, que les forêts voîfines
en retentifloient. Lesaffiégezdeleur côté incommodoienc extrê-
mement les affiégeans avec leurs machines de guerre (i) , & i
grands coups de pierres & de briques qu'ils détachoient des toitsl
D'ailleurs avec des fafcines qu'ils faifoient de nattes & de branche*
de chêne, ils trouvoient moyen d'empêcher l'effet des coups qu'on
iançoic contre eux avec des frondes & des Bœliiftes (2). En effet,
on remarque qu'il fut tiré jufqu'à 1931. coups fans endommager
ni les murailles ni les tours. Les aiTiégeants voyant donc que tous
leurs efforts étoient inutiles contre une place il bien fortifiée de fa
nature, d'ailleurs munie de tout ce qui étoit néceflaire pour foiU
tenir un fiége, 6c défendue par des gens fort braves, ils s'aviférenc
de ce ftratagême. Ce fut de jetter avec leurs machines 2000;
tonneaux pleins d'excrémens 6c de cadavres , dans la place même.
Ce qui caufa une fi horrible puanteur , que les pauvres foldats en
périiloient. Les dents tomboient aux uns, 6c elles étoient ébran-
lées aux autres , quoiqu'ils employaient beaucoup de chaux vive,
5c d'arfénic préparé , pour empêcher que cette puanteur ne les in-
fectât, il n'y eut pas moyen d'en venir à bout. C'eftce qui les obli-
gea à confentirà à une trêve de 1 5. jours pour fè médicamen-
ter.
Ce terme expiré , on recommença l'attaque avec une nouvelle
vigueur. On raconte que les allégeants arrachèrent des colonnes
de pierre d'une Eglife de Prague pour en faire des boulets qu'ils
lançoient dans la place , 6c fur tout fur une tour qui les incommo-
doit beaucoup , parce que de là oncouvroitceuxdela Viile qui
alloient chercher de l'eau à une certaine fontaine hors des murail-
les , 6c on donnoit avis aux aiTiégez de cequife pafloit chez les
affiégeants. Pendant qu'ils battoient cette tour, un des habitans
de la vieille Prague tomba entre les mains des afllégez ; l'ayant ga-
rotté, ils le poftérent en un endroit de cette tour où il étoit fort
expofé aux coups des aiTiégeants ^ ils lui donnèrent un bâton , au
bout duquel il y avoit une queue de renard , lui ordonnant par dé-
rifion de bien chaflfer les mouches. Ilss'étoient avifez de ce cruel
ftratagême , dans l'efpérance que par pitié pour leur compatriote,
ceux de Prague n'agiroient point de ce côté-la. Ils s'y trompèrent
{1] Sclopetorum , atque tormtntorum iïïibtts.
(z) Voyez-en la figure dans Godefcalc. Stevvech. fur Vegeu p. 44 J\ 446*. Theobald remarque
que l'ufage de l'Arc n'e'toit pas encore inventé. Il veut dire apparemment qu'on ne s'en fervoit
pas encore en Bohême. J'ai entre les mains des Arcs, dont on pre'tend que les rjuflites fc
fer virent au liège de Bernau dont on parlera dans la fuiteP
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XI. ir? ,,
pourtant $ car les affiegeants prenant cela pour une infulte 3 n'eir (a] j£tie»&
battirent que plus vigoureufement la place. Cependant aucun s^- ubl iu"
coup ne porta iur le malheureux citoyen de Prague , Scies afïïégez xuvfp. m.
eux-mêmes, voyant que fa bonne fortune l'avoit fauve 3 le délié- ^7.^3.
rent, & le laiiTerentaller(a). Ulh *
V. Le fiége duroit encore lorfque l'armée Allemande arriva L'armevi-n-
en Bohême. Les Archevêques de Mayence , de Trêves , de Colo- Sèïcv^t
gne , les Electeurs du Palatinat , de Saxe , de Brandebourg , le Duc Zatec.
de Brunfwick, le Duc de Mifnie y avoient envoyé leurs troupes ,
& le Prince de Plavven (i) commandoit l'armée. Ce Général
croyant faire lever le fiége de devant Carlflein alla afîiéger Zatec
(b) capitale du diftrict de ce nom , où s'étoient retirez quantité [bjle 27.
de gens de la campagne 3 aufli-bien que dans d'autres Villes 3 pour d'Aout'
éviter la fureur du foldat Alleman , qui n'épargnoit rien furfon
pafïage. Après avoir avancé toutes leurs machines de guerre , ils
battirent d'abord la place avec beaucoup de fureur 3 mais ellefe
défendoit avec tant de valeur que, Plavven craignant pour le fuc-
cès 3 s'avifa de ce ftratagême. Il fit ramailer quantité de pigeons
ôc de moineaux , & leur ayant attaché à la queue de la poix , & du
fouffre ardent, il les lâcha dans la ville, croyant y mettre le feu ;
mais les aifiégez firent fi bien qu'ils s'en garantirent. Cependant
comme il y avoit alors plus de monde qu'à l'ordinaire dans la vil-
le 3 craignant d'y être affamez, ils rirent une fortie (c), pafTerent [c]Le ij.
aufildel'épéelesfentinelles, &fe retirèrent après avoir tué 50. d'0(a°brc*
hommes, ôc fait plusieurs prifonniers. Le Général en fureur fit
lancer en un jour 70. boulets contre la ville , fans qu'il pérît per-
fonne qu'une vieille femme qui étoit fur un four. On voulut en-
core tenter une fois le flratagême des moineaux 3 mais le Géné-
ral en fut la dupe. Il y eut un de ces oifeaux , qui mit le feu à
une tente de paille. Pendant que les foldats couroient ça ôc là ,
pour éviter le feu , l'incendie gagna un fi grand nombre de ten-
tes que tout le camp étoit en flammes. Les affiégez profitant de
cette confternation, s'allèrent jetter fur les afliegeants _, les mirent
en fuite , & les chaflérent de la Province(d). Un autre Hiflorien [d] ^ *9>
de Bohême convient bien de cette déroute totale des Allemans , j^^'bc
mais il ne parle point de l'incendie arrivé par les oifeaux foufFrez. fupr.
Il dit que ce furent les afliegeants , qui mirent le feu à leur camp ,
fur la nouvelle que ziska accouroit au fecours de la ville avec une [e}D»fov*r.
grofîe armée (e). , £b?xxvT
{1} Ville de la Mifnie en haute Saxe , elle eft capitale du Yo;gt!a.id. p. tfptf»
ii G HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
Vrocofe Rafe VI. Sigifmond cependant défefpérant de pouvoir conquérir la
entre en Mo- Bohême, abandonna cout-à-fait cette entreprife, & comme les
Moraves s'étoient joints aux Bohémiens contre lui , il rît préfene
de cette Province à l'Archiduc Albert (on gendre, à condition
de la réduire. Ce Duc entra en effet en Moravie à main armée ,
aflîfté de quelques troupes auxiliaires de l'Empereur. Il afliégea
d'abord la ville de Jutemberg (i ) , qui avoit embraiïé le Hufîitif-
nie. Les Jutembergeois ayant appelle ziska à leur fecours , il leur
envoya Procope Rafe furnommé le Grand, avec un bon corps
d'armée. Comme ce Capitaine fucceda à ziska dans le comman-
dement des troupes Huflites, c'eftici l'occafion de le faire con-
noître. C'étoit un Gentilhomme Bohémien , apparemment de
médiocre fortune. Il fut adopté par fon oncle maternel , qui le
fit étudier, le fit voyager en France , en Italie, en Efpagne, &
dans la Terre Sainte. A fon retour il le fit tondre, 6c ordonner
prêtre, ace qu'on prétend malgré lui, ce qui lui fit donner le
nom de Rafe. Mais lorfque la guerre des Hufïites s'alluma , il
( a ) jEnm. quitta la robe pour l'épée & s'attacha entièrement à ziska qui en
Syis/' 53 fU foifbit un cas tout particulier. Ses exploits militaires lui rirent don-
£<?. ner depuis le furnom de Grand. A fon arrivée en Moravie , il fe fie
ihcb. ubi fu- paflw l'epée à la main au rravers de l'armée des afîîéeeants , en-
pr. p. no. r t» r . i /T rr 1»
m.Baib. tra dans Juttemèerg, la pourvut de vivres ,& chaiia enfin i armée
Epitom. p. ennemie. Ce fiége dura trois mois (a).
45si'cge de VIL Pour revenir au fiége de Carlfiein , les afliégez ayantob-
Carijhink- tenu une Trêve de quelques jours en automne, invitèrent quel-
ques-uns des affiégeants à leur venir rendre vifite. Ils les régalè-
rent fplendidement pendant 4. jours, & quoiqu'il y eût grande
difette dans la place , ils fe vantoient d'avoir encore aiîez de vi-
yres pour tenir 3, ans , parce , difoient-ils , qu'on leur apportoit
tous les jours du gibier frais , & d'autres femblables vi&uailles.
Les Officiers de Prague les en crurent de bonne foi, s'imaginant
qu'ils faifoient venir des vivres par des conduits fouterrains. Ce-
pendant comme il faifoit dès-lors grand froid , les affiégeants
demeuroient prefque dans l'inaction auprès de leurs foyers, at-
tendant fans doute l'été St. Martin^ comme le dit l'Hiftorien.
A cette nouvelle les affiégez envoyèrent des députez devant la
ville , pour demander une trêve d'un jour, feignant d'avoir une
(0 Autrement Ju/ienbourg. Le Traduûcur latin de Theebald appelle cette Ville Virunrtm,
mais apparemment c'eft une erreur , puifqu'ilya dan» l'Allemand "Judenbùurgy & (\\.\ JLntus
Sylvius , & BalhiHits l'appellent l'un Jtttetiberg , Vautre Judenberg. D'ailleurs Virunam, autre-
ment Vïlcmarcl^, eft une Ville de Ja Carinthje.
noce
J Ji 7S575L ScuJp.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XI. nj
noce à célébrer. La trêve accordée, on n'enrendoic que flûtes, 1412:
que bruit de gens qui fautoient&danfoient, quedémonftrations
dejoye, quoiqu'il n'y eût ni époux ni époufe, & qu'ils n'euflent
pas même du pain noir à manger. Ils n'avoient pour toute ref-
îource qu'un bouc qui alloit errant dans la forterefle : l'ayant
tué pour en manger , ils en envoyèrent la peau au Commandant
de ceux de Prague qui étoit un tailleur, pour le remercier de
fa trêve. Là-deffus ceux de Prague fe figurant que les afliégez
avoient encore beaucoup de vivres , que le diable les fafje crever ,
dirent- ils , de faim & de foif\ four nous , nous n'en viendrons jamais
à bout. Sur quoi ils levèrent le fîége , èc s'en retournèrent à Pra-
gue le jour de la St. Martin , au grand contentement des affié-
gez,qui en fignede joye du bon office que leur avoit rendu le
bouc, firent plu fleurs décharges de leurs machines (r). Ce fiége
dura 6. mois pendant lefquels la garnifon Impériale donna des
marques extraordinaires de valeur & de confiance à fbufFrir toute
forte de travaux. Coribut fut fort mortifié de ce mauvais fuccès,
mais il fallut bien qu'il foufFrît ce qu'il n'avoit pas eu la force
ou le courage d'empêcher.
V 1 1 1. Une des principales raifons qui obligèrent ceux de Pra- irn.ptio»
gue à décamper , fut l'avis qu'ils reçurent que les Taborites ^sZn^Pra-
avoient fait irruption dans cette capitale. Ils s'étoient en effet gue.
emparez pendant la nuit de trois maifons dans la vieille ville , & fè
difpofoient à mettre tout à feu & à fang. Mais les citoyens ayant
promptement pris les armes, fondirent fur eux fî à propos, ôc
avec tant de vigueur, que l'orage fut conjuré en peu de temps.
Plufîeurs furent partez aufildel'épéc, les autres furent faits pri-
fonniers, & il y en eut beaucoup de noyez dans la Moldave, n'a-
yant pu gagner le gué dans l'obfcurité. ziska cependant ne man-
quoit pas d'inquiétude. D'un côté les Grands tenoient pour Si-
pfmond, de l'autre la ville de Prague, & toutes les villes de Bo-
hême, ayant reconnu Coribut pour Roi, il craignoitdefuccom-
ber. D'ailleurs la dernière entreprife des Taborites fur Prague ,
pouvoit lui être imputée comme à leur Chef. Il y envoya donc
des députez pour fe juftifïer de cette action , & pour exhorter
ceux de Prague à ne point accepter Coribut , fe faifant fort de les
défendre contre l'Empereur & contre tous les Grands de Bohême
fans qu'il fût befoin qu'un peuple libre s'afîujettît à un Roi. Ceux
(1 ) Ikeobald rapporte ce fait fur la foi de Hagec fans vouloir en être le garant , comme on le
voit dans l'Allemand , quoique le Tradutfeur latin nci'aitpas dit. Cap. L. III. Part. I. p. z 19.
Tm. I. Ee
2i § HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
jA.li. ^e Prague répondirent qu'ils écoienc bien aifes qu'il n'eût poinC
de parc à la dernière irruption , 6c que même il la défaprouvât ,
mais qu'ils étoient étonnez qu'il les exhortât a renoncer à Cori-
but , & qu'il ne voulut pas lui-même l'accepter pour Roi, puif-
qu'il n'ignoroit pas que toute République a befoin d'un Chef. A
cette réponfe., ziska levant fon bâton de commandant ,jW3 dit-il,
délivré par deux fois ceux de Prague , mais je fuis rèfolu de les perdre ,
wbi fupr. & )s ferai voir que je puis également 3 & jauver & opprimer ma pa-
trie (2l).
1423. IX. Incontinent après, il s'alla jeccer far les terres des Seigneurs
CeuxdePra- du parti de Sigifmond , maflacrant, pillant, brûlant par tout, 6c
îcn^avec exerçant toutes fortes de cruautez, fur tout fur les terres de C^'«-
Zis\a, ko de Wartemberg. Quelques jours après, il voulut furprendre
Graditz^ pendant la nuit, mais (es gens fatiguez d'une longue
traite , par une pluye continuelle , refuferent de marcher dans
les ténèbres. Cet aveugle , difoient-ils 3 croit que nous ne voyons goûte
non plus , & que le jour & la nuit nous font égaux comme à lui. Ce-
pendant Ziska fie fi bien par Ces belles paroles, qu'ils reprirent
courage , de forte que s'étant fait nommer le village voiiîn , allez^
dit-il , j/ mettre le feu pour nous éclairer. Cet ordre exécuté , ils con-
tinuèrent leur route, aufli-bien que leurs mafTacres 6c leurs bri-
gandages. Quelques Seigneurs , entre lefquels étoit Wartemberg ,
allèrent à fa rencontre pour lui livrer combat. Il fut fanglant, 6c
l'avantage fut incertain pendant 3 heures, mais enfin la victoire
fe déclara pour ziska. Plufieurs Grands Seigneurs demeurèrent
dans cette action. Après cette victoire Ziska alla attaquer une
fortereiTe , où il y avoit une garnifon Catholique qu'il pafla au
fil de l'épée. Ayant appris que le Gouverneur de Graditz^ étoit al-
lé en Moravie, pour foutenir Procope contre V Archiduc , il mar-
cha vers cette ville , où il fut bien reçu , parce que les habitans
avoient une inclination fecretre pour lui. Comme toutes les villes
de Bohême s'eroient confédérées avec la Capitale en faveur de
Coribut , ceux de Prague pour fe vanger de l'infidélité de ceux de
Gradit?^, allèrent l'attaquer, ayant à leur tête fon Gouverneur
Borzek qui avoit rebroufïé chemin pour la reprendre. Le combat
s'étant donné au faubourg , ceux de Prague furent battus , 6c le
Gouverneur eut bien de la peine à fe fauver dans une forterefle
qui lui appartenoit. Ceux de Prague étant allarmez de cette dé-
faite des leurs, les Magiflrats avoient réfolu d'envoyer à Ziska
pour lui demander la paix } mais quelques Seigneurs confédérée
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JTI. ir?
de cette ville les détournèrent de cette démarche en leur repré- 14.!»
fentant que l'armée n'étoit pas tellement diffipée qu'on ne pût en
rallier une bonne partie j qu'il y avoit à Prague une florifîante
jeunefïe , des foidats vétérans , des armes , & de l'argent qui eit le
nerf de la guerre. Qu'ils ne manquoient pas de bons Généraux ,
& que les villes alliées feroient toujours prêtes à les foûtenir. Raf-
fermis parcesraifons , les choies demeurèrent dans cet étatjuf-
cju'à l'année fuivante, où la guerre feraluma entre ces deux par-
tis (a). De Gradit^ , ziska alla attaquer Cçafldw , & s'en rendit
maître , en partie par compofidon , en partie par ftratagême. Ceux fa) B*tf> t*
de Prague etoient allez avec des troupes pour la défendre . mais P':t,P- 4-Jï-
inutilement. Apres quelques eicarmouches avec lesTabontes , fUpr.p.482.
ils allèrent à Cuttemberg pour empêcher Ziska de s'en emparer.
X. Ziska après avoir prisfes mefures pour tenir en bride les ziskancn
Seigneurs de Bohême 6c la ville de Prague, refolut d'aller en Moravie.
Moravie. Mais avant que de raconter ce qu'il y fit , il faut voir ce
qui s'étoit pailé auparavant dans cette Province. L'année précé-
dente nous avons laiiïé l'Evêque d'Olmut^dans fa forterefîe de
Kremfiren attendant le printems pour attaquer Château -neuf.
Mais la garnifon de cette fortereiîe l'avoit déjà prévenu , & s'étoic
avancée jufqu'au territoire de Bruna , portant la terreur par tout
aux environs par le fer & par le feu, quelques efforts que flfîenc
ceux de Bruna , pour arrêter le cours de ces violences. C'eft ce qui
engagea l'Evêque à raiîembler tout ce qu'il put de troupes. Outre
celles qu'il avoit en quartier d'hyver, il lui en vint de plufieurs
endroits Catholiques. Il écrivit aufli à l'abbé de Trebitx^ nommé
Bcneffî 3 homme de qualité-, plus propre à la guerre qu'au bréviai-
re,de venir à fon fecours avec un bon renfort. Outre cela,il lui vint
de l'infanterie d'Autriche, avec des armes 6c des machines d'une
fabrique toute nouvelle , & d'une énorme grandeur, qui avoienc
été depuis peu inventées en Allemagne (1). Quand cette armée
fut raflemblée près de Bruna , les Chefs délibérèrent fur ce qu'il
falloir entreprendre le premier. L'avis d'attaquer Château-neuf ■
l'emporta. Mais comme la fituation de cette place nepermettoit
pas d'y employer beaucoup de monde, & que pour la prendre il
falloir plus d'adrciïeôc d'artifice que de force, onréfolut en mê-
me temps d'attaquer uneautre fortereiîe. L'une & l'autre entre-
prife reufïït.C^r/?^ Hora futprife après une très- vigoureufe rcfif-
( 1 ) Novnrnm armartwi génère , non itx pridem in Germania conferipto ,fareis nempe jijlulk
%ua,$ àfonituBtmbardas, £> Scleposvocamtts , hiftrucli. Cicchor.nbiJHpr.p. 48?.
Eeij
220 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
jAi* tance , & Château- neuf fe rendit fans coup ferir, le Gouverneur
s'étant laiiTé corrompre. Les gens de l'Evêque fè difpofoientà at-
taquer une autre fortereiTe d'un Seigneur Huffite.Mais fur le bruit
qui courut que Viiïorin de Podicbrad,& Borzgk Dobalitz^yenoÏQnt
la fecourir à la tête d'un corps d'armée confidérable, ils fe reti-
rèrent à Bruna. Ce renfort de Huflkes n'arriva pourtant que
quinze jours après. S'étant emparez de plusieurs villes & châteaux^
ils allèrent recommencer le liège de Kremfir qui avoit été inter-
rompu l'année précédente, attirez par quelques Mufjîtes 3 qui
s'étoient habituez dans cette ville de l'Evêque. La conquête n'en
coûta pas fort cher. Les Hufîites ayant battu les troupes que l'E-
vêque avoit envoyées au fecours , la ville compofa après dix
jours de fiége. La garnifon fortit honorablement avec armes &
bagages } 6c les habitans eurent la liberté de demeurer dans la
ville, ou de fe retirer où ils voudroient. Ce qu'il y avoit de Huf-
iîtes y demeura, les autres fe retirèrent à Olmut^i Bruna , & à
Hraditz^ Les vainqueurs fedifpofoient a attaquer une autre forte-
(a)KuaxJe. relie (a) pour couvrir Kremfir , lorfque le bruit fe repandit que
Gradit^ds Bohême , dont Borzgk s'était emparé de nouveau , ôc
(b)SHetrx.kb. donc il avoit confié la garde à fon frère (b) commençoit à chance-
ler , comme on en pouvoit juger par les fréquentes entrevues entre
Ziska & la ville. Cette nouvelle donna une grande allarme dans le
camp , où fe trouvoient beaucoup de gens , qui avoient leurs biens,
leurs femmes , &: leurs enfans à Graditz^ Mais le Gouverneur qui
ignoroit la correfpondance de la ville avec Ziska 3 ayant écrit que
tout étoic tranquille, on continua le ilége , qui fut levé quelques
jours après, fur la nouvelle qu'en effet ziska s'étoit emparé de
Graditx^y les Orèbit-es&Borzçk lui-même, avec les autres Bohé-
miens , s'en étantretournez en Bohême pour fecourir leurs gens.
CeuxdePm- XI. Depuis ce temps-là Borzek avec ceux de Prague déclaré-
vilnc'lzis- renc^a guerre à ziska. Ils allèrent d'abord attaquer Graditz^ où
\*. ce Général étoit encore. D'abord tous les villages voifins, & les
dehors de la ville furent brûlez & faccagez. Mais la garnifon ayant
vu des murailles que lesafïïégeans s'amufoient à butiner, fit une
fortie. Procope Rafe écoità la tête de cette garnifon, fort impa-
tient de voir l'ennemi piller & ravager tout jufqu'aux murailles de
la ville. Le combat fut d'abord fanglant. Mais ceux de Prague ,
enveloppez de tous cotez, & ayant perdu lapins grande partie
de leur monde , furent obligez de prendre la fuite. Il y eut 200.
hommes de tuez , & 2 00. de bleflèz. de la part des alTiégeans. pra-
ET DU CONCILE DE BASILE. Liv. JèTI. m
cope Rœfetua de fa propre main un de leurs Chefs , qui tàchoit à I4l , ■
rallier & à relever tes gens. Borsçk lui-même eue peine à échapper
tour meurtri de mafles d'armes, & comme noyé dans fon fang de
dans celui des autres. Cependant ilfefauva dans un château qui
lui appartenoit (a). Cette défaite allarma tellement ceux de Pra-
gue qu'ils réfolurent d'envoyer des Députez à ziska pour lui de- p^w'p?
mander la paix. Mais quelques grands Seigneurs de leurs alliez 448-
leur ayant relevé le courage , la guerre continua.
XII. L'Evêque d'Olmut^ne manqua pas de profiter de cette Expédition
retraite pour tâcher de recouvrer Kremfir y pendant que FArchi- de l'Evêque
duc alîiégeoit Zuntenbourg. Ce Prélat , avant que d'attaquer la dolmutx"
place , envoya des hérauts d'armes pour la fommer de fe rendre
promettant à ceux de religion contraire, l'impunité & la liberté
de fe retirer où ils voudroient. Mais les voyant réfolus à fe bien
défendre, & craignant qu'il ne leur vînt du fecours de Bohême,
il mit fans différer le fiége devant la ville. On rend ce témoigna-
ge à fa modération , qu'il ordonna aux foldats d'épargner non
feulement les femmes & les enfans , mais même les citoyens qui
ne feroient pas trouvez les armes à la main -y & à fa valeur , qu'on
le vit toujours dans les premiers rangs en calque & en cuirafle. Les
aiïiégez firent d'abord une fi vigoureufe refiftance, qu'ils obli-
gèrent plus d'une fois les affiégeans à reculer. Enfin au bout de
huit jours, réduits â la dernière extrémité & fans efperance de
fecours , il fallut capituler. Ils envoyèrent trois des plus confi-
dérables d'entre eux à l'Evêque , pour en obtenir bonne compofî-
tion. L'Evêque qui ne demandoitpas mieux que de rentrer en
polTeflion de fa ville , fans qu'il fut befoin d'une plus longue atta-
que , leur accorda tout ce qu'ils fouhaitoient. Les citoyens eu-
rent la vie fauve , on épargna leurs biens & leurs maifons ; ceux
qui voulurent rentrer dans le fein de FEglife Romaine , eurent
la liberté de demeurer dans la ville , & les autres celle de fe retirer
ailleurs. La garnifon forcit avec armes & bagages, pour aller où
elle voudroit.
XIII. Il n'en fut pas de même de Zuntenbourg aiïïégé depuis Progrès des
long-temps par l'Archiduc. C'étoit une place très-importante, Taboritcgca
parce que confinant à la Hongrie & à l'Autriche, on en pouvoit
tirer du fecours de ces provinces. Cependant l'Archiduc ne voyant
point d'apparence d'en jouïr , à moins que de l'affamer , il condui-
sit lentement l'attaque. Mais ce fut cette lenteur qui lui fit man-
quer fon coup. Car pendant c^ue fon armée négligeoit de faire
E e iij
»
m HIST. DE* LA GUERRE DES HUSSITES
*4*3- bonne <*arde , Procope Rafe furvint à l'improvifte avec un gros
corps deTaborites envoyez par ziska 3 força les pafïagcs, pafja
au fil de l'épée tout ce qui reïlfta , & encra dans la place avec
de bonnes munitions de guerre & de bouche. Les afliégez ainll
renforcez , défoloient le camp par des forties continuelles. Mais
ce qui acheva d'y mettre l'allarme 3 ce fut la nouvelle de l'arrivée
de Ziska avec toute l'armée desTaborites. Alors l'Archiduc crai-
gnant d'être enveloppé, décampa fècrereménr, de fe retira en
Autriche 3 laiflanr des garnifons dans les places les plus expofees.
Sylvius rapporce que l'Empereur étoit alors dans l'armée du Duc,
& qu'Eric VHP roi de Dannemarck l'y étoic venu crouver pour
accommoder par fon encremife les différends qu'il avoir avec les
ducs de Slefwich ôt de Holfiein 3 au fujec de la Jutlande ou cher-
foncfeC imbrique. Quelques Hiftoriens difenr que dans cetre oc-
caflon Eric offrir du fecours à Sigifmond contre Iqs Huiïites , mais
que ce fecours n'eue pas lieu à caufe des croubles qui furvinrenn
en Dannemarck. Cependant les Hiftoriens deDannemarck,com-
me Huitfeld & Jean Ifaac du Pont > ne difenr poinr qiïErzc eut pro-
mis aucun fecours à l'Empereur , quoique le dernier parle du voya-
ge du Roi de Dannemarck en Moravie en 1414. Mais un [çavanc
de Dannemarck que j'ai confulté là-defîus , trouve beaucoup de
vraifemblanceà cer engagemenr , par cesraifons. 1. L'Empereur
& le roi de Dannemarck étoient proches parens. Ce dernier ap-
pelloir le premier fon oncle & fon frère dans fes lettres. 1. Com-
me Eric avoir befoin de Sigifmond dans fes démêlez avec les ducs
de Slejwich , & que même ii prononça en fa faveur , il y a beau-
coup d'apparence qu'il ne lui refufa pas un fecours donr il avoir
grand befoin, 3 . Comme Sigfmond étoir accompagné des Légars
deRome,c'étoir une occalion bien naturelle de négocier cerre
fainte Ligue, fur rour Eric fe difpofanr au voyage de Jérufalem.
Notre fçavanr nous apprend qu'il différa fon voyage pour accom-
pagner l'Empereur qui alloir en Pologne aux noces de Wladijlas
Jatrellon avec la reine Sophie. Eric revint de fon voyage de Terre-
{ainte en 141 5. Le même Sylvius témoigne que pierre infanr de
Portugal, frère du Roi, s'y trouva auflï, & lui offrir du fecours
Hift.Dan, pe>i'Afie,& l'Afrique, & qu'il avoir donné des preuves de fou
57V ' ?' fçavoir par des écrits en profe & en vers (a).
*
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. 'JTI. 223
XIV. Zùka cependant n'ayant pu venir à bout de prendre Succès de
Jglaw 3 alla fourager par tout dans cette partie de la Moravie qui z^,KnMo-
confine la Bohême. Comme la plupart des châteaux apparte- ravK"
noient à des Hunites, on venoit le rendre à lui de tous cotez.
JMais il exerçoit des cruautez horribles dans les lieux où il ren-
controit la moindre réfiftance. C'eft ce qui arriva à Evanczjtz^ où
ce qui fè trouva de prêtres & de citoyens Catholiques , fut inhu-
mainement brûlé ou noyé. Il fe joignit aufîï à lui plufieurs grands
Seigneurs, fuit par principe de religion _, foie pour n'être pas rui-
nez. De ce nombre fut le feigneur Hinko de Zippa gouverneur de
Kromlovv. Il fortit de cette Place pour aller faire hommage à zis-
ka 3 lk lui offrir ks fervices. Ce dernier lui donna un régiment de
Taborites pour garder cette Place, d'où II chafla Iqs prêtres Ca-
tholiques a ayant embrafle le HufTïtiime.
XV. De Moravie ziska palla en Autriche 3 où il mit d'abord z»sk»vzgn
le fiége devant Ret^. Cependant il en décampa bien-tôt pour ^vient'en &
pénétrer plus avant dans la province. Il s'empara d'abord d'une Moravie &
place nommée Pulkavv 3 & il y mailàcra tout ce qu'il y trouva de cn Bohtme-
monde. De-là tirant vers le Danube 3 il mettoit tout à feu & à
fang. Quelques Seigneurs ayant quitté Zuttenbourg, en faifoient
autant d'un autre côté. Mais Ziska ayant appris qu'il venoit du
fecours de Hongrie à l'Archiduc , décampa fecretement pour re-
tourner en Moravie. Après y avoir pris quelques places ,, il tenta
vainement de s'emparer de Crem*ir : car l'Evêque d'0/»^/^appre-
nant que les gens de ziska s'amufant à piller , poufloient fort né-
gligemment le fiége , alla les attaquer à l'improvifte fur le foir. II
mit une telle coniternarion dans l'armée , que l'intrépide Ziska en
fur lui même effrayé. Pour railurer (es Taborites , il leur envoya
Procope avec un régiment de troupes d'élite qu'il avoit toujours
auprès de lui pour la garde, & qu'il appeîloit fa cohorte fraternelle.
Comme on apprit au Général aveugle que la nuit empêchoit d'a-
gir , il fit brûler un village voifin pour éclairer l'armée. Mais
cette lumière ne fut pas moins favorable à l'armée ennemie. Les
armées étant venues aux mains à la faveur de cet incendie, lesTa-
bontés eurent d'abord du deflous j Procope lui-même fut bleue au
vifage 5 mais s'étant couvert de fon cafque pour empêcher que le
fang ne parût , il ne s'en battit qu'avec plus de courage , &: força
l'avant-garde de l'Evêque. Il s'y prenoitavec tant d'ardeur, que
Ziska lui-même fut obligé de la reprimer, craignant qu'il ne s'en-
gageât trop avant. Ain fi api es avoir donné bon ordre aux corps
ii4 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1413. de garde, il fit former la retraite, ôc couvrit fon armée avec des
chariots pour attendre le jour. L'Evêque de ion côté fe retira à
Olmutx^ pour recommencer le combat avec de nouvelles forces.
Mais ziska ayant appris qu'il venoit des troupes d'Autriche pour
fe joindre à l'Evêque , réfolut de s'en retourner en Bohême. Ce-
pendant pour fe venger en quelque forte de l'affront qu'il avoit
reçu devant Crem^ir 3 il alla fàccager en s'en retournant toutes les
(a) ctechor. terres de i'Evêque, brûlant & maiîacrant tout fans miféricorde (a),
p. 4P3.4pp. j)ès qu'il y fut arrivé , il marcha droit à Gradit^_ pour reprendre
cette place qui lui avoit été enlevée pendant fon abfence. Quel-
ques Seigneurs Catholiques l'ayant appris , lui drelTerent une em-
bufcade auprès de Jaromir 3 mais il fe défendit fi bien > qu'ils fu-
rent obligez de prendre la fuite. De forte qu'il arriva iGraditx^
après avoir brûlé &: pillé quelques places en paflant. Il avoic
envoyé devant lui un Capitaine nommé Badina en Bohême avec
une partie de fon armée. Ce Capitaine ayant attaqué une forte-
refle qui appartenoit au feigneur Jean de Maifon-neuve , en fut re-
pouiïé avec beaucoup de perte. Il ne fut pas plus heureux dans
un combat qu'il eut à foutenir contre les feigneurs de Maifon-
(a) Jean, &. neuve (b). Il leur fît pourtant acheter cher la victoire , & l'action
HemrL fut fî fanglante , qu'on appella l'étang auprès duquel elle fe pafîa,
d'un nom qui fignifie lieu de fang. , Comme Badina avoit com-
mis ces hoftilitez contre la confédération que ziska avoit faite
avec ces Seigneurs , ils lui en écrivirent pour lui en faire des re-
proches. Ziska en fit de féveres réprimandes au Capitaine , Se
lui défendit abfolument de rien entreprendre contre les feigneurs
de Rofemberg & de Maifon-neuve , avec qui ils avoient intérêt de
demeurer unis , parce que leurs biens étant dans le diftrid de Be-
thin , ils pouvoient ou couvrir ou incommoder Tabor.
Ravages, & XVI. Les commencemens de cette année fe paflerent comme
^£enBo-^es autres e& hoftilitez, Ziska attaquant plufieurs villes, les unes
hêmci avec plus , les autres avec moins de fuccès. Il fut repouffé devant
(;UcT*'^C *' Hoftinnàit) vMe appartenante aux feigneurs de Turgavv , & il
s'en vengea fur un monaftére voifin qui appartenoit aux Che-
valiers de Rhodes. Theobald raconte qu'y ayant eu trêve la veille
de Carême-prenant, les bourgeois de la ville régalèrent fî bien
lesTaborites, qu'il en creva une centaine. Ziska ayant pris la for-
tereiîe de Mla^ovvit^ fit mettre en pièces le Gouverneur qui
stoit Catholique $ il détruifit de fond en comble le monaftére
des
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. jri. nj
des Dominicains deTurnav (i). Après avoir roue fouragé aux 14.24.,
environs, il s'alla jetter dans le diftrid de Lithomeritz , que le
paflage de l'Elbe & la jonction de l'Egre rend agréable 6c abon-
dant en toutes chofes. Il y avoit dans cette province une petite
ville (a) appartenante à Nicolas de Hafenbcrg frère de l'Archevê- (a) ubocbav-
que , qui avoir été empoifonné à Presbourg allant demander du fe- ^f~-
cours à l'Empereur contre les Huifices. Comme Paverfîon pour le
Hufîitifme écoit héréditaire dans cette famille , ziska rafa la ville,
& en brûla le Seigneur avec quelques autres perfonnes démarque,
tant prêtres que féculiers. Quelques jours après il pafla dans le
diftricl: de Pilfin , baigné par les rivières de Mifc & de Watto 3 où.
il exerça les mêmes fureurs, fur tout contre les Catholiques. Il
détruiiït la ville de Przfsftitz^yauv avoir reçu des prêtres & des u|Jfu~ "'
moines , & y fit un grand mailacre (b). ^9.
XVII. Enfin les Gentilshommes du voifinage ne pouvant plus z;sk,t att*.
foutenir ces hoftilitez, 6c las de voir un (1 beau païs en proie à la quéparquel-
d," 1 1 - . » • • 1 r • • 1 r r, ques Sei-
un brigand 3 n epargnoient ni le laint ni le profane , 6c gneUrsdcB».
confondoient les conféderez avec les ennemis. Ils avoient à leur kême.
tête un Gentilhomme (2) qui paiîoit pour un héros en ce temps-
là, &: qui avoit fignalé fa valeur pa.' piufieurs faits militaires. S'é-
tant donc aflociez quelques Seigneurs , ils allèrent avec un corps
de troupes de Pilfen attaquer Ziska à Zuditz^, petite ville que Zis-
ka avoit reprife fur ceux de Prague -y mais ne fe trouvant pas allez
fort , il fe retira dans un autre endroit, où il fut aufîi pourïuivi. Il
n'y attendit pas fes ennemis, ayant gagné un endroit inacceflible.
De forte qu'il fe retira en toute fureté avec fon monde à Zatck ca-
pitale du diftricl de ce nom, où il trouva du renfort. Cependant
les Gentilshommes conjurez contre Ziska , ayant appris que ceux
de Klattaw lui avoient donné du fecours contre ceux de Prague,
pour ne pas avoir pris les armes en vain , allèrent fe jetter dans ce
diftricl: j & y firent de grands ravages. Ziska renforcé par les trou-
pes dont on vient de parler , 6c par celles de Launi 6c de Schlan en-
tre Launi 6c Prague , ne refpiroit plus que vengeance contre ceux
de Prague , parce qu'ils s'opiniâtroient à recevoir Coribut. Il s'a-
vança donc ]u{qu'2LKoJ?eletz^ fur l'Elbe (3), mais il s'en fallut peu
qu'il n'y fût furpris par ceux de Prague qui étoient allez Py affié-
ger. En ayant eu avis par le Seigneur de Confiât , il repaila prom-
(j) Dans le diftriAdeBoleflavv.
(2) Hannjfde Krnjfovj , autrement de Kollovvr*tt.
( 1 ) Dans le diftrid de Kaurfim. On y verra dans la fuite une Dicte.
Tow. I> ï f
n6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1424. ptement la rivière pour fe retirer à Colini fîx lieuësde Prague,'
ville confîdérable donc les Huffites écoienc les maîtres,
viûoirc de XVIU. Ceux de Prague ne fè rebutèrent pas. lis paflèrent PEi-
Z/.k.î iur j^g p0ur ]e pourfuivre j mais Ziska 3 que Sylvius appelle un autre
{ue. Annibalpar fes rufes de guerre, au lieu de faire volte face , cou-
roit à toute bride , comme s'il eût eu peur , afin de les attirer fur
les montagnes de Malefchaux 3 où il étoit afîuré de remporter la
vidoire , parce que l'endroit lui étoit connu. Quand ils furent ar-
rivez , il demanda à fes gens , Où fommes-nous l A Malefchaux fur
les montagnes 3 lui répondit-on. L'ennemi eft-il loin / Non 3 il nous
four fuit chaudement dans la vallée. Voici le temps 3 dit Ziska3 &: ayant
aufli- tôtdifpofé toutes chofes pour livrer bataille, il harangua
ainfî fes foldats , monté fur fon char. Mes très-chers frères &mes
braves compagnons , faififouvent éprouve votre valeur dans les plus
grands dangers , que je n ai pas befoin de vous animer par me s paroles.
Vous voyez^ que nous Comme s pourfuivis par des gens que nous avons
cojnblez^de bienfaits , & délivre \ deux fois des mains de Sigifmond.
A prefent3par un efprit de domination , ils font avides d'un fang que
j' ai prodigué pour leur liberté . Courage donc , c'efi aujourd'hui un jour
décifif, ou il faut vaincre ou mourir. Il parloit encore , lorfqu'averti
qu'on voyoit voltiger \qs drapeaux ennemis, il commanda de
donner. Auffi-tôt l'avant-garde fut attaquée avec tant de furie,
qu'elle fut d'abord renverfée. Avant qu'elle pût fe rallier 3 ce qui
n'étoit pas aifé dans cet endroit-là, il enveloppa lerefte de l'ar-
mée , en l'attaquant de front & en flanc, Anrès une vieoureufe ré-
hftance , ceux de Prague plièrent enfin^ & furent mis en fuite avec
perte de plusieurs milliers d'hommes , entre lefquels il y avoit un
grand nombre de Seigneurs de Bohême. Cette adion fe parla le 8
de Juin 1424 (1).
Z/'k* nui- XIX. Ziska enflé de cette vidoire s'en alla brûler la ville de
Ttr^tcT*- Cuttcmberg , que ceux de Prague avoient réparée depuis queSigif
elle. ' mond l'avoit fait réduire en cendres. De là ce Général fe tranf-
porta dans le diftrid de Clattaw ., où à fon ordinaire il remplie
tout de meurtres & de brigandages. Il fut bien reçu dans la ville
de ce nom , qui i'attendoit avec impatience , &: il y fîgnala fa pré-
fence parladeftrudion des monafteres , & des maifons de quel-
ques Seigneurs. Après avoir parcouru plufieurs villes , faifant le
même métier , il repafTa l'Elbe , & fe pofta près de Kofietz^ Ayant
(1) /EncasSylv. uhi fupr. cap.XLlX. p. tfp. yo.lbeeb. ubi fupr.p. 114. Cucbor. iibi fupr,
p. 501. Balb. Epit.p.455.
ET DU CONCILE DE BASEE. Ziv. JTJ. 217
fait courir le bruit qu'il n'avoit là que fort peu de monde , ceux xa.ia.
de Prague y accoururent pour l'y furprendre. Des qu'ils y furent
arrivez , il fîtrepafîer l'Elbe à Tes gens feignant une retraite préci-
pitée.Ceux de Prague les ayant auilï tôt pourfuivis } lesTaborites
rirent voite f .e,& taillèrent en pièces unepartie de l'armée de
Prague : le rc;ïe_,qui n'avoit pas encore paflé la rivière, prit la fuite.
Après avoir donné quelque reposa fes troupes , ziska s'alla cam-
per auprès d'un bourg près de Prague dans le deiîein de l'afliéger.
Tous les Hiftoriens conviennent qu'il l'auroitprife fans la difeor-
de qui fe mit dans fon armée ; il avoit des troupes aguerries , 6c
toujours accoutumées à vaincre } outre les troupes auxiliaires qu'il
tiroit de plufieurs villes 3 qui fuivoient la fortune du vainqueur.
D'autre côté Prague étoit affoiblie par plufieurs pertes conféeu-
tives. Ziska y avoit encore beaucoup de partifans. Il y avoit aufîi
beaucoup de défunion dans la ville entre le fénat & les citoyens.
Cependant malgré ces favorables difpofitions, plufieurs Seigneurs
d'entre lesTaborites de l'armée de Ziska murmuroient haute-
ment de fon entreprife contre la Métropole 6c la mère de la
patrie , dont la perte pouvoit être fuivie de celle de tout le Royau-
me. Ziska pour appaifer ce tumulte harangua l'armée en ces ter-
mes , monté fur un tonneau de bière , comme le repréfente Theo-
bald (a) : Pourquoi , mes chers compagnons , murmurez^vous con- 0) •**[*&
tremoi, qui vous défens tous les jours au péril de ma vie ? Ne Juis-je pas ^ *'
votre Chefbien-loin d'être votre ennemi? Vous ai- je jamais conduits nul-
le part, d'où vous ne foyez^fortis vainqueurs ? Qui efl-ce qui vous a fait
gagner la dernière vifloire que vous avez^ remportée / Vous êtes riches ,
vous avez^ acquis de la réputation fous ma conduite j & moi pour récom-
■penfe de tous me s travaux ,je n'ai remporté qu un vain nom. C'cflenvous
défendant que f ai perdu la vue , & que je ne puis plus agir que par
vos lumières. Cependant je ne m'en repens pas , pourvu que vous vou-
liez^ encore me féconder. Je ne veux point la perte de Prague , &je ne
penfe pas non plus que fes habitans foient fort avides du fang d'un vieux
chien aveugle comme moi. C'ejl de votre fang qu'ils font altérez^ Ils
redoutent vos mains invincibles 3 &vos cœurs intrépides. Marchons
donc à Prague , put f qu'il n'y a point de milieu , & qu'il faut quelle
ou vous péri/Jïez^ Eteignons une guerre civile , qui ne manqueroit pas
d 'attirer les étrangers fur nos bras. Nous aurons pris la ville , & chaf
fé les féditieux , avant que Sigifmond en ait avis. Il nous fera plus
aifé de le vaincre avec peu de gens bien unis , qu'avec une groffe ar-
mée divifee enfichons* Ce Pendant , afin que vous ne me relnochiczjien
Ffij
p
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118 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES.
îaia, confitltezçvous. Voulcz^vous la paix7. J'y confens. Jlfais prenex^bien
garde que ce ne foit une paix fourrée 5 voulez^vous Ulqucrre l M'y voi-
la tout prêt. A ces mots tout le monde reprenant courage , l'ar-
mée s'avança devant les murailles de Prague , pour l'attaquer vi-
goureufement. Ceux de Prague allarmez tinrent confeil avec Co-
ribut fur le parti qu'il y avoit à prendre dans cette extrémité. La
concluiion fut d'envoyer à Ziska Maltra Jean de Rocki^ane , prê-
tre Huilite ., homme fort éloquent, & en grand crédit (1) , pour
(a) M™™ lui demander la paix. La négotiation réuilît, 6c la paix futeon-
Syh. ubi fu- c\u^ le 1 3 . de Septembre. Le lendemain ziska entra dans la ville ,
p«.PCaien- ou ^ fat re(ju fort honorablement. En mémoire de cette paix,
r. Bohem. on éleva un grand monceau de pierre,dans le champ appelle VHb-
'c.ibfobM.P^ta^ où elle s'étoit faite , & on jura de fe fervir de ces pierres
ubi fupr. contre qui troubleroit la paix (a).
Succès û'ai- X X. Pendant que cqs choies fe pafîoienren Bohême , l'Archi-
ben d'Autri- juc VOL1lanc remettre la tranquillité en Autriche, alla mettre le
rav.c. liège devant Luntenbourg^ dou les Bohémiens railoient de fré-
quentes 6c dangereufes courfes en Moravie 6c en Autriche. Il avoic
dès le printemps , amené de Vienne deux machines de guerre
encore inconnues aux Moraves , avec lefquellesil battoit les mu-
railles fans difeontinuer. La garnifon reiiita vigoureufement pen-
dant 8. jours. Mais voyant de larges brèches aux murailles , ôc
n'efpérant du fecours de nulle part, elle fe rendit à condition de
fortir avec armes & bagages, & de fe retirer où elle voudroit.
Sa retraite fut d'abord à Cromlovv , 6c de là en Bohême. Après cet-
te conquête l'Archiduc alla attaquer Cromlovv , où commandoic
le Seigneur Hincko de Lippa , qui y avoir reçu une garnifon Huf-
fite que Ziska lui avoit envoyée. Ce Commandant fe voyant af-
iiegé s'exeufa auprès de l'Archiduc d'avoir reçu une garnifon Huf-
fîte, fur ce qu'il avoit été furpris par l'arrivée imprévue des en-
nemis, 6c qu'il n'auroit pu attendre du fecours de fa part, fans
hazarder la place 6c la vie de tout fon monde. Comme il protef-
toit qu'il n'avoit reçu cette garnifon qu'à condition de ne point
agir contre lui, il lui demandoit la permilhon de demeurer dans
la neutralité. Sur quoi l'Archiduc qui ne s'acçommodoit pas de
cette propofition , lui envoya Nicolas de Lobcowitz^ pour lui dé-
clarer qu'il falloit qu'il optât d'être ami, ou ennemi , 6c que s'il
ase renvoyok pas la garnifon Taborite, il ne trouvât pas mauvais
qu'il s'emparât de toutes fes terres } s'accommodant de ce qui fe-
( 1.) Il en fera amplement parle' dans la fuite*-
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JtJ. 119
roit àfabienféance ., 6c donnant le refte à d'autres. En effet, fans 1424.
attendre la réponfe , il marcha droit à Cromlovv 6c renvoya Lob-
cowitz^z Hincko pour le fommer de chafler inceffammenc la gar-
nifon Huffite , 6c de recevoir la Tienne. En même temps, comme
rArchiducn'ignoroit pas qu'il y avoit beaucoup deTaboritesau
voifinage, il fit publier qu'on ne feroit aucun dommage à ceux
qui fe rendroient au bout de trois mois -y mais qu'après ce terme ,
ils ne devroient s'attendre à aucun quartier.Cette déclaration en-
gagea plufieurs des Taborites à fe foumettre à l'Archiduc^ il n'y
eue de réfiftance que de ceux qui n'avoient rien à perdre , 6c qui
croient accoutumez à vivre de pillage. Cependant Hincko ayant
reçu un fauf-conduit pour paflérdans le camp, fe rendit à l'Ar-
chiduc, 6c lui prêta ferment de fidélité. Il fut continué dans le
commandement de la place , 6c la garnifon Taborite fut conduite
avec bonne efeorte , jufqu'aux confins de la Bohême. Plufieurs
autres villes compoférent fous les mêmes conditions.
XXI. Pendant que ces chofesfe paffoient dans lediftrid de d'owlTc-
Znoïma^ l'Evêque d'Olmutz^ fortifié de nouvelles troupes allaat- prcndqud-
taquer le Seigneur Boczkon de Konftat le jeune, qui ravageoit la (lucs placcSv
campagne dans le diocèfe de cet Evêque, 6c s'étoit même em-
paré de quelques-unes de fes villes. L'ayant joint , il lui livra le
combat. La victoire fut long- temps incertaine , 6c l'avantage égaJ.
Le lendemain de cette action Boczkon fe retirai Brumo , ayant
laiiîé garnifon dans le monaitere de Wiffowi tz^dont il étoit le fon-
dateur. L'Evêque de fon côté profitant de l'abfence de Boczkon v
alla faccager tout ce que le premier avoit conquis dans ta pro-
vince , menaçant de rafer le monaftere , dont on vient de parler ,.
s'il ne fe rendoit. A cette menace l'Abbé délibéra fur le parti qu'il
y avoit à prendre dans cette extrémité. D'un côté on craignoit
pour la ville, fi on ne rendoit pas le monaftere. De l'autre, en le
# rendant on avoit tout à craindre du refîentiment de Boczkon. On
prit donc le parti de prier l'Evêque de permettre qu'on députât
i Boczkon 3 pour négotierla reddition du monaftere. Boczkon no-
fe fentant pas en état de foutenir le fiége , 6c craignant d'ailleurs
d'être enveloppé parles troupes de l'Archiduc, envoya des dé-
putez à l'Evêque pour demander une trêve de deux jours, pen-
dant lefquels on régleroit les conditions du traité. Ces condi-
tions furent que Boczkon rendroit le château à l'Evêque de en fe-
roit fortir la garnifon , qu'il rendroit les prifonniers 6c tout le bu-
sin, qu'il. ne harceleroit plus la province, 6c qu'il nedonneroir
JFfij
z3o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
. ± aucun fecours aux Taborices. Plusieurs Seigneurs du même par-
ti firent en même temps leur paix avec PEvêque. Il ne reftoit plus
que quelques châteaux occupez parles Huilites, mais aiîez bri-
dez par les garnifons voifmes, pour ne donner aucune inquiétu-
de àTEvêque.
SigifmenA XXII. La Province ainfi pacifiée, l'Evêque d'Olmut^alh
veut traiter trouver Sigifmond à Prefbourg , dans la haute Ho ngrie , où il avoic
avecZ«fc». ^ mande plufieurs fois avec beaucoup d'inftance. Ce Prince
étoit de retour de Pologne, où il avoit été aux noces du Roi,
qui avoit époufé la P rincette Sophie fille à' André Grand Duc de
Mofcovie , &non pas Sophie veuve de Wençeflas , comme quel-
fa) cuebsr. ques-uns l'ont crû (a). Il avoit avec lui à Prefbourg quantité de
ubifupr. p. Grands Seigneurs, tant eccléfiaftiques que feculiers, entre au-
*°6' très le Roi de Dannemarck , Branda de Chktillon Légat du Pape ,
& Sigifmond Coribut , que le Roi de Pologne avoit rappelle de Bo-
hême depuis peu. Ilfutréfolu dans cette entrevue, que Coribut
ne retourneroit plus en Bohême, que le Roi de Pologne ne don-
neroit aucun fecours aux Bohémiens , qu'il fourniroit 5000. che-
vaux à Sigifmond contre les Chevaliers Teutoniques. Cependant
Coribut retourna en Bohême à l'infù. du Roi de Pologne, ce qui
nelaifïapas de donner de l'ombrage à Sigifmond, d'autant plus que
Wladijlas avoit fait revenir foudainement quelque cavalerie qu'il
avoit envoyée en Moravie pour foutenir Albert. Quoi qu'il en
foit , Sigifmond voyant les heureux fuccès de cet Archiduc en Mo-
ravie, penfa auiîi aux moyens de fe rétablir en. Bohême. Mais
commeziik y avoit tout pouvoir, ii réfolut de le gagner par
des promeilès magnifiques. Il lui envoya donc des ambafladeurs
pour lui offrir le Gouvernement du Royaume, avec les condi-
tions les plus honorables , Se les plus lucratives , s'il vouloit fe
ranger dansfon parti, & ramener les rebelles, Etrange ré duîl ion ,
dit là-deilus l'Hiftorien de Moravie , qu un Empereur d'une fi hau-
te réputation , en Italie , en Allemagne , en France , par toute l'Eu-
rope ^ fut contraint de s'abaijfer 3 pour recouvrer fon Royaume , de-
vant un (impie Gentilhomme , un aveugle , un profane , un facrilége ,
& un fcélerat ! On dit que Zuka ne fut pas infenfible à des offres
fi avantageufes. Mais fa mort arrêta ce projet d'ambition d'une
part , & d'humiliation de l'autre.
Mortdc Zisr XXIII. Comme il alloit en Moravie avec ceux de Prague Se
Jp, Coribut, foit pour recouvrer ce qu'il y avoit perdu , foie pour trai-
ter de plus près avec Sigifmond, il mourut de la peite qni çtoit dans
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JCI. 23*
Ton armée le 1 1. d'Octobre de cecce année (1) pendant l'attaque \aia
d'une place aux confins de la Bohême &; de la Moravie (si). Ainfi , , n \.r
*• ' rr < • 11 o • 1 1 1 va) ■"fVvtJ-
cet homme qui avoitattronte mille & mille dangers, avec autant law.
de bonheur que de courage , finit par une mort commune & po-
pulaire. Comme lapefte eft mife entre les fléaux de Dieu., quel-
ques-uns on dit qu'il mourut du doigt de Dieu (1). D'autres ont
trouvé que ce genre de mort étoit plus doux & plus tranquille
qu'il ne méritoit(3). Un Hiftorien fait mieux de s'en tenir aux
faits , fans hazarder des jugemens qui peuvent être téméraires.
Tous les Hiftoriens difentprefque unanimement,qu'en mourant il
ordonna à ks gens de faire un tambour de fa peau 3 les afïurant de
la victoire au bruit de ce tambour. D'autres ajoutent qu'il com-
manda d'expofer {on corps aux bêtes & aux oifeaux^aimant mieux
en être dévoré , que d'être rongé des vers (4). Mais Théo bald(b) (b) ubi fupr.
nefait pas difficulté de traiter de fable cette tradition. Peut-être p' "*•
pourroit-on mettre fimplement entre les bons mots de ziska cet
ordre de faire un tambour de fa peau, s'il eft vrai qu'il le donna ,
ôc qu'il voulut finir par cette raillerie infultante & cette efpéce de
rodomontade. Peut-être aufTi que fes gens pour intimider leurs
ennemis firent courir le bruit que cet ordre avoit été exécuté. Au
moins paroit-il qu'on le crut , par ces paroles à' Albert Krantsqus (0 Vandai.
(c). Ses amis , dit-il _, firent ce quil leur avoit ordonné , ^ /*// trouve- ' " ' p'
rent quil leur avoit promis.
XXI V". A l'égard de l'autre ordre.de jetter fon corps à la voirie, Honneurs
il eft certain que s'il fut donné 3 il ne fut pas exécuté. Onl'enfeve- kaaprèsf»
lit d'abord à Gr^//^dansl'Eglife des onze mille vierges. Enfuite mort-
fon corps fut transféré avec fa peau toute entière à Czaflavv , ville
confidérable de Bohême , où il fut enfeveli honorablement dans
l'Eglife Cathédrale. Cette Ville avoit été enlevée l'année précé-
dente à ceux de Prague par les Taborites. Comme elle avoit tou-
jours été fidelle au Huffitifme , (es habitans ne voulurent pas fouf-
frir que le corps dcziskafàt dépofé ailleurs. Theobald témoigne
qu'onylifoit encore de fon temps cette épitaphe $ Ci git Jean
Z 1 s k a , qui ne le céda à aucun Gênerai dans l'art militaire , rigou-
reux vangeur de l'orgueil & de l'avarice des Ecclèjiafliques , ardent
( 1 ) Quelques Auteurs , comme Cochlée n'ont mis fa mort qu'en 1427- mais c'eft une erreur
démentie par toute l'Hiftoire.
(2) Motiflrumdctfjlabîle , crudele , hnrrer.dam , importun ttm , qtiod poflijuam mtintts humant*
toiificere non val'iit , digxîus Dei exjlinxit. ^EneasSylv. ubi fupr. cap.XLVI. p. 72.
(3) Martisgcnere nimis plticido utpotc chjus immani* feelera ,parricidia ,^ fiurilcgia } atrociorn
fromer titrant. Mars Morav. ubi fupr. p. Joô".
(4J jEneasSyh. CrtmVL. llagcc. Dttiravv* Qmnhor.'Èalh'in.
i32 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.24.. défenfeur de fa patrie . Ce que fit en faveur delà République Romaine
Appius Claudius l'aveugle par fesconfeils (1^, & Marcus Furius
Camillus par fa valeur , je l'ai fait en faveur de ma patrie. Je n'ai
jamais manqué a la fortune , & elle ne m a jamais manque. Tout
aveugle quej'étois , j'ai toujours bien vu les occafions d'agir. J'ai vain-
cu onze fois en bataille rangée. J'ai pris en main la caufe des malheu-
reux & des indigens , contre des prêtres fenfuels & chargez^dc graiffe ,
& f ai éprouvé le fc cours de Dieu dans cette entreprife. Si leur haine
& leur envie n'en avoit empêché , j'aurois été mis au rang des plus il-
lujlres perfonnages . Cependant, malgré le Pape , mes os repofent dans ce
lieufacré. Il y a au bas de Pépitaphe, A Jean Zisk a Grégoire
fon oncle (1). Auprès de Pépitaphe de Ziska on avoic mis fa maf-
fuë. Balbin raconte au fujet de cette malïué" unehiftoire allez plai-
fante. C'eft que l'Empereur Ferdinand I, pafTant un jour à Cça-
flaw voulut en vifiter la Cathédrale $ & qu'y étant entré , il vit une
grande malluë de fer pendue près d'un tombeau. Comme ce tom-
beau lui paroiflbit être de quelque héros de Bohême , il demanda
qui c'étoit. Aucun des courtifans qui étoit avec lui n'ofoit le lui
dire. Mais il y eut quelqu'un plus hardi, qui lui dit, c'eft Ziska. Fi
Fi 3 dit l'Empereur , cette mauvaife bête toute morte quelle cfl depuis
cent ans fait encore peur aux vivans. Là-deflus il fortit de l'Eglife,
& fit atteler pour aller une lieue au-delà de Czaflaw , quoiqu'il eût
(a) Epit. p. réfolu d'y pafTer la nuit (a). On voyoit encore cette maffue en
* 4" 1 6 1 9 , lorfque Ferdinand II. remporta la victoire fur Frédéric V.
Electeur Palatin que les Bohémiens avoient élu Roi. Mais en s'en
retournant les Impériaux enlevèrent la mafï'ue , &; effacèrent
Pépitaphe (3 ). ziska étoit reprefenté en relief fur fa tombe ^ mais
cette effigie étoit fi ufée, qu'à peine pouvoit-on y lire au basées
( 1 ) Tout aveugle qu'il étoit il fe fit porter au Sénat pour empêcher les Romains de faire une
paix honteufenvec lyrrbus»
(z ) J/thanni Zisk* Gregorius avuneuhts P. P. Theobald. p. 1 1 J.
(3 ) On fit cette épitaphe fur cette maffuë.
Rafa Papijlarxmtimuit quem turba , Jâhannes
Conditus hoc eclebri marmore Ziska jacet.
llle tus vindex , lluffifancliffime , mortis ,
Hofles dum calicis perfequeretur , erat.
Fit via vi , rumpit aditus , minacbofque trucidât »
Quando virum Cbrifti pro grege Xjtlut agit.
Tejiis ertt pettdens , fparfoque infeita certhro
Clavctbac , qua Monachis terror *$ borrtr erat.
,, Jean Zisk* repofe fous ce célèbre marbre. Il fut la terreur des ton furet de Rome. Hus ! il
,, fut le vangeur de ta mort, en pourfuivant i outrance les ennemis du Calice, & mafiiacrant
», les moines. Cette maffuë toute jeinte de fon fang , en fera un témoin éternel.
paroles;
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. Jfl. 233
paroles ; L'an 1424. le Jeudi veillé de la Si. Gai mourut Jean Ziska
du Calice , Chef des Républiques qui fouffrent pour le nom de Dieu, il
repofc dans ce temple. Non loin du tombeau il y a un autel , où. Jean
Mus tk Ziska font représentez l'un auprès de l'autre. Sous Jean
Mus on lifoit ces vers.
Muffc , tuusvindexjacct hic Dux Ziska Johannes,
Supplex Sigifmundus cuiquoque Cxfar erat.
Et quoniam buflis clarent loca multa fcpulchrum
Ziska Czadzviifamaperenniserit.
3)Hus, tonvangenrgit ici : S/gjy^0«^lui-mêmeapliéfouslui.Ec
„ comme on voir en plufieurs lieux les buftes des héros , ainfi C^af-
„ law confervera éternellement la mémoire de Ziska. „ Et un neu
plus bas.
Jam venit è fuperis Mujff: quod fi forte redibit
7Àskzfuus vindex , impia Roma cave.
Mus efi revenu du Ciel : fiZiska fin vanneur en revient, Rome im-
pie , prens garde à toi.
Au-defTous de Ziska étoient écrits ces vers.
Strenuus in bellishoc dormit Ziska fepulchro ,
Ziska fuœ gentis gloria , Martis honos,
Jlle ducemfcelcrum } monachos , peftemque nefandam
u4d Stygias )uflo fulmine trufitaquas.
Surget adhuc rurfus , quadratœ cornua crifta
Suppliciiutpœnas 3 quas meruere , luant.
^Cigit Ziska vaillant en guerre, la gloire de fa patrie, l'hon-
?,neurdeMarsjila précipité dans leStyxavec fa foudre vange-
„ reiïe les moines , cette pelle criminelle. Il reviendra encore pour
„ punir de leurs crimes les bonnets quarrez.
Derrière l'autel il y avoit une longue & large pierre qui répré-
fentoit la table où Ziska communioicfous les deux efpéces , avec
ce di (tique,
Tom. I. G g
1424.
134 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
lAïA. Mcnfafuit Zi skx. lapis hic 3 dum corpore Chrifti
Vefcitur 3 & potum fanguinis ore bibit.
„ Cette pierre fut la table de ziska , lors qu'il prenoit le corps &
„ le fang du Seigneur.
Selon la manière de ce temps-là on marqua Tannée de fa mort
dans ce diftique, où les nombres font marquez par de grandes let-
tres.
PejiepereMptVs oblt, non atro VICtVsab hofle ,
ZlsCapotens beLLo 3 finis & aCereqVes ( i ).
Depuis ce temps-là un favant de Bohême, nommé Maître Mat-
thieu Colin > qui rleuriflbic fur la fin du XV. fîéclë, fit cette épica-
phe fur Ziska :
Defcnforcalicis Chrifii 3 fideique facratœ ,
Dira Monachorum peflis , acerba lues
Prœfulis Aufonii , Bojemœftrenuus orœ
Tutor , Germani terror at imperii ,
Bojemus cochles , cui dat T rocznovia fiemma ,
Summus in exiquo Dux cubât hoc tumulo.
„ Ci git le défenfeur du calice, &: de la vraye foi , le fléau des
„ moines, ëtduPréiat Romain 3 le vaillant défenfeur de la Bo-
33 hême , la terreur de l'Empire d'Allemagne, ce Général borgne
„ à qui Trocxpova ( i) donna nailîance, 6c dont il portoit les armes.
Hiftoirc XXV. C'eft ici le lieu de donner le portrait, lecara&ére, Ôc
abrogée & un abrégé delà vie de ziska (3). On vient de marquer le lieu de
ziska. fa naiffance. On ne fçait point fon nom de famille } ce qu'il y a de
certain, c'eft; qu'elle étoit noble , mais d'une fortune médiocre,
[i] Le traducteur de l'beobald , quia ajouté ce diftique à fon original allemand , y en joint
encore un autre de même nature qu'on a omis, parce qu'il contient la même shofe , & qu'on
s'efl fouvenu du mot jlultum ejl difficiles babere nitgas , c'eft une folie de s'occuper à des bagatelles
difficiles.
(z) Autrement Irautenawa. C'étoit une petite ville ou un gros bourg dans le diftricT; de
Kofiigsgratz.. Ce litu apparîenoit à des chanoines. Il leur enleva cette place en 1411. mais il
épargna le munafte'rc. Balb. Epitom. p. 424.
(î)On nefçauroit fedifpenfer de rafTembler ici des particularitez qui ont été nwrqucee
dans YHijloire du\ConciU de Confiance , & difperfées en divers endroits de celle-ci.
ET DU CONCILE DE BASLË. Liv. Jri. 235
ôc que Tes parens le mirent page à la cour de Charles JJ^. Balkn 1a1a
nous apprend qu'il avoit fervi avec éclat en Pologne, &; fur tout
qu'il s'étoit beaucoup fîgnalé dans la victoire que Ladiflas Jagel-
Ion remporta en 1410. fur les Chevaliers de l'Ordre Teutonique. (aj Bail. ubi.
(a) On ne dit point quel étoit Ton emploi dans cette armée , ni fuPr-
quel âge il avoit alors. Il étoit Chambellan dzWenceflas , lors du
fupplicedcJeœnHas. Regardant ce fupplice comme un affront
fait à la Bohême, il réfolut de l'en vanger par permiïîîon de fon
maître, fur tout fur les Prêtres & les Moines, qui en avoient été
les inftigateurs. On a prétendu qu'il avoit un autre grief contre
les écclefiafliques , parce que quelque prêtre ou quelque moine
avoit débauché fa fœur qui étoit Religieufe, vangeant, dit Balbin,
un facrilcge parmille autres facriléges (b). Cependant Thcobald té- (b)ubi(upr.
moigne que plufieurs doutent du fait [cj. La première raifon étoit U 1,,e9b;
en effet fuffifante pour animer ziska3 fans en chercher une autre. faCp.'a&
D'ailleurs il n'y eût pas eu d'équité à vanger fur tous les éccléiiafti-
que le crime d'un feul. Au lieu que le fupplice de Jean Hus fut le
crime de tout le clergé, de de deux Papes, dont l'un le follicita
ardemment, quoiqu'il n'eût pas le plaifir de repaître fa vue de* ce
cruel fpe&acle (i)% 6c dont l'autre l'approuva folemnellement (à). (J}AL*m»r.
Ce fut le crime de tout un Concile , &: en particulier des Eccle-
fiaftiques de Bohême qui venoient fondre fur Jean Hus à. Confian-
ce , comme des eiïains de guêpes ou de frelons. Quoiqu'il en foit,
on a vu que jamais vengeance ne fut ni plus complette, ni pouflée
avec plus de fureur.
Toute Phiftoire fait foi que Ziska fut entreprenant , vindicatif,
cruel, & qu'il porta la barbarie plus loin que les barbares eux-
mêmes. Mais ceux qui , félon leurs principes, onteuleplus d'in-
térefr. à en dire du mal , n'ont pu s'empêcher de reconnoitre en
lui plufieurs qualicez héroïques. Ils ont admiré fa valeur ôc fon
intrépidité, fa prudence & fa pénétration dans les ôccafions les
plus délicates , & dans les conjonctures & les fituations les plus
périlleufes, mais fur tout la rapidité de ks conquêtes , &Ia gran-
deur de fes exploits. Il faut écouter là-defîus Cocblce , l'Hiftorien
d'ailleurs le plus pafîîonné contre lui. „Sil'on confidére, dit-il,
„fes exploits , on peut non feulement l'égaler , mais même le
„ préférer aux plus grands capitaines. En eft - il aucun qui ait livre
„ plus de combats, & remporté plus de victoires, que lui , tout
aveugle qu'il étoit ? C'eft ce qui a fait dire à Baptifte Fulgo-
(i)'jeaH XXIU. Ce Pape fut mis à Confiance dans la même pr Sun que Jean Hus.
A 238 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
Religion de XXVI. Il eft allez mal aifé de juger de Tes vrais fentimens fur
ZMa. la Religion. Il femble bien que d'abord il futHuffïte, puisqu'il
prie les armes pour vanger la more de Jean Hus. Mais comme il fe
mie enfuice à la tête des Taborites, qui, autant qu'on en peut juger,
écoienc Vaudois ou Wicléfi fies, qui nioient^a préfence corporelle
de Jefus-Chriffc dans l'Euchariftie & la Tranfubflantiation , 6c qui
non conrens de la Communion fous les deux efpéces, rejeccoienc
toutes les cérémonies de l'Egiife Romaine 5 on pourroit juger
qu'il étoit de leur opinion. Ce qui pourtant ne s'accorde gueres
avec fa haine implacable pour les Picards , qui, félon l'opinion
commune , étoient Vaudois , à moins que par les Picards on n'en-
tende comme quelques-uns, les Adamites. Comme il ne paroît
point qu'il futhomme de lettres, on pourroit juger qu'il n'avoit
point de fyftême bien lié, & qu'il varioit fuivant les diverfes»fîtua-
ti ons où il fe trou voit. Ce qu'il y a de certain , c'eft qu'il tint conf-
tamment pour la Communion fous les deux efpéces. On a déjà
remaqué qu'il lignoit Ziska du Calice 3 6c qu'il avoit un calice
peint fur Ton bouclier. Balbin ajoute qu'il avoit fait bâtir dans le
diftri&de Zitomeritz^une for te rc fie qu'il appel loit Calich , ouC*z-
lice , pour tenir en bride ceux de Mifnie qui faifoient descourfes
dans cette province. Ceux de fon parti avoient peint des calices
par toute la Bohême , ce qui donna lieu à ce diflique , où. l'on dit
que la Bohême peiqnoit tant de calices , qu3 il fembloit quelle n eût point
d'autre divinité que Bacchtis.
Tôt pingit calices Bchemorum terraperurbes 3
r a } Dubrav ^ credas Bacchi numina fola coli (a) .
Lib. xxv'i. On peut conclure de-Jà que ziska étoit proprement Calixtin , ou ,
p. m. 074. comme on parloit alors , Subutraquific (1). C'eft ce qui paroît au flî
par le témoignage de l'auteur du Mars Moravique , dont je rap-
porterai ici les paroles. » Après avoir fait tant de maux , il fit en-
» fin un grand bien en fortant de la vie , puifqu'il auroit perdu la
» Bohçme s'il eût vécu plus long-temps. On doit pourtant le louer
» de ce qu'en 141 1 . (2) il extermina totalement les infâmes Ada-
» mites dans le ditt.ri£t de Bccbin. Tout fcelerat qu'il étoit, il ne
» put fupporter leurs crimes. Il brûla aufîî plufleurs Picards (3) j
» car il étoit encore en quelque manière attaché aux cérémonies
( 1) Qui tient pour la Communion fous les deux efpeccs.
(z) Baib. marque cebàTan 1418. Cette éxecution Ce fit à pluficurs fois & Cfl divers endfoite.
^3 ) Picards didinguez des Adamites.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JTI. 239
de l'Eglife. Ilvouloit, dit Bilejovius , que [es prêtres facrifiaf- 1a1a\
font félon l'ancienne coutume , qu'ils eujfent la couronne 3 & quils luf
fent dévotement devant lui la Mcjle félon les Mi/fils 3 quoique plu-
fieurs d'entre les Taborites, plus gâtez à l'égard de la religion ,J&
féduits par un certain Martin Loquis Morave , zélé Picard., def-
approuvafîent toutes ces chofes. Ils appelloient les prêtres de
Ziska Lingers ( Lintearios ) à caufe de leurs ïurplis de toile (1 ).
Loquis fut pris & brûlé par ordre de Ziska dans un tonneau de
poix. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, continue cet Hiflo-
rien, c'eft qu'on voit zC^aflaw près de la combe de Ziska un
autel doté pour dire la Meile pour fon ame. Le prêtre ( 2 ) à qui
le Doyen de la Cathédrale avoit conféré ce bénéfice 3 étoit Ca-
lixtin , &. fort ennemi des Picards (a). Ceci fert beaucoup à s'é- fa) M**
claircir fur la religion de Ziska, c'efl-à-dire , qu'il fe bornoit à ces àipr^ios!
quatre fameux articles qui furent agitez au Concile de Balle, la
communion fous les deux efpéces , la libre prédication de la paro-
le de Dieu 3 la défenfe aux prêtres de poflèder des biens féculiers ,
&: la punition publique des crimes , comme on l'a déjà dit.
XXVII. La mort de Ziska mit une grande condensation dans L'armée de
fon armée. On n'entendoit que lamentations & que murmures f^çt^I^'
contre la fortune 3 qui avoit condamné à la mort un homme im- verfes ban-
mortel (b). JEneas Sylvius fait une afléz bonne réflexion là-deflus. des- \
Les Taborites , dit-il , qui ont en horreur toutes les peintures, mi- syh. ubi fu-
rent fur la porte de la ville celle de Ziska , avec un Ange tenant un F caP-
calice , & célèbrent fa fête tous les ans.Après avoir rendu les hon-
neurs funèbres à Ziska 3 l'armée fe partagea en trois bandes 5 une
partie fe choifit Procope Rafe le Grande félon l'ordre qu'en avoic
donné Ziska , qui lui avoit commandé en mourant défaire périr
par le fer & par le feu tout ce qui s'oppoferoit à fa religion. L'autre
partie, qui prit le nom d'Orphelins , déclara qu'elle ne vouloir
point de General 3 parce qu'elle n'e»trouvoit point dans le mon-
de qui fût digne de fuccéder à Ziska. Elle fe choifit pourtant quel-
ques Chefs 3 & entr'autres Procope furnommé le Petit. Ces Orphe-
lins fe tenoient toujours dans leur camp, 6c retranchez avec leurs
chariots , fans aller dans les villes que dans un grand befoin, com-
me pour acheter des vivres. La troifiéme partie retint le nom d'<9-
rèbites , & prit pour Chefs Hincko ^Krufïna de Cumburg3 autrement
(1) Balbiii dit que les parti fans de Ziska appelloient les Prêtres Taborites des Cordonniers,
( Sutores Calccaru) parce qu'ils avoient toujours les mêmes fouliers à l'Eglife & hors de l'E-
glife. ubt (llpr. p, i.<$6.
(z) Bilegèwski jacerdes CotnjHiilifla , feu fub utraque cammunkctnùum.
m
boritce
240 HIST. DE LA GUEURE DES HUSSITES
1414. de Zittemburg. Ce parcage de l'armée n'empêcha pas qu'ils ne s'u-
niflent étroitement quand il s'agifloit de leur caufc commune. Us
appeiloient la Bohême la Terre de promiffïon , & les Allemands qui
étoient aux environs , ils les appeiloient , les uns les iduméens , les
autres les Moabites , les autres les Amalécites , 6c les autres les Phi-
liftins. Après avoir tout mis à feu & à fang dans la ville où Ziska
éroit mort , comme pour facrifier aux mânes de leur Général , les
armées fe joignirent pour aller en Moravie, où ils prirent quel-
ques forterefles, & de-là ils s'en retournèrent en Bohême. Enfuite
ils fe parragérent pour aller en divers endroits. Les Orphelins 6c
les Orebites tirèrent du côté de la Siléfie 6c de la Luface, brulanc
6c maflacrant par tout , mais fans remporter aucun avantage con-
sidérable.
Prwpe Rafe XXVIII. Procope Rafe à la tête des Taborites 6c de ceux de
fucccde à Prague , marcha vers la Bavière & Y Autriche par la Moravie.
^mmtndcJ Après avoir pris en paflant quelques places , il alla mettre le fié-
entdcsTa- ge devant HraditzJ^i) , place bien fortifiée dans cette dernière
province. Le premier jour de l'attaque, le Seigneur Bohuflaus de
Schwanberg fut tué d'un coup de flèche 5 ce qui les irrita tellement,
qu'ils ne voulurent faire aucun quartier à la ville 3 quoiqu'elle of-
frît de fe rendre. La ville fut réduite en cendres , les citoyens paf-
(«)Lc Com- fez au fil de i'épée,6c le Gouverneur (a) emmené à Prague , où le
%iJt Ha'" Seigneur Hincko de Waldflein le tint prifonnier jufqu'à l'a mort ar-
rivée deux ans après. C'elt ce qui fe pafla le 1 o. Décembre,
im.ptiondes XXIX. On met cà cette année une courfe des Huflices en Mif-
Huffites en nje avec ^_000# Zances (1) 3 pour fe vanger du Duc Fridcric qui les
avoit harcelez en diverfes occafions. Ils mirent d'abord le lîége
devant une ville <\\i Albert Krantz^ appelle Duxa, Le Duc y avoic
mis bonne garnifon , 6c avoit commandé fix mille hommes pour
obliger les ennemis à lever le fiége. La place , quoique vigoureu-
fement attaquée, fe défendit auiTi avec vigueur pendant long-
temps. Mais le Gouverneur prévoyant que bien-tôt il ne pour-
rait plus tenir, fit une fortie la nuit qui ne réuflit pas , parce que
les afîiégeans avoient dans la ville quelques partifans qui les aver-
tiflbient de tout. Ayant donc eu avis de l'abfence de la garnifon a
ils battirent la place avec tant de fureur, qu'elle fut emportée. On
y fit un carnage horrible , fans épargner ni âge ni fexe ; plufieurs
( x ) Balb^n l'appelle Retz.
(2) Selon le compte d'Albert Krantx,. C'étoit feize à vingt mille homipes, chaque Lance
Êyant quatre ou cinq Cavaliers. Vënd»l. Lib. XI. p. z$i*
des
ET DU CONCILE DE BASLE. Ztel Jfl. 141
des citoyens qui s'étoient retirez dans l'églife 3 y furent brûlez \a1a
avec l'églife. Sipfmond &. les autres Princes apprenant cette per-
ce , en rejetterent la faute fur le Pape & fur les autres Princes ec-
cléfiaftiques, à qui il appartenoit d'éteindre un incendie allumé
pardesEccléfiaftiques(i). A quoi leur fervent , difoient-ils , tant
de principauté^^ de provinces qu ils poffe dent ? Efi-ce four agrrandir
leurs neveux ? Tant d'impôts quon leur permet de lever , ne font-ils
deftintzjfuà vivre dans le luxe & dans la mole/fe, &â s'emraiffer ( i )/
L'armée de Bohême ayant fait cette expédition , fe retiroit avec
fon butin dans fi patrie , lorfqu'elle fut attaquée par un corps de ,
»- j ut T • -Mit r (a) Krantti,
troupes de Munie , qui en tuèrent environ trois mille hommes (a), ubi fupr.
XXX. En exécution du décret du Concile de Sienne contre les Lettre du Pa-
Hufîîtes , Martin V. écrivit à l'Empereur 3 aux Princes eccléilafti- Pc a rBmp©-
ques ôc féculiers d'Allemagne^ au Roi de Pologne de rafTembler SSJEà h
leurs troupes, pour tenter une nouvelle expédition en Bohême, guerre con-
Je donnerai le précis de la lettre de ce Pape à Sigifmond , parce trc ks Huf^
qu'elle appartient au principal fujet de cette Hiftoire, & qu'elle '
m'y ramené, r . Martin témoigne à Sigifmond qu'il avoit eu l'an-
née précédente une extrême joie d'apprendre que le roi de Polo-
gne, le duc de Lithuanie, leroideDannemarck, les ducs d'Au-
triche & de Mifnie, & Jes autres princes d'Allemagne avoienc
joint leurs forces aux fïennes , pour extirper les hérétiques de Bo-
hême , ou pour les convertir (3 ). 2. Mais il ne diiïïmule pas que fa
joie s'étoit convertie en une douleur très-amére, en apprenant
que tour ce beau projet s'en étoit allé en fumée j que le roi de
Pologne netoit point venu (4) } queleroideDannemarckavoit
retiré fon armée (5); que l'ardeur des princes d'Allemagne s'é-
toit ralentie 3 fans avoir égard zuxfaintes prédications qu1 'on leur
faifoit affiduëmenc , pour les animer à un fi pieux delîein. 3 . Il re-
préfente à Sigifmond, que c'eft une honte à toute la Chrétienté ,
& fur tout aux princes d'Allemagne , de ne pouvoir ou de ne vou-
loir pas extirper une héréfie née dans leur fein,&cela dans un
petit coin du monde. 4. Il fait voir à l'Empereur qu'il y va de fon
intérêt plus que de celui d'aucun autre Prince, non feulement
( 1 ) Il y avoit dans l'armée des Taborites beaucoup de prêtres qui les animoient.
(2) Albert Krantx. approuve fort cette réflexion. Kr.wti. ubi fupr. Mais Cocblée qui d'ailr
leurs.l'a copie n'a pas jugé à propos de l'inférer. Cocblée Lib. V. p. z i 3 .
(l) Pour l'extirpation , je le crois bien-, mais pour la converiion , toutes les armées du
monde, jointes enfemble, n'en fçauroient faire une feule.
(4) On a vu ailleurs que Sigifmond & Wladijlas s'étoient brouillez.
{$) n arriva alors de grands troubles en Danaemarc qui obligèrent Eric Roi de Danncmarç
à retirer fes troupes.
Tom. J. H h
HISTOIRE
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE.
LIVRE XII.
Affaires é-
trangéres.
Italie. Efpa-
gae.
igppgpj 'A m b i t i o n de Philippe Vifconti duc de Milan ;
^BpSjj inquiétoit toujours l'Italie, lien vouloir fur tout aux
Génois . dont il infeftoit les côtes. Il avoit même af-
fil
fiégé Gènes par terre 6c par mer, 6c cette ville au-
roit ete abimée,fi Thomas Fulgofe ion Doge n'eût imploré Tinter-
ceffion de Martin V. pour la fauver. Ce Pape y envoya Jaques de
i'J/le Cardinal de St. Eufiache pour traiter de la paix avec le Duc.
JulgofenG& fentant pas affez fort pour défendre plus long-temps
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JTII. 145
la ville Ôc craignant d'expofer la République déjà déchirée par
des fa&ions , prie le parti de fe recirer , porte à cela par les confeils
de Tes amis U du Légat. Il envoya donc des ambaffadeurs dans
le camp du Duc , 6c lui offrit de mettre la ville en fon pouvoir,,
fous les mêmes conditions que le Doge Antoine Aâorno l'avoit re-
mife au Roi de France en 1 3 9 0. Ce qui fut accepté (a). (a] Bxmw.
Le Pape ayant pacifié l'Italie , tourna fes foins d'un autre côté. J^iy/4"0
Ilavoit déjà travaillé les années précédentes à réunir les Grecs
avec l'E^lifé Latine , &à leur procurer du fecours contre les Turcs
qui avoient pénétré en Europe , £c qui avoient déjà même affiégé
Conftantinople. Il envoya donc en France le Patriarche deConf-
tancinople pour engager Henri V. Roi d'Angleterre à faire la
paix avec le Roi de France , afin de pouvoir tourner les armes
contre les Turcs. Comme les Vénitiens avoient une flotte équi-
pée fur la Mer Adriatique , il les pria de l'envoyer en Thrace{i) ,
pour faire lever le liège de Conftantinople , & ordonna en même
temps aux Chevaliers de Rhodes de fe joindre aux Vénitiens dans
le même delîein. Il écrivit auffi au Duc de Milan 3 alors maître
de Gènes , pour l'exhorter àrappeller tous les Génois quiétoient
dans l'armée Turque. Après avoir pris ces mefures , il en donna
avis à Emmanuel Empereur Grec , l'exhortant en même temps à fe
réunir à TEglife Latine. La bulle du Pape là-deffus eft écrite de
Rome fans da.ze.Raynaldus(b) la meta 1422. Il y a une autre bul- (b) Ann
le du même Pape contre les Chrétiens , tant Grecs que Latins , 54"-
qui s'étoient mis à la folde du Turc , qui avoient facilité fon en-
trée en Europe, & qui même s'étoient joints aux infidellespour
afïïéger Conftantinople. Cette bulle renouvelle celles de Nicolas
IV. & de quelques autres Papes contre les transfuges 3 & les dé.
ferteurs du Chriftianifme. L'Empereur Emmanuel mourut cette
année avant que le projet d'union pût s'exécuter. Il y avoit eu là-
delîus diverfes conférences entre Antoine M a (fan Frère Mineur ,
nonce apoftolique dans cette affaire, &: fon collègue qui n'eft pas
nommé d'une part, & l'Empereur Grccfic'jofefi Patriarche de
Conftantinople d'autre part. Elles furent renouvelléesavecj^»
fils & fucceflèur & Emmanuel, mais fans nul effet, parce que les.
Grecs ne vouloient point qu'on aflemblât un Concile ailleurs qu'à
Conftantinople.
Il y avoit toujours de la méfîntelligence entre Martin V.U le Roi
à'Arragon , parce que le premier favorifoit Louis d'An)ou fon
Ci) C'eft aujourd'hui la Remanie.
H h iij
nurn.
i48 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
» dre des Prédicateurs (i), de permettre de prêcher ainfî publi-
» quement contre les Juifs de l'un 6c de l'autre fexe 3 quelque part
» qu'ils foient dans les diocèfes , dans les villes , à la campagne 3 6c
» autres lieux : & cette défenfe regarde généralement tous les pré-
» dicateurSj tant Religieux que Séculiers, de quelque état , grade ,
«ordre, Religion (i) 3 & condition qu'ils foient. Notre intention
» étant que tout Chrétien ait de la douceur 6c de l'humanité pour
» les Juifs , 6c qu'on ne leur faffe aucune injuftice 3 ni aucune peine ,
» dans leurs perfonnes , dans leurs biens 6c dans leurs po/îeflions , &
>■> qu'il leur foit permis deconverfer avec les Chrétiens , d'en rece-
» voir du fecours , 6c de leur en donner. Et nous leur accordons par
» grâce fpéciale de joiiir de tous les privilèges , de toutes les gra-
•.ces, Ôcde toutes les libertez qui leur ont déjà été données par
»> quelque autorité , 6c dans quelque forme que ce foit , ou qu'on
» pourra leur donner à l'avenir , à condition pourtant qu'ils n'en-
|a) R^.ubi»treprendront rien contre la Religion Chrétienne (a). La bulle
fupr.n. \6. eftaddrefleeà tous les fidèles , Ôc datée de Rome du 20. Février
1422. Raynaldus rapporte que les Juifs ayant abufé de ces pri-
vilèges , ils leur furent ôtez par Eugène IV. fuccefîeur de Martin
V. C'efr, à peu près ce qui fepa (Ta en 1422.
Divers Con- y. L'année fuivante fera plus féconde en évenemens eccléflaf.
dos Prorm- tjques £n exécution de l'ordre du Concile de Confiance d'afTem-
ciaux en Ai- i -\ \ ■ i • r »
Umagnc. bler dans cinq ans un Concile a Pavie, Martin V. publia fes lettres
de convocation , & y envoya par avance quelques Prélats ( 3 ) pour
préparer les chofes. On trouve dans l'un des Continuateurs deBa-
(b) Rqn. ronius (b) les lettres qu'il écrivit aux archevêques de Trêves Se de
an». 142 3. Mayence pour les y inviter. Ces Prélats aflemblerent des Conciles
Provinciaux , pour prendre des mefures fur ce qu'il y avoit à faire
au Concile général , & pour faire quelques réglemens fur la difei-
pline eccléiïaftique. Serrarius fait mention du Concile de Mayen-
ce de cette année 3 mais je n'en ai point vu les actes , non plus que
[c] Rer. Mo- ceux du Concile deTréves (c). On a les ades de celui de Cologne.
gitnuUbu 1. j»y trouve une particularité qui appartient à mon fujet. C'eft que
£04. & Libr. Thierri archevêque de Cologne inftitua une fête de la Comfa$hn
v- P- 73*- de lafainte Vierge 3 pour la vanger des outrages que lui faifoient les
Huflites en brûlant 6c déchirant [es images , 6c afin d'implorer fou
(1) Ce font les Dominicains à qui appartcnoi't Vlnqui/îtitn.
(2) Ici Religion lignifie un Ordre Monafliqtte.
(?) C'ctoit l'archevêque de Çretc , l'évcque de Spolette , l'abbe de Rofat dans le diocéfc d'A-
quilée Benedidtin , Léonard Dato General des Dominicains, & Cardinal delà crc'ation de
Mtrùn V. £ggs. furp. Docl. Lib. }H. p. ioj .
jnterceiïioo
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv.XlI. 149
interceflion pour la converfîon de ces Hérétiques (a). En ce même (a) Labb.Cj».
temps la Sorbonne envoya des députez à Martin V. pour le follici- "'• T' xn-
ter à la convocation du Concile de Pavie. CePapeafïura les Do- p'
deurs de Paris par une lettre très-gracieufe, qu'il étoit réfolu
d'aile mbler cette année un Concile gênerai , ou à Pavie , fuivant
l'ordre du Concile de Confiance, ou ailleurs , s'il y avoit quelque
obftacle à l'aflembier dans ce lieu là.
VI. La pelle étant fjrvenuëà/^i//>,il fallut penfer à un autre Concile de
lieu. Le duc de Milan fit offrir , pour le convoquer _, toutes les vil- Sicnac-
les de fon Etat , excepté Brefce & Milan. L'affaire ayant été mife
en délibération , &c même agitée avec beaucoup de contention
entre le peu de députez qu'il y avoit alors des nations , il fut réfo-
lu de laifler le choix du lieu a . .mmifIairesduPape,quichoifï-
rent la ville de Sienne dans la ToJ 'ca ne. Ce choix ayant été agréé
par le Pape , on alloit commencer le Concile , lorfque le,s Floren-
tins enviant aux Siennois la gloire de l'avoir chez eux, députèrent
au Pape, pour lui repréfenter que la pefle étoit aufîi à Sienne ,
qu'on y manquoit de toutes chofes , & que la ville étoit trop petice
pour tenir tant de monde. Mais les Siennois ayant difîipé ces om-
brages, Martin ordonna de commencer les féances, & promit de
fe rendre à Sienne au mois de Septembre. L'ouverture s'en fit donc
le 1 2 Août dans la Cathédrale de Sienne. Les premiers jours s'é-
tant paflTez en prières publiques, on fît les jours fuivans quelques
réglemens. Le premier concernoit la condamnation des Huf]îtesy
des Wiclefites , & de leurs fe&ateurs. Le fécond confirmoit la con-
damnation de Pierre de Lune & de (es fauteurs, & de ceux quipré-
tendroient lui fucceder dans le pontificat. Le troifîéme regardoit
la réunion des Grecs avec l'Eglife Latine. Une des principales vues
de ce Concile , à ce qu'on publioit , étoit la réformation de l'Egli-
fe. Mais Martin V. prenant pour prétexte la defunion qui s'étoit
glifîée dans le Concile , jugea plus à propos de renvoyer cette im-
portante affaire au Siège apoffolique, & nomma pour cet effet
trois Cardinaux (1 ) , comme cela paroît par fa bulle datée du 1 2.
Mars 1424.
VII. Il y avoit déjà plufîeurs mois que le Concile étoit affem- lc condic
blé, fans qu'on eût pu faire d'autres réglemens que ceux qu'on fcféparc.
vient de marquer à caufes des grande brouilleries qui y furvin,
rent. Les uns alléguoient la crainte de la contagion , les autres
f_ij Antoine CardinaîEvêque de Porto , Pierre Cardinal prêtre du titre de St. Etiettftt , Ai'
fbonje de St. Euftacbe Cardinal diacre. Labb. Cgncïl» Tara. XII. ubi fupr.
Tom. I. I i
150 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
l'abfence du Pape, 6c l'incertitude où on étoit qu'il y vînt. Les
autres difoienc que la guerre (i) allumée aux environs, troubloic
latranquilité & la liberté du Concile. D'autres eftimoient qu'il
n'y avoir pas encore allez de Prélats & d'Ambafïadeurs de diver-
fes nations, par rapport à l'importance des affaires. Toutes ces
conteftations firent que la plupart des membres du Concile le re-
tirèrent les uns après les autres. De forte que malgré les inftances
de l'archevêque de Cologne 6c des députez de Sienne , qui allè-
rent conjurer Martin devenir au Concile , il aima mieux fouffrir
qu'il fe féparât, que d'expofer fon autorité en y allant. Il avoir en
effet deux grandes raifons de ne pas fe trouver à cette alïemblee.
La première, c'eft qu'on y avoit mis en délibération d'exécuter
le décret du Concile de Confiance, fur la fuperiorité d'un Con-
cile œcuménique par-deflus le Pape. La féconde, c'eft qu'Alpbon-
fe roi d'Arragon , irrité de ce que Martin avoit adjugé le royaume
de Naples auquel il prétendoit, comme on l'a vil, i Louis d'An-
jou , foutenoit ouvertement Pierre de Lune au Concile par ks Am-
bailadeurs. Par toutes ces raifons Martin V. envoya Dominique de
Capranica fon fecretaire (2) pour porter la bulle qui congédioic le
Concile , de en même temps indire un autre Concile œcuménique
dans fept ans. Cependant comme les Siennois trouvoient leur
compte à la continuation du Concile , ils follicitoient fortement ,
6c même avec violence, les Commiflaires du Pape à ne le point
(a) -Rapt, difToudre. Ce qui leur attira une forte réprimande du Pape (a).
n.'n.14*3' -De f°rte °lue Ie Concile fe fépara le 2 6 Février 1414.
Sermons VIII. S'il ne le fit pas beaucoup d'affaires au Concile de Sien-
Conc-Pd"11 ne » ^ sy ^c au m°insplufieurs fermons fur la néceflité de la réfor-
Siennc. Pre- mation de l'Eglife. Il s'en eft trouvé un bon-nombre parmi les pre-
mier Ser. deux manuferits du Concile de Bafle. Je donnerai l'extrait de
deux feulement, parce que cela peut fervir à connoître les cho-
fçs 6c le caractère des gens. Le premier avoit pour texte ces paro-
(b) Chip ]es de fajnc luc (jyv . ji y aura £es fanes ^an5 ie r0ieii\ Après un
XXI. verf. , ., ini'i- P r -'i
^. préambule modeire du prédicateur fur Ion incapacité devant une
il redoutable afîemblée , il déclara d'abord que le Concile de Sien-
ne a été afîemblé pour luppléer à ce que le Concile de Confiance
n'avoir pas achevé par rapport à la réformation. // s'agit donc ,
dit- il , de la réformation de l'Eglife univerfelle 3&de la notre propre 3
( 1 ) Voyez l'hift. de cette guerredans I'hift. Florentine de Pogge fur l'an 1 42 \ .
(2) Le Pape Àuim» V. l'a y oit fait Cardinal/» pttt. Voyez la vie de ce Cardinal dans le
JPe^rgiaua. Part. I p. 6$. 6Z.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. XII. 251
farce que nous Comme s devenus en fpeclacle au monde , aux Anges ,
& aux hommes. Enfuite encrant en matière _, il établit trois fortes
defoleils. Un foleil créé, qui eft le foleil proprement ainfi nom-
mé , fur lequel il ne s'arrête pas : un foleil incréé , qui eft J. C. fur
lequel il débite des fpéculations fort creufes & quelquefois bien ri-
ilbles 3 comme on le peut voir au bas de la page ( 1 ). Enfin le 3 e fo-
leil , c'eftle foleil élu 3 par lequel il entend l'Eglife militante. Les
lignes de ce foleil font autant de taches. Et comme il vaut mieux \
dit- il ,fouffrirpour la vérité 3 que d'obtenir un bénéfice par l'adulation,
je découvrirai , autant que le temps me le permettra , toutes les taches de
ce foleil. En effet , tout fon difeours eft une invedive contre les Ec
clefiaftiques , depuis le plus grand jufqu'au plus petit. Mais quel-
quefois fa cenfure eft plus propre à faire rire , qu'à mortifier &c
à corriger. Ils ont décliné 3 dit-il , de lajuftice dans tous les cas de la
déclinaifon. Dans le nominatif , de la chafteté ; dans le génitif , par la
luxure <& par les pechez^de la chair ; dans le datif, par la malignité ;
dans l'aceufatif, par l'envie & la mordacité i dans l'ablatif, par la
fïmonie & par la luxure. Il attribué la ruine de l'Eglife à ces excès
des Eccléfiaftiques. Cejl , dit -il , la pompe & le luxe des Prélats, qui
excitent la jaloujie des laïques contre eux , qui les portent à enlever les
biens de l'Eglife , & qui multiplient les fchifnes & les hérefîes. Car >
continuë-t il 3 cette pe/le reffemble a. ce démon fourd & muet, qui ne
pouvait être chaffé que par le jeune & par l'oraifon. C'eft pourquoi
il exhorte pathétiquement à célébrer des jeûnes &c des procef-
fîons, non feulement en Italie, mais dans tous les païs Catholi-
ques, pour attirer la bénédiction de Dieu fur les bonnes inten-
tions du Concile pour la réformation de l'Eglife. Puis revenant
à fa comparaifon du foleil 3 il dit que celui de l'Eglife militante
avoit fou ffer tu ne grande éclipfe pendant un long fcliifme3 mais
qu'il avoit reparu au Concile de Confiance , par la dépofition de
Jean JfJflII. & l'ile&ion d'un Pape légitime, & qu'il falloir,
qu'il fe montrât avec un éclat tout nouveau , par la réformation
des mœurs. Pour en exprimer la nécefïité, il fait ce tableau des
Eccléfiaftiques. On voit 3 dit-il, à prefent des Prêtres ufuriers 3Ca-
baretiers 3 Marchands , Châtelains 3 ou Gouverneurs de châteaux, No-
(i)Outt quittent incarnat ijne omniutn a*tium liber alium cenfuras , £> omnium entium naturau
toutavh ; nam contra cenfuram artis Grammatict fecit eo quoi verbum illud per quoi JaEla funt
amnia , ^jine quo failum eft nibil fupponitur , *$ regitur cum tamenjù Subflantivum , occultatur3
î£tegitur cumjit lniicativtm , Çubpinptur , tfvincitur, cumjit Imper athum , vilificatur ,$ à
Juiœis fpertiitur , cumtam°njitOptativum, iilatatur , $ in cruce extenditur cumjit conjutifii*
vu m , termineur, î$ ittfepuhbrg clauiitur, cum tamenjù infinitivum.
Ji ij
*5* HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
taires , Oeconomes ( i ) , joueurs de dez^, maquereaux ( lenones ). Enuii
mot pour exercer toutes fortes de métiers , il ne leur manque que celui
de bourreau (2). Ce qu'il ajoute eft confiderable. » C'eft là la caufe
*> de la deftru&ion de toute l'Eglife 6c de tout le Clergé, parce que
» tel qu'eft le prêtre , tel eft le peuple. On voit des Officiers laïques
«exercer des concufîions fur des prêtres. On traîne des prêtres
«en prifon pour dettes, quelques-uns pour crimes font dépouil-
liez toutnuds, & traînez dans les rues les mains liées derrière
»le dos. Dans cet état on les fouette avec des balais, pendant
» qu'un valet de ville crie tout haut : Ce prêtre a été condamné a»
» fouet pour un tel crime». Ceci iuffit pour donner une idée du pre-
mier ferm on.
SecondSer- IX. Il paroît par le fécond fermon, que le Concile commen-
raon' çoit déjà à s'écouler quand il fut prononcé , & qu'on defefperoit
delà venue de Martin. Il femble même par le foin que prend le
prédicateur d'établir l'autorité légitime de ce Pape, qu'elle fût
ébranlée par les adverfaires fecrecs que lui fufcitoitle Ri d'Ar-
ragon. Cet orateur n'épargne pas plus ies Ecclefîaftiques que l'au-
tre, & fur tout les Prélats. 11 ies traite nettement d'Epicuriens,
& il difoit même qu'ils enchériiîoicnr furEpicure (•$}. Combien y a-
t-il aujourd'hui d'Eve que s & de Prélats voluptueux , dit -il , qui
l'e?nportent fur Epicure. Car au lieu que celui-ci ri * avait , félon faint
Jérôme , que des pommes & des herbes fur fa table , ils ont fur la.
leur du gibier , des lièvres , des grives , des poulardes , des chapons ,
1y* tout cela efi arrofé de bon vin (4) fervi dans des vafes d'or & d'ar-
gent , enrichis de nacre de perles. Quand chacun en a bu quatre 0%
cinq gobelets , on fe met d difputerfur l'autorité du Pape & du Concile.
Chaque argument ejl fuïvi d'une rafade de vin , & plus on a bu , mieux
• en difpute , félon ce proverbe : Dum bibo vinum, loquitur me a
; lingua Zativ.um. Le prédicateur raconte à cette occafion une fort
plaifante vifion defainte Brigitte. Un jour , dit-il , que cette Sainte
étoit en prière dans l'Eglife de faint Pierre a Rome , elle vit cette
Eglife toute pleine de porcs , dont chacun avoitune mitre fur la tête.
Alors elle demanda a. Dieu qui êtoient ces cochons mitrez^ Ce font ,
répondit Dieu , les Eveques , les Prélats , $• les Abbez^ d'aujour-
d'hui. Sainte Catherine de Sienne eft autîi introduite faifant les
(1) Menfarum Trocur Mores.
(1] Ilauroit mieux fait de dire que des prêtres d'un tel caradere font les bourreaux des âmes.
(5 ; Il donne une ctymologie ridicule au mot Epiaire, le faifant venir du mot grec iiri qui ù-
gnifie M-deffttsi& x°^P°i qu> fignifie/wrc, parce qu Epicure l'emportoit fur les porcs en volupté»
(4) hiter h<tc vim )nifmitur vwis , concha argenu A vino ^hnxfmcedunt fapbis deauratis*
ET DU CONCILE DE BASLE. Zlv. Jtril. 253
mêmes plaintes. Cette Sainte , dit l'orateur, entendit un jour notre
Seigneur Jefus-Chri/ï lui parlant en ces termes. Mêlas! ma très- chère
fille , que dirai- je des -prêtres dLaujourXhui \ Ces biens d' Eglife que f ai
acquis avec tant de douleur fur la Croix , ils les employentà entretenir
des femmes publiques & leurs bâtards. Enfuite le Prédicateur faic
une énumération de tous les Ordres Eccléfiaftiques, tant Régu-
liers que Séculiers , depuis le plus petit jufqu'au plus grand , fans
épargner même le Pape, qu'il appelle Apojlolicus > ôc il trouve
que parmi tout cela , il n'y en pas un qui fafle bien.
Après s'être beaucoup étendu fur l'orgueil &: l'ambition des
Eccléfiaftiques, qui briguent les dignitez de l'Eglife par vanité,
au lieu de s'en défendre modeftement, il répond à une objection
tirée de ce que St. Paul dit , que , qui dèfire d'être Evèque , dèfire
une bonne œuvre. Oui, dit-il, mais St. Paul n'a pas dit, que, qui
dèfire d'être Evèque dèfire d'amples poffejjions , de beaux chevaux , des
mulets bien gras , de belles robes à longues queues 3 comme celles des
femmes , qui balayeroient le pavé fi de beaux jeunes hommes bien,
frifez^ne portaient la queue des Prélats , qui alors volent plutôt qu'ilsr
ne marchent fur la terre. Il préfère avec raifon les Saintes Ecri-
tures , &c les ouvrages des Sts. Do&eurs à ceux de tous les Philo-
fophes du Paganifme, & il attribue même à la ledure de ces
derniers la nailîance de la plupart des héréfics.» J'en parle , dit-
» il , par expérience ; il y auroit beaucoup moins d'héréfîes il
«l'on n'avoit pas porté la philofophic profane dans les écoles 6c
» dans les Eglifes. Voyez ce puiilant Royaume de Bohême & de
«Moravie , il ne feroit jamais tombé dans l'héréfie 11 on n'y
» avoit pas porté les livres de Plato n Ôc & Ariflote ( 1 ). Il y a , conti-
» nuu-t-il j plusieurs héréfîes fecrettes , fur tout en Italie T qui font
» forties de cette fource , comme les Défîmes ( 2 ) ( Deffcini ) qui at-
tribuent tout à la néceflîté -y les Généalogues (3), qui donnent
»le gouvernement du monde aux aftres j les Fataux (Fatales )
» qui attribuent tout au De/lin , ôc à la Fortune -, les Fratricelles ,
» dits de l'opinion 3 qui nient qu'il y ait un vrai Pape , les Simonia-
»ques qui vendent & achètent les bénéfices &lesfacremens.» Il
s'étend beaucoup fur cette forte d'hérélielaplus générale & la
plus publique. Il ne fait pas même difficulté de regarder le maf-
iàcre de tant de prêtres en Bohême comme la punition de ce cri»
(1) Il veut apparemmentparler des Livres de Wickf, e'erits félon la méthode d'Ariflâtt*
(z) 11 veut apparemment dire les FreJejlithïteurs.
(j ) Peut-être les J^rologues,
îi iij
254 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
me. Depuis trois ans , dit-il ,, les Hufjîtes ont fait périr en Bohème
plus de i 5000. Prêtres , ou Religieux par divers tourmens. Les uns
ont été embrochez, comme des poulies } & grillez^ fur des charbons : on
a fait avaler aux autres du plomb fondu. Quelques-uns ont été tirez^
à quatre chevaux , d 'autres ont été lapidez^, & d'autres noyez^ On
peut remarquer ici en paflànt que ce prédicateur ne mec pas au
rang des martyrs , ces Eccléfîaftiques mafîacrez en Bohême >
comme ont fait jEneas Sylvius , Cochlée ^Balbin, &c. puifqu'iien
fait des victimes de la Juftice divine contre la fimonie.
Mort de X. Les Hiftoriens Efpagnols (a) mettent à l'an 1413. la more
Tient de Lu- jg picrre fa £une j 0u 'Benoit JCI 1 1 . quoique plufieurs (i) laren-
"(i) Surita, voyent à l'an 1424. le jour de la Pentecôte, comme on a fait
Mwiatia. dans l'hiftoire du Concile de Confiance, en fuivant ces derniers.
(b)R*y«. Mais comme l'a fort bien remarqué l'un des Continuateurs^
'viiux* ^e ^aronius ) il fauc cîue cette mort foit arrivée en 1423. 6c pen-
dant le Concile de Sienne. C'efr, ce qui paroît manireftementpar
une Lettre que Martin écrivit au Roi d'Arragon fur cette mort
en ces termes. «Nous avons appris la mortde/Vm^^Z^^par
«diverfes lettres , 6c par plufieurs couriers. Quoiqu'il eût vécu
» dans la défobeïilance , il ne laifloit pas de caufèr encore du trou-
ble 6c du fcandale dans l'Eglifè, à caufè de je ne fçai quelle
» ombre de dignité qu'on vouloit lui conferver. Mais comme
«tout cela doit avoir ceffé par fa mort, nous prions votre Excel.
»' lence avec une tendreffe paternelle de mettre la dernière main à
» l'ouvrage de l'union que vous 6c votre père avez fi heureufemenc
»> commencée, en employant votre autorité Royale à détruire
«cette idole forgée en dérilion du Chriftianifme , 6c à éteindre
„ toutes les (emences ^ 6c tous les reftes du fchifme Au refte ,
„ comme pour de bonnes raifons nous avons tranferé le Concile
„ de Pavic à Sienne, de l'approbation du Concile même, nous
3, prions votre Excellence de faire enforte que les Prélats de
j, votre Royaume y viennent , pour travailler avec les autres à la
»réformation de l'Etat Eccléfiaftique, & à la confervation des
je] Rapt. » libertez de l'Eglifè (c). La Lettre n'eft point datée. Mais puif-
ybjfupr. que le Concile de Sienne fe fépara au mois de Février de 1424.
il eft bien clair que Martin ne pût écrire à Alphonfe^nhs la Pen-
tecôte de cette même année pour l'inviter à ce Concile , puifqu'ii
y avoit près de trois mois qu'il étoit difïous. Il faut même que 1$
lettre du Pape à Alphonfe ait été écrite dès le commencement
(1) Btovius , & prefquctous les Hiftoriens.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. XII. 155
du Concile, c'eft-à-direen i42 3.puifqu'en 1424. dès le mois de
Janvier on penfoit à diffoudre le Concile, à caufe des traverfes
qu* Alphonfe y fufcitoit , comme Martin lui même s'en plaint amè-
rement à ce Prince.
Quelques Hiftoriens rapportent que Pierre de Lune fut empoi-
fonné dans des confitures qu'il aimoit beaucoup , par un certain
moine nommé Thomas , gagne par Alamanâ Adimar Cardinal de
Pife, que Martin avoir envoyé en Efpagne pour réduire cet Anti-
Pape. On ajoute même que l'empoifonneur confefîa fon cri-
me , & fut écartelé , & que le Cardinal qui étoit à Tortofc fe fau-
va promptement en Italie pour éviter la colère de Rodrigue èc
d'A/vare de Lune qui vouloient vanger la mort de leur parent
(a). D'autres Auteurs fe font infcritsenfaux contre ces faits, di- [a]M«r;*«,
fant que l'âge de quatre-vingts-dix ans qu'avoit Pierre de Lune
quand il mourut étoit un allez bon poifon pour l'emporter. Qu'il
ait étéempoifonné,ounon, c'eftune controverfede fait queie
laifleaux Hiftoriens. Mais pour le Cardinal de Pife , il femble
qu'on peut fort bien juftifier fon innocence, car s'il mourut en
1422. comme on en convient unanimement , il eft impoiîible qu'il (b) B™v-
ait fait empoifonner Pierre de Lune en 1424. iTxx424'
X I. Quoi qu'il en foit , Alphonfe n'eut aucun égard aux prières c/«»«"
de Martin V. Pierre de Lune n'eut pas plutôt ks yeux fermez VJ^ihcct
qu'il fit élire Pape un certain Gilles Munox , Chanoine de Barce- de à Semît
lone, qui n'accepta cette dignité qu'aux inftantes follicitations XllL
du Roi d'Arragon. Ce prétendu Pape fut couronné à Panifcola y
où il fit toutes les fondions de Pape,ious le nom de Clément F J II.
Cependant ceux de Valence indignez d'une élection qui alloic
continuer le fchifme , réfolurent d'aflîéger Clément VIII. dans
fa forterefïe de Panifcola. C'eft ce qui paroît par la lettre que
Martin V. leur écrivit pour leur applaudir, & pour les encoura-
ger à cette entreprife. Mais Alphonfe ks empêcha d'en venir à
bout , &: foutint fon Pape jufqu'à ce qu'il fe fut reconcilié avec
Martin , comme on le verra dans la fuite.
X 1 1. On a donné dans l'Hiftoire des Conciles de Pife & de Hiftoh-e
Confiance le caractère de Pierre de Lune, & l'hiftoire abrégée de abrcgé dc
ies négociations étant Cardinal , & de toute fa conduite pendant JT'.- L"'
Ion Pontificat qui dura environ 30. ans. Mais il ajoueunaflez
grand rôle dans le monde , pour entrer dans un plusgrand détail
iur fa perfonne , avant qu'il fût Cardinal & Pape. Pierre de Lune
ctoit Arragonois , iilii de l'illuftre maifon de Lune. Son père eroïc
256 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
un Grand d'Efpagne, nommé Jean ] Martine z^de Lune. On donne
de grands éloges à fa mère nommée Marie Pere-z^ de Gothor , non
feulement par rapport à la nobleflé de fon fang , mais auili par
rapport à fa beauté ôc à fa vertu. Pierre de Lune eut pour parain
Pierre Roi d1 .Arragon , qui lui donna fon nom. Il fie bien-tot de
grands progrès dans lesfeiences, fur tout dans la jurifprudence.
Son premier grade eccléfiaftique fut celui de Chanoine de la
Cathédrale de Cuenca en Cafliile. Il fut enfuite Archidiacre de
Saragoffe Capitale du Royaume d'Arragon, puis Prévôt de l'Egli-
fe de Valence Capitale du Royaume de ce nom. Après s'être ac-
quité de ces dignitez avec un applaudiflement général , par rap-
port à la feience , & aux mœurs 3 il fut recommandé par les Rois
&c les Grands d'Efpagne à Grégoire JiTI. qui en i 3 7 5 . le créa Car-
dinal Diacre du titre de Ste. Marie in Cojmedin. On dit que ce
Pape en lui conférant cette dignité lui parla en ces termes : Prenez^
garde , Pierre , que votre Lune qui brille aujourd'hui avec tant d'é-
clat ne fouffre aujourd'hui quelque cclipfe. Notre Cardinal accom-
pagna Grégoire lorfqu'il retourna à Rome. Ce Pape lui commit de
à quelques autres Cardinaux l'examen des révélations de Ste. Bri-
gitte. Etant à Rome 3 il fit bâtir un Palais près de PEglife de St.
Apollinaire , où eft aujourd'hui le Collège des Allemands & des
Hongrois. L'Auteur Allemand dont je tire ce fait, dit qu'il a étu-
dié lui-même dans ce Collège , ôc qu'il y a vu plusieurs marbres où
étoient repréfentez des croifîans qui étoient les armes de Pierre
de Lune. On a vu le refte de fa vie dans les hiftoires marquées cj-
deffus. Son corps fut transféré de Panifcola à Iliuefca viiie qui
appartenoit à Jean de Lune fon neveu. Pierre de Lune compofa
quelques ouvrages, comme de la Puiflance du Pape, de l'auto-
rité des Conciles, des Commentaires fur les Décrets , diverfes
Lettres. On loue furtout beaucoup un ouvrage Efpagnol } qu'il
(a) Georg. jo- intitula Confolationsdelavie humaine (a).
pph Ec2Zs- Au commencement de 1424. le Concile de Sienne avant que
Lib. 11. p. de fe lepareravoit rulmine contre ceux qui entreprendroient de
44,;. 445>. foutenir encore Pierre de Lune après fa mort 3 & contre quiconque
voudroitluifucceder, 6c cet anathême fut confirmé par Martin.
L'Anti-Papefuccefïeur de Pierre de Lune qui n'avoir accepté le
Pontificat que malgré lui , eut bien voulu fe mettre à couvert des
foudres du Concile de Sienne & du Vatican , en abdiquant une
dignité, qu'il ne regardoit que comme une chimère dans fa per-
sonne. Mais le Roi d'Arragon toujours irrité contre Martin ., re-,
Jeva
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. J?IIt 257
leva le courage à l'Anti-Pape , & le maintinc dans un fchifme qu'il
croie bien aile d'entretenir , pour donner de l'exercice au vrai *,
Pape.
XIII. On rapporte à cette année une Conftitution de Martin Conftitutbo
V. pour régler l'état & les mœurs des Cardinaux. Ce Pape or- àc Martin y.
donnoit dans cette Conftitution » que les Cardinaux fuflent en Ee'dcT
«exemple aux autres parla pureté de leurs mœurs- qu'ils s'abftinf- Cardinaux.
» fenc non feulement du mal , mais auiïi de l'apparence du mal ,
» menaçant que fî quelqu'un d'eux ne conformoit pas Tes mœurs
»àfon état, il en feroit un exemple. Il leur enjoignoit fur tout
» l'humilité dans toutes leurs démarches , 6c d'en ufer avec dou-
» ceur & honnêteté avec les Prélats , chacun félon fon état ( 1 ) ,
»de bien gouverner leur famille > ou leurs domeftiques, tant
» Clers que Laïques , dont les mœurs dévoient être bien réglées
» Se les habits décens -, d'avoir toujours avec eux des Prêtres & des
» Lévites qui puilent leur rendre bon témoignage (1). Il ne vou-
loir point qu'ils fe miffent fous la protedion des Rois, des Prin-
»ces, des Comtes, 6c autres perfonnes Séculières , afin de pou-
» voir donner plus librement leurs avis à fa Sainteté , ni qu'ils re-
»çuflent de l'argent de qui que ce fût pour obtenir leur protec-
» tion , quand même on l'offriroit volontairement. Ils ne dévoient
» préfenter au Pape aucune frpplique fi ce n'eft pour les pauvres ,
» pour leurs propres perfonnes , pour leurs Domeftiques , parens
» ou alliez. Quand ils alloient au Palais , ou quand ils fe rendoient
» vifîte , ou à d'autres , ils ne dévoient pas mener avec eux plus de
» vingt cavaliers , tant eccléfiaftiques que laïques. Ils ne dévoient
» point porter la chappe , ni la robe de pourpre en préfence du Pa-
» pe. Ils dévoient procurer la réparation des Eglifes de leurs titres
:» autant qu'ils le pourroient, & y «faire célébrer , ôemêmeaug-
«menterle Service divin , par des Religieux dévots, ou d'hon-
»nêces Eccléfiaftiques, afin que les Lieux Saints, où ces Cardi-
naux ne pouvoient pasréfider,, ne fuflent pas négligez. Enfin
»ilsétoient obligez indifpenfablement de tenir dans les Eglifes &
a, dans les Monafteres qu'ils avoient en commende, un nombre W R*f •
« fuffifant de Chanoines , ou de Moines , pour y raire 1 Office Di- n. 4.
» vin, & d'en conferver les édifices , les pofleflîons , & les droits (a). 1415.
XIV. Les Taborites après avoir pris 6c brûlé Hraditx^ a| léretit Le pape or.
iNymbourg ville de Bohême fur rElbe,quis'étoit rendue à Ziska donne upc
COIlyavoit lonp-temps qu'on fcplaignoit que les Cardinaux mc'prifoicnt lesEvcqucs. contre les
j>; Il entend par là les Diacres. Tabontcs.
k Tom.I. IU
v
i5 8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.1 U les années précédentes. Il fe trouva là un Prêcre ( i ) qui , à la ve-
"* rite communioit fous les deux efpéces ', mais parce qu'il enfeignoit
un jour qu'il falloir Te confeiTer 3 recevoir l'abfolution éd'extrême-
ondion , comme l'enfeigne St. Jacques 3 le Gouverneur de la
ville, qui étoit Taboritey l'interrompit , en lui difant, Taifez-
vous, Prêtre, ne nous prefchez^ point l'huile. Ayant répliqué que
c'étoit l'ordre de St. Jacques , on le mit avec ion Diacre fur un
chariot, & on leur fit faire le tour delà ville , en criant 3 nous cha-
rions l'huile. Quand ils furent hors de la ville 3 on les jetta dans un
tonneau de poix ardente. Acette nouvelle le Duc d'Autriche fît
fonner Pallarme, Scréfolut d'aller en Bohême , pour arrêter ce
torrent de perfécution. En même-temps il écrivit au Pape, pour
lui expoferlescruautez &: les ravages des Bohémiens en Bavière y
en Autriche , en Moravie , en Silêfie & dans la Lu face , & pour
implorer fonfecours. Le Pape aufîi-tôt qu'il eut reçu ces Lettres,
aflembla fss Cardinaux 3 & ordonna une nouvelle croifade. On
trouve en effet plufîeurs Lettres de ce Pontife à divers Princes
dans cette vue. Il y en a une au Roi de Pologne , où il lui expofe
premièrement [qs foins & fes diligences pour l'extinction de l'hé-
réfie en Bohême ôc aux environs 3 en envoyant deux Légats l'un
après l'autre, fçavoir Jean Dominique Cardinal de St. Sixte (2),
& après fa mort Branda de chatillon 3 dit le Cardinal de Plaifance.
(3 ) En fécond lieu il exhorte le Roi à faire main bafle fur tous les
adhérants de Coribut , & à employer toutes Cqs forces à l'extinc-
tion dei'héréfie en Bohême.. Pour l'encourager à cette expédi-
tion 3 il ordonna a l'Archevêque de Lembourg (4) de lever dans
fondiocefe 20000. ducats d'or 3 pour aider le Roi à foûtenir la
guerre qu'il avoit réfolu d'entreprendre contre les Bohémiens.
Martin écrivit aufîî au GrandJDuc de Lithnanic du même ftile &C
0] Kayn. dans le même deflein (a). On trouve aufîî une Bulle du même Pape
b?iz 'tî?' adreiîée aux Archevêques de Maycnce 3 de Trêves , Ôc de Cologne,
pour confirmer le Décret du Concile de Confiance contre les
HufTites , & contre leurs diverfes fectes.
Fermeté des XV. Cependant le Palatin de Novogrodek(b) par ordre du Pape
T/b?°EtCi enyôya des Députez aux Bohémiens, pour leur notifier que s'ils
tbuttnie. £i] Girciccus Robvvladius, Iheobaîd dit que c'étoit un homme dofte , & Balbin qu'il étoit
célèbre par fa fcience & par fa pieté. Au refle ce dernier foutient que ce Prêtre n'enfeignoit
point la Communion fous les deux efpéces, & qu'il étoit bon catholique. Ibeob. cap. LVII. p.
117. Balbin. Epitom. p. 46'$.
(2) Il mourut à Bude en 1419.
[33 1' ivoît excommunié Sigifmond Co^ibut , & tous fes adhérents.
(4) C'cftLeopolis ville du Royaume de Pologne dans la Rulfie noire.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JTII. i^
ne vouloientpas rentrer dans le fein de l'Eglife ils dévoient s'atteh- 142 c
dre à une guerre ouverte. Les Bohémiens repondirent qu'on les at-
taquoit contre tout droit divin & humain 3 qu'on les diffamoit pu-
bliquement comme des hérétiques, fans preuve& fans qu'on les eue
entendus 3 que perfonne ne pouvoir leur reprocher avec vérité de
croire autre chofe que ce qui eft contenu dans la parole de Dieu ,
dans les Symboles de Nicée 3 de Confiantinople , à'Epbéfe & de
Chalcédoine 3 8t qu'ils étoient réfolus de défendre cette foi au péril
de leurs biens & de leurs vies 3 qu'il n'y avoit rien déplus éloigné
du Chriftianifme que de leur déclarer la guerre 3 &de vouloir les
exterminer au gré du Pape & de l'Empereur 3 enfin que 11 on les
attaquoit , appuyez qu'ils fe croyoient du fecours de Dieu ils re-
poufleroient la force par la force, & que tout le monde, femmes
& enfans ils feroient une réfiftance qui paroîtroit admirable à tout
l'univers.
XVI. Ce fut à peu-près dans ce temps qu'éclata la difleniion , Divifion des
qui s'étoit glilTée entre les Orphelins et ceux de Prague. La rupture f^^ dc
arriva à cette occafîon. Ceux de Prague avoient mis en prifon Prague.
quelques-uns de leurs D odeurs, parce qu'ils ne pouvoient s'ac-
corder avec un autre Docteur appelle Pierre Peyne , furnommé
Yj4nglois , Wicléfïïte. Ces prifonniers ayant enfuite été élargis
s'allèrent joindre aux Orphelins, leur firent de grandes plaintes
de ceux de Prague,& leur perfuadérent de leur déclarer la guerre.
Mais avant que de décrire les funeftes effets de cette divilion , il
faut donner le caractère des perfonnages qui en furent l'occafion.
XVII. Entre ces prifonniers étoient Maître Jean Pr^ibram 3 ôc Trùhrvn ,
Pierre de Mladovitz^ On a vu que le premier fut établi l'un des <M/«</#*»*.
Directeurs du Clergé dans le Synode tenu en 1421. fous l'Arche-
vêque Conrad. Ce Przjbramavoit été zélé Huffite, & fort accré-
dité dans ce parti. Mais, fi l'on en croit Cochlée 3 ilfe rétrada fo-
lemnellement, & écrivit même contre les Taborites un traité qù.
examinant les raifons qui peuvent rendre une guerre légitime, il
trouve que la guerre des Taborites n'a point ces conditions. Il
prétend dans ce traité qu'il n'eft pas permis aux Prêtres de porter
les armes, &: de faire la guerre, parce que St. Paul dit que le
prêtre ne doit point être contentieux. Mais l'oracle de St. Paul
réjailliflbit contre les Prêtres Catholiques, comme par exemple,
contre PEvêque ÙOlmutz^ auffî bien que contre les Prêtres Tabo-
rites. Il allègue une plaidante raifon pour prouver que les Prêtres
doivent être rafez. Ceft , dit-il , que de la barbe vient la barbarie.
Kkij
i6o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
j a zc Ci) Voici la description qu'il donne d'un Prêtre Taborire. Au de-
hors, il eft doux & pieux : au dedans , c'eft un impie & un tyran. Au
dehors , il eft innocent & net : au dedans , il eft fanguinaire 3 fale &
puant 3 à force de répandre lefang. Au dehors , il eft humble & fournis :
au dedans il crevé d'orgueil , ôcc. Cette rétractation de Pr^ibram
fit beaucoup de peine à Procope Rafe zeléTaborite , & il fit inuti-
lement tout ce qu'il put pour le ramener. Cochlèe rapporte ces pa-
roles de Procope Rafe dans Tes difputes contre Przibram fur le fujec
delà Tranfubftantiation que ce dernier vouloit défendre par l'au-
torité des Pères. Quand ily auroit cent doHeurs , dit Procope , qui
diroient que le pain matériel ne demeure pas dans le facrement de l'Eu-
chariftie après la confècration , je dis qu'ils en ont menti par leurs gor-
(.<) Cecbi.uhi ges , & je le leur foutiendrai au jour du jugement (a). On trouve dans
tupr.p. 2x5. cochlèe ces paroles de Procope iPrzabram. Demeure^ dit-il, dans
la fentence de notre Sauveur & de fon Apbtre , fçavoir que le pain ma-
tériel demeure , & alors nous ferons bons amis , autrement point de
paix entre nous. Car fi vous ne voulez, pas le faire 3 fâchez^ que je vous
pourfuivrai à toute outrance. L'autre prifonnier étoit Maître Pierre
de Mladovit^. Ce dernier grand partifan de Jean Mus pendant
fa vie, avoit été Notaire, & fut depuis prêtre & Prédicateur à
., - St. Michel de Prague. Il avoit écrit la vie de Jean Mus , qu'on li-
Scptcmbr. & foie dans les Eglifes. Il fervit de Notaire au Concile de Confiance
7. Février, à Jean de Chlum. Il mourut en 145 1 (b).
Pierre Pep,e XVIII. Il faut auffi faire coniioître Pierre l'Angiois docteur
l'Angiois. d'Oxford dont on vient de parler , parce qu'il eut beaucoup de
part aux affaires du Huflîtifme. Cochlèe prétend qu'il avoit été
{c)nbifitpr. banni d'Angleterre pour le Wicléfifme (c). Il eft certain qu'il
p-*3i« foutint en Bohême les fentimens de PMclefavec beaucoup de cha-
leur 3 fk. qu'il fut toujours fort lié d'incérêt avec Jean Hus. Il eut
de grandes difputes avec Pr^ibram 3 qui le dépeint ainfi : Wiclefà*
l'Angiois font deux te/? es dans un bonnet , ils font tout l'un dans l'autre,
le Difciple eft tout entier dans le Maître. L'Angiois , fî l'on en croit
Cochlèe ,eut du deflbus dans ces difputes. Cependant un Hiftorien
Taborite 3 allégué par Cochlèe lui-même , donne l'avantage à
l'Angiois. Quoi qu'il en foit, ceux qui afîîftoient à la difpute ou à
la conférence 3 la terminèrent par cette convention 3 que l'unôc
l'autre parleroit de l'Euchariftie dans les termes de l'Ecriture ôc
(l) Quia faut à barba barbaries , id efl , crudelitas , defeendit , itahodie àfacerdotibus barba-
tis ,totabarbara; tfgentilis crudelitas , jhliditas , S$ infuljitas populos adimplevit. Cochl. Lib-
VJ.p. 223.
ij6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
un Grand d'Efpagne , nommé JeanMartinez^de Lune. On donne
de grands éloges à fa mère nommée Marie Perez^de Gothor , non
feulement par rapport à la nobleflè de fon fang , mais auflï par
rapport à fa beaucé & à fa vertu. Pierre de Lune eut pour parain
Pierre Roi d'Arragon, qui lui donna fon nom. Il fie bien-côt de
grands progrès dans lesfeiences, fur tout dans la jurifprudence.
Son premier grade eccléfïaftique fut celui de Chanoine de la
Cathédrale de Cuenca en Caftille. Il fut enfuite Archidiacre de
Saragoffe Capitale du Royaume d'Arragon, puis Prévôt de l'Egli-
fe de Valence Capitale du Royaume de ce nom. Après s'être ac-
quité de ces dignitez avec un appiaudiflement général , par rap-
port à la feience , & aux mœurs , il fut recommandé par les Rois
&; les Grands d'Efpagne à Grégoire Jfl. qui en 1 3 75. le créa Car-
dinal Diacre du titre de Ste. Marie in Cofmedin, On dit que ce
Pape en lui conférant cette dignité lui parla en ces termes : Prenne
garde , Pierre , que votre Lune qui brille aujourd'hui avec tant d'é-
clat ne fouffre aujourd'hui quelque éclipje. Notre Cardinal accom-
pagna Grégoire lorfqu'il retourna à Rome. Ce Pape lui commit èc
à quelques autres Cardinaux l'examen des révélations de Ste. Bri-
gitte. Étant à Rome 3 il fit bâtir un Palais près de l'Eglife de 67.
Apollinaire , où eft aujourd'hui le Collège des Allemands & des
Hongrois. L'Auteur Allemand dont je tire ce fait , dit qu'il a étu-
dié lui-même dans ce Collège , &: qu'il y a vu plufieurs marbres où
étoient repréfentez des croifîans quiétoient les armes de Pierre
de Lune. On a vu le refte de fa vie dans les hiftoires marquées cj-
deflus. Son corps fut transféré de Panifcola à Iliuefca vilie qui
appartenoit à Jean de Lune fon neveu. Pierre de Lune compofa
quelques ouvrages, comme de la Puiflance du Pape, de l'auto-
rité des Conciles , des Commentaires fur les Décrets , diverfes
Lettres. On loue furtout beaucoup un ouvrage Efpagnol } qu'il
fa) Georg. j0- intitula Confolations de la vie humaine (a).
fah *'&&*- Au commencement de 1414. le Concile de Sienne avant que
Purp. Doft, , r, c \ ■ • 1 ,
iib. 11. p. de fe iepareravoit fulmine contre ceux qui entreprendroient de
44^44$» foutenir encore Pierre de Lune après fa mort ,& contre quiconque
voudroitluifucceder, & cet anathême fut confirmé par Martin.
L'Anti-Papefuccefïeur de Pierre de Lune qui n'avoir accepté Je
Pontificat que malgré lui , eût bien voulu fe mettre à couvert des
foudres du Concile de Sienne & du Vatican , en abdiquant une
dignité, qu'il ne regardoit que comme une chimère dans fa per-
sonne. Mais le Roi d'Arragon toujours irrité contre Martin 3re^
Jeva
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JTII, 257
leva le courage à l'Anti- Pape , & le maintint dans un fchifme qu'il
croit bien aile d'entretenir , pour donner de l'exercice au vrai *,
Pape.
XIII. On rapporte à cette année une Constitution de Martin Conftitution
y, pour régler l'état 6c les mœurs des Cardinaux. Ce Pape or- de Martin v.
donnoit dans cette Conftitution » que les Cardinaux fuflent en Kc'dw"
» exemple aux autres par la pureté de leurs mœurs; qu'ils s'abftinf- Cardinaux.
» fenc non feulement du mal , mais aufli de l'apparence du mal ,
» menaçant que fi quelqu'un d'eux ne confbrmoitpas fes mœurs
» à fon état , il en feroit un exemple. Il leur enjoignoit fur tout
» l'humilité dans toutes leurs démarches , 8c d'en ufer avec dou-
« ceur & honnêteté avec les Prélats , chacun félon fon état ( 1 ) ,
»de bien gouverner leur famille 3 ou leurs domeftiques , tant
» Clers que Laïques , dont les mœurs dévoient être bien réglées
» 6c les habits décens j d'avoir toujours avec eux des Prêtres 6c des
» Lévites qui puflent leur rendre bon témoignage (1). Il ne vou-
»loit point qu'ils fe miilent fous la prote&ion des Rois, des Prin-
«cesj des Comtes, 6c autres perfonnes Séculières , afin de pou-
» voir donner plus librement leurs avis à fa Sainteté ^ ni qu'ils re-
»çuflent de l'argent de qui que ce fût pour obtenir leur protec-
» tion , quand même on l'ofFriroit volontairement. Ils ne dévoient
» préfenter au Pape aucune frpplique fi ce n'eft pour les pauvres ,
» pour leurs propres perfonnes 3 pour leurs Domeftiques , parens
« ou alliez. Quand ils alloient au Palais , ou quand ils fe rendoient
» vifite , ou à d'autres x ils ne dévoient pas mener avec eux plus de
» vingt cavaliers , tant eccléfiaftiques que laïques. Ils ne dévoient
» point porter la chappe , ni la robe de pourpre en préfence du Pa-
» pe. Ils dévoient procurer la réparation des Eglifes de leurs titres
=» autant qu'ils le pourroient, 6c y faire célébrer , Ôcmêmeaug-
» menter le Service divin , par des Religieux dévots , ou d'hon-
nêtes Eccléfiaftiques, afin qife les Lieux Saints, où ces Cardi-
naux ne pouvoient pasréfider, ne fuflent pas négligez. Enfin
»ilsétoient obligez indifpenfablement de tenir dans les Eglifes ôc
=» dans les Monafteres qu'ils avoient en commende, un nombre J£) *"'*■
» fuffifant de Chanoines , ou de Moines , pour y faire l'Office Di- n. 4.
» vin, èc d'en conferver les édifices , les pofierîîons , 6c les droits (a). 1 4 1 5 .
XIV. Les Taborites après avoir pris & brûlé Hraditx^ allèrent Le pape or.
kNymbourz ville de Bohême fur l'Eibe,qui s'étoit rendue à ziska donne unc
y O » * - Croiftdc
(i)Ilyavoit longtemps qu'on fcplaignoit que les Cardinaux meprifoient IcsEvcqucs. contre les
(2) Il entend par là les Diacres. Tabontct.
Tom.I. Kk
v
i5 8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
î.2r les années précédentes. Il fe trouva là un Prêcre (i)qui,à la vc-
* rite communioit fous les deux efpéces 5 mais parce qu'il enfeignoic
un jour qu'il falloit le confefifer , recevoir l'abfolution Ôcl'extrême-
ondion , comme l'enfeigne St. Jacques 3 le Gouverneur de la
ville, qui étoit Taborite , l'interrompit , en lui difant, T-aifex-
vous, Prêtre, ne nous prefcbez^ point l'huile. Ayant répliqué que
c'étoit l'ordre de St. Jacques , on le mit avec fon Diacre fur un
chariot , & on leur fît faire le tour de la ville , en criant 3 nous cha-
rions l'huile. Quand ils furent hors de la ville 3 on les jetta dans un
tonneau de poix ardente. Acette nouvelle le Duc d'Autriche fie
fonner l'allarme, &réfolut d'aller en Bohême , pour arrêter ce
torrent de perfécution. En même -temps il écrivit au Pape, pour
lui expoferlescruautez ôc les ravages des Bohémiens en Bavière y
en Autriche , en Moravie , en Siléfie & dans la Lu face , &C pour
implorer fon fecours. Le Pape aufli-tôt qu'il eut reçu ces Lettres,
aflembla fes Cardinaux 3 ôc ordonna une nouvelle croifade. On
trouve en effet plufîeurs Lettres de ce Pontife à divers Princes
dans cette vue. Il y en a une au Roi de Pologne , où il lui expofe
premièrement Cqs foins & (ks diligences pour l'extinction de l'hé-
réfîe en Bohême 2c aux environs 3 en envoyant deux Légats l'un
après l'autre, (ça.voir Jean Dominique Cardinal de St. Sixte (1) 3
& après fa mort Branda de chàtillon 3 dit le Cardinal de Plaifance.
(3 ) En fécond lieu il exhorte le Roi à faire main bafïe fur tous \qs
adhérants de Coribut , & à employer toutes Cqs forces à l'extinc-
tion del'héréfie en Bohême. Pour l'encourager à cette expédi-
tion 3 il ordonna à l'Archevêque de Zembourg (4) de lever dans
fondiocéfe 20000. ducats d'or^ pour aider le Roi à foûtenir la
guerre qu'il avoit réfolu d'entreprendre contre les Bohémiens.
Martin écrivit aufïï au GrandJDuc de Lithuanic du même ftile &
[n] Kayn. dans le même deflein (a). On trouve aufîî une Bulle du même Pape
n.Ta lVJ' adreilée aux Archevêques de Mayencc 3 de Trêves , 6c de Cologne,
pour confirmer le Décret du Concile de Confiance contre les
Huffites , & contre leurs diverfes fectes.
Fermeté des XV. Cependant le Palatin de Novogrodek(b) par ordre du Pape
Tfb?°Etei enyôya des Députez aux Bohémiens 3 pour leur notifier que s'ils
thuame. [i] Girciccus Robvvladius. Iheobald dit que c'étoit un homme dofte , & Balbin qu'il étoit
célèbre par fa feience & par fa pieté. Au refle ce dernier foutient que ce Prêtre n'enfeignoit
point la Communion fous les deux efpéces , & qu'il étoit bon catholique. Ibeob. cap. LVII . p.
117. Balbin. Epitom. p. 40*5 .
(2) Il mourut à Bude en 141.9.
[3J II avoit excommunié SigifmondCo*ihut , & tous fes adhérents.
(4) C'eft Leopolis ville du Royaume de Pologne dans la Rullîe noire.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. Xli. 159
ne vouloient pas rentrer dans le fein de l'Eglife ils dévoient s'atten- 141c.
dre à une guerre ouverte. Les Bohémiens répondirent qu'on les at-
raquoit contre tout droit divin & humain 5 qu'on les dirTamoit pu-
bliquement comme des hérétiques,fans preuve& fans qu'on les eue
entendus j que perfonne ne pouvoit leur reprocher avec vérité de
croire autre chofe que ce qui eft contenu dans la parole de Dieu,
dans les Symboles de Nicèe 3 de Confiantinople , d'Ephéfe & de
Cbalcédoine ; &. qu'ils étoient réfolus de défendre cette foi au péril
de leurs biens & de leurs vies > qu'il n'y avoit rien déplus éloigné
du Chriftianifme que de leur déclarer la guerre 3 &de vouloir les
exterminer au gré du Pape & de l'Empereur 3 enfin que fi on le§
attaquoit, appuyez qu'ils fe croyoient du fecours de Dieu ils re-
pouiïeroient la force par la force, & que tout le monde, femmes
& enfans ils feroient une réfiftance qui paroîtroit admirable à tout
l'univers.
XVI. Ce fut à peu-près dans ce temps qu'éclata la diflenfion , Divifion des
qui s'étoit glidée entre les Orphelins & ceux de Prague. La rupture ^^fc"^ dc
arriva à cette occafion. Ceux de Prague avoient mis en prifon Prague,
quelques-uns de leurs D odeurs, parce qu'ils ne pouvoient s'ac-
corder avec un autre Docteur appelle Pierre Pey ne , furnommé
Ys4nglois , Wicléfifte. Ces prifonniers ayant enfuite été élargis
s'allèrent joindre aux Orphelins, leur firent de grandes plaintes
de ceux de Prague,& leur perfuadérent de leur déclarer la guerre.
Mais avant que de décrire les funeftes effets de cette divifion , il
faut donner le caractère des perfonnages qui en furent l'occafion.
XVII. Entre ces prifonniers étoient Maître Jean Przibram s ôc Tmihram ,
Pierre de Mladovitz^ On a vu que le premier fut établi l'un des Ml*******
Directeurs du Clergé dans le Synode tenu en 1 42 1 . fous l'Arche-
vêque Conrad. Ce Przibram avoit été zélé Huiîtte , & fort accré-
dité dans ce parti. Mais, fi l'on en croit Cochlée } ilfe rétracta fo-
lemnellement, & écrivit même contre les Taborites un traité qù
examinant les raifons qui peuvent rendre une guerre légitime, il
trouve que la guerre des Taborites n'a point ces conditions. Il
prétend dans ce traité qu'il n'eft pas permis aux Prêtres de porter
les armes, & de faire la guerre, parce que St. Paul dit que le
prêtre ne doit point être contentieux. Mais l'oracle de St. Paul
réjaillifibit contre les Prêtres Catholiques, comme par exemple,
contre l'Evêque d'Olmut^ au fil bien que contre les Prêtres Tabo-
rites. Il allègue une plaçante raifon pour prouver que les Prêtres
doivent être rafez. C'eft 9 dit-il , que de la barbe vient la barbarie.
Kkij
i6o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1425 C1) Voici la description qu'il donne d'un Prêtre Taborice. Au de-
hors , il efi doux ejr pieux : au dedans , c'efi un impie & un tyran. Au
dehors , il efi .innocent & net : au dedans , il efi fanguinaire 3 fale &
puant 3 à force de répandre lefang. Au dehors , il efi humble & fournis :
au dedans il crevé d'orgueil, 6cc. Cette rétractation de Pr^ibram
fit beaucoup de peine à Procope Rafe zeléTaborite , & il fit inuti-
lement tout ce qu'il put pour le ramener. Cochlée rapporte ces pa-
roles de Procope Rafe dans fes difputes contre Przjbram fur le fujec
delà Tranfubfiantiation que ce dernier vouloit défendre par l'au-
torité des Pères. Quand il y auroit cent dofleurs , dit Procope , qui
diroient que le pain matériel ne demeure pas dans lefacrement de l'Eu-
charifiie après la confécration , je dis quils en ont menti par leurs qor-
fa) Cecbi.ubi ges , & je le leur foutiendrai au jour du jugement (a). On trouve dans
îupr.p. %x6. cochlée ces paroles de Procope iPr^ibram. Demeure^, dit-il, dans
la fentence de notre Sauveur & de fou Apbtre , f avoir que le pain ma-
tériel demeure , & alors nous ferons bons amis , autrement point de
paix entre nous. Car fi vous nevoule^pas le faire , feachez^ que je vous
pourfuivrai à toute outrance. L'autre prifonnier étoit Maître Pierre
de Mladovit^. Ce dernier grand partifan de Jean Mus pendant
fa vie, avoit été Notaire, & fut depuis prêtre &. Prédicateur à
(b) Lu œ ^tm Michel de Prague. Il avoit écrit la vie de Jean Hus , qu'on li-
Scptembr. & foit dans les Eglifes. Il fervit de Notaire au Concile de Confiance
7. Février, à Jean de Chlum. Il mourut en 145 1 (b).
Pierre Pep!e XVIII. Il faut auflî faire connoître Pierre l'Anglois docteur
l'Angbis. ^Oxford dont on vient de parler , parce qu'il eut beaucoup de
part aux affaires du Huflitifme. Cochlée prétend qu'il avoit été
[tfuHfupr. banni d'Angleterre pour le Wicléfifme (c). Il eft certain qu'il
P- i3 1' foutint en Bohême les fentimens de Wiclefzvec beaucoup de cha-
leur 3 &c qu'il fut toujours fort lié d'intérêt avec Jean Hus. Il eut
de grandes difputes avec Przjbram 3 qui le dépeint ainfi : Wiclefér
l'Anglois font deux te /les dans un bonnet , ils font tout l'un dans l'autre,
le Difciple efi tout entier dans le Maître. L'Anglois , Il l'on en croit
Cochlée 3ewx. du deflbus dans ces difputes. Cependant un Hiftorien
Taborite 3 allégué par Cochlée lui-même , donne l'avantage à
l'Anglois. Quoi qu'il en foit, ceux qui afliftoient à la difpute ou à
la conférence 3 la terminèrent par cette convention 3 que l'un 8c
l'autre parleroit de l'Euchariftie dans les termes de l'Ecriture &
(j) Quia Jîcut à barba barbaries , idefi , crudelitas , defeendit , itahodie àfacerdotibus bar bâ-
tis ytotabarbara; f$ gehtilis crudelitas , fhliditas , tf inful/itas populos adimplevit. Cochl. Lib.
VJ.p. 223.
J n.jccnn Sculp
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XII. 1G1
des Pères 5 qu'ils ne fe craiceroienc point l'un l'autre d'hérétique, 141c
non plus que Jean JViclef, Jean Hus & Jacques de Mife 3 & qu'ils vi-
vroient en bonne union. Depuis ce temps - là Pierre ïslnglois fut
choifi arbitre entre les Taborites 6c ceux de Prague 3 & prononça
pour ces derniers. Il afîifta au Concile de Balle , où il défendit
les Huflîtes. Cochlèe en parle comme d'un homme fçavant & de
beaucoup d'efprit,& qui avoit eu l'art d'éclaircir les endroits ob-
fcurs des livres de Wiclef On ne dit point le temps de fa mort. *
XIX. Cochlée prétend quecefutàla follicitation de \ Rockifane Roàifane.
que ces docteurs furent mis en prifon 3 au lieu que Theobald dit
que ce fut lui qui les fit élargir. L'un & l'autre peut être véritable.
De quelque manière que ce foit, il paroît par la que Rockifane
avoit alors beaucoup d'autorité à Prague. Il avoitdeja paru avec
éclat 3 lorfque , comme on l'a vu , ceux de Prague l'envoyèrent à
Ziska pour lui demander la paix 3 & on le verra jouer un fi grand
rôle dans toute cette Hiftoire 3 qu'il eft indifpenfable d'en donner
l'idée par avance. Jean de Rockifane étoit ainfi appelle du nom de
fa ville dans le diftricl: de Pilfen. On dit qu'il étoit fils d'un Serru-
rier. Comme on remarquoic en lui beaucoup d'efprit 3 on l'envoya
à Prague pour y étudier. Après avoir fait heureufement fcs huma-
nitez, onledonnapour précepteur à un jeune Gentilhomme Bo-
hémien. Il entra enfuite dans le Collège appelle de la Reine à
Prague, oùl'onentretenoit des écoliers aux dépens du public 3 &c
où il fut reçu Maître en Théologie , ayant été auditeur èc difciple
de Jacques de Mife , reftaurateur de la Communion fous les deux
efpéces. De forte que Rockifane étoit proprement Calixtin. On ne
dit point dans quel temps il entra dans l'état éccléfiaftique. On
ne parle guéres de lui avant l'an 1424. On peut juger qu'il ne fai-
foit aucune figure 3 au moins par rapport au Huflitifme en 141 7.
puifquil ne paroît point dans la Lifte des principaux docteurs de
cette fede qui furent citez au Concile de Confiance. La première
paroifTe dont il fut curé & prédicateur, fut celle de St. Etienne
dans la nouvelle Ville de Prague. En 1425.il fut établi Prédica-
teur dans l'Eglifë de S te Marie de la Courjoyeufe ( 1 ) , qui eft la plus
ancienne Eglife de cette Capitale. En 1427. ceux de Prague lui
confièrent l'infpection générale fur tout le Clergé de Prague ,
parce qu'il n'y avoit point alors d'Archevêque , Conrad ayant em-
brafïe leHuflitifme dès l'an 1 42 1 .Comme les difputes & les diflen-
fions qui regnoient dans la Ville , y mettoient beaucoup de confu-
(1) kdlœtam curinm [ in Tein.]
Kk iij
2^2 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSTIES
fion , Roc ki fane donna de bons ordres pour régler l'état écIëfîafK-
que. Il plaça dans d'autres Paroifles ceux qui avoient été chaflez
des leurs. Il obtint du Sénat un ordre pour empêcher le peuple de
courir de paroifîe en paroilîe , au lieu de demeurer à la fîenne,
parce que la diverfké des fentimens qu'on entendoit prêcher en
diverfes paroiiles n'étoit propre qu'à exciter des féditions. Il or-
donna aufîi que le Service divin le fît par tout à la même heure
pour la même raiion. C'elt par ces degrez que Rockifane parvint
àl'adminiftration de l'archevêché de Prague, êc même à la di-
gnité d'Archevêque , quoique non fans contradiction & fans diffi-
culté. Il eft certain qu'il avoir de grands talens, &c fur tout une
éloquence admirable. Mais on prétend qu'il en abufa par ambi-
tion. Cette paillon à laquelle il facrifioit tout , le rendoit léger &;
inconstant dans (es démarches, parce qu'il prenoit le parti qui
flattoit le plus (a vanité. De forte qu'il fit plus de mal que de bien
à ceux qui s'étoient mis fous fa protection. C'eft cette conduite ,
qui a rendu fa réputation fort équivoque. On en pourra mieux ju-
ger en le voyant agir (i).
Siège de Ut§- XX. Les mécontens de Prague s'étant donc joints aux Orphe-
lins 3 ces derniers allèrent attaquer Litomils , où ceux de Prague
avoient mis garnifon , parce que cette Ville appartenoit à l'Ar-
chevêché j Ôt l'ayant emportée j ils laraferent jufqu'aux fonde-
mens. Ils paflférent tout au fil de l'épée , fans diflinguer ni lîuffîte ,
ni Catholique. L'Hiftorien de Moravie nous apprend plus de parti-
cularitez de ce liège. Il dit quQlïorzek qui commandoit dans la
place avec une bonne garnifon, le défendit vaillamment pendant
6. jours. Mais fon intrépidité ne fut pointa l'épreuve d'une ar-
mée qui groffiflbità chaque moment. Ayant donc confulté avec
les officiers de la garnifon , & les principaux de la ville , il fut ré-
folu d'envoyer un des officiers & un des bourgeois, aux .Chefs
des Orphelins y Welichs , & Procope le petit , pour leur offrir de
rendre la ville , pourvu qu'on leur voulut faire des conditions ho-
norables. A l'égard de la forterefle 3 ils dirent qu'ils n'en étoienc
pas les maîtres, que le Collège Epifcopal y avoit mis garnifon,
que l'Evêque à'Olmutz^ y avoit envoyé un bon renfort de troupes ,
éc qu'ils étoienc réfolus d'y verfer jufqu'à la dernière goûte de
leurfang. Les Chefs des Orphelins reçurent ces offres avec plai-
fir. Borzek remit la ville entre leurs mains, & fe retira à Collin ,
(z) Iheob. ubiCupr. p. 124. Johann. David Kec leri DifTert.de 'Jjlhtnn.'RockjX.an. ann. 1718.
Altorf.
nuls
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. A"JI. 263
oùilavoitaufiigarnifon. Cependant les Orphelins maîtres de la 1425,
Ville tournèrent toutes leurs forces contre la fortereile, que fa
fituation iembloit rendre imprenable. Il y avoit déjà 15. jours
qu'ils l'attaquoient inutilement , lorfque renforcez par deux bons
régimens , l'un des Orébites , l'autre de ceux de Hraditz^ , ils re-
doublèrent l'attaque. Wclïchs pour encourager les foldats leur
promit tout le butin. Enflammez par ces promeiles ils attaquè-
rent de nouveau la place le 9. de Mars de 1416. fête de St. Cyrille ■,
& de St. Méthodius Apôtres de la Bohême & de la Moravie , avec
tant de furie^qu'on eût dit que c'étoient des démons fortis de l'en-
fer. Les affiégez ne fe défendoient pas avec moins de vigueur. Les
affiégeants même commençoient à chanceler, lorfque Welichs
étant accouru les obligea par prières & par menaces de recom-
mencer l'attaque. Ce qui fe fit avec tant de fuccès , qu'enfin les af-
fiégez fuccombant fous le nombre, & fous l 'effort des machines ,
furent obligez de tourner le dos 5 les uns fe retirèrent dans l'égli-
fe , les autres fe fauverent à cheval par la poterne. Tous les fuyards
furent taillez en pièces , & les vainqueurs entrez dans le fort mi-
rent tout à feu ôc à fang , fans diftindion de fexe , d'âge & de con-
dition. Balbin parle de plufleurs autres^illes(i) dont les Orphe-
lins s'emparèrent. Il fe fit dans toutes ces villes un grand carnage
de Catholiques. Le Commandant (1) de Kwieùùc\ Chevalier
Catholique d'une grande diftinction futconfumé dans les flam-
mes. Dans une de ces places un prêtre fut jette par Henri de Po-
dicbrad dans une Balli[ie , d'où on le fit fauter en l'air.
XXL Après ces expéditions les Orphelins à qui s'étoient join- Cum-fe de9
tes les troupes de Zauni 6c Zatec , allèrent au fecours de leurs fre- 0,-phdins &
res les Tabontes , occupez au liège d une ville d Autriche appel- tes en Autri-
lée Swetla. Cette place fe défendit allez bien, mais ayant enfin chc.
étéprife, elle fut réduite en cendres. L'Archiduc Albert étant
venu à lentes journées au fecours des aiîiégez, il trouva la ville
confumée par les flammes. Cependant ayant campé à la vue de
l'Ofinemi, il y eut plufieurs efearmouches , où il périt beaucoup
de monde de part & d'autre. Il fe donna bien-tôt après (a) un (a) Le 5.
combat plus décifif. La vi&oire fembla d'abord fe déclarer pour Novembre.
Albert, lesTaboritesavoient perdu leurs chariots , &ilseuiîent
fuccombé , fans la lenteur & la molefle du Général & Albert , qui
leur donna le temps , & de fe rallier , & de remporter la vi&oirc ,
(1) Meita, Raudnic } Zcbrac. Tlortovic. Kvvietnicx. &c. Balb. Epltom. p. 4.66.
(z) Il s'appclloit J racole Trcx^ï.
î&f. HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1425. qu°i qu'avec perce. De ià les vainqueurs s'en retournèrent en
Bohême prendre des quartiers d'hyver. Le grand froid ne les
empêcha pas détacher d'aller furprendre Prague pendant la nuit.
(OLetf.De-^ Mais ils furent répondez par les citoyens. Ces derniers, irritez
ccmbrc. de cette entreprife qu'ils regardoient comme une trahifon , en-
voyèrent à Procope Rafe 3 pour lui en faire des plaintes. Les dépu-
tez furent fort bien reçus ; 6c Procope ravi de ce qu'on nes'étoic
adreflé qu'à lui^conclut une paix éternelle entre ceux de Prague
6c les Taborites , qui allèrent hy verner à Clatow 3bÏQii réfolus d'al-
1426. 1er le printemps prochain vifiter la Bavière.
Cor ihut af- XXII. Au commencement de cette année Coribut affembla les
Dicte aPn- Etats à Prague pour tacher depacifîer les troubles delà Bohême.
sue« Les Seigneurs 3 la Noblefle, les Villes , les principaux Officiers
fe rendirent à cette Diète. Il s'y trouva un Seigneur Catholique
(b)Fiaxa de BurgravedeC^r^/'«(b) avec ce qu'il y avoit de grands Seigneurs
mabi. fans le diftrid de Pilfen , qui joints enfemble propoférent ces 4.
articles. Le 1. que (Ion leur cautionnoit de leur accorder pleine
liberté déparier, 6c de leur donner une favorable audience 3 ils
étoient prêts de faire voir que ceux de Prague 6c leurs adhérents
avoient des fentimens oppofez à ceux de toute la chrétienté. Le 2.
article, qu'on indiquât ailleurs qu'à Prague une diète générale,
où. l'on pût trajter librement de la paix. Le 3 . article ne diffère
guéres du précédent 3 c'eft qu'on affermît la paix dans le païs. Le
4. article , que tous joindroient leurs forces 6c leurs confeils , pour
afîifter ceux qui entreprendroient de punir 6c de venger les pertur-
bateurs du repos public. Après de longs débats fur ces articles , la
(OLcu. diète fefépara(c)fans rien faire, parce que les Catholiques, les
Janvier. Taborites , [qs Orphelins & ceux de Prague ne pouvoient s'accor-
der entre eux. Seulement tous les Eccléfiafliques de Prague pro-
mirent de fe foumettre à l'Archevêque Conrad , qui de Ton côté
promit de maintenir les 4. articles de Prague. Theobald rapporte
que pendant la diète deux Seigneurs Bohémiens (1) fe battirent
(d) iheob. en duel dans le château où elle fe tenoit. L'un fut tué, l'autre eufcla
ca£. LJX. c^cecoupèe pour s'être battu dans une Maifon Royale, & pour
Bail. Epit. avoir violé la paix . On ne dit point quel étoit le fujet de leurs dif-
p.4<*7- ferens(d).
Hoftilitez XXIII. Les Taborites 6c les Orphelins avoient réfolu , comme
entre les T^ci*
bontés &ks on l'a. dit ., de fe jetterau printemps dans la Bavière. Mais le bruit
Saxons. s'étant répandu de la prochaine arrivée des Princes d'Allema-
( 1 ) Irctjin fut tu 6 , & Ob?iiffcko fut décapite.
g0S>
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. jtii. 265
gne, ils aimèrent mieux fe liguer avec ceux de Prague, pour être r^2^.
mieux en état de faire une bonne réfiftance. Cependant deux (1)
Généraux que Frédéric Ele&eur de Saxe avoit envoyez à Aufch ,
ou Auljig , ville de Bohême fur V Elbe aux confins de la Mifnie , 6c
à.£ruky c'eft-à-dire/W, à peu-près dans la même fituation , ap-
prenant que l'allarme étoit parmi les Bohémiens, profitèrent de
cette occalîon pour aller avec l'élite de leurs troupes ravager la
province de Litomerit^, où ils exercèrent des cruautez horribles.
Mais les Taborites fe mirent auffi-tôt en campagne pour les en
chaiïer. Ils allèrent d'abord s'emparer delà ville de Leippe dont
les Saxons s'étoient rendus maîtres, & après avoir brûlé la ville
ils mirent unegarnifon dans le château. A cette nouvelle l'un des
Généraux Saxons retourna promptement i fon pofte & Auljig , ôc
fit fçavoirenmême temps à l'Electeur } que fi l'on n'envoyoit pas
au plutôt du fecours , on pouvoit s'attendre que les Bohémiens
iroient fondre fur la Mifnie. Ce Prince envoya en effet des troupes
de Franconie, deThuringe, de Mifnie , àuKoigtland&C de Saxe.
Mais avant que ce fecours arrivât les Taborites avoient déjà re-
couvré plufieurs places pour la Bohême. Le Capitaine Jean Rohac
Taborite fe faifit de la ville de Biela , mafiacra tous les jeunes gens
& fit pendre les Officiers par les pieds. Procope Rafe prit Toplitz^
TrobnitzJSx. quelques autres places voifines qui ruifîeloient du fang
des Catholiques , au rapport de Balbin. A l'égard de ceux de
Prague, ilsallérentaffiéger Auflîg, où ils trouvèrent tant d'ou-
vrage qu'il fallut que Procope Rafe allât à leur fecours avec les
fiens , mais maleré ce renfort ils ne laifîérent pas d'être repouflez (*] tetf.
3 , & , , r r Juin.
avec grande perte(a).
XXIV. Cependant la grande armée d'Allemagne arriva. On v££éc\m~
dit qu'elle étoit de 1 00000. hommes. Les Chefs de l'armée Aile- pénale.
mande étoient les Comtes de Weiden & de Schwartzgnbourg. Ceux
des Bohémiens étoient Boczfco de Podiebrad , oncle du Roi George
de ce nom ; Hincko de Kolftein , de la maifon de Wal(lcin. Procope
Rafe étoit à la tête des Taborites. Les Impériaux , appuyez fur
leur nombre, ne balancèrent pas àpréfenter le combat. Il n'y eue
d'abord que des efearmouches fort chaudes entre les deuxarmées.
Mais le 1 8. de Juin (b) fe donna le combat décifif. Les Bohémiens (to CiiojtU
s'étoient retranchez avec 500. chariots attachez les uns aux au- Dimanche,
très par de doubles chaînes. Derrière eux étoit le gros de l'armée
( 1) Iheodoric Pack^tf Gafpar de Reckçnbttrg.
Tom. /. Ll
Ht
iM HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.16. couverte de grands &. larges boucliers (1) qu'ils avoient fichez
dans la terre avec des crocs. Dans cette pofture ils attendoient
l'ennemi de pied ferme. L'armée Allemande fejetta d'abord fur
eux avec grande impétuofité, & à grands coups de halebardes
ou de haches à deux trenchans (2) , brifa les chaînes qui tenaient
les chariots attachez , & renverià les boucliers malgré la réfiftan-
ce des foldats qui étoient dans les chariots , pendant que d'un au-
tre côté, on battoit à coups de flèches l'armée qui étoit derrière.
Mais ce premier feu fut bientôt ralenti. L'armée impériale étoit
harafîée d'une longue marche , la chaleur étoit excefïive , & tout
un jour de travail à brifer les chaînes & à arracher les boucliers s
tout cela avoit épuifé ks forces. Il n'en étoit pas de même des Bo-
hémiens j plus frais & plus courageux que les Impériaux , ils profi-
tèrent de l'épuifement de ces derniers , & renverférent la cavale-
rie avec leurs machines de guerre. Ils avoient même inventé de-
puis peu certaines lances crochues 3 avec lefquelles un fantafîin
pou voit jetter par terre un cavalier. De forte qu'après un combat
qui dura depuis la pointe du jour jufqu'à l'entrée de la nuit, l'ar-
mée Impériale fut battue à platte couture. Il eft vrai que la victoire
fut long-temps difputée. Mais il fallut cédera la valeur des Bohé-
miens, à leur bonne difcipline_, èc à l'avantage de leurfituation.
(3^ Toute cette groflé armée fut toute taillée en pièces ou mife
en fuite. Il y demeura quantité de grands Seigneurs foj qu'on en-
terra dans un village près de Toplitzjous un poirier fauvage, qui,
à ce que porte la tradition, fleurit tous les ans fans jamais porter
de fruit (5). Si la tradition eft véritable, & fi le poirier n'étoit pas
ftérile avant le combat, c'eft un allez bel emblème d'une armée
florifïànte qui fe laifïe battre.
La même nuit que les Allemands perdirent la bataille , les Ta-
borites qui étoient devant AuJJî^, prirent cette place, la brûlè-
rent , & y mafïacrerent tout, fans épargner ni femmes ni enfans.
Les Hiftoriens ne s'accordent pas fur le nombre de gens que per-
(1) Iheebald témoigne qu'on voyoit encore de fon temps de ces boucliers en pluficurs vil-
les de Bohême , comme à Tufta , à Rifetnberg & à Prague. Balbin dit que ces boucliers étpier.t
de bois , & de la hauteur d'un homme. Efttom. p. 46*7.
(z) Balbin dit halebardes , halabarda. Theobakl bipennis , qui efl: une lutche à deux trenchans.
On ne s'en étoit pas fervî en Bohême avant cette bataille. Iheob. ubi fupr. p. 120. Balb. £pi-
tom. p. 468.
(3) C'cftle témoignage que leur rend Balbin après Iheobaid.
(4) Le Burgrave de Mifnie , le Burgrave de Jutterbacb , Comités Imptrii de Gleichen , de Bet-
chlinger , de Hebenftein , de Querftirt , de Barby , de lonau , Domiuns de Géra , de Faldgnflein f
de Gradtty , duo Scbleimcii , due de Bernflein. Balbin. Epitom. p. 4C8.
(5 ) Balb* appelle ce village Vrtediict.
.T.B. joofln Scutp
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JCII. 267
dirent les Allemands, cane au fiége que dans le combat, & dans I^1^.
diverfes efearmouches. Quelques-uns en comptent 5 0000, ce
qu'on ne trouve pas vraifèmblable s d'autres 12000, 6c d'autres
qooo. feulement. La perte des Bohémiens monta à 3000. hom-
mes. Theobald rapporte ici , fur la foi d'un manuferit, cette par-
ticularité : c'eit, que la veille du combat un certain Seigneur du
parti Allemand, nommé ï)iee%inski, s'étant reconcilié avec les
Taborites dont il étoic ennemi capital , leur fut d'un grand fe-
cours dans cette occafion. Il fit même une trahifon à plufieurs
Allemands qui s'étoient retirez dans une fortereiïe nommée
Schreckenftein , c'eft- à-dire , pierre d'épouvante. Car faifant mine
d'être pourfuivi par les Taborites, il demanda l'entrée de la pla-
ce pour lui 6c pour quelques gens qu'il avoic àfafolde. Comme
on ne fe défioit de rien, on lui en ouvrit la porte. D'abord il fie
la garnifon prifonniere , & tua tout ce qui fit quelque réfiftance.
Cette noire adion ne demeura pas long-temps impunie. Cet hom-
me accoutumé aux trahifons, ayant quelque temps auparavant
invité chez lui à manger un Seigneur de Bohême, Tavoit arrêté
prifonnier pour l'obliger a lui céder quelque place. Mais un au-
tre Seigneur qui s'intérefloic aux prifonniers, le fît prifonnier lui- (a)TAwA.ubi
même. On ne dit pas ce qu'il devint (a). fupr.p.iao.
XXV. Après cette vicîioire les Taborites incapables de de- siège de r-o-
meurer en repos, allèrent attaquer Podiebrad, où commandoit d^u'trcs' pia.
le Seigneur de ce nom (1) avec une forte garnifon. Ils y perdi- ces par les
rent S* 00 hommes dès le premier afTaut. On rapporte qu'il n'y Tabontes-
avoit point de Seigneur en Bohême, qui fût pourvu d'une meil-
leure artillerie & de plus habiles bombardiers que celui-ci. Aufïî
fit-il avec Ces coulevrines, fes mortiers & autres machines , un
G terrible fracas fur les alîiégeans, qu'ils furent contraints de le-
ver le fiége, & d'aller camper plus loin, en attendant Toccafion
de le recommencer. Theobald raconte qu'un Dimanche fête de
faint Michel , qu'ils faifoient leurs dévotions dans leur temple,
un boulet de pierre ou de fer, lancé de la forterefle , écrafa onze
perfonnes, 6c mit en fuite le refte fans attendre la bénedidion.
Après avoir demeuré là inutilement jufqu'au commencement du
mois de Novembre, ils réfolurent enfin de décamper au milieu
des huées des afîîégcz. Quelques-uns d'entre les Taborites ne
pouvant fouffrir leurs railleries, mirent chauflès bas pour leur
( 1 ) Boctcon Podiebrad. Ce Seigneur c'toit Huliitc , mais les Taborites lui en vouloient,parce
qu'il avoir fait priibimiers quelques-uns de leurs gens.
Llij
26§ HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.16. montrer le derrière. Mais ils furent fi bien régalez à coups de
boulets par les bombardiers } qu'il en demeura plufleurs fur la
place. Le Seigneur Podiebrad apprenant qu'ils alloient hyverner
à Nimbourg , alla affiéger cette place ^ mais l'ayant attaquée avec
(a) Le 16. trop de confiance êc de précipitation 3 il y fut tué (a). Les Tabo-
Nuvcmbr». rjtes s'emparèrent cette même année de la ville de Mife(i) fur
la rivière de ce nom par compofition , & en chafïerent les Ca-
tholiques. Ceux de Pilfen qui étoientau voifînage, firent des re-
proches fort fanglans aux citoyens de Mife , d'avoir contre leur
parole livré leur ville à un Capitaine hérétique (2), quin'avoic
avec lui que dix hommes. L'excufe de ceux de Mife eft afîez plai-
fante } ils dirent que ce redoutable chef Taborite avoit une fi lon-
gue épée 3 qu'elle pouvoit atteindre d'une porte à l'autre.
MortàeCm- XXVI. Les Hifloriens de Bohême les plus exacls placent à
nuedcPra-" cecte année la mort de Conrad de Weftphalie archevêque de Pra-
gue, gue. Il avoit acheté ce bénéfice & Albicus célèbre par fon avarice.
On a parlé de ce dernier allez amplement dans l'hiftoire du Con-
cile de Confiance , aufîi-bien que de Conrad. Celui-ci avoic été
auparavant évêque à'Olmutz^, puis doyen de Wifrhade après avoir
vendu & engagé tous les revenus de fon Evêché. On dit qu'il en
ufa de même de l'Archevêché de Prague , & qu'il envoyoit l'ar-
gent de fon bénéfice à fes amis en Wefiphalie. On a vu ailleurs
qu'en 142 1. il fe rangea dans le parti des HufTites., &, ligna les
quatre fameux articles dont on a parlé. Il avoit été appelle au
Concile de Confiance où il ne comparut point , non plus que de-
vant Martin K. qui l'avoit cité. C'efi ce qui obligea ce Pontife à
l'excommunier par une bulle dattée de Rome du 2 de Janvier
de cette année. Elle eft adrellée aux Prélats à' Allemagne , de
Pologne , de Hongrie , de Bohème , de Moravie 3&c aux Inquifiteurs
de la foi dans ces Etats. Il repréfente dans cette bulle, » 1. Que
» la négligence de Conrad à pourfuivre les Hérétiques , l'avoit ren-
» du fort fufpect des le temps du Concile de Confiance, & qu'il
»y avoit été cité fans y vouloir comparoître. 2. Qu'il avoit ap-
» pris que le même Conrad avoit afîemblé un faux lynode^oùil
«avoit adopté les erreurs des Hufîîtes. 3. Qu'il avoit commis le
«Cardinal de faint Marc pour s'informer de la vérité du fait, ôt
» que ce Cardinal en ayant été éclairci , avoit cité Conrad par affi-
( 1 ) Cette ville qui n'étoit autrefois qu'un village , fut bâtie par Sohiejlttvv 27. Duc de Bohê-
me. On y trouva des mines d'argent, ce qui lui fit donner un nom, qui en Bohémien lignifie
Argentine. C'eft de là qu'étoit le ce'le'bre Jatobel.
(2) Il s'appelloitPr:u7>i£. Klenovv\y. Il eft appelle' héros invincible. Theob. p. J 22.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JXTli. i69
ches publiques j mais que n'ayant point comparu , il l'avoit con- jai6.
damné par contumace. 4. Martin déclare qu'en confirmation
de cette fentence , il avoit excommunié , anathématifé , dépofé
Conrad 3 non feulement comme rebelle, mais comme hérétique
déclaré 3 & ordonné à tous les Chrétiens de fe faifîr de fà per-
fonne, pour être dégradé folemnellement (a). Cochlée dit que (a) RaynaU.
Conrad fit une fin rnalheureufe dans le château de Hclfenbourg, Num!1ch
fans fpécifier le genre de fa mort (b). Mais Zupacius dit qu'il xin.
mourut tranquillement à Raudnitz^ place qui lui appartenoit , ^^°u^Uy\
& qu'il fut enterré dans une Eglife de Prague ( 1 ). P. 108.
(1) Lupac.XXV. Decemb. CetHiftorien fetrompeen plaçant la mort de Conrad en 1421.
zuiW-bicn que Cocble'e , quihmetà 1423. La vraye date eft le 6. d'Aoufl; 1426. Balbin. Epi-
tom. p. 46'8.
L 1 iij
I S T O I R E
DE LA
GUERRE
DES
U S S I T E S
1-J kj
14.16.
Expédition
de l'rocope en
Moravie.
CONCILE DE B A S L E.
LIVRE XIII.
'Archiduc profitoit de ces troubles inceflins en
Bohême, pour recouvrer ce qu'il avoit perdu l'an-
née précédente en Moravie. Il avoit employé une
partie de l'été à reprendre Ewant^ich dans le dif-
trict ac z.noima, fans en pouvoir venir à bout : mais apprenant
que Procope Rafe s'avançoit à grands pas avec les Taborites 6c
les Orphelins pour fecourir cette place, il levalefiége èc fe re-
tira avec fon armée en lieu de fureté. Procope en effet s'étoit,fans
beaucoup de peine , emparé de quelques forts en chemin faifant y
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv.JflIl. i7t
niais il n'en fut pas de même à Kamenitx^3 ville fur les frontières 14_1^
de la Bohême 6c de la Moravie , où il y avoit une bonne forterefîe,
Elle fut vaillamment défendue par la fille ( i) d'un Seigneur qui lui
en a\*)it confié Ja garde en mourant. Cette courageufe fille fça-
chant le defîein qu'avoit Procope Rafe de la venir attaquer, s'e-
toit pourvue avec une prudence admirable de tout ce qui étoit
neceflaire pour foutenir un fiége. Lorfque Procope 6c fes gens la
fommerent de rendre la place par de terribles éclats de voix : Je ne
fuis 3 dit-elle avec un courage intrépide , qu'une jeune fille foible ;
mais fai pourtant ajfez^de cœur pour ne pas mallarmer de la féroci-
té de votre langage , & pour ne pas céder ma place fans la défendre.
Elle fe fentoit fortifiée dans oàtte genereufe réfolution par fon
parent Meinard de Maifon Neuve , d'une des plus anciennes fa-
milles de Bohême qui lui avoit promis d'accourir à fon fecours. Il
femiten effet en devoir de tenir parole, mais ayant été attaqué
6c battu en chemin (2) parlesTaborites, il eut beaucoup de peine
àéchaper lui-même avec quelques Seigneurs. Cependant l'hé-
roïne ne perdit pas courage. Egalement inflexible aux promef-
fes& aux menaces de l'impatient Procope , elle le prefîa pendant
quinze jours h* vivement , qu'il commençoità defefpererdel'en-
treprife : enfin 3 comme il n'y avoit pas d'apparence de tenir plus
long-temps, les murailles faifant brèche en plufieurs endroits,
l'efpérance du fecours entièrement perdue, elle aima mieux ca-
pituler que dehazarder une ruine totale. La garnifonfortitavec
armes 6c bagages, ôc permifïïon defe retirer où elle voudroit, à
condition pourtant de laifîerdans la place les machines 6c toutes
les munitions de guerre 6c de bouche. On tint parole à la coura-
geufe Amazone. Schwamberg l'un des Chefs des afïïégeants la con~
duifit avec bonne efcorteoù elle voulut fe retirer. Il n'en fut pas
de même de ceux qui après la défaite dont on vient de parler s'é-
toient retirez dans le château. On les fit tous prifonniers , com-
me n'étant pas compris dans la capitulation.
I I. Depuis la déroute de Maifon Neuve , il fe faifoit de conti- Courfc des
nuels a&es d'hoflilité entre les troupes de ce Seigneur 6c les Ta- Jabonte*
..—,,. n r , ° fur les terres
bontés. Ce n'etoient que mafiacres & brigandages au grand dom- de Maifon-
mage du pauvre *païfan , qui voyoit impitoyablement fourager 6c Netlve-
couper fa moiffon 3 fur tout l'un des Chefs des Taborites Kromef-
(1) Agnes fille de Procope de Sevm.i d'Auft.
(2) Ce combat le donna près d'un Vivier que les Huffites appelèrent Kalifcb, c'eft-A-dirc,
Calice, parce qu'ils aroient attaqué ce Seigneur & quelques autres Catholiques pour la dc-
fenle du Calice. Cz/cbor. Mars Moravie.
i72 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1416. fin 3. (\ui Procope ifon déparc pour la Moravie, avoir confié la gar-
de de Tabor & de fon territoire , faifoic des courfes continuelles
dans les places voifines des terres de Maifon Neuve. Ce Seigneur
de fon côté ne manquoit pas d'occafions de prendre fa revanche.
Après bien des pilleries les Taborites allèrent mettre le fiege de-
vant une petite ville appartenant à Maifon Neuve. Quoique cec-
te ville n'eût pour tout rempart qu'une double palifTade , les ha-
birans réfolurenc de la défendre jufqu a la dernière goûte de leur
fang , regardant leur mort comme un martyre pour la Religion
Catholique. Des la pointe du jour qu'ils s'étoient approchez fe-
cretementde la palifTade pour y grimper, ils furent vigoureufe-
ment repoufTez ; l'attaque ôc la ifenfe furent des plus chaudes
pendant une heure 5 mais les Taborites commençant à plier , Kro-
meljîn tant par promeuves 6c par menaces, qu'à grands coups d'une
mafîuè" , dont il étoit armé comme Ziska 3 les força deraprocher
de la palilïade & de continuer l'attaque 3 mais ils furent encore
obligez de lâcher pied. Ils alloient pourtant recommencer après
quelques heures de répit, lorfque Kromef/în apprit que Maifon
Neuve venoit avec fes troupes 6c celles de fes alliez au fecours de
fa ville. Le Chef Taborite ne jugeant pas à propos de hazarder
ïes gens affoiblis contre des troupes fraîches , décampa fecrete-
ment pendant la nuit pour fe retirer à Kamenit\&c attendre du fe-
cours des Taborites & des places circonvoifînes où les Taborites
avoient garnifon. Ils avouèrent qu'ils avoient plus fouffert devant
cette bicoque que devant des places importantes. Enfin Maifon
Neuve las de voir fon pays défolé par les Taborites fit fa paix avec
eux fur la fin de Novembre.
Expédition m. Procope apprenant à fon arrivée à Ewantz^k 3 que l'Ar-
Autriche.' en cn*duc en avoit décampé , réfolut d'aller avec Koribut ôc ceux de
Prague en Autriche pour régaler (es troupes du pillage qu'il y fie
par toute la campagne jufqu'aux bords du Danube. A fon retour
quoique l'Automne fût déjà fort avancé Se que les pluyes incom-
modaient beaucoup , il mit le fiége devant la ville de Rctz^n , qui
confine à la Moravie , où ceux du voifinage avoient tranfporté
leurs effets. Elle étoit commandée yzx Jaques de Haydek^ Bur-
grave de Magdebourg qui en étoit Seigneur & qui y avoit environ
iix cens hommes , tant de milice que de troupes réglées. Les deux
premiers jours furent fort meurtriers de part 6c d'autre. Les Ta-
borites perdirent le Seigneur de Schwambcrg, l'un de leurs Chefs
qui avoit été d'abord fort contraire aux Huflites, mais qui enfuite
ayant
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JT1II. 273
ayant été pris par Ziska ,s'étoit rangé dans fon parti. Le troifiéme 14.16 1
jour lavillefuccomba fous l'effort des affiégeants qui n'épargnèrent
perfonne. Il y en eut pourtant qui fe retirèrent dans la fortepefîe.
Elle fut auffi attaquée avec tant de vigueur qu'il fallut fe rendre à
difcretion. La ville fut abandonnée au pillage du foldat, & les
Chefs des vainqueurs eurent pour partage la forterefle, où il y
avoit beaucoup plus de butin. Le Gouverneur avec fa femme , (es
enfans &c ce qui échapat, furent emmenez prifonniers en Bohême,
où ce Seigneur mourut , tant de chagrin que de vieillelTe dans le
château de Valdjlein. La mère ôc les enfans furent renvoyez en ^)cx.echr.
Autriche, (a). p$7*-$79-
I V. Quoiqu'il s'en fallut beaucoup que les fcênesne fufTent p%r Affa.resé-
toutaufîî tragiques qu'en Bohêmeje refte de l'Europe n'étoit gue- |ra.nse'r^
res pi us tranquile.LeDucdeiW//^»tyrannifoitprefque toute l'Ita- gne.
lie. Les Florentins ayant fur tout en lui un ennemi fort redoutable,
furent obligez d'avoir recours au Pape pour implorer fon fecours
par des Ambafladeurs qui ne furent pas écoutez favorablement.
On foupçonna fore le Pape d'avoir prolongé cette guerre pour
mortifier les Florentins qui avoient pris le parti du Roi d'Arragon.
CeRoyaume étoit toujours troublé par la concurrence d'Alphonfe
ôc de Louis d'Anjou, que Jeanneâvoit adoptés après avoir rejette le
premier.Les inimitiez entreMartin V. & le Roi d'Arragon^u fujec
du Royaume de Naples alloient toujours en augmentant. Le Pape
avoit envoyé Pierre Cardinal de Foixice Monarque pour négo-
cier la paix. Mais A Iphonfc refufant l'entrevue fous divers prétex-
tes j le Pape réfolut d'en venircontre lui aux dernières extrémitez.
C'eft ce qu'il notifia à Jean Roi de Cafiille , par une lettre où il
lui fait une longue déduction de (es griefs contre Y Arragonois -y
celui-ci de fon côté fe difpofoit à déclarer la guerre au Roi de Caf-
tille , pour l'obliger à mettre en liberté Henri d'Arragon , qu'il te-
noit prifonnier à Tolède. Charles Roi de Navarre avoit entrepris
de réconcilier ces deux Rois , mais fa mort fubite arrêta la négo- ^ m»
ciation qui fut continuée avec fuccès par Jean frère d'Alphonfe fon *EJp- t.iii.
fucceffeur(b).. P'4P°-
V. Le Pape fît environ ce temps- ci une promotion de quatorze P£m<)tio*
Cardinaux pour fortifier fon confeil , par rapport aux grandes af- liaux.
faires qu'il avoit fur les bras par toute l'Europe. Comme il y en a Unis AU*-
qui paroîtront fouvent fur la fcêne , il faut les faire connoître. n
L'un des plus confiderabies étoit Louis Allemand, d'une ancienne
maifon dans le Bhgey en Lrejfe : fon mérite l'éleva bientôt à de
Tom. J. M m
i74 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1416. grands emplois dans PEglife. Il fut d'abord chanoine & comte
dans l'Eglife de 6Y. Jean de Lyon , enfuite Evêque de Maguelone 3
autrefois ville Epifcopale du bas Languedoc près de Montpellier 3
oùl'Evêché aéré transféré 3 puis Archevêque d'Arles 3 éc enfin
Cardinal de Ste Cécile, delà création de Martin V. En 1416. le
Pape Pappella pour être Légat de Bologne , ôc il s'acquitta de cet
emploi avecapplaudifïement. Il mourut en 1450. à Salon en Pro-
Doa. Purp. vence en odeur de fainteté. On le fait auteur de divers ouvrages
tîb.m. qUi n'ont point parus (a). On le verra paroîcre avec un grand éclat
Benrï de au Concile de Bafle.
Benujon VI. On a déjà parié à l'occafion des affaires d'Angleterre , de
annchfjier. H,enri de Beaufort Evêque de Winchefier , oncle de Henri V. &C
par conséquent du Duc àeJSetfordRégÇQl de France , & du Duc
de Glocefteriprotçâcur d'Angleterre. On a vu dans l'Hifloire du
Concile de Confiance, que ce Prélat paflant à Ulme 3 pour aller
en Terre Sainte, y fut appelle pour terminer les divifions qui étoient
furvenuëSj qu'il y vint en habit de pèlerin , &: qu'il y aravailla avec
rantdefuccèsque Martin V. le fit Cardinal in -petto pour le dé-
clarer en temps & lieu. Je n!ai point fç/i s'il exécuta le voyage de
Terre Sainte. Ce qu'il y a de certain , c'efl que fa dignité de Car-
dinal ne fut déclarée qu'en 1426. Le Pape le fit fon Légat en An-
gleterre. Il fut néanmoins traverfé dans ce dernier caractère par
le Duc de Glocefier , qui comme on l'a vû,nel'aimoitpas : c'étoit
un privilège de la nation , qu'aucun Prélat ne pouvoir y faire les
fondions de Légat , fans la permifîion & l'aveu du Roi. Le Duc
en qualité de Protecteur fe plaignit de cette infraction & en ap-
pellaau Concile Oecuménique prochain. Il fallut qu'Henri 'cé-
dât ôc fe contentât d'agir pour les intérêts du Pape , comme Car-
dinal , mais non comme Légat. Il fut bien-tôt après chargé d'une
commifîion importante. Le Pape avoit déjà envoyé inutilement
plufieurs Légats en Bohême pour en appaifer les troubles: ju-
geant qu'un Prélat de la naifîance, de l'autorité, du zèle& de
l'habileté de Henri y feroit plus propre qu'aucun autre, il le mit à
la tête d'une nouvelle croifade contre \qs Hufîites. On l'y verra
tout à l'heure faire une afîé.ztrifte figure. Il mourut en 1447. On
peut voir le caractère de ce Prélat dans l'Hiftoire d'Angleterre de
Mr. de Rapin.
Niahs ai- V IL On a eu occafion de parler amplement de Jean de Prague
hergatt. Evêque à'Olmutz^, furnommé de fer , à caufe de fon inclination
martiale, mort en 1430. Je ne trouve tknd'VrciJîn de la Porte
ET DU CONCILE DE B A S L E. Liv. JT1JI. 175
Evêque de Tfovare, fi ce n'eft qu'il fut au Concile de Confiance 5 14.2.6,
£c qu^Eneas Sylvitts en a. fait un fort bel éloge. Il mourut en 1434.
On a eu auifi plus d'une occafion déparier du^Cardinal Nicolas
Albergati Evêque de Bologne. Il fut appelle à cet Evêché en 141 5.
ôcfe défendit long-temps de l'accepter. Il s'en excufa d'abord fur
ce qu'étant Chartreux il ne pouvoit accepter ce bénéfice fans la
permifîion du Prieur de la grande Chartreufè Ôc du Chapitre gé-
néral. On envoya donc à Grenoble pour l'obtenir. Non feulement
la permifîion vint j mais même un ordre exprès de ne pas réfifter
à cette vocation. Cependant Albergati &v oit encore une corde en
Ton arc , pour parer le coup , ou pour poufîer plus loin la comédie.
Le Siège de Rome étant demeuré vaquant parla dépofition de
Jean XXIII. il allégua pour exeufe qu'il nepouvoit entrer en pof-
feffion du bénéfice , fans l'agrément 6c la confirmation de l'Arche-
vêque de Ravenne , de qui relevoit l'Eglife de Bologne. On écrivit
à Ravenne. L'Archevêque non content de confirmer l'élection
menaça l'Evêque des jugemens de Dieu s'il laiffoit plus long-tems
cette Eglife fans Pafleur. Il fallut donc fe rendre. Dès qu'il fut
entré en pofïeilion , il afïembla un Synode pour régler les mœurs
du Clergé que le Schifmeôc l'Anarchie avoient fort corrompues.
Il érigea un Séminaire pour Tinflrudion de la jeunefîè , & relégua
les filles 5c les femmes de mauvaife vie dans un coin de la ville. Il
marioit à (es dépens celles qui revenoient de leurs défordre%
Après avoir joiii paifiblemenc de fon bénéfice pendant quelque
temps , il s'éleva contre lui un furieux orage à cette occafion.
Bologne avoit recouvré fa liberté & n'étoit engagée envers le Siège
de Rome , qu'à l'obéïllance que lui dévoient tous les Etats Catho-
liques. Martin V. qui connoifToit le crédit 6c l'habileté du Prélac
lui donna la Commiffion de la ramener fous l'obéïlîancedu St.
Siée;e. Bien loin de rien obtenir, les Bolonois l'envoyèrent lui-
même pour plaider leurcaufe auprès du Pape,! Il n'accepta une
commifïion G délicate qu'avec une extrême répugnance, 6c à con-
dition qu'on lui aflocieroit deux autres députez d'entre les princi-
paux de la ville, pour être témoins de la négociation. L'Ambafla-
de fut très-mal reçue. Le Pape renvoya Albergati avec des lettres
de cachet qui contenoient l'anathême contre la ville, ôc ordre
d'en faire lecture à fon arrivée fous peine d'excommunication. A
cette lecture l'affection des Bolonois pour leur Evêque fe changea
en fureur. On envoya des foldats dans fon palais pour PafTafiiner ,
& il eût été martir de la caufe du Pape , s'il n'eut décampé en ha-
Mmij
ijt HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.16. bit féculierpour fe réfugier à Florence chez les Chartreux. Le
Pape à cette nouvelle envoya Braccio à la tête d'une armée pour
ranger les Bolonbis. La Ville fe rendit 3 & l'Evêque retourna
dans fon diocéfe,d'où Martin l'envoya Légat en France. L'ayant
fait Cardinal à fon retour, il l'envoya au Duc de Milan , pour
terminer la guerre queceDucfaifoitaux Vénitiens & aux Floren-
tins. Il ne fut pasplutôt revenu dans fon diocéfe qu'il s'éleva une
nouvelle iédition dans la ville. Le Prélat fut encore oblige de
s'enfuir déguifé. Auffitôt après fon évafion les Bolonois fe choifi-
rent un autre Evêque. Cette rébellion attira de nouveaux anathê-
mes fur Bologne. On le verra dans la fuite renvoyé en France pour
y négocier la paix. De là il alla à Baie foiitenir dans ce Concile ks
(»)%!?. intérêts d'Eugène , & enfin à Florence où ce Pape avoit transféré
Du^l in le Synode. Albergati mourut à Sienneeû 1443 . âgé de 6 H ans (a).
Juliano cal VIII. Juliano Cxfarino , d'une famille noble de Rome 3 ne fit
jarine. pas un r£ie moins éclatant. ALneas Sylvius dans une lettre au Duc
de Milan le répréfente comme le plus éloquent homme de fon
temps, d'un grand fçavoir, d'une prudence confommée 3 d'un
génie élevé 6c propre à tout ce qu'il entreprenoit. Il enfeignale
Droit ipadoue, avecapplaudillement , Steutpour auditeur Do-
minique Capranica depuis Cardinal ( 1). Il exerça plufieurs charges
à la Cour de Rome 3 comme celle d'Auditeur de Rote, de Proto-
notaire 3 de Référendaire. Il fut envoyé en Angleterre à Henri
VI. pour redreiîer les griefs que le Pape avoit contre ce Royau-
me, où l'on avoit réfolu de ne point envoyer d'argent à Rome -y
maisiinereuiTit pas dans cette négociation, parce que i'aftaire
fut renvoyée au prochain Parlement 3 comme cela paroît par une
[b] Ray», lettre de Martin V. à cette alïemblée (b). Apres avoir exerce ces
1417.11.15. charges Martin V. le fit Cardinal Diacre 3 ians pourtant le décla-
rer publiquement, ce qui nefefit qu'en 143 c\ On le verra mal
reùifir dans fa légation en Allemagne , où ce Pape, l'envoya contre
les Bohémiens. 11 fut un des Pi éfidents du Concile de Bafle en la
place d'Eugène IV. qu'il blâma fore librement de ne vouloir pas y
venir, comme on le dira dans fon temps. Cependant Julien quitta
lui-même ce Concile pour aller trouver le V^eV Florence où il
tenoit un autre Concile contre celui de Bafle. Depuis il fut envoyé
yzv Eugène IV. en Pologne à Wlaâiflas 3 pour obliger ce Monar-
que à rompre la paix qu'il avoit faire avec le Turc Amurat , fans
confulter l'oracle de Rome. Il en prit mal à Wudiflas d'avoir fuivi
[ 1 ] Sur Demimea Capranna , voyez Tkoggnwa Part. I . p. 6^. 58.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JTIII. 277
un confeil fi perfide. Il y fut tué dans une bataille aufll-bien que le Jj1 $t
mauvais conseiller dont on a pourtant voulu faire un martyr. C'eft
ce qu'on verra plus amplement en 1 444.
IX. La France & l'Angleterre n'étoient pas plus en repos. Le France &
premier de ces Royaumes fouffroit par la fuperiorité des armes AnSlctcrre>
desAnglois ôepar la divifion des Princes. Les affaires dQ Charles
VII. étoient tellement dérangées qu'on ne l'appelloit plus que
le Roi de Bourges. L'Angleterre étoit aufïï fort troublée par les
inimitiez du Duc de Glocefter & de l'Evêque de Winchefter fon
oncle. La querelle fut pourtant finon terminée , au moins af-
foupie par le Parlement. On trouve une Lettre de Martin V.
à Jean Duc de B et fora frère de Henri VI. & Protecteur des
Royaumes de France & d'Angleterre, pour l'exhorter à pacifier
les deux Royaumes j mais l'animofité étoit trop grande pour en
venir à bout. D'ailleurs il ne paroît pas que le Pape eût beaucoup
de crédit fur l'efprit deBetford 3 puifqu'il écrivit à ce dernier une
autre lettre pour lui reprocher d'avoir enfreint les libertez ec-
cléfîaftiquesen Angleterre. Il n'en étoit pas de même de Charles
VII. On comprend que ce Prince ménageoit beaucoup la Cour
de Rome , par une lettre que Martin lui écrivit pour l'en remer-
cier , &c pour le dégager de tout ferment préjudiciable aux privi-
lèges du fiégedeRome(a). [al %*•"«
& ® /T 1 tupi".
X. Il y a voit environ un an que Jaqucline comtefle de Hainaut, Démêlez du
de Zelande , de Hollande &: de Frife , ayant abandonné Jean de DucdcB#»r-
Brabant fon mari & fon coufin germain , fous prétexte delà nul- d^Vc gL-
lité de ce mariage à caufe de la parenté , avoit époufé le Duc «/*«■•
de Glocefter (b). Le père Daniel prétend que Martin avoit d'à- [kjinft.Je
bord donné la difpenfe pour ce mariage, puifqu'il l'avoir révo- *ranc' r'lVf
quée , de qu'enfin il l'avoit confirmée. Quoi qu'il en foit, elle épou-
fa le Duc de Glocefter du vivant de fon mari , car elle avoit épou-
fé en premières noces Jean Dauphin de France, mort en 141 G
(c). Quelques Hiftoriens prétendent qu'elle avoit obtenu de l'An- f^Sjfcj*
tipape Benoit JflII. la cafiation de ce mariage (d). D'autres di- p. n.
fent qu'elle avoit fuppofé des lettres de Martin V. pour cette caf- lf[.dJ J^"'n:
iation, ce que même ce Pape ordonna de raire perquiiition de t. iv.p. u-
ces faufiaires (e). Ce mariage fit un erand éclatée alluma dans le (e) Ra!n-
*^ I Aï { 111» n-
Hainaut 3 entre les Duc de Glocefter &c de Bradant une guerre ,
qui, au rapport du Père Daniel, fauva la France. Le premier
étoit foutenu par les Anglois , l'autre par lanoblefle de fon pays
& par le Duc de Bourgogne, qui prie chaudement fon parti y fans
M m iij
t^.%6.
Bulle de
Martin V.
contre les
Duels.
278 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
pourtant quitter celui de l'Angleterre. On propofa de s'en rap-
porter au Pape , comme au Juge naturel de cette affaire. Le Bra-
bançon accepta la propofition , mais Glocefier la. refufa ôc poursui-
vit ia pointe. Cependant le Duc de .Bourgogne s'étant plaint de
ce refus , Glocefier lui en écrivit durement , l'accufant d'en avoir
menti. Philippe piqué au vif de cet affront appella Glocefier en
duel. Martin V. cependant jugea en faveur du Duc de Brabant
6c déclara nul le troifiéme mariage. Jaqueline ne fut pas d'humeur
non plus que fon époux de fefoumettreàlafentence ; mais com-
me le Pape apprit que les Ducs fe difpofoient à fe battre , il écrivit
une lettre circulaire à l'Empereur 6c à toute la chrétienté pour les
détourner de ce defTein. La lettre mérite d'être rapportée.
X I. » Nous avons appris avec douleur la convention fcélérate
» qu'ont fait entr'eux nos chers fils les Ducs Philippe de Bourgogne
6c Homfrei de Glocefier^ d'entrer en champ clos pour fe battre en
duel par l'inftigation de Satan , qui non content du fang des peu-
ples 6c des Princes veut encore dévorer leurs âmes. Ce détefla-
ble genre de combat efl: condamné & interdit aux fidèles par le
droit divin 6c humain , 6c nous ne (aurions allez nous étonner , 6c
en même temps déplorer que l'ambition, la colère 6c le faux
honneur du monde ayent fait oublier à ces Princes la loi du Sei-
gneur 6c l'intérêt de leur falut incompatible avec de tels com-
bats. A quoi fert à un homme de gagner tout le monde , s'il faic
perte de fon ame ? Mais outre la perte de l'ame , n'eft-ce pas un
grand crime de prodiguer ainfi une vie que Dieu commande de
conferver foigneufement ? D'ailleurs c'effc une voyc fort incer-
taine 6c fort équivoque pour éclaircir la vérité & lajufticejpuif-
q<ie dans ces combats fînguliers on voit fouvent fuccomber ce-
lui qui a le droit àc la jufticc de fon côté. Quelle apparence de ti-
rer la vérité d'une adion où. l'ennemi de la vérité préfide ? Quel
fpeclacle horrible 6c honteux de voir des Princes Catholiques Se
de fang Royal, fe battre comme ces gladiateurs du Paganifme
quineconnoifîoient point Dieu, 6c cela peut-être pour quelques
paroles échapées à la légère? Nous donc , félon le devoir de
notre Souverain Apoftolat , voulant pourvoir , autant qu'en nous
efl: , au falut des âmes , 6c procurer la paix , nous déclarons que
nous ne voulons pas tolérer une tranfgreflion de la loi de Dieu ,
Ci publique, fi deshonorable à l'Eglife, 6c à Nous. A ces Caufes
« nous vous prions tous en général, 6c chacun de vous en parti-
n culier avec une affection paternelle ., par les entrailles de U rnj*
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv.XIll. i79
» féricorde divine , & par le fang que Jefus-Chrift à répandu pour 1a1 &
» le faluc des fidèles , & non afin que les fidèles répandaient leleur
» au préjudice de fa loi , & nous vous défendons très-étroitement ,
» en vertu de l'obéïfTance filiale que vous nous devez, d'accorder
» fur vos terres aucune place à aucun de ces Ducs pour un fi cruel
» combat , ni aucune fureté 3 ni facilité pour commettre ce crime ,
» vous ordonnant au contraire par refped pour le fiége Apofto-
»lique, & pour l'honneur du nom Chrétien défaire votre pofîi-
» ble pour les reconcilier -y autrement quiconque leur prêtera pla-
»ce, faveur ôtfecours fera coupable du même crime qu'eux (a). (ri)Ra7n-1-
La Bulle eft de Rome du 29. d'Août 1425. Le Pape écrivit en ° '*'
même temps aux deux Ducs pour leur défendre de fè battre fous
peine d'excommunication & de maledi&ion éternelle. Le Duc de
Bctford le reconcilia au bout de quelque temps. LesHiftoriens
de France & d'Angleterre parlent afîez amplement de ce démêlé
des Ducs , mais ils ne difent rien de l'entremife du Pape , ils ne di-
lent rien non plus de la part qu'eut le Pape au fécond mariage de
Philippe de Bourgogne avec Bonne d' 'Artois veuve de Philippe fon
oncle. Cependant on trouve une Lettre de Martin où il exhorte
& prie même ce Prince de fe remarier/war donner des défenfeurs à
r Eglife , fa de ne pas fe rebuter pour la flèrilitè de fon premier maria? e ,
comme on ne fe rebute pas de fe remettre en mer après un naufrage . fa
ac rejemer après une Jtenlite b(). fiipr.n. 10.
XII. On a parlé en pafîant des démêlez du Roi Eric de Danne- n t
mark ( 1 ). avec le Duc de Brunfwich. Le Pape donna à l'Evêque &
àl'Archevêquede Brème la commifîion de les accommoder afin
que ces Princes puflènt joindre leurs forces pour la réduction des
Bohémiens.
XIII. Les brouilleries continuoient toujours en Bohême en- I427-
tre les Taborices & les Calixtins au grand préjudice de la patrie. B^hcme?u*
Ceux de Prague remirent en prifon quelques-uns des Chefs de Taborites
parti qui en avoient été tirez l'année précédente, parce qu'ils trou- p1^* de
bloient la ville par leurs difputes. Comme les Taborites y fomen-
toient ladivifion, ceux de Prague réfolurent de les chafler delà
petite ville j mais les Taborites & les Orphelins qui étoient hors
de la ville , apprenant cette réfolution , entreprirent d'afîiéger
Prague 6c demandèrent fièrement les clefs de la Ville, qui leur fu-
rent refufécs. On y laifîà feulement entrer quelques-uns des chefs
des deux partis (2) pour parler de paix. Les Villes de Zatcc 3 de
[ ! ] Il ctoit de retour de fon vo) âge de Terre-Sa:?ite.
(Vj Procope Rtf/f, Jean Robctc, Jean ]Yal:on de l'aigle noire , FroCflpele ptiit.
z8o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14x7. -Làtini, de S Un y envoyèrent leur Députez j mais cette entrevue
n'eut aucune fuite par la faute desTaboritesquin'avoienten vue
que de fe rendre maîtres de Prague. C'eft ce qui obligea le Sénat
de faire publier par des hérauts , qu'ils eufïent à fortir de la ville ,
ce qu'ils firent.
coribut 'mai' XIV. Ce fut environ ce temps , que ceux de Prague dégoûtez
gnement de Coribut qu'ils avoient appelle de concert avec les Bohémiens ,
renvoyé. l'enfermèrent d'abord dans un monaftére , après lui avoir mis fur
la tête un capuchon de moine. De là il fut transféré dans une des
tours du château de Prague. Les Auteurs varient fur les raifons
d'un traitement fî indigne. Quelques-uns l'attribuent à fon inca-
pacité & à la rudeffe de [es mœurs , d'autres à l'impatience & à
î'importunité avec laquelle il follicitoit fon couronnement. Il y en
a qui prétendent qu'il avoit abandonné le parti des Calixtins, ôc
que même il négocioit auprès de Martin V. fa reconciliation avec
l'Eglifede Rome.
Il eft certain que les fentimens furent fort partagez fur cette
difgrace de Coribut. Quelques-uns difoient qu'il l'avoit bien mé-
ritée & le traitoient de déferteur. On attribue ce fentirnent aux
Calixtins 3 parce qu'il les avoit abandonnez. D'autres trouvoienc
que c'etoit une indignité & une perfidie qu'un Prince qu'on avoic
appelle au gouvernement, fut ainfi maltraité fans l'avoir enten-
du ni convaincu d'aucun crime. Il y eut même plufleurs Seigneurs
Catholiques , à ce que prétend Balbin 3 qui fe liguèrent avec les
Taborites&les Orphelins pour le délivrer à force ouverte , en
s'emparant de Prague , & ils en f eroient en effet venus à bout , fans
la trahifon d'un des conjurez nommé Guillaume Kotfca qui décou-
vrit le deflein qu'ils avoient d'envahir la ville. Ils y étoient même
déjà entrez au nombre de fix à neuf cens hommes , & ils avoient
la vieille ville , lorfque les bourgeois tendirent les chaînes dans
les rués & dans les places pour les empêcher de pafler plus avant ,
ou de s'en retourner. Ce fut un carnage fi horrible que de ce nom-
bre il ne fe fauva pas vingt perfonnes. Plufieurs de ces grands Sei-
gneurs y périrent malheureufement. Entre autres HinkodeVald-
lA)Mj*k0Vtc*-J$em y fut tué par un fcélerat (a) que peu de temps auparavant il
avoit fauve de la corde. Non content d'aflafliner fon patron _, il le
traina indignement au gibet fur la place publique. Mais cette noi-
re &c lâche trahifon ne demeura pas long-temps impunie. Ce (cê-
Lérat fut pendu par d'autres auprès du gibet. Cependant,, com-
me Coribut avoit été l'occafion de cette tragédie ^ les Grands ré-
folurent
• ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XIII. i8r
folurent de le renvoyer en Lithuanie,Ôc après lui avoir fait ligner 141-7,
[on abdication , ils l'efcorterent fecretement jufqu'aux confins de
laSilé/ie. Comme cette entreprifè ne s'étoit pas faite fans la cor-- [>] tw,. p.
refpondancede quelques-uns de la nouvelle & de la vieille ville, IZ7-C^/^-
r , * . x . 1 ' 1 i \ 1 1 r p. J2J.LWA.
on exécuta ceux qui avoient eu le plus de part a la trahilon fa). Epit.p.4tf>.
XV. Pendant la captivité de Coribut , lesTaborires tk. les Or- irniptionciefi
phelins allèrent faire une courfeen Sile/ie , province qui rélevoit Tabontcs
alors de l'Empire , où ils s'emparèrent de plufieurs villes , comme cubl c 1C'
de Goldeberg, de Lubcn , de Main , Brieg , Gleutich dont ils firent
leur place d'armes (b). Ils firent un grand butin dans la campagne [bjcremerdc
& dans les châteaux , & exercèrent de grandes cruautez. On ra- p^'xx. p"
ronte que les Polonois à leur imitation , faifoient aulîi de furieux 45j-
ravages dans ces quartiers. Ils allèrent entre autres piller un cer-
tain monaftere(c) , où. ils fe flattoient de trouver bien des richef- [c] c^aft»
fes à caufe des fréquens pèlerinages qu'on y faifoir j mais ils furent choH-
trompez dans leur attente. Cependant , afin qu'on ne leur impu- fd) Ep;t' p«
tât pascefacrilege, & que le foupçon en retombât fur les Bohê- J^JS
miens, ils percèrent en fe retirant l'image de la Vierge Marier cap. vil. p.
mais Balbin a eu aflez de candeur pour en juftifier les Bohê- JbiTupr.'pT
miens (d). 458.
XVI. L'Auteur du Mars Moravique nous apprend que les Ta- irruption
borites n'eurent pas le même fuccès dans l'attaque de Suidnitz. d^Tabori,
Ils en furent repouflez avec honte & avec perte par la valeur d'un
chevalier de l'Ordre Teutonique qui s'étoit (îgnalé dans les guer-
res de cet Ordre avec la Pologne (e). Le même Auteur place à [c] cM.p-
peu près en ce temps- ci une irruption que les Taborites 6c les Or- ^^f7'1!"1'/'
phelins de retour d'Autriche & de Hongrie firent dans la Luface, p. 527.
ayant à leur tête l'un &c l'autre Procope , & non Ziska, comme le
prétendent lesHiftoriensde la Luface(f). Ils aiïïégerent la ville [?] cbrijtyb.
de Lubcn 3 autremenr Lauba , 6c dès le lendemain du fiége , ils le Manl- dc;
difpofoient àefealader la muraille 3 mais la vigoureufe réfiftance tic.Lib.vi"
des afïîégez les obligea de reculer. Ils n'avancèrent pas plus hs cap.55.
deux jours fuivans ; le cinquième les afîiégez fiers des fuccès pré-
cédens firent une fortie qui leur fut fatale. Ils remportèrent bien
d'abord quelque avantage fur des gens attaquez à l'improvifte ;
mais ceux-ci s'étant ralliez les repouiïerent dans la ville , 6c y en-
trèrent avec eux pêle-mêle, 6c s'en emparèrent comme les plus
forts. Ce fut alors un carnage épouvantable ^ on n'épargna ni fem-
mes ni enfans , ni jeunes ni vieillards 3 ni le facré ni le profane.
Les jeunes femmes , les filles } furent immolées à l'impudicité du,
Tom. I, N n
î8i HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
lJt1l' foldat. Le pafteur du lieu , qui exhortoit Tes brebis , fut tiré à qua-
tre chevaux. Le refte du Clergé qui s'étoit retiré dansl'Eglife,
implorant en vain le fecours de la Sainte Vierge , fut impitoyable-
ment mafîacré. La ville 3 6c les églifes , les monaff ères , tout fut ré»
(a)Kr/w« duit en cendres (a).
Wandal. T antum Rellivio potuit fuadere malorum !
z$i.Gvchr. Cependant les deux Procopes apprirent que la Mifnie > la Saxey
n. 6.p*g. & la Thurime^ aflembloient leurs troupes, & que l'Electeur Fri-
5 521-9- deric s'avançoit avec huit mille hommes d'infanterie & un bon
corps de cavalerie. Se trouvant tropfoibles pour attendre cette
armée ennemie, ils fe retirèrent en Silèfie pour joindre ce qu'ils y
avoient de gens. Après y avoir pillé au long & au large ils s'en re-
tournèrent en Bohême, où l'hiftoire dit qu'ils emmenèrent une
h* grande quantité de bétail , qu'on donnait quinze bœufs pour
deux écus.
lesTahorî- XVII. Les Siléfiens ne furent pas long-temps fans tenter leur
les Sikûcn" revancbe. Profitant des nouvelles brouilleries qui s'étoient exci-
tées en Bohême, ils y entrèrent avec une bonne armée dans le
deflein defejetter dans le diftrict de Graditz qui étoit plus à leur
portée. Leur marche futfifecréte quelesgarnifonsBohêmienes
du voifînage n'en eurent aucun avis. Ayant traverfe les monta-
gnes appellées des Géants^ ils pénétrèrent jufqu a Nachod , par
le même chemin qu'ils avoient pris quelques années auparavant,
& mirent le fiége devant la place. A leur arrivée tout le voifînage
courut aux armes. Ceux de Graditz comme les plus proches du
danger , aiîiftez des villes voi fines s'avancèrent pour la fecourir.
Les affiégeants faifant mine de vouloir lever le fiége &; prendre
la fuite , allèrent dans les bois voifïns , laiflant quelques troupes-
dans des endroits propres à drefler une embufeade. Le<fratagê-
me réii/Tit j les Bohémiens les pourfuivirent chaudement ,& bat-
toient déjà l'arriére garde, lorfque les Siléfiens faifant volte fa-
ce , il fallut en venir aux mains. Le combat fut fanglant , & plu-
fleurs périrent de part & d'autres dans une mêlée , où; l'on fe bat-
toit à grands coups d'épées & de mafluës; mais la fubite irruption
de ceux qui étoient en embufeade décida l'affaire tout d'un coup..
Les Bohémiens enveloppez de toutes parts n'eurent d'autre par-
ti à prendre que celui d'une fuite fort difficile. Ils furent pourfui-
vis &. battus jufques aux portes de la ville. Les Siléfiens , au lieu de
continuer le fîcge , contens comme l'autre fois de brûler les. faux-
bourgs , s'en retournèrent chez eux , parce que toute la province
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JT1II. 283
étant en armes , ils craignoient que le recour ne leur devînt impof- r 4 *• 7»
iible , ou au moins fort hazardeux (a). pî ooî^"
XVIII. Après l'expulfion de Coribut, il fe joignit à quelques-uns Conférence
entre les principaux desTaborites & desOrphelins,pour aller trou- |nuÎIic,av?c
ver le Roi de Pologne a Cracovie. On traita de la Religion dans f„r h Rin-
cette entrevue jl'academie fut confultée,&lesDocleurs réfutèrent 6ion enl>°'
publiquement les opinionsTaborites j le Roi lui-même leur repré-
senta l'état déplorable où leurs nouveautez avoient réduit un
Royaume fi rlorifîant, leur promettant de faire leur paix à des con-
ditions équitables, s'ils vouloient revenir à eux ; mais fort inutile-
ment. Le Service divin fut interrompu à Cracovie par ordre de
ÏEvèque Sbinko. Mais comme les fêtes de Pâques approchoient ,
le Roi les renvoya avec Coribut dans quelque autre endroit de la
Pologne , d'où, ils fe retirèrent fort mécontens de l'Evêque , à qui
ils en vouloient d'ailleurs, parce qu'il étoit allé fondre fur eux avec
des troupes lorfqu'ils revenoient du pillage de quelque monaftere
en Hongrie. Coribut n'en put diflimuler fon reflèntiment -y il s'em-
porta mêmeenpréfence duRoijufqu'à dire de groflès inj ures con-
tre l'Evêque ,& menacer hautement de le. pourfuivre à toute ou-
trance, de mettre tout à feu & à fang dans l'Etat , fans épargner
faint Stanijlas l'un des patrons du Royaume^ mais Ces menaces s'en
allèrent en fumée, parce que le Duc de Siléfie, Conrad d'Elric ,
ayant battu leurs gens en Silefie, & ayant repris quelques places
dont ils s'étoient emparez, ils fe trouvèrent encore trop heureux
de pouvoir s'en retourner en Bohême rejoindre leurs Taborites.
XIX. Ces derniers ayant manqué de prendre Prague , allèrent LesTabon-
mettre le fiége devant Slan (1) ville confédérée avec cette capita- cicnt avec
le. Ils y trouvèrent d'abord beaucoup de réfiftance , parce qu'il ceux de p«-
y avoit bonne garnifon. L'ayant enfin emportée , ils brûlèrent & gue
mafîacrerent tout, fans épargner ni le Sénat, ni la NoblefTe , ni
les Eccléfiaftiques. De Slan, ils marchèrent à Littomerit^ qu'ils
prirent par compofition. Les Orphelins allèrent les joindre pour
avoir part à leurs conquêtes , mettant tout à feu & à fang fur leur
paflage. Ces incendiaires prirent entr'autres fur ceux de Prague
Curim , Broda de Bohême, & une forterefle dont ils brûlèrent
la garnifon avec le Commandant. Après avoir ravagé tout le di-
ftricl de Pilfen , ils marchoient vers Prague pour l'ailîéger de nou-
veau , lorfqu'apprenant que l'armée Impériale s'avançoit, ils ai-
( 1 ) Cette ville eft considérable par fes fallnes, le M étant fort rare en Bohême ou d'ai.t-
Icuis abonde tout ce qui cft néceffaire à la vie»
Nn ij
av
inee
284 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
iAin nièrent mieux fe reconcilier avec ceux de Prague , que de hasar-
der une ruine commune. La ville de Zatec fut médiatrice de cet-
te paix par le prêtre Coranda. On tira de prifon les Docteurs donc
on a parlé, & Rockifane continua de gouverner le Clergé,
le Cardinal XX. On a vu l'année précédente Henri de Winchefler élevé
d« mnebefler ^ ]a pourpre fous le titre de Saint Eufebe. Martin V . qui avoic
Bohême" vainement employé deux Légats pour vaincre les Hu(fites>6c
-ce une ar-pour les réduire par la force, jugeant que ce Prélat feroit plus
'cc* propre à cet emploi qu'aucun autre , non feulement à caufe de fa
naiflance 6c de fa belle renommée , mais auffi parce que les Anglui3
s'étoient acquis une grande réputation par leurs exploits militai-
res ', il l'établit fon Légat à latere en Allemagne , en Hongrie 6c en
Bohême par une bulle dattée du 16 de Février. Il écrivit en mê-
me temps au Roi d'Angleterre , pour le prier d'engager le Cardi-
nal à fe charger de cette importante 6c penlleufe commiflion. Quel-
ques-uns difènr. que le jeune Roi 6c le Duc de GiWy??r protefterent
contre cette commiflion : d'autres que le Cardinal leva des troupes
en Angleterre. Quoi qu'il en foit,le Prélat accepta lacommif-
fion , fit publier la croifàde de Martin dans fon diocèfe , 6c fe mie
en chemin pour l'exécuter. Il en donna avis de Malines au Pon-
tife. Le Pape de fon côté lui écrivit pour l'en remercier, & l'en-
(a) Kayn. courager à poufler vigoureufement fon entreprife (a). En effet , il
1417.11.3. jeva en Allemagne une groffe armée qui fut partagée en trois
n.T'tf.1 c«- GorPs (0- Le premier, des Saxons avec les troupes auxiliaires des
th«r. Mus villes anfeatiques 6c maritimes. Le fécond étoit eompofé destrou-
°»«c F- pes ^ £ranconie ^ de xhuringe & de Lune-bourg , qui avoient à leur
tête l'Electeur de Brandebourg. Le troifiéme, de celles de Bavière^
du Rhin , de la Carinthie , 6c des villes Impériales en Suabe, com-
me Augi bourg, Vlme , JSI orlingue 3 Hall de Suabe , U. Heilbron.
Etant entrez en Bohême , la première armée campaà Commotau 3
l'autre à Egre , 6c la troifiéme à Taufçb (1).
LesBohc- XXI. Le 2 5 de Juin une partie de cette armée mit le fîége de-
miens, Ta- Mi/e, qui étoit bien défendue par une bonne garnifon de
bontés Seau- -^\ ^ , _. r ..." ,
très s'u .iif- Prague. Des que ceux de Prague en eurent avis, us envoyèrent
grtpourfe auxTaborites ôcaux Orphelins pour leur demander un prompt
fecours. Comme il falloir palier par Prague pourfecourir Mife3
ceux-ci demandèrent paiïage dans la ville : on le leur accorda -,
(i) Quelque» H irtoriens affirment qu'elle étoit de quatre-vingt mille hommes de cavalerie,
& autant d'infanterie , & que celle des Bohémiens n'etoit que de mille cinq cent chevaux ,. fit
de feize mille fantalîins.
(2; Dans le diftriû de Pilfcn.-
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. X1I1. 285
à condition qu'ils n'y feroienc aucune hoftilité & qu'ils n'y arrête- 1417,
roientpas. Ils le promirent , obtinrent parole. Les Taborites en-
trèrent donc paiiiblement dans Prague le 11 de Juillet avec trois
cens chariots, 6c allèrent camper àlVcijfemberg 3 ils furent fuivis
le lendemain des Orphelins, qui paiierent aulli tranquillement à
Prague pour aller trouver leurs gens avec deux cens chariots.
Quelques jours après ils furent joints par Procofe Rafe avec deux
cens chariots & dix mille chevaux d'élite , qui furent logez dans
la ville pendant quelques jours. Il (è joignit à lui plufieurs des
Grands de Bohême 6t de Moravie, tant Catholiques que Huffites
( 1 ) , pour fecourir leur commune patrie.
XXII. Tous ces fecours ainfi raffemblez , on préfenta le com- ies Tmpé-
bat aux Allemands le 21 de Juillet. Les armées n'étoient fépa- riaux font
rées que par la rivière de Mife. L'armée Bohémienne jetta d'a-
bord une telle épouvante dans celle des Impériaux , que quittant
brufquement le fiége, ils s'enfuirent tous à la débandade. Le Car-
dinal voulut en vain les rallier 3 il fallut qu'il prît la fuite aufli-
bien opxOthon Electeur de Trêves , qui venoit à fon fecours avec
mille chevaux. AineasSylvius dit qu'il prirent la fuite même avant
que d'avoir vu l'ennemi 3 mais les Hiftoriens de Bohême difenc
que ce fut à fon afped. On a comparé cette défaite à celle de
Cmjjus chez les Parthes , de Vexoris & de Darius chez les Scythes ,
& de Jferxès chez les Grecs. On y remporta un fi prodigieux bu-
tin , que depuis le plus petit jufquesauplus grand tout le monde y ■
eut part. De l'aveu de plufieurs Gentilshommes Catholiques,
dont les familles font à préfent fort diftinguées, ce fut là le com-
mencement de leur fortune. Quoi qu'il en Toit, jamais déroute ne
fut plus complette 3 en vain crurent-ils s'être mis à couvert de la-
pou rfuite en gagnant la forêt de Taufch 5 les vainqueurs les batti-
rent toujours en queue , Ôc les payfans en afïbmmerent un grand'
nombre 5 de forte qu'on n'a pas pu fçavoir combien les Allemands
perdirent de monde dans cette adion. On fait monter ordinaire-
ment cette perte à dix mille hommes, fans compter un grand nom-
bre de prifonniers. Les Bohémiens n'y perdirent que peu de gens.
Quand cette agréable nouvelle fut portée à Prague, on y chanta
le Te Dcum en grande folemnité. Cependant l'armée viétorieufe
affiégea & prit après feize jours de fiége Taufch-, ou s'étoit retiré
le relie des fuyards. On y pafla tout au fil de l'épée. On délibéra
fi on raferoit la place 3 mais les plus prudens ayant été d'avis de
Qh) Meuard ut- Maifo v-Nftft/f , Wtrutjlsa de Staviict } ErncJldtK<ntttX;& Jnvarie MirevttL
1 8 6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
142 7. ^a conferver pour la fureté de la province } on y mit une garnifon
Taborite (1).
Lcttredupa- XXII L Le Cardinal d'Angleterre rebuté de la lâcheté de
pc 1ad\\Plr1di" cette groiîe armée, qui par une terreur panique avoit lâché le
"erre. "S °~ pied fans coup férir , voulut s'en retourner dans fa patrie 5 mais le
Pape lui écrivit pour lui faire reprendre courage. Il y a quelques
particularitez dans ce Bref qui méritent qu'on en donne la ïub-
flance. » Nous avons appris avec la plus fenfible douleur la hon-
» teufe retraite, ou plutôt la fuite précipitée des fidèles qui ctoient
» en Bohême. Car plus nous avions d'efpérance par tout ce qu'on
»nous rapportoit, d'avoir la victoire dans les mains 5 plus nous
»fommes confternez d'un fi grand defaflre, parce qu'il ne fera
>■> qu'augmenter les forces & rehauiler le courage des hérétiques.
» Pour vous , nous ne fçaurions trop louer votre zèle 6c votre ma-
l3 gnanimite dans toute cette affaire : mais malgré l'incertitude des
«évenemens, loin de fe rebuter dans une fi fainte entreprife, il
»>faut au contraire feroidir avec plus de courage que jamais con-
» rre l'infortune. Continuez donc d'agir avec votre fagefîe & vo-
»tre diligence ordinaire auprès des Princes d'Allemagne , fi tanr
» eft qu'il y ait quelque chofe à efpérer d'eux , 6c avec Iqs Prélats
» que cette affaire regarde de plus près , pour les engager à ne fe
» point relâcher dans la défenfe de la foi. Nous connoiflbns quelle
»eft votre prudence, & vous n'avez pas befoin d'inftru&ion plus
» particulière: fçachant , comme vous faites ,à qui on peut fe fier,
» & ce qu'on peut efpérer de chacun , vous prendrez vos mefures
ss fur le champ , 6c félon les conjonctures , pour lever cet opprobre
» de defîus l'Eglife. Ce fera pour vous une gloire éternelle j 6c fi par
» la bénédiction de Dieu vous obtenez la vidoire fur Ces ennemis ,
» outre lesrécompenfes que vous devez en attendre, vous furpaf-
s> ferez par ce bel exploit ceux de tous les Rois 6c de tous les Prin-
»ces de notre temps. Cependant nous délibérerons fur ce qu'il
» y a de plus expédient , Se nous vous en donnerons avis -y mais
» en attendant il y a une chofe dont nous croyons qu'il eft impor-
» tant de vous avertir ^ c'eft que beaucoup de gens fe plaignent
s) que quelques Prélats 6e autres Eccléfiaftiques d'Allemagne , par
;> leurs mauvaifes moeurs 6c leur méchante conduite, donnent pré-
?> texte aux laïques de mal penfer de la foi 6c de fe conduire enco-
i* re plus mal. Nous fouhaitons donc qu'avec votre circonfpe&ion
(i)lbeob.nb. (hp. CetHiftorien dit que de fon temps on gardoit encore à T/fttfcb un drar-
rpau quejef Bohémiens avoient remporte fur les Alicmans.
ET DU CONCILE DE 13 A S LE. Ziv. JfllI. 187
=> naturelle vous les avertirez de fe conduire dételle manière, 142-7;
«qu'ils puiflent faire leur propre falut 3 & être en exemple aux
» autres : fur tout l'Archevêque de Cologne ( 1 ) Scl'Evèque deWïrt^
» bourg ( 2) , donc on apprend des chofes indignes de Prélats , au-
» ront beloin de vos avis falutaires. Vous ordonnerez aufïi aux Ar-
» chevêques de Cologne & de Mayence (3 ) de terminer leurs guer-
»res, de de tourner contre les hérétiques des forces qu'ils em-
» ployent à répandre le fang Chrétien ». La bulle eft datée de Ro-
me du 11 O&obre.
XXIV. De retour deTœufch, les Bohémiens allèrent tenter Trêve de
l'attaque de Pilfen où la Religion Catholique prévaloit : mais y ^ve/lcs
ayant trouvé trop de réfiftance , ils fe contentèrent de brûler les Huffites.
fauxbourgs. Cependant ceux de Pilfen craignant d'être à la fin
opprimez par des troupes fiéres de leurs victoires, demandèrent
une trêve d'un an. On ne la leur accorda que pour fix mois 3 à
condition qu'ils envoyeroient leurs députez à une conférence qui
fe devoit tenir à Noël pour terminer les différends de Religion.
Le Pape fe donna beaucoup demouvemens pour empêcher une
entrevue dont il craignoit les fuites pour la Catholicité , parce
qu'outre que les Bohémiens avoient la force en main , ils étoienc
en réputation d'être plus fubtils difputeurs que les Catholiques.
On trouve un Bref de ce Pape au diftrid & à la ville de Pilfen, auiïï
bien qu'à ceux de Carlftein, pour les détourner d'une conférence >^
ii hafardeufe. Il eft conçu en ces termes.
» XXV. Nous avons appris par les lettres de notre cher fils Lettre du r.v-
» Jean Cardinal- prêtre de faim Cyriaque (4) , que vous avec quel- ^fc"."*
» ques Barons <2c Gentilshommes avez fait trêve avec les perfides
>• 8c déteftables hérétiques -y qu'à Noël prochain il fe trouvera des
» gens de part ôc d'autre pour entrer en conférence fur la Foi Se fur
»j l'Ecriture Sainte à Foccaiion de leurs erreurs. Nous ne doutons
» point que vous ne l'ayez fait de bonne foi ôc à bonne inten-
.5 tion y mais il faut fe conduire avec beaucoup de précaution à l'é-
» gard de ces ferpens ruiez , & imbus du venin de Satan. Ce qu'ils
»en font n'eff. pas dans le deffein de fe convertir 3 mais de vous
» pervertir par leurs fophifmes Ôc leurs fourberies. Ils ont la peau
ii
( 1 ) C'étoit Thierri comte de Meurt.
(2) C'étoit Jean de Brun , qui fit la guerre à fes fujets , & affiegea fa Ville épifcopale.
(3 ) Ces deux Electeurs s'e'toient unis contre le Landgrave de llefji. Voyez l'hiftoirc de ces
démêlez dans les remarques de Mr. George Cbrifîuin de Jean', fur l'hift. de Mayence de Sera~-
rius 7 T. I.p. 740.742. de Fedit. de Francf. en 1722.
(4J C'eft l'Évoque d'Ghnutx. dont on a fouvent parie.
^8 8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
T a y-7 » de l'agneau mais ils ont des dents de loup. C'eft pourquoi nous
» vous prions , lans pourtant vous rien enjoindre , que demeurant
s> fermes dans la foi , & fondez fur la pierre qui eft Chrift , vous
«évitiez un pas fi gliiîant, de peur que vous ne tombiez. Évicez
» une telle entrevue, & des difputes qui ne peuvent aboutir qu'à
»la deftruction de vos âmes. La foi Catholique eft afîez bien ap-
» puyée & confirmée par le fang des Martyrs 5 elle a été d'ailleurs
» éclaireie par tant de Conciles , par tant de décrets des faints Pa-
» pes & d'écrits des faints Docteurs 3 & par les explications de tant
*> d'excellens hommes , qu'il feroit fuperflu d'en difputer davan-
» tage. Il eft bien plus falutaire de s'en tenir à ce qu'ils en ont
» décidé. Fuyez donc encore une fois une conférence où vous ne
» pouvez rien gagner, & pouvez beaucoup perdre. Perféverez dans
» la foi où vous êtes nez , & par laquelle vous pouvez être fauvcz.
» Réfiftez, comme vous avez fait jufqu'ici s de toutes vos forces
?> à ces blasphémateurs d'hérétiques , affurez que nous vous affifte-
vrons d'une telle manière, qu'avec l'aide de Dieu l'orgueil des
» médians fera brifé , & que non feulement vous pourrez réfifter
(a) R*/»:ànn. >-> à leurs efforts , mais même devenir victorieux » (a). La lettre eft
1427.11.7. £Jattée du 22 O&obre. Te laifie au Lecteur à faire fes réflexions
Tup.p. 525. fur l'allarme ou paroit ici le Pape, quela^?!«^r^«/^neluccom-
be dans une conférence ^ content de faire en Hiftorien ces deux
remarques , pour faire voir que cette allarme n'étoit pas au fond
trop mal fondée. L'une eft , que quoiqu'il y eut des Catholiques
à Pilfen &c dans le diftrid, il pouvoit y avoir encore plufieurs
Huîîîtes. C'eft là que ziska fît fès premières courfes 5 il y parue
tout enfemble en conquérant & en convertilléur. L'autre, qu'é-
tant peut-être en plus grand nombre, comme ils étoient forE
violents, ils auraient bien pu faire fuccéder la dragonade à la con-
férence.
L'Evêquc XX Vi. Le Pape £n écrivit aulfi au Cardinal Evêque d'Olmut^
ffoimttt%. qui n'oublia rien. pour traverfer cette entrevue par les mêmes rai-
ycut en vain (ons j[ défendit par un mandement exprès, fous de grandes pei-
cmpec'icr la t r » o . f
^iifcrcncc. nés, aux Moraves de s y trouver. Et comme il ne pouvoit pêne-
trer en Bohême , parce que tout y étoit en combuftion , il écrivit
plufieurs lettres à ce qui relloit d'Eccléfiaftiques & de Seigneurs,
& en particulier à ceux de Pilfen 3 pour les détourner d'un projet
(MKotupishi. qui allarmoit fou zèle paftoral. Cependant la conférence fe tint ^
i c] QueUr. jes uns difent à Pilfen, d'autres dans quelque autre endroit de
U$iG.up' P" ce diftrict, (b). Il ne s'y trouva, au rapport de Czgckorod (c) , au-
cun
ET DU CONCILE DE BASLE. Zlv. XIII. 289
cim Grand de Moravie, mais feulement quelque peu de pauvres 1*1-1
gens de cette province , qui , à ce qu'il prétend , chargez de dettes
Çq livroient au plus offrant. Plufieurs Grands de Bohême & les
députez de Prague y affilièrent avec les docteurs Peyne & Coranda,
arcs-boutans des Taborites. Les députez de Pilfen n'y manquè-
rent pas non plus , comme on le peut juger de ce qu'ils obtinrent
une nouvelle trêve de fix mois. Cependant il n'y fut rien conclu ,
comme il étoit déjà arrivé plus d'une fois , à caufe de la chaleur
avec laquelle chacun foûtenoit des fentimens divers.
XXVII. Mais comme il y avoit en Moravie beaucoup de gens Ordonnance
qui penchoienc pour le Haflitifme , le Cardinal Evêque d'0/?»#f jaunîtes ai
publia un nouveau mandement, par lequel il défendoitaux prê- Moravie.
très & aux laïques de rien innover. On y fpécirle les articles fui-
vans. » 1. Qu'aucun prêtre ou laïque ne tienne & n'enfeigne les
>»4j. articles àtWiclef, mais qu'on s'en tienne à ce que croit de
»> enfeigne l'Eglife Romaine. 2. Qu'on ne falTe aucun changement
s> à l'égard des fept Sacremens , des clefs , des cenfures , des céré-
» monies , des droits &. des rites de l'Eglife. 3 . Qu'on croie le Pur-
» gatoire , la vénération des Reliques , le culte des Images , les In-
» dulgences , 6c les Ordres. 4. Qu'aucun n'entreprenne de prêcher
«fans l'approbation de l'Ordinaire, ou de fon Vicaire approuvé
«par lui, &c qu'on explique la parole de Dieu félon l'interpréta-
» tion des faints Pères. 5. Qu'on ne change rien dans la Mefle &
«dans l'adminiftration des Sacremens. 6. Que fous peine d'ex-
» communication on ne life point les livres de iViclcf^ de Jean Hus
» & de Jacobel^ qui ont été traduits en Bohémien > mais qu'on les
» brûle , ou qu'on les porte chez l'Evêque. 7. Qu'on ne chante
»> point les chantons défendues, comme étant ineptes, feanda-
«leufes & féditieufes, fur tout celles qui ont été faites contre le
» Concile de Confiance , & contre les Catholiques qui fe font op-
» ppfez aji Wicléfïfme y& kla louange de 'Jean Hus & de Jerbme
» de Prague (a). J'ai rapporté ceci, parce qu'on peut juger par ces (t) c^ch$r,
nouvelles précautions en quoi confiftoient les innovations. De*' Î***S%7*
fon côté l'Archiduc donna un Edit , par lequel il défendoit quel-
que changement que ce fût dans la religion jufqu'à la tenue d'un
Synode provincial qui devoits'aflembler bien-tôt. L'Edit portoit
des peines contre les Prêtres apofiats , & les autres déferteurs de
la religion Catholique, & contre ceux quichanteroient dans les
places, dans les tavernes^ôc dans les maifons particulières les chaiu
fons défendues.
Tom. I. Ô o
190 HISt. DE LA GUERRE DES HUSSÏTES
141*7. ' .
s igc & prife XXVIII. Procope Raie , après avoir fait quelque fejour àPra-
dcCoiin. gue p0ur y pacifier toutes chofes, autant qu'il put, alla rejoin-
dre les Taborites avec quelques troupes de Prague pourafliéger la
ville de Colin , où. il y avoit une garnifon Impériale commandée
par de Vifch de .BorzeL La place fut affiégée par trois endroits,
d'où les machines de guerre faifoient un fracas épouventable^mais
les affiégez fe défendoient avec tant de vigueur , que le fuccès
du fîége fut long- temps incertain. Cependant ils firent une for-
tie avec tant de fureur & d'impétuoflté 3 qu'ils mirent en fuite
les affiégeans , & rentrèrent dans la ville avec un grand butin. Ces
derniers allarmez de cet exploit, mandèrent aulîî-tôt à tous les
conféderez de fe rendre incellamment devant Colin, fous peine de
la ruine de leur fortune. On vit bien-tôt arriver dans le camp une
grolle armée de troupes aguerries & toutes fraîches ; mais comme
les vivres manquoient pour tant de monde, on faifoit des détache-
mens pour aller piller jufquesà dix lieues à la ronde. Ce pillage
ne s'exerçoit pas fans efearmouches avec les payfans ;ce qui fur
tout arriva dans un village où ils tuèrent plufieurs foldats , &c
mirent le feu dans un endroit où d'autres s'étoient retirez. Quand
on en eut avis dans le camp , on détacha une centaine d'hommes
qui brûlèrent le village, & emmenèrent prifonniers ceux qui é-
chapérent du maiïacre & de l'incendie. Cependant les Orphelins
qui faifoient partie du fiége , ayant 3 à la faveur de la glace , pafié
l'Elbe , èc brûlé les dehors de l'endroit de la ville où ils étoienc
poftez , fè mirent en devoir d'efealader la muraille -y mais les affié-
gez ayant fait une fortie, les firent reculer avec une perte consi-
dérable. Les Taborites, bien loin de les foutenir, faifoient de*
railleries de leur témérité , leur demandant s'ils avoient eu une
bonne Saint Martin (1). Quelques jours après la place fut atta-
quée de nouveau par les trois corps des affiégeans. Cette nouvelle
attaque dura prefque un jour entier fans rien gagner. Pl^fleurs au
contraire y périrent, ou tuez ou noyez dans l'Elbe dont les pla-
ces s'étoient rompues ; de forte qu'il fallut fe retirer. Ce fut un
grand fujet de triomphe pour les affiégez. L'un d'entre eux ayant
fnjLe sei- enlevé le drapeau d'un des Chefs (a) de l'attaque bleflé à mort,
gneur de l'attacha à la muraille pour infulter les affiégeans. Procope fut
bielle dans cette occafion d'une balle de plomb. On emmena à
Cuttembourg& à Prague une trentaine de chariots chargez de
bleiTez. Il n'y avoit plus d'autre parti à prendre que d'abandonner
(1) Ceci fepaffale 17, de Novembre. Ibeob. p. 12p.
ET DU CONCILE DE BASLE. Z/î/.^77/. 291
l'encreprife , ou d'affamer la ville : ce dernier parti réuflic en lui I±
coupant les vivres. La place manquoic de tout, & la diflenfion
s'écoic mife encre les habicans } de force que le Gouverneur (a) m Diwijct?
obligé de fe rendre, les crois parcis aflïégeans entrèrent dans la
place, fans régler pour lors auquel des trois elle comberoic en
partage. Elle rue cédée dans la fuite aux Orphelins qui y mirent
garnifon. Ils convinrent tous de s'atfembler au commencement
de l'année à Bérone, pour terminer amiablement les différends
de religion.
XXIX. L'un des continuateurs de Baronius place à cette an- Négocia-
née quelque négociation de paix entre le Pape & les Bohémiens hêm'c^savw
par l'entremife de Coribut. Quoique je n'en crouve rien dans les le Pape.
Hiftoriens de Bohême , je ne laiflerai pas de la rapporter ici , ne
voulant pas fuppofer quecec Annalifte l'ait inventée. Les Bohé-
miens , dit l'Annalifte , épuifez par tant de guerres , auffi fatiguez
de leurs vidoires que les vaincus de leurs défaites , firent mine de
vouloir fe réconcilier avec l'Eglife , & employèrent Coribut à cette
négociation. Le Pape en bon père ne rejetta pas la propofition,
pourvu que de leur côté les Bohémiens , comme des enfans fidè-
les à l'Eglife , fe foumiflène à fon autorité. L'affaire fut mife en-
tre les mains du Roi de Pologne & du Duc de Lithuanie. Cepen-
dant l'Empereur à qui cette négociation donnoit de l'ombrager,
comme pouvant être au préjudice de fon droit à la Couronne de
Bohême, fit des reproches au Pape de l'avoir entreprife à fon
infçû. Le Pape s'en exeufa par une lettre du onzième de Septem-
bre (1). Il y avoit dans la lettre des reproches fur d'autres fujets,
qui ne font pas exprimez dans le fragmencdelaréponfedu Pa-
pe qu'a donné Raynaldus. 1 .» Le Pape repréfencoic donc à l'Empe-
» reur , qu'ayant fait tous les efforts imaginables , tant par {es Non-
» ces & par fes Légats , que par fa croifade , pour convertir ou ré-
» duire les Bohémiens , couc cela n'avoir abouti qu'à la confufîon
» de la foi Carholique, des Princes Allemands , êc au triomphe de
«l'héréfie. i. Qu'il n'avoit pu s'empêcher d'écouter les propo-
»> fitions qui lui avoient été faites de la part des Bohémiens poux
«les réconcilier avec l'Eglife parle moyen de Coribut, qui bien
» que fufpecl: , méritoit pourtant d'être entendu , parce qu'il étoit
• mieux informé que perfonne des intentions des Bohémiens. 3.
»» Que les Bohémiens dans cecce négociacion vouloienc craiter im~
wmédiacemencavec le Pape, fans l'intermiflîon du Roi des Ro-
(1) On l'a placée ici n'ayant pu 1 enchaffer commodément ailleurs,
Oojj
29 2 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1417, " niains. 4- Qu'on ne les avoic admis à traiter , qu'à condition qu'ils
» ne Te prefenteroient pas pour difputer , foutenir leurs droits , con-
» teiter ceux de l'Egliie ; mais pour fe foumettre. 5 . Que l'Empe-
» reur ne devoit pas trouver mauvais qu'il n'eût pas été requis pour
«cette négociation, & qu'on fe fût adreflé au Roi de Pologne &
» au Duc de Lithuanie 5 parce qu'on avoit eu des avis certains que
«l'efprit des Bohémiens étoit tellement aliéné de lui, qu'il n'y
»> avoit nul lieu d'efpérer aucun accommodement s'il y interve-
»noit. 6. Qu'il croyoit d'autant moins qu'il trouveroit mauvais
» qu'on eût pris d'autres médiateurs , qu/il avoit déclaré lui-même
>» que pourvu que les Bohémiens revinilent au giron de l'Eglife & à
33 Ion obéiflance, il lui étoit indiffèrent par quel canal cette im-
33 portante affaire s'exécutât ( 1 ).
Affairesé- XXX. On avoit foupçonné Martin V. d'entretenir la guerre
Italie,' Efpa- en Italie pour pêcher en eau trouble 5 mais voyant qu'il y per-
gne,Portu- doit plus qu'il n'y gagnoit , il envoya Nicolas Âlbergati cardinal
dclMiianUC ^e $te' Croix Pour négocier la paix entre le Duc de Milan, le3
viole la paix. V énitiens & les Florentins. Elle fe conclut en effet en 1417. Les
Vénitiens recouvrèrent Brefce , Crémone > JBergame. On rendit
aux Florentins ce qu'on leur avoit enlevé. Amedéeduc deSavoye
garda ce qu'il avoit conquis (2). Cependant lorfqu'il fut queftion
de rendre les places dont le Duc de Milan avoit promis la refti-
tution , on enrefufa l'entrée au Général Carminiola > queles Vé-
nitiens avoient envoyé pour les recevoir. C'étoit une des four-
beries ordinaires du Duc de Milan , qui en même temps promet-
, > „ toit de les rendre, 6c donnoit ordre de les réfuter. Le Légat
Hift. Fio- s'en retourna à Rome fort irrite d'avoir ete ainfi joué par le Duc
rent. Lib. v. Ainfi la guerre recommença tout de nouveau (a).
Démêlé du XXXI. Si Martin V. témoignoit un grand zèle pour l'ex-
Pape avec tincfcion du Huflîtifme, il n'en avoit pas moins pour le maintien
l'Archevêque i / i • n i j i • r^.
-icCanmbirt. de les droits par tout ou on leur donnoit quelque atteinte. On
avoit aceufé à Rome Henri Chichley archevêque de Cantorberi ,
de s'être oppofé à l'abolition d'un ade du Parlement (3), con-
traire aux prétentions de la Cour de Rome, 6c d'avoir taxé le
Pape de ne folliciter cette abolition que par avarice. Chichley
(i] Rajnald. 1427. n. 10. 11. Le même Annalifte rapporte que Sigifm»nd , bien loin de Ce
payer de cesraifons , aima mieux rechercher l'amitié de Zis\a , que de fouffrir que Coribut y
fbws prétexte de cette réconciliation des Bohémiens avec le Pape , ne devint Roi de Hongrie
à fou préjudice. Mais l'Annalifte confond les temps. Zisfya étoit mort,
(1) C'étoit le même qui fut élu iJape fous le nom de Félix V»
($) C'cft l'ade appelle Pramttnire,
#
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. X1JI. 293
s'en défendit j mais loin de perfuader il sortira de la part de Mar- x , 2 -
tin une lettre fort piquante que Raynaldus place à cette année. «
jîC'eftj dit-il à ce Prélat , par vos actions & non par des lettres
» d'excufe qu'il faut juftitier votre innocence à l'égard de cet Edic
» exécrable contre la liberté du fiége de Rome , dont nous avons
«ordonné l'abolition fous peine de cenfure eccléfiaftique. Bien
» loin de cela , nous avons appris que fans refped pour nous & con-
» tre la vérité, vous ofîez dire que nous ne demandions cette abo-
lition que pour épuifer d'argent le royaume d'Angleterre. La
"faufleté de cette accufation paroît évidemment par des offres que
»nous avons faite* par nos Nonces , fi avantageufes, qu'aucun
» de nos prédecefïeurs n'en a fait de pareilles à aucune nation.
» Ce n'eit donc point par intérêt que nous avons agi 3 mais pour
» maintenir des droits ôc des privilèges que Jefus-Chrift lui-même de
nfa propre bouche a donnez^ au Siège de Rome 3 que les Saints Pères >
»les Sacrez Conciles, Ôc l'Eglife univerfelle ont reconnus, & que
» nous fommes réfolus de pourfuivre & de maintenir. C'eft à vous
»au refte, c'eftàvous même qui accufez les autres d'intérêt, à
» prendre garde que ce ne foit pour théfaurifer que vous vous op-
» pofez aux provifions & aux ordres apoftoliques (a). ,4^ n^
XXXII. Il fe paidoit en même temps quelque cliofe d'à peu Avcc\aVo.
près femblable en Pologne. Après la mort & André Lafcharis logne.
évêque de Pofnanie , qui avoit paru avec éclat au Concile de
Confiance } le Pape de fon autorité & de fon propre mouvement ,
(motuproprio ) àv oit conféré ce Bénéfice au Prévôt de Gnefne fa
créature (1 ), Mais quelques prélats & quelques chanoines de Pof-
nanie , à la recommandation du Roi , y avoient élu le Vice-chan-
celier du royaume (1). On dit même que le Roi & Alexandre Wi-
thoud Grand Duc de Lithuanie tâchèrent de gagner Martin^
pour obtenir la confirmation de cette élection (b). Martin cepen- cb) R«y»,
dant fut inflexible & fit même faire des reproches très -vifs à ubifuPr'n-
Wladiflas , d'avoir foupçonné le Siège de Rome d'être capable de x *
corruption. Le Vice-chancelier irrité de ce refus, n'oublia rien
pour irriter le Roi contre le Pape qui vouloir conférer contre Con
gré , de fa pleine puifïance , des Bénéfices en Pologne. Martin de
fon côté déclara le Vice-chancelier inhabile à pofîeder aucune
charge ou degré eccléfiaftique , & en donna avis au Roi par une
lettre, ou après de grands éloges fur fa conduite paflée envers le
(1] Mirojîaus d'une maifon noble de Pologne nomme'e NabacX..
(2) Stctnijlaus KvohcJ^de nobilidoma Jaarorttm. Dlug. Rer. Poltn. Lib. XI. p.4p6".
O o iij
294 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
Un. Siège Apoftolique, il lui reproche d'en avoir violé tes droits 8c
les privilèges par le refus de confirmer fon élection à l'Evêché de
Pofnanie 3 & par Pintrufion d'un autre Evêque. Cette affaire au-
roit entièrement brouillé la Pologne avec le Siège de Rome , fans
la mort de l'un des concurrents , qui fît place à l'autre du con-
uËfup/r*' fentement du Pape (a).
Avec le Por- XXXIII. Jean roi de Portugal s'étoit auffi attiré Pindigna-
tug tion de Martin, par diverfes entreprifes contre les droits & le*s
libertez de PEglife Romaine. Il mettoit des impôts fur le clergé,
traînoit les Eccléfiaftiques devant les tribunaux féculiers , enle-
voit les biens d'Eglife fous divers prétextes, Se defendoit fous
peine de la vie de publier des Lettres Apoftoliques fans fa per-
miffion. C'eft ce qui obligea le Pape à en écrire à l'Archevêque de
Prague , lui ordonnant d'aflembler un Synode de fa Province pour
chercher les moyens de redreïïer ces griefs , & pour nommer des
députez en Cour de Rome. Il en écrivit en même temps à l'Ar-
chevêque de Lisbonne ,§L%.xa Roi lui-même à quiilordonnoit fous
peine de contumace de lui envoyer une ambaflade pour rendre
raifon de fa conduite.
Réconcilia- XXXIV. On a vu ailleurs que le Roi d'Arragon avoit refu-
tïon de Mar- fé de recevoir le Cardinal de Poix que le Pape lui avoit envoyé.
'pbonfi? Al' Après l'avoir inutilement ajourné , il étoit prêt à lancer la foudre
contre lui, lorfque ce dernier, pour la détourner, envoya des
ambafladeurs & promit de recevoir le Légat. Il entra en effet en
Arragon , ôc fut reçu avec grande folemnité à Valence où étoic
alors le Pvoi. Après quelques difficulrez on convint des articles
fuivans. i . Que le Roi travailleroit efficacement à ramener dans
le giron de PEglife 3 & à l'obéifTance de Martin, l'antipape de
Penifcola Se (es adhérents } Se le Pape de fon côté permettoit de
les recevoir & de les traiter avec toute forte de clémence 5 mais
que s'ils perfïftoient dans le fchifme , le Roi les mettroit au pou-
voir du Pape. 2. Qu'on révoqueroit à fon de trompe tous les Edits,
Inhibitions, Conftitutions , Décrets publiez contre Martin Se tes
Légats , & les libertez de PEglife. 3. Que le Roi promettoit aux
collecteurs du St. Siège , de percevoir en toute liberté les fruits,
biens , droits de la Chambre apoftolique. 4. Que PEglife Romai-
ne^ généralement toutes les perfonnes eccléfiaftiques duRoyau-
me 6c de fes autres domaines 3 jouiroient paifiblement de leurs pri-
vilèges , libertez , franchifes , immunitez 6c autres droits. 5 . Qu'on
jrécabliroit fans délai cous les Prélats Se autres Eccléfiaftiques dé-
ET DU CONCILE DE BAS LE. Ziv.XIII. 195
pouillez dans leurs dignicez , bénéfices & autres biens. 6. Que le I4-17-
royaume de Naples ne feroit plus molefté 5 que le Pape traiceroic
avec la Reine de l'indemnifation du Roi d'Arragoa , & qu'il
nommeroic des commiflaires impartiaux & non fufpeéts , pour
examiner les prétentions que ce Monarque pouvoit avoir iur le
royaume de Naples (a). Je trouve dans Bzovius ces articles ac- 0») R«r». ubi
compagnez du Placet , c'eft-à-dire , accordé , à laréfervedupre- iup'"' x2'
mier ôcdu dernier (b). Les demandes duRoiétoient 1. Le corps (b)B&w.an.
deSt.Zouis (1). 1. La remife des arrérages dûs à la Chambre xxl "
apoftolique , à condition que tous les cinq ans le Roi donneroic
au Pape en redevance un manteau d'or. 3. Cent cinquante mille
florins d'Arragon , en dédomagement des dépenfes que le Roi
avoit faites pour l'extinction du fchifme. 4. Un certain fecours
pour défendre la Sicile contre les incurfions des infidèles. 5. Que
le Roi donneroic les provifions pour les vacances des Prélatures,
& des Eglifes cathédrales des Abbayes. 6. Que le Roi nomme-
roit fîx perfonnes dont deux feroient promues au Cardinalat,
de concert avec le Légat. 7. Une amniftie générale de tout ce
qui avoit pu être fait contre le Siège de Rome pendant le fchif-
me. 8 . Que le Cardinal Légat iroit à Rome faire ces proportions
réciproques au Pape, 8t reviendroiten Arragon pour conclure
letraité. Il ne le fera qu'en 1419.
XXXV. Les Anglois étoient toujours en France. Ils y fai- France &
foient des conquêtes , & on leur y en enlevoit. Ils prirent Bourges ng cterrc'
& on leur reprit Montargis. Ce fut par la valeur du bâtard d 'Or-
léans , fils de Zouis Duc d'Orléans, aiTaiîiné par ordre du Duc
de Bourgogne. On Pappella depuis le Comte de JDunois. Le P.
Daniel tait un portrait fort avantageux de ce jeune Seigneur 3 qui {c^Da„iel
mérita le titre glorieux de Réformateur de f Etat (c). On le verra Hift.deFr!
bien-tôt fe fignaler au fiéee d'Orléans. Les Anelois firent cette 7,\l?\?zî'
année une irruption en Bretagne , & obligèrent le uucJeanV.z Hift.de Bre-
abandonnerC/^/r/^7^y/.6càreconnoître Henri VJ. pour Roi de ta?nTe- Liv-
T /J\ xvi.p.
France (d). $72.
XXXVI. L'Allemagne étoit déchirée par des guerres in- Allemagne
teftines , quoi qu'on s'y préparât à la guerre des Huiîites. Conrad N0rd?Guer-
JJJ. archevêque de Mayence , aiTifté de Theodoric archevêque re entre Tar-
de Cologne , ôc de Jean de Brun évêque de Wirt^ourg3 Prélat ^L^* &
le Landgra-
(1) Je ne fçai quel Sttint Louis ce(t. J'en trouve trois de ce nom dans le Martyrologe Ro- vc de !:/<■//*•
main , L-oiiislX. Roi de France, Loiiis Evcque dcJonleufe 3 & Loiiis Evêque de Cor doue.
C'eft apparemment cekiwci.
i9 6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
*42 7- très-puiiïant, ayant déclaré la guerre à Louis Landgrave de Heffe,
mie le fiége devant Fulde avec une grofle armée. Mais il en rut
repoufle honteufement avec beaucoup de perte. Depuis on fie
la paix par l'entremife des Prélats qu'on vient de nommer, de
Frédéric de Brandebourg 3 & de Guillaume duc de Brunfwich , ÔC
Lunebourg. Ceci fè pafla en 1427.
Guerre entre XXXVII. Cette même année les villes Anféatiques de Lu-
Dmnemark bec ,àz Hambourg y àzV/ifmar & de Stralfunde , s'étoient liguées
& les Ducs ' avec les Ducs de Slefwich pour reprendre le Duché de Slefwich ,
de siefvvich, que l'Empereur avoit adjugé en 1424. à Eric roi de Dannemarck.
Anféatiques. L'Empereur en écrivit fortement à ces villes ; il leur repréfentoic
que le Pape avoit envoyé à Nuremberg le cardinal des Vrjîns pour
difpofer l'Allemagne à une expédition contre les rebelles & héréti-
ques de Bohème. Qu'on avoit nommé à ce Cardinal les Rois & les
Républiques qui pouvoient entrer dans cette ligue, & entre au-
tres le Roi Eric (on très- cher frère, & l'Ordre Teutonique; que
dans cette vue, il avoit envoyé à ce Monarque un de [qs cham-
(a) Michel bellans (a) , mais qu'il avoit été mal reçu par elles fur fa route ( 1 ).
lUnmngtr. Qu'il n'ignoroit pas que contre tout droit & équité , & même
contre la Sentence donnée par lui & par l'Empire , elles s'étoient
jointes avec les Ducs de Holftein contre le Roi de Dannemarck ,
au grand préjudice de ce Royaume , & à l'avancement de Yhèrê-
ykjqu'ainfîilleurordonnoit, comme à des Vafïaux de l'Empire,
de mettre bas les armes fous peine d'être châtiez comme des rebel-
les. En même temps l'Empereur donna avis de ces diligences à
(h) Hicohs £riC 5 ôc envoya un de fes Confeiiiers(b) aux villes liguées, pour
négocier la paix. Ce Confeiller à fon arrivée à Lubec expofa publi-
quement les ordres de l'Empereur, & repréfenta combien cette
guerre lui étoitdéfagréable, tant pour l'intérêt qu'il prenoit au
Roi de Dannemarck fon frère & fon allié , que par rapport à la
guerre qu'on fe préparoit à faire aux Huiîîtes. On verra la fuite de
cette affaire.
(1) OnaccufoitccuxdeLubecdc l'avoir fait prifonnier, de quoi on les verra fe juftifiei
dang la fuite.
aruft
HISTOIRE
H I SiT O I R E
DELA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE
*WK££&&3&kk&k&te}&i&kJikkJt
LIVRE XIV.
U commencement de 1423. on tint zBcraune (1) r4?. 8.
l'aiTemblée dont on étoic convenu , pour pacifier Conférence
es démêlez de Religion. Les trois partis, fçavoir jf^1*^
lesTaborites, les Orphelins & ceux de Prague s'y
■trouvèrent j Procope Rafe s'y rendit aufîï. Tout Te pa#a en contef-
tations. Procope & Tes Taboricesprétendoient qu'on pouvoir dire
■là Meiïeôc célébrer le Service divin fans habicsfacerdotaux -y qu'il
pe falloir point faire i'élevation de PHoftie , ni adorer le pain de
{1) Ville Royale de Bohême fur la Mile dans le diftrift de P<*dvvcrther.
Tm. I. Pp
293 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
ia.i2, l'Euchariftie:ilsrejetcoientlesfepcSacremens,iIsnes'ac€ordoienc
point avec ceux de Prague fur le Libre arbitre, fur la Juftification
&fur laPréde(lination(i):de forte qu'on fe fépara fans rien con-
clure. Les Taborites fe retirèrent brufquement pour s'en aller à
Prague où on refufa de les recevoir. De quoi Procope irrité fe re-
tira à Randnit^oh Jean Smirckzjc , Taborite évadé des prifons de
Prague, l'alla trouver. Dans la dernière fédition de cette capi-
tale , il avoic été arrête par ordre du Sénat comme un des auteurs
dufoulevement. Ayant corrompu fes gardes , il fut reconnu com-
me il vouloitfefauver, êtrefTerré plus étroitement. Cette fois il
fut plus heureux , fon arrivée caufa une furprife fort agréable aux
Taborites. Smirck^ic pour fe vanger de ceux de Prague leur écri-
vit une lettre fi mordante , qulls prirent la réfolution d'aller aflié-
ger Randnitzj, mais elle ne s'éxecuta pas. Les Orphelins cepen-
dant& ceux de Prague rentrèrent dans la ville.
Courfe des 1 1. Environ ce temps là les Orphelins de Cutterriberg s'afTem-
JiaJfie?te,en lièrent pour délibérer de quel côté ils tourneroient leurs armes,
La réfolution fut d'affiéger Ziechtemberg, place forte, dont le
gouverneur Jean Micfïecz^, les incommodoit par des irruptions
fréquentes. Ce gouverneur 3 pour gagner du temps _, leur envoya
demander une trêve de quinze jours fous prétexte de traiter de la
paix j mais apprenant depuis que ce n'étoit qu'une rufe pour fe
mettre plus en état de fe défendre , ils remirent le fiége à un autre
temps Ôc allèrent faire une courfe en Siléfie , ayant à leur tête Ve-
likon Cudeling qui fe cafla une jambe, étant tombé de cheval. Cet
accident fut regardé comme un fi mauvais prefage par une partie
âcs Orphelins , qu'ils vouloient s'en retourner ; mais les autres n'y
pouvant confëntir, il fallut continuer la marche fous la conduite
fa) Biaife d'un autre Chef (a). Ce ne fut que maflacres & qu'incendies de
Kr*/*p. toutes parts. Ils jettérent leur premier feu fur le Duché de Munf-
terberg. De là ils allèrent fondre fur Suidnitz^, Javar 3 Liegnztz^j
portant la terreur par tout jufques à Brejlau. Il y eut dans cette
expédition plus de douze villes brûlées, quantité de rnonaftéres
détruits j & on ne manqua pas à l'ordinaire , de faire des moines
plufieurs facrifices à Vulcain. P allant enfuite dans le duché de
Grokko , ils prirent en chemin Patzjzo 3 £c fe rendirent à Niffa dans
le deflein de l'affiéger.
si.vc&com- III. Cette ville fur la rivière de Neijf , étoit laréfidencede
\.m à r un j ■
(i)Tbeob. ubi fup. p. izp. On n'a point vu jufqu'ici quels etoientles fentimens des uns &
des auttes , fur tes tr^is derniers articles.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JTIV. 299
YEvëquc de Ure/Iau. Comme la nobleiïe voifine y a voit reciré (es %ai%,
efFecs , il y avoic efpérance d'un riche butin. Le fiége formé , les
habicans firent quelques (orties avec aiïez de fuccès j mais Procope
étant arrivé avec (es Taborites au fecours des Orphelins , les af-
fïégez fe retirèrent en confufion & furent pourfuivis jufques aux
portes de la ville dont on brûla les fauxbourgs, pour l'attaquer
dans les formes : mais la divifion s'étant mife parmi les afïïégeants
à l'occafion du partage du butin qu'ils avoient déjà fait, il fallut
lever le fiége après avoir perdu beaucoup de monde. Les Tabori-
tes tirèrent du côté de Brieg, &y continuèrent leurs maftacres,
leurs incendies & leurs brigandages avec tant de fureur , que tout
ce beau païsn'étoit plus qu'un fpectacle d'horreur (a). Les Orphe- fr]Ue»k
lins parlèrent de là en Moravie, ou après avoir fait les mêmes dé- ubl fuP* P*
gats } ils afliégerent Bruna où ils trouvèrent tant d'exercice qu'il cw.'p. $%6.
fallut appeller les Taborites à leur fecours. Comme c'étoit une B*'**»- F*
place fort importante _, l'Archiduc & le Cardinal Evêque firent '
toutes les diligences pofiîbiespour la fecourirpromptement. Ce-
lui-ci afîembla tous fes clients àWiskow, pour leur faire prendre
les armes , 6c l'Archiduc envoya des ordres à tous les gouverneurs
& commandants d'Autriche &; de Moravie d'accourir prompte-
mentavec le plus de monde qu'ils pourroient. Cependant les af-
fiégez firent une forcie qui leur réuftït Ci bien, que les alliégeants
craignant de ne pas venir à bout de leur entreprife de vive force 3
eurent recours à l'artifice. Welikon leur chef, quiavoit des intel-
ligences dans la ville , fit fça voir l'état où ils étoient à (escorref-
pondants, mais la mine fut d'abord éventée. On intercepta les
lettres, & les traîtres furent exécutez. Les afliégeants qui igno-
roient ce qui fe pafïbit dans la ville , furent fort furpris de trouver
tant de réfiftance dans l'endroit qu'on leur avoit marqué pour
furprendre la place. Il fallut fe recirer avec honte & non fans per-
dre beaucoup de monde. Pendant ce temps -là Procope le Grand
arriva avec les Taborites; le courage des Orphelins relevé par ce
renfort, on reprit le fiége avec une nouvelle vigueur.D'autre côté
les troupes du Cardinal & celles d'Autriche s'avançoient à grands
pas. C'étoit un corps d'environ huit mille hommes de bonnes
troupes auxquelles rejoignirent douze cens chevaux envoyez de
Hongrie par l'Empereur. Les chefs des Taborites & des Orphe-
lins, pour être mieux en état de défenfe, éloignèrent leur camp
à quelque diftance de la ville , bien retranchez avec leurs chariots.
On en vint aux mains } le combat fut rude & opiniâtre , & pendant
3oo HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES.
J4.28 long- temps fore douteux. Mais comme il venoit toujours du ren-
fort aux Impériaux par les foins du Cardinal , les Bohémiens com-
mencoient à lâcher le pied , lorique Welikon vint les foûtenir avec
un nouveau corps de troupes. Le combat recommença dès le
matin ; on fe battit j ufqu'au foir avec un avantage à peu près égal .
Les afliégez cependant firent une fortie qui fit prefque perdre
courage aux Bohémiens. Enfin la nuit ayant féparé les combat-
tants , lesTaborites fe retirèrent dans leurs retranchemens , ôcles
Moraves s'approchèrent de la ville. 11 demeura environ trois mille
hommes de part & d'autre dans ce combat. Quoique la perte fût
à peu près égale, l'avantage fut pourtant du côté des Moraves.
LesTaborites furent repoulTez dans leurs retranchemens d'où, ils
ne fortirent plus que pour fe retirer tout-à-fait , & même fort clan-
deftinement. Le lendemain les chefs des armées Impériale & Mo-
rave tinrent un Confeil de guerre avec le Cardinal Evêque, fur
ce qu'il y avoitàfaire. Quelques-uns étoient d'avis de forcer les
Taborites déjà fort affbiblis. Les autres contents d'avoirdélivré la
ville ne trouvoientpas de fureté à hazarder un nouveauu combat
contre des défefperez. Ce dernieravis l'emporta. Les Orphelins
(a)TTYv*'n prirent le chemin de la Bohême, & les Taborites de l'Autriche.
can. La». p« i . . . j • f
x 3 ucuchor. Après leur retraite les chefs Moraves reprirent les places du voiii-
p-5*2-*34- nage, dont les Huffitess'étoient emparez (a).
Frocope rc- j y Procope cependant avec fes Taborites, après avoir touc-
bornt& T defolé en Autriche jufques à Cornenbourg & Vienne , fe retira &
prend Bc- Tabor , craignant d'être enveloppé par les Autrichiens &: les
Hongrois , qui s'avançoient contre lui. Il y trouva toutes choies
en fort mauvais état. La garnifon de Bechin avoir pris & brûlé
Radifchtie forterefîe des Taborites, & rafé un autre fort qu'ils
avoient fait bâtir près de ià. On prétend que Tabor même auroic
été pris files ennemis avoient fait diligence. Autre accident qui
mortifia extrêmement Procope , c'eft que Jaroflas fon Intime ami 3
frère unique de Ziska 9 ayant voulu altiéger Bêchin , avoir été tué
. devant cette place. Procope pour mettre fin à ces hoftilitez réfoluc
dudinàidded'alîléger Bechin (b). Après un fiége de quatre mois la place le
ce nom. rendit , & Procope y mit garnifon.
Les Orphe- V. Les Orphelins de leur côté recommencèrent le fiége de Li-
Lnsrccom- çhteynbcrv 3 qui avoit été interrompu parla rufe du commandant.
S%cCdcil* Mais comme ils manquoient de vivres, ils allèrent comme l'autre
ttmberg. j-0{s f en chercher en Siléfie. Le commandant ne manqua pas de
profiter de leur abfence. Il fit une fortie , tua beaucoup de gens
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. A'IV. 301
que les affiégeantsavoientlaiuez pour garder les retranchemens ; 142 S.
ils furent brûlez > & il fe recira fans nulle perce dans la place avec
quantité de prifonniers. A cecce nouvelle les Orphelins envoyé-
renc du fecours à leurs gens pour les foûcenir concre les forties des
atfiégez. Usfedifpofoiencàforcir de la Silène, lors qu'attaquez
à Timprovifce par les Siléfiens, ils perdirenc une grande partie de
leur monde , &. furent obligez de laifler leur butin. Mais cec avan-
tage ne fuc pas capable de confoler les Silélîens de la perte qu'ils
firent dans cette occauon , du Baron de Biberflein leur Général.
Le fîege de Lichtemberg dura couce l'année , & la place ne fut
emporcée par les Orphelins que vers le mois de Décembre.
V I. Cependant les Orphelins voulant fe dédommager de la Nouvelle \v-
perte qu'ils avoient faite en Silène, y firent une nouvelle irrup. Q^Snsca
tion , affiliez des Taborires &. des troupes du diftricl: de Graditz^ Siiéfie.
Paflant par le diftrict de Glatx, , qui confine à cette Province 3 ils
y mirent tout àfeu&àfang. Jean Prince de Munfierberg^i) , le
dernier de la branche de Sambicz^, de la maifon des Piaftes } qui a
donné des Rois à la Pologne, & plufîeurs autres Seigneurs , «étant
allez à leur rencontre furent tuez dans un combat des plusian-
giants. La victoire fut long-temps douteufe, & l'avantage à peu-
près égal j mais le grand Procope étant furvenu , les Siléfiens pri-
rent la fuite laifîantaux Bohémiens leurs chariots & tout leur ba-
gage. Ces derniers n'ayant pu venir à bout delà ville de Glatz, .dé-
fendue par la valeur Se la fermeté du Prieur des Chanoines de St.
Auguflin, continuèrent leur route en Siléfie. Brigandages 3 maiîa-
cres , incendies par tour. Il eft même inutile de le dire , parce
que c'étoit leur confiante coutume de fîgnaler leur pafîage par ces
fureurs. Ils furent pourtant bien battus près de Suidtniz,, par un
corps de cavalerie Siléfienne qui un beau matin les alla furprendre
endormis. Comme il fallut fe défendre l'épée à la main toutnuds,
ils perdirent beaucoup de monde 3 mais le refle de leurs gens ré-
veillez à leurs clameurs accourue à leur fecours àc les fauva d'une
perce cocale. Ils s'en retournèrent en Bohême, parce que l'hyver fàcvcbtr.
ne permeteoit plus détenir la campagne (a). P'5Î
VII.Balbin place à cette année une ambaiïade que Siojfmond ^sfjfmîa
aux Bohé-
(i) Il y a eu des Princes de cette illuftre maifon dans d'autres branches jufqu'à l'an 167$. miens»
que mourut George Guillaume Duc de Lignitx. & dcBrieg, le dernier de fa race, Ct.echor. p.
536. Au refle voyez la Table généalogique de la maifon des Tiaftes , dans le Regnum Vannia-
num de M. le Chevaiicr Frédéric Gnilla-ime Stmnten , Confeiller du Duc de Wirtemberg Oels, &
Sénateur de BreflMt , & l'éloge de Pisifie lui-même dans le beau Poème Epique de cet illultrs
Auteur, intitule/» Sile/ie avant ïiafie,
Pp lij,
3oi HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1428. envoya à ceux de Prague, aux Taborices &aux Orphelins. Ils
furent ouis à Cuttemberg. Les ambaflàdeurs ayant expofe les
droits de l'Empereur au royaume de Bohême, & fait de fa parc
des offres avantageufes , ils eurent pour toute réponfe , que Sigif-
mond par tant d'efFufion defang, parlesfupplicesde Jean Mus ôc
de Jerbme de Prague , au déshonneur delà nation , & par les croisa-
des, avoit perdu tout fon droit au Royaume, puis qu'on voyoit
par coûte fa conduite qu'il en avoic juré la perte. Procope qui étoit
alorsàBechin , voulant profiter des difpoiitions deSigifmond^ fie
prier fes ambaflàdeurs de lui rendre une vifite à Tabor. Comme il
fe fouvenoit dçs offres que l'Empereur avoit faites iziska avant
fa mort, il croyoit pouvoir fe tirer de cette guerre avec honneur,
s'ilobtenoit les mêmes conditions. Les ambaflàdeurs allèrent l'y
trouver. Il leur fît des propoficions qui apparemment furent écou-
tées, puis qu'ils lui donnèrent un fauf-conduic pour aller lui-mê-
me avec peu de gens en Autriche, s'aboucher avec Sigifmond. Il
y avoit 3 dit Balbin , la plus belle efpérance d'avoir la paix , fi l'Em-
pereifreût volu s'élargir j mais non feulement il refufa d'accorder
à Procope les conditions propofées , il ne rit même aucune autre
offre. Procope le voyant inflexible s'en retourna enBohême,fans lui
promettre aucun fecours, content de lui avoir offert la paix. Ainfi
£ Empereur^bien loin de tirer aucun fruit de cette entrevue y perdit beau-
coup 3 parce que Procope s'en retourna irrité de fes refus , & nepenfant
(a) Balhifh plus quà la vengeance (a) .
Affaires^-4' VIII. Martin V. travailla cette année avec aflez de fuccès à
tran-éies. pacifier l'Italie par le miniflere de Nicolas Albergati fon légat,
itahc & Ef- qq Prélat trouva tout difpofé à la paix. Philipe Marie duc de Mi-
lan alors en guerre avec les Vénitiens manquoit de fecours pour
la foutenir, & il avoit perdu plufieurs de fes Généraux. Les Vé-
nitiens eux-mêmes entre la crainte & l'efpérance préféroient la
paix à une guerre dont le fuccès étoit douteux. Les Florentins
qui n'avoient pris les armes que pour le profit des autres ne de-
mandoient pas mieux que de les voir d'accord. La paix fut con-
clue à Ferrare. On en peut voir les conditions dans l'hiftoire
{a ) Togg. Florentine de Pogge (b). Mais les Florentins bien loin de pouvoir
rent.p.25?. j0Lnr de cette paix fe trouvèrent engagez dans une nouvelle guer-
J'oggima p. re avec ceux de Luques. Elle dura jufqu'à la mort de Martin V.
^' D'autres côté les Bolonois toujours amoureux de leur liberté s'é-
îoient de nouveau révoltez contre le fîége de Rome. Ils chaflerent
&p leur ville le légat Louis Allemand , èc réduifirent Albergati
ET DU CONCILE DE BASLE.Z/V, XIV. 303
leur évêque à s'enfuir. C'eft ce qui obligea Martin à envoyer con- r^2 g#
tre eux une armée , & à les mettre à l'interdit.
IX. On vit aufll cette année la réconciliation rétablie entre LeRoid'Ar-
le Pape & le Roi d'Arraron. C'en: ce qui paroît par une lettre que r*&9n fo re*
1 , . . v ° 1» • o 1» r-i- • concilie avec
Martin écrivit a ce monarque pour 1 en remercier & 1 en féliciter ie pape.
tout enfemble. Ce traité avoit été conclu dès l'année précédente^
mais la perte qui avoit défoié Rome celle-ci, en avoir retardé
l'exécution, parce que le Pape & les Cardinaux avoient été difper-
fez , ôc il ne fera même amené que l'année fuivante à une entière
exécution. La Caltille ôcl'Arragon étoient toujours brouillez à
l'occafion à'Alvare de Lune. Ce Seigneur Efpagnol étoit d'une
naiflance douteufe félon les uns ^ mais félon les autres du fang
d'Arragon, èc neveu de Benoit XIII. dont il avoit été fort ap-
puyé pendant le crédit de cet Antipape. Alvare s'étoit fi fort em-
paré de l'efprit du jeune Roi de CafHlle, Prince foible, & inca-
pable d'agir par lui-même, qu'ils étoient inféparables. Le Roi
ne faifoit rien que par fon confeil. C'étoit à l'inftigation de ce fa-
vori qu'il avoit éloigné les meilleures têtes, &même fait mettre
en pnfon les Princes d'Arragon. On voyoit avec douleur 3 dit l'hif-
torien d'Efpagne (a) , que fa faveur n'avoit point de bornes 3 qu'il a ^t^/iiÎ
difpofoit de tout à fon gré , & qu'il regnoit feul effectivement
fous le nom du Roi. Sa haute fortune bleiîoit d'autant plus les
yeux de tout le monde , que c'étoit un homme obfcur & incon-
nu avant la faveur du Prince, qui le rendit tout à coup féroce & in-
traitable. Le Roi dès fon enfance s'étoit accoutumé à lui,, &. le
voyoit avec tant de plaifir & de familiarité , que ce courtifan fur
de fa faveur commença dès-lors à méprifer tout le monde , fier du
haut crédit où il fe voyoit élevé. On dît même en ce temps-là >
qu'il porta fon infolence jufqu'à faire une déclaration d'amour à
la Reine 3 ce qui fut affirme par le témoignage des plus grands
Seigneurs de la Cour. Ce fait cependant ne fut jamais bien avé-
ré 3 & quelques uns crurent qu'on l'avoir inventé par jaloufîe^
£c pour le perdre. Cette conduite l'a voit fait reléguer fur fes terres
l'année précédente malgré le Roi. Il revint cette année de fon
exil par autorité du Roi, qui ne pouvoit fç palier de lui. Il pa-
rut à la Cour comme en triomphe , dit le même Hiftorien, efcortè
d'une foule de partifans , plus fier , plus content & plus infolent que
jamais, bien perfuadé que fon crédit & fa faveur n'auroient plus
de bornes à l'avenir , &; qu'il feroit bien-tôt en état de fe vanger
de tous fes ennemis, de les punir, & de les opprimer entieremenE
14*8.
France &
Angleterre.
Siège d'Or-
léans.
fa) ubifup.
y. 575. i76.
Allemagne
& Nord. Pa-
cification de
l'Allemagne.
(b) Serar.
Rer.Mo-
gunt. T. I.p.
54W43-
304 HÎST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
fous le poids de fa fuprêmepuifiànce } qui mit bien-tôt fous le iou<^
tous les Grands 6c les Princes même de Caftille.
X. Les affaires de France étoient alors en fore mauvais état.
Le Roi de Navarre s'étoit déclaré pour Henri VI. Jean duc de
Bretagne avoit pris le même parti, y étant forcé par le duc de
Betford qui avoit fait irruption dans les Etats. Les Angloisétoient
maîtres d'une partie confidérable du Royaume , comme d^s Pro-
vinces 6c des villes entre la Seine 6c la Loire. Ilsavoient même dé-
jà pris la Charité fur cette dernière rivière \ mais comme ils ne
pouvoient pouffer plus avant leurs conquêtes fans laiffer derrière
eux Orléans , ils formèrent le fiége de cette importante place.
Après une longue ôevigoureufe réfiitance elle étoie aux abois Jorf-
qu'elle fut délivrée de la manière furprenante qu'on verra l'année
fuivante. L'Archevêque de Tours s'avifa dans ce même temps de
fignifieràl'Evêque de St. Malo certaines Bulles de Martin V.
par lefquellesil impofoit des décimes fur tous les Eccléfiaftiqu.es
pour la guerre contre les Huffites de Bohême. Mais il ne parole
pas qu'on y ait eu égard à St. Malo , ni dans le refte de la Pro-
vince. Ce font les paroles du P. Lobineau (a).
XI. Comme onpenfoit férieufement en Allemagne à envoyer
une armée contre les Bohémiens, l'Archevêque de Mayence s'em-
ploya à y pacifier toutes chofes. La ville Epifcopale d' Erford dans
la Tburinge , fa ffragznte de cet archevêché lui donnoit de grands
ombrages. Cette ville étoit devenue puiflante par une longue
paix 3 6c elle étoit de plus appuyée par Henri duc de Brunfwicb ,
qui lui avoir promis du fecours en cas de befoin. C'eit ce qui en-
gagea l'Archevêque à faire une alliance offénflve & défenfive
avec Frideric Electeur de Saxe , 6c les Ducs fès frères, où ils pro-
mettoient de le fecourir contre la ville d' Erford, fi elle fe réyoi-
toit. Après avoir pourvu à fa fureté , il tourna tous (es foins du
côté de la guerre des Huffites 3 6c pour cet effet il travailla à la
pacification de l'Allemagne (b).
XII. On a vu l'année précédente les lettres de l'Empereur
aux villes Anféatiques. En 1428. ceux de Lubec s'aflemblérent
en préfencedel'Evêque deRat^enbourg, ville de la baiîe Saxe à
trois lieues de Lubec , pour fe juftifier des aceufations que leur
avoit intentées le Roi de Dannemarck. Il les avoit aceufez entre
autres chofes de lui avoir déclaré la guerre pour favorifer les
Huffites , 6c l'empêcher d'envoyer du fecours contre eux. Ils nient
iiettement le fait dans cette aflemblée , 6c déclarent qu'ils n'ont
pris
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. 'JT1V. 30$
pris les armes que pour défendre leurs privilèges } tous les jours iA%%m
enfreints par Eric. Ils proteftent qu'ils ont toujours été prêts à
exécuter les ordres du Pape, de l'Empereur, & des Electeurs
contre les Huilîtes, & qu'ils n'épargneroient ni leurs biens, ni
leurs vies pour l'extirpation de cette héréfie. A l'égard du Con-
feiller de l'Empereur, qu'on les aceufoit d'avoir arrêté 3 ils di-
foient qu'il avoit été pris par des pirates à leur infçû. IlsofFroient
d'obéïr aux ordres de l'Empereur touchant la paix, ou une lon-
gue trêve , pourvu que le Roi de Dannemarck y voulût confen- (aj Vomnn.
tir , ajoutant néanmoins qu'il ne recevroient point pour juge l'Em- j*1 fll^8L'b*
pereur, à caufe de fon affinité avec le Roi de Dannemarck (a). i^Za,
XIII. Pendant ce temps-là les deux villes de Prague exer- Guerre, &.
çoient entre elles de mortelles inimitiez. Les chefs des Taborites Paixve,n,trcd
ôc des Orphelins, qui en fentoientla conféquence, leur envoyé- prsagùe.
rent deux de leurs officiers pour tâcher de les reconcilier. Cette
négociation fut inutile. Les deux villes conjurées l'une contre
l'autre s'étant choifi des chefs en vinrent aux mains le 30. de
Janvier. On fe battit tout ce jour avec beaucoup d'impétuofité ;
mais les chefs des deux armées étant convenus d'une trêve de
quelques jours, on commença à parler de paix. Cette trêve fut
prolongée jufqu'au 2 5 . de Juillet , pendant laquelle la paixfut fai-
te. Ce fut alors que les Ordres du Royaume s'aflemblerent à Pra-
gue pour délibérer de la paix générale. Procope y propofa de rece-
voir Sigifmond pour Roi , pourvu qu'il voulut avec ks Hongrois
recevoir &fuivre l'Ecriture Sainte, communier fous les deux ef-
péces } & leur accorder toutes les grâces qu'ils lui demanderoienc
( 1 ). Les chofes amenées à ces termes , Procope Rafe envoya quel-
ques Seigneurs, entre lefquels étoit Mènard de Maïfon Neuve ,
pour faire ces propositions à Sigifmond qui étoit alors en Moravie.
XIV. On convint d'aflembler une diette à Presbourg, pen- DiéteàPref-
dant laquelle on feroit une trêve générale depuis le mois de Mars
jufqu'au mois de Juin. La diette commença à Pâques. Outre l'ar-
chiduc Albert Scies ducs de Siléfie , l'Empereur avoit de fon côté
plufieurs Seigneurs catholiques , dont la plupart fon nommez par ^
Czechorod{h). Les Bohémiens avoient pour eux plufieurs Grands [bj>53r«
de Bohême, nommez auffi parle même hiflorien , & les députez
des citoyens de la vieille ville de Prague. Procope le Grand étoit
à la tête de la commiffion. Quatre Seigneurs de Bohême furent
gommez arbitres £c médiateurs entre les deux partis. On déli-
(0 Ip/is in omnibus grutifitarettir . Theob. p. i ] $»
Tom. I. Qfl
3o6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
«429. bcra pendant 8. jours fans rien conclure, entre l'efpérance d'a-
voir la paix, 8t la crainte qu'elle ne manquât. Enfin on envoya
des députez à Prague pour faire rapport de l'état où étoit la né-
gociation. On ne dit point en quoi confiftoit leur relation. Il pa-
roît feulement que les Etats s'étant alîemblez , le plus grand nom-
bre fe trouva d'accord de recevoir Sigifmond fous de certaines
conditions. On avoit même déjà nommé des députez de chaque
ordre pour aller en Hongrie en donner avis à Sigifmond. Mais les
Orphelins s'oppoférent ouvertement à cette réfolution 3 s'empor-
tant contre Sigifmond &. contre fes partifans avec une égale fureur,
& foutenant toujours leurthefe^a 'un peuple libre ri 'avoit point befoin
de Roi. On,/oupçonna fort quelques-uns des chefs des Taborices
d'avoir animé les Orphelins à cette (édition , parce que les uns&
les autres trouvoient mieux leur compte à la guerre qu'à la paix,
, ôc qu'ils craignoienr queS/gT/wwwdn'en'prît occafion de fe vanger
T-U7- toc ou tard de ^urs infultes & de leurs violences. On vit ainfi re-
Tfoft.p.13 f. commencer les hoftilitez réciproques entrela vieille & la nouvelle
Bdlb> Epit. ... n, , . 1 - /■ »
p. 474. ville , aufli bien quepartoute la campagne (a).
PaixàPra- XV. La négociation rompue, les Taborites & les Orphelins
réfolurent de faire irruption dans la Mifnie (1) 3 pendant que les
Orébitesalloientfourager le diftriâ: de Glatz & la Siléfie j mais
auparavant Procope Rafe jugeant à propos de pacifier les villes de
Prague, leur donna jour pour s'aflembler dans l'Eglife de Saint:
jtmbroife. Le traité fut conclu. On ne dit pas à quelles conditions.
Il paroît feulement que l'on convint d'une certaine fomme pour
le dédit (2). Ce traité conclu, Procope adrefTaaux Bohémiens
ce petit difeours qui ^ à la matière près, ne reilemble pas trop mal
à un Sermon : Vous vous fouvenez, fans doute fort bien , mes tres-
chers frères , des dèmclex^que nous avons avec ceux de Mifnie. Ils en
veulent aux principale s ville s de ce Royaume , & il ri a pas tenu a eux
que nous ne périmions tous par leurs boftilitezjimais notre valeur a fait
que la fleur de la Mifnie a trouvé fon tombeau en Bohème. Ils ont un
Prince jeune & fans expérience dans la guerre. La terreur des vos ar-
<hj TAAp. mes a rempli toute la Province. Cefl -la le temps d'agir avec une efpè-
1 S 6- rance certaine de remporter de grands avantages (b).
Courte des XVl. A ces mots on vit une commune ardeur au combat. Apres
SiWfi s«Cn avon" Pa^ l'Elbe 3 Procope à la tête de fon armée s'avança vers la
& Brande- '
bourg. ( 1 ) Province de la haute Saxe.
(2) Eique 4000. fexagetiartimdracbmarum Bobemisarum } multa~fponJit>tK cav tri , Theob. pi
*16.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JTIV. 307
Silcfieparlediftri&deZ*V*0«mï^ pillanc & brûlant tout fur (on 1429,
paflage. Après avoir ravagé le territoire de Dippolswaldt 3 il vou-
lut entreprendre le liège de Birna de l'autre côté de l'Elbe , mais
cette ville fe défendit ii bien 3 qu'il fallut lever le liège. De là cô-
toyant cette rivière , il s'empara de la vieille ville de Drefden , & ii
brûla le monaflere des Hermites de Saint Augttfiin. Fridcric II.
furnommé/* Pacifique > ayant eu avis de cette irruption courut
d'abord au fecours 3 & fît brûler la tour du pont , de peur que les
Bohémiens ne s'en emparaiïenr. Cependant le commandant de la
ville obfervantlanégligence des Bohémiens à faire garde, prit fi
bien fon temps pour les furprendre la nuit , qu'il les mit en fuite 6c
jetta \cs prifonniers dans l'Elbe. De là , les Bohémiens allèrent à
Meiflen capitale de la Mifnieauffifur l'Elbe , brûlant en chemin
lesprefloirs, dégâtant les vignes , & pillant les villages. Etant en-
trez dans la ville 3 ils mirent en prifonl'évêque Jean IV. ( 1 ) qui
avoit donné fa voix au fupplice de Jean Mus à Confiance , & pil-
lèrent les Egiifes. Ils auroientafïïegé la ville dans les formes, s'ils
n'avoient craint trop de réfiflance de la part de la noblefle ÔC des
citoyens. Aprçs avoir rempli de terre les puits & les fofles métal-
liques de Scharjfenberg, & bouché les veines &: les canaux des mi-
nes , ils voulurent tenter l'attaque delà ville de Heyn fur l'Elbe j
mais la trouvant trop bien défendue ils abandonnèrent l'entrepri-
fe pour courir la campagne & piller les petites villes le long de
l'Elbe, comme Strelen 3Belgern ,&Torgaw 3 dont ils brûlèrent le
fauxbourg. Ils allèrent aind portant la terreur par tout jufqua
Mdzdcbourz(i). Quoique l'archevêque de cette ville, Gonthier de
Schwartzenbourg{})eût de bonnes troupes, il n'ofa pas les atta-
quer comme ils n'oferent pas aufli attaquer la ville. Ayant donc
laiiTé Magdebourg, ils firent un pont fur l'Elbe pour pafîèr dans
la Luface & dans la Marche de Brandebourg , où "ils mirent tout
en défolation. Us attaquèrent la ville de Goubcn fur la Sprée dans
la baffe Luface , & l'ayant prifè , ils la mirent en cendres avec tous
feshabitans. A quelque diftance de là ils s'emparèrent du monaf-
tére de Nova cella3 & coupèrent les bras 6c les jambes aux moines.
De là paflant dans la haute Luface , ils fommerent la ville de Gor-
///^defe rendre, par des députez qu'ils y envoyèrent , ou de fe
racheter. Mais les habitans pour toute réponfe mirent les dépu-
(1) C'efl Jean Hoffmann, dont il eft parlé dâïisTHiftoirc du Concile de Confiance.
(2) Magdebourg dans la baffe Saxe ctoit autrefois aux Ducs de Saxe. Elle fut cédée par te
paix d'Qfnabruck à l'Elecleur de Brandebourg.
( 3 ) Il en ell parlé*dans l'Hiiloirc du Concile de Confiance.
«►■%
3o8 HIST. DE LA GUERRE DES HDSSITES
ïi.20 tez ^ans ^es ^acs ^ ^es jetterenc dans la rivière de 2ViJsa<
siège de XVII. Les Bohémiens ne fe fentant pas afifez fort pour s'en van-
Bautfchcn ger par le fiéçre de la ville 3 parce qu'une parrie de leurs gens
foc"*.13 U" avoient tiré du côté de ^#//2^#, ville de la même Province fur
la. Sprée (BudiJ/îna) ils allèrent afliéger cette dernière place avec
40000. hommes tant de cavalerie que d'infanterie , à ce que porte
le manufcrit de ce lieu-là. Cette place fut. attaquée par trois en-
droits , par le folié appelle des Ecoliers , par la porte Riche vis-à-vis
de la rue des Chiens, èc par la montagne des Anes où eft à prêtent
l'Eglife de St. Michel. On fe battit rudement pendant huit heures^
mais les affiégez ayant fait mettre le feu dans le fauxbourg , les
afïïégeants furent obligez de fe retirer pour quelque temps. Ceux-
ci de leur côté, par quelque intelligence qu'ils avoient dans la
ville , rirent mettre le feu dans la rue des riches dont la moitié fut
dévorée par les flammes. Mais le feu s'étant heureufement éteint ,
on fut en état de fe défendre contre les afïïégeants , qui avoient re-
commencé le combat. La réflftance fut 11 vigoureufe fur tout
près du mont aux Anes, que les afïïégeants accablez de coups de
traits pouvoient à peine agir. Les femmes & la populace de la ville
ne furent pas d'un petit iecours dans cette occafion 5 avec de la
poix fondue , de l'eau bouillante , des torches de foufre & de poix,
elles brûlèrent les échelles & chaiîerent tout-à-fait l'ennemi de ce
côté-là. D'un autre côté les afïiégez jettoient de deflus les mu-
railles une fî prodigieufe quantité de traits _, que les afïïégeants ne
pouvoient plus les foûtenir. Pour comble de défaftre , ils y perdi-
rent un de leurs principaux chefs , qui fut tué d'un coup de jave-
lot. Le lendemain de cette action les Bohémiens rirent offrir une
composition par un de leurs chefs. Les afïiégez étoient bien aifes
de conferver leur ville, 6c ils craignoient d'ailleurs quelque trahi -
fon comme ils l'avoient éprouvé. En effet, les Hiftoriens rappor-
tent que le Syndic de la ville , corrompu par une fomme d'argent,
avoit voulu jetter de l'eau dans les machines de guerre , pour em-
pêcher l'effet de la poudre 5 mais qu'ayant été pris fur le fait il fut
écartelé, & fon corps expofé à toutes les portes de la ville (1). Ils
aimèrent donc mieux feracheter que de hazarder la ville & tout
le païs. Le traité fut que pour une certaine fomme d'argent les
Bohémiens fe retireroient fans endommager d'avantage la Pro-
(1) Ms.BntUffin.'Theab. p. i\6. Balb.p. 17J. Ctcchtr. p. 5" $9. Ce manufcrit ajoute que ce
Jraître, afin qu'on épargnât fa maifon , avoit donné pour en feigne aux ennemis des tas de bri-
ques neuves , qu'il avoit mifes à chaque fenêtre-.
.• •;
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JTIV. 309
vince.Cependanc ils ne tinrent pas parole. De Bautfchen ils allèrent 1429,
piller Ôc brûler le monaftére de Marienfier. De là ils mirent le Cié-
ge devant Camenec. L'allarme fut (i générale dans cette ville , que
les citoyens s'enfuirent à Drefden Se dans les villes voifînes, fans
pouvoir rien emporter avec eux. Après cinq jours de flége, les
païfans s'étant allemblez pour fecourir la ville chailérent les enne-
mis qui tournèrent du côté de Meyn & de Mullnberg. On les verra
revenir à Bautfchen Tannée prochaine. J'ai tiré cette relation
d'un manufcrit de Bautfchen ( 1 ). Il y a un autre manufcrit de
cette ville, qui porte que ceux de Bautfchen, croyant avoir été
délivrez miraculeufement d'un fi grand péril le jour delà St. Mi-
chel , firent bâtir l'Eglife de St. Michel 3 Ôc ordonnèrent de rendre
cous les ans dans la même faifon ( 2) des actions de grâces de cette
délivrance par une Meile à l'honneur de St. Michel , par une pro-
cefîîon folemnelle , & par le citant du Te Beum.
XVIII. Jacobel, ou Jacques de Mife 3 difciple&fuccefTeur de Mortdej*-
Jean Mus 3 dans la chapelle de Bethléem , eut trop de part aiix «W-
affaires du Huflicifme , pour ne pas marquer le temps de fa morr.
Elle arriva le 9. d'Aouft de cette année après quelques jours de
maladie. On a parlé amplement de ce célèbre perfonnage 6c de
fes ouvrages dans les hiftoires des Conciles de Pife Ôc de Confian-
ce. Le fupplice de Jean Mus & de Jérôme de Prague contribua
beaucoup aux troubles de Bohême. Mais ils augmentèrent confl-
dérablement pour le rétabliflèment de la Communion fous les
deux efpéces , qui fut principalement l'ouvrage de jacobel. Le zèle
pour le Hullltifme s'éteignoit infenfiblementen Bohême , & il n'y
avoit prefque plus quelesTaboritesquile défendiffent avec cha-
leur, encherillant même fur la doctrine de Jean Mus , parcelle
des anciens Vaudois , comme on a eu plus d'une fois occafion de
le dire , mais le gros des Bohémiens , Seigneurs Ôc autres , tinrent
toujours pour les quatre articles 11 fouvent mentionnez 3 entre les-
quels le principal étoit la Communion fous les deux efpéces. Ce
fut uniquement par rapport à cela , que tantôt divifez , tantôt
réunis , ils refuférent de recevoir Sigifmond. Jacobel fut enfeveli
dans le cimetière de la chapelle de Bethléem avec cette infeription
furfon tombeau : Cygitle vénérable Jacques de Mife Maître aux
Arts , Bachelier formé en Théologie , profond Interprète des Ecritu-
(1) On trouve dans le même manufcrit que cette même année on exécuta à mort un Bra£
feurde bière à qui les Hulfites a voient donné 1 3. florins pour brûler la ville de Lehctvv.
(2) La place fut affiégée le 14. d'Octobre,
9Amm 310 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1429.
(.<) Lapa;, p. res , & principal promoteur de la digne Communion (a). Havec avance
T*"* C1L1'1^ mouruc défefperé , & que pour cela il fut enfeveli non dans
Baib. p.478. ^e cimetière ; mais dans un lieu profane.
#«?«• XIX. Les Bohémiens de retour vers Noël dans leur patrie avec
x43°- de riches proviiîons, fe préparoient à faire de nouvelles conquê-
générale des tes * annee iuivante. En effet , des le commencement de cette an-
troupes Bo- née ils s'aflemblerent dans la plaine de Weiffienberg , & fe partage-
bcmic«ncs. rent en diverfes bandes ^ dont chacune avoit fon nom. Ceux de
Graditz^ s'appelloient Hneiffler ( i ) \ ceux de Chrudim , collecteurs ;
ceux de Bechin, petits chapeaux 5 ceux de Glattaw , /^/vVj confins >
ceux de churfimec > troupes de loups ; ceux de Littomeritz^ petits hom-
mes chauffe^ èc ainfi du refte. Il fe joignit à eux des Moraves, qui
avoient à leur tête un Gentilhomme de Moravie nommé Havel
Drafiil de Kogetin. L'Auteur du Mars Moravique rapporte que
l'année précédente ce Capitaine avoit fait de grands ravages dans
la province d'Olmutz^, fur tout dans l'Evêché , ôc dans les terres
des Eccléfiaffcique?en Pabfence du Cardinal Evêque qui êtoit alors
malade à l'extrémité en Hongrie. Havel profitant de cette abfen-
ce, afîîégea/Ct'/^^ville épifcopale, la prit fans beaucoup de pei-
ne , & la pilla. Il y avoit bien dans ces quartiers-là quelques Sei-
gneurs Catholiques, &: attachez à l'Archiduc, qui fe mirent en
devoir d'arrêter ce torrent de brigandage avec un bon corps de
cavalerie & d'infanterie : mais Havel ne jugeant pas à propos de
les attendre , s'en retourna avec fon butin.
Conquête XX. Les Bohémiens ainfi aflemblez, délibérèrent pendant huit
desBohc* jours fur le parti qu'ils avoient à prendre. Les uns voulant qu'on
micnsenSa-' C'\'r 1 r» 1 1» a • 1 * 1
xc. allât en Silelie , les autres en Pologne, d autres en Autriche, quel-
ques-uns en Bavière. Enfin après bien des délibérations , ils pri-
rent le parti de retourner en Mifnie pour fe venger des pertes
qu'ils y avoient faites, ou plutôt des coups qu'ils y avoient man-
quez. Leur armée étoit , au rapport de quelques Hiftoriens, de
zoooo. chevaux & de 30000. hommes de pied, avec 3000. cha-
riots, les uns à {îx chevaux, les autres à huit, jufques à quatorze.
Us avoient à leur tête Procope Rafe , Guillaume de Rofika , & Jean
Zmrzlik. Ils mirent plufieurs villes en cendres dans cette province,
comme Kilditz^,Mogcln, Dablen, Dalen & Godclberg, jufqu'à Bref-
den. On compte plus de cent places , tant forts que villes , qui fur
rent détruites dans cette expédition. L'Eledeur de Brandebourg
tenta vainement de fecourir le Saxon. Il avoit campé à ce deflein
(}} Le Tradufteur latin n'a pas rendu ce mot } le laiflant en Allemand.
ET DU CONCILE DE BAS LE. Liv.Jfir. 311
près de Colberg à cinq milles de Leipfic 5 mais les Bohémiens l'y 14.X0
étant venus attaquer , il fut obligé de leur abandonner la ville
parce qu'il ne fe ientoit pas aflez fort pour ibutenir le choc. Le
General Jean de PollentzJ^ 1 ) ne fut pas plus heureux. Il étoit allé
attaquer les Bohémiens à Grim près de Leipfic avec quelques
mille hommes 5 mais il fut fi bien reçu , qu'il fallut prendre la fui-
te. II y eut pourtant un combat allez fanglant, où périrent quan-
tité de Seigneurs Saxons ou Brandebourg ois. L'Electeur de Saxe
étoit alors à Leipfic avec fes deux frères , aufîï-bien que l'Electeur
de Brandebourg & l'Archevêque de Magdebourg. Outre ces Prin-
ces on trouve dans la Vandalie £ Albert Krantz^ que plufieurs au-
tres Princes & Seigneurs de la bafFe Allemagne étoient venus au
iecours de là Mifnie. Guillaume duc de Brunfwich , Louis margra-
ve de Thuringe3Jean comte de Moin évêque à'Halberfîad , Maz-
nus duc de Saxe-Zavvembourg 3 évêque de Hildesheim 3 y a voient
envoyé leurs troupes > mais la divifion s'étant mife entre eux leurs
fecours furent inutiles. Comme la guerre fe faifoit en Mifnie ces-
Princes conféderez prétendoient devoir être dédommagez par
celui des Marquis de Mifnie chez qui fe feroit la perte -y mais les au-
tres envifageoient la chofe autrement. Ils représentèrent qu'il ne
s'agifïbit pas tant de défendre la Mifnie , que de la caufe de toute
la Chrétienté s & que quand les Bohémiens auroient dévoré leurs
voifins, ils n'épargneroient pas plus les autres païs : ain fi cette con-
teftation fît aller enfumée tout ce grand appareil (a). On fut fort 00 *««*,
allarmé à Leipfic de la victoire de Grim, parce qu'on s'attendoit à xi^t L"
y être afîîegé : cependant les Bohémiens ne fe trouvant pas allez p- 35/
bien armez pour entreprendre ce fiége , fe contentèrent de fou-
rager les territoires de Grim & de Colditz^
XXI. .De-là ils allèrent à Altembourg,, qui étoit alors une des AtemBaurg
plus anciennes villes Impériales dans la Mifnie. S'en étant em- o^e& ^
parez, ils y firent quelque féjour pour profiter du riche butin qu'ils
y trouvèrent. On nefàuroit exprimer la barbarie qu'ils exercè-
rent en ce lieu- là. La Nobleflè qui s'étoit retirée dans la forte-
refle, ne pouvant réfifter à la multitude , les uns furent taillez en
pièces 3 les autres furent faits prifonniers : ceux-ci étoient inful-
tez par mille cruelles railleries. On drefïa en leur préfence des
gibets &; des bûchers pour les pendre &: pour les brûler. Après
avoir embrâfé la moitié delà ville , ils jettérent dans un endroit
lesftatuës des Saints y& dans un autre les malades & les vieillards.
[1] Il avoit été Gouverneur de CarHlein.
3 ri HIST, DE LA GUER.RE DES HUSSITES
P uis ils réduifirent en cendres le refte de la ville, Il y avoir une bel*
J^°' ie bafilique, trois monafteres, une maifon qui appartenoic aux
Chevaliers de Rhodes 5 hommes & femmes , tout périt dans les
flammes. Ceft, difoient-ils , pour faire les funérailles de Jean Mus-
Un boufon qui étoit parmi les vaincus , die là-defTus : Nous avons
brûlé l'Oye ( 1 ) , mais les Bohémiens nous ont donné la fauce.
phvcncm- XXII. D'Altembourg ils pafierent dans le Voigland, où ils
porte. brûlèrent les villes de Verden , de Reichembac, & Averbach Se à' Gif-
nics &c aiïîégerent plaven. Il y avoidà un Baron Biohêmien pri-
fonnier nommé Sternberg, qu'on n'avoiepas voulu rendre. Les
Bohémiens fommerent d'abord le Gouverneur de fe rendre fous
des conditions honorables. Quoique cette ville qui appartenoic
au Burgrave de Mi/nie , eût une bonne fortereiïe j le Gouverneur
ne fe fentant pas aflez fort pour la défendre la rendit par compo-
fition , à condition d'en fortir avec armes & bagages. On le pro-
mit mais à l'ordinaire on ne le tint pas. La garnifon fut taillée en
pièces & il y eut plus de cent gentilhommes mafîacrez dans
cette occafion. On tua plus de 900. bourgeois auffi bien que le
Sénat & les prêtres , qui furent encore plus maltraitez que les au-
tres. On enterra vifs dans une même fofle huit Chevaliers de
l'Ordre TeutoniqueSt quatre Dominicains. Enfin on fit un bu,
cher de la ville & de la forterefle.
Bautfchen X X 1 1 1. Je trouve dans le manuferit de Bautfchen , que de la
nouvelle- Mifoie les Bohémiens repayèrent cette année dans la Luface pour
mem affié- ^ctt^ je f^ge devant Bautfchen. Le Duc de Mi/nie à la folli-
citation de Jean de Pollent^ gouverneur de la Luface , y envoya
douze mille hommes armez de pied en cap. La garnifon de Bautf-
chen fut renforcée de celle de Corlitz^, & les païfans qui étoient
yenus au fecours de cette place s'y joignirent pendant que les trou-
pes du Gouverneur campoient d'un autre côté , ce qui faifoit une
aflez grofïe armée. Les troupes auxiliaires de la Luface ne de-
mandoient pas mieux que de livrer bataille \ mais cellçs de Mif-
nie craignant quelque trahifon , décampèrent,, & fe retirèrent
en vrais fuyards. LesHuiïites à leur départ ayant repris le fiége
perdirent un de leur principaux chefs 3 qui n'eft pas nommé. Cette
perte leur fit lever lefiége pour aller rejoindre leurs gens. Cette
retraite fe fit fort à propos h car il étoit entré dans la Luface , une
armée de trente mille hommes, tant cavalerie, qu'infanterie des
fi) On fçaitqucH«* figniÇc Oje.
* troupes
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JC1V. 313
troupes du Duc de Saxe & de l'Evêque de Meiffen , qui les obli- 14.-0.
gèrent bien à doubler le pas.
XXIV. L'Allemagne allarmée de ces progrès prie des mefu- Les Princes
res pourfadéfenfe. La ville à'Erford en Thuringe avoir, envoyé d'AHema-*'
ion Gouverneur (1) au fecours de l'Electeur de Saxe, Stellecrai- gne pren-
enoit d'autant plus le relîentiment des Bohémiens, qu'elle ren- J?cnt<lc6m*"
• -i 1 • 1 n - , * n i lires pour
termoit de grandes nchefïes qu on avoit apportées du voifina- leurfeureté
ge5 & qui pouvoient les y amorcer. En l'abience de Ton Gou- c"n£e les
verneur elle eut donc recours à l'Evêque de Hildesbeim{i) s qui
palîoit dans le monde pour être plus propre aux armes qu'à l'E-
glife. Il y fit entrer de la cavalerie & de l'infanterie , &: fit fortifier
la place. Plufieurs autres villes d'Allemagne imitèrent cet exem-
ple, comme Magdebourg, Brun fuie t Zunebourg. Il paroîten ef-
fet que cette année même les Bohémiens pénétrèrent plus avant
qu'ils n'avoient encore fait en Allemagne, à la réferve du Bran-
debourg où ils avoient déjà fait quelques courfes. De Saxe ils
pafTerent en Franconie 3 ravagèrent le duché de Coburg dans ce
cercle, brûlèrent les villes de Culembaeh &de Bareit, maflacranc
tout le monde fans quartier & fans diftindion. De là ils parlèrent
à Bambergs dont l'Evêque (5) fe rachetai fa ville par une fom-
me de neuf mille ducats d'or. Plufieurs Princes , Evêques & vil-
les en firent autant,comme Frédéric électeur de Brandebourg, Je an
duc de Bavière 3 le Marquis d1 Anfpach , Albert (4.) évêque de
Saltzbourg , Frédéric ( 5 ) évêque à'Aicbfiatt. La ville de Nurem-
berg fe racheta pour dix mille ducats.
XXV. Sur la fin de cette année les Catholiques de Moravie MortduCar.
perdirent un puiiïant appui par la mort de Jean cardinal & évê- àWmJtxT*
que d'Olmutz^ On a eu occafîon de donner fon caradere Se de
parler de les inclinations martiales } qui lui firent donner le nom
de Jean de Fer. Son fuccefTeur , Conrad Zwol , plus propre à la cour
qu'à l'Eglifé & à la guerre , ne fut pas d'une grande rellource ni à
fon diocèfe ni à la province (a). Au commencement de l'année fui- fa) Cudor*
vante,PEmpereur alïembla une diette à Nuremberg, où il fe rendit p* ** I#
le 5 . dejanvier,après avoir donné ordre à fes affaires en Hongrie.En
( I ) Henri de O^ift/igerod.
(r) Mctgnus Duc de HaxeLavvenbourg , auparavant Evêque de Çamin en Powerante*
(l ) Frédéric AuffjeeZ, mort en I440.
(4) Je trouve Jean de Reifperger Evêque de SaltX.bou.rg, dans l'Hiftoire Ecclefiaftique d'Al-
lemagne.
[f] Il eft nommé Albert comte de Recbberg , dan* le même ouvrage.
Tom.I. Rr
3î4 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1430. attendant que nous puifïïons voir quel fut le réfultat de cette diette,
il faut voir ce qui s'eftpaflé dans le refte de l'Europe cette année
&!a précédente, & c'eft par là que nous commencerons le livre
fui vaut.
H I S T O I RE
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE.
LIVRE XV.
E S brouilleries de l'Italie ne tailloient pas peu d'où- Affaires é-
vrape à Martin V. Le royaume de Naples étoit en t,rl!1.scr?;- „
î
combuftion par des guerres ; inteftines qu'y excitoit gne-.
la tyrannie de Jean Carracciolo , à qui la reine Jeanne ^rouiUcnes
II. avoïc donné l'adminiftration de ce royaume 3 èc qui étoic fou-
tenu par le Pape. La guerre étoit déclarceentre les Florentins & les
Luquois.Ces derniers étoient appuyez fous main par le Duc de Mi-
lan, parles Siennois & par Martin lui-même qui n'aimoit point les
Florentins. Il avoit contr'eux un nouveau grief , fur ce qu'ils
^voient mis une taxe de cent mille écus d'or fur le clergé de là-
R r ij
3i 6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
,,0 Tofcane. L'un des continuateurs de Baronius rapporte une par-
' tiède la lettre menaçante qu'il leur écrivit là deflus. Elle finit par
lu nnTîf! * ces mots '• Si vous avez^à cœur la liberté du peuple > fouveruzyousque
ip. nous n avons pas moins à cœur la liberté ecclefiafiique (a).
Le Pape re- II. Dès la fecondeannée du Pontificat de Martin V. Bologne
couvre Bolo- étoit rentrée fous l'obéïffancedu fiége de Rome : mais en 141 8.
elle avoit de nouveau fecoué ce joug par la fa&ion d'un nommé
Canetulo qui en av oit chafle les partifans du Pape, ôc qui mena-
çoit toute la Romagne y province de l'Etat Ecclefiaftique. Le Pa-
pe Tauroit perdue fans la diligence & la vigueur de Capranica. Ce
Cardinal ayant promptementaiïemblé toutes les troupes de l'E-
glife retint dans le refpecl: les villes de cette Province. Puis affilié
des troupes àï Charles Malatefia Seigneur de Rimini 3 de celles
que le Pape lui envoya fous Jacques Candola 3 & d'un bon corps
d'exilez qui avoienr à leur tête Antonio Bentivoglio , il reprit tou-
tes les places du Bolonois,& Bologne elle -même après un long
fiége.
Efpaghe. III. Une partie de l'année 1419. fut employée à achever l'ou-
Conciuùon vrage de l'union de l'Eglife par la ceifion de l'antipape Clément
cntle^L- VIII. fiégeant encore à Penifcola. L'année précédente le Cardi-
fe Sl Martin nal de Foix étoit allé à Rome rendre compte de cette négociation
à Martin V. Il revint cette année à Barcelone vers le milieu du
mois de Mai, pour mettre la dernière main à cette affaire avec
Alphonfe K.oi d'Arragon, qui alla fort honorablement au devant
du Légat hors de la ville. Elle ne fut pas conclue au gré de l'im-
patience du Cardinal 3 le Roi cherchant des prétextes de délais
&detergiverfations. Il s'agiiloit de révoquer par un a&e authen-
tique, tout ce qui s'étoit fait en Efpagne depuis le fchifme contre
le Siège de Rome -y mais le Roi d'Arragon ne vouloir pas confen-
tiràcette révocation, que premièrement MartinV. neledifcul-
pat par une Bulle , d'avoir fomenté le fchifme. Enfin après bien des
pourparlers , & lorfque le Légat commençoit à defefperer du fuc-
cès de la négociation , le Roi changea tout à coup , fans doute à
lafollicitation de Jean Roi de Navarre fon frère 3 & d: Alphonfe
de Borgia , qui depuis fut Pape fous le nom de Calixte III. èc pro-
mit de faire tout ce que le Légat voudroit. Un changement fi fu-
bitfut regardé comme un miracle d'enhaut. On dit que les aiTif-
tans en pleurèrent de joie. Sans perdre de temps, les deux Rois,
l'un à la droite, l'autre à la gauche du Cardinal Légat, allèrent
en pompe dans l'Eglife cathédrale de Calatayud où éto^t alors la
^^
de Clément
VIII.
ET DO CONCILE DE BASLE. Liv. XV. 317
Cour, pour chanter le TeDeum en a&ion de grâces d'un fuccès fi 1430.
heureux de fi inefperé.
IV. En même temps le R oi envoya deux de tes principaux Con- Abdication
feillers à Penifcola pour exécuter la commiffion de l'abdication de
Gilles Munian , autrement Clément VI II. Ce qui fe fit dans toutes
les formes le 2 6. de Juillet. L'Antipape parut même s'y porter de
bon cœur & de bonne grâce. Il protefta qu'il n'avoir accepté le
pontificat que dans le deiïein de donner la paix à l'Eglife; qu'il
l'auroit abdiqué depuis Ion g-temps fans les obftacles qui lui ctoienc
furvenus. II parut donc en habits pontificaux au milieu de tes Car-
dinaux & de tout ce qu'il avoit de courtifans ; & ayant dépofé lui-
même tes habits pour prendre celui de (impie Docteur , il pria tes
Cardinaux de faire une élection qui donnât à l'Eglife un Pape in-
dubitable. Alors ils élurenit d'une commune voix Otton deColonnc^
.&: l'appellerent Martin V . Il n'y avoit alors que quatre Cardi-
naux, les deux autres ayant été mis en prifon pour avoir voulu
élire un troifiéme Pape -y mais il y avoit un bon nombre d'Officiers
tant écléfiaftiques que féculiers. L'abdication faite avec toutes
les formalitez requifes , on allaenproceiîion dans la Cathédrale
de Penifcola pour y chanter le Te Deum. Le Pape fe trouva à cette
proceiTion comme fimple Docteur , & ne retourna point au palais
pontifical , ayant pris comme particulier une maifon dans la ville,
En récompenfe d'une abdication faite avec tant de franchife Se
d'humilité , l'Antipape fut fait Evêque de Majorque. On dédom-
magea tes Cardinaux par quelques dignitez. Ceux qui étoienten
priion ayant demandé grâce &, reconnu Martin V. furent élargis,
Alfhonfe de Bory.a , pour avoir fî bien travaillée l'union , fut fait
Evêque de Valence par Martin V . Cependant le Légat fe trans-
porta lui-même à Penifcola pour y reprendre les joyaux, monu-
mens, privilèges, vêtemens, &c. appartenans à l'Eglife Romai-
ne, ôcquiy avoient ététranfportez par Benoît XI II. & fon fuc- '
cefleur. De Penifcola le Légat alla à Tortofe pour y tenir un Con-
cile Provincial , pour affermir l'union , & faire quelques reglemens
éccléfiaftiques. Cette réconciliation fut fuivie de celle de Jean
Comte iï Armagnac , contre qui Martin V. avoit lancé l'excommu- , j'^' ]"'„
nication > parce qu'après l'avoir reconnu , il l'avoit enfuite aban- 12.
donné pour te joindre à Benoit XIII. &. aux deux Antipapes tes jj^^j' n'
fuccefTeurs (a). Ainli finit un fchifme qui avoit duré depuis le 2 1 . Rap,. i4ip,
de Septembre 1378. jour de l'élection de Clément VII. jufques au »L,m* /• z-
16. Juillet de 1429 (b). n.i.m.
Rriij
3 i8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1430. V* H Y avoir en Efpagne une autre affaire importance que le
Paix entre h Légat n'avoit pas moins à cœur. Ç'étoit la réunion des Rois d'Ar-
£ft alc0& ragon &c de Caftille à l'occafion de Dom Alvare de Lune 3 qui s'é-
toit tellement emparé de l'efprit du Roi de Caftille, qu'il avoic
écarté les Princes de la cour & du gouvernement de Caftille,
comme on Fa déjà dit. Le Légat réiiiïît dans cecte négociation
affilié des Reines de Cafttfle & d'Arragon. Ces deux P rincettes
étant fœurs , elles étoient dans des tranïes mortelles que l'on n'en
vînt aux mains , parce que de quelque côté que penchât la vic-
toire, elle ne pouvoit leur être que très-funefte. Elles s'adrefiférent
donc au Légat pour le prier de les affifter de Tes confeils 6c de fon
autorité dans le deflein qu'elles avoient d'empêcher le combat
quiétoitprêtà fe donner. Voici comment i'Hiftorien Efpagnol
raconte l'affaire. » Les Rois (de Navarre & d'Arragon ) brûlant
»> du defir de combattre, mirent leurs armées en bataille dès la
»> pointe du jour , un Vendredi premier jour de Juillet. Les deux
» armées étoient en préfencej on commençait déjà à efearmou-
«cher, lorfque le Cardinal de Foix s'avança allant d'une armée
» dans l'autre , & fit tant par fes remontrances &; Tes exhortations ,
» que le combat fut différé jufqu'au lendemain , parce qu'on étoit
y déjà fur le déclin du jour, èc que la nuit approchoit. Les réfle-
vxionsdelanuit&ce délai furent falutaires aux deux partis. La
v Reine d'Arragon par bonheur arriva tout à propos dans P armée.
» Cette femme héroïque pleine d'un courage martial , fit drefler
»fa tente dans l'intervalle qui féparoit les deux camps ^ & après
» quelques pourparlers &: quelques négociations, elle conclut la
» paix à des conditions raifonnables ,& au contentement de toutes
TiUp.m'. '» îes parties intérefTées c^ui mirent les armes bas, & fe retirèrent
534. » fans commettre aucun a&e d'hoftilité (a).
Fmnce & VI. La France commença cette année à refpirer après tant de
Angleterre, malheurs & de pertes qui fembloient irréparables. La levée du
d'Orieaîi" fiege d'Orléans formé par les Anglois pendant fept mois , fut un
fait lever le coup de partie pour le Royaume , puifque depuis ce temps-là les
y%. CCCCtC a^aires des Anglois allèrent toujours en décadence. La manière ,
iînon miraculeufe3 au moins toute extraordinaire, dont la ville
d'Orléans fut délivrée par Jeanne d'Arc , appellée la Pucelle d'Or~
leans , eftn* connue, que je me difpenferois d'en parler, fi cette
affaire n'étoit tout-à-fait du reffort éccléfiaftique. Les François la
crurent envoyée de Dieu pour les délivrer. Les Anglois la regar-
dèrent comme une forciere & une émiflaire d.u Diable contre
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JCV. 319
l'Angleterre, &la firent brûler comme telle. Le Clergé fe mêla
de cette affaire, foie pour examiner Jeanne d'Arc^L l'aucorifer.,
foie pour la condamner 3 foie enfin pour rétablir fa mémoire,
comme fit Calixte III. Voici le fait en gros fans entrer dans le dé-
tail des circonftancesque Ton peut voir ailleurs , & fur tout dans
les nouvelles Hifloires de France par le P. Daniel (a) , Ôc d'Angle- (*0 T« Iv~-p-
terre par Mr. deit^/«(b). Il y a voit fept mois que les Anglois af- (b)T.iv!p.
fiegeoienc Orléans, & la ville éteitfur le point de fuccomber, lorf- $7- 60. &
cjuetoutàcoup il parue en France une fille de quelque païfan de pSfjf
Lorraine (1), âgée de 20. à 30, ans (2), quifevantoic d'avoir un fin de la vie
ordre exprès de Dieu pour faire lever le fiége d'Orléans , & facrer de Henrt l ln
Charles VII. à Reims. Après l'avoir examinée , on crue fa mif-
fion divine. Elle prie un habic d'homme & des armes , & fe mie en
campagne ; elle enera dans Orléans , &: foueinc fi bien les aflîégez
par fès confeils& par fa valeur, que les Anglois furenc concraints
de lever lefiége le 1 2. de Mai de 1429.
VII. On fut partagé fur le caractère de cette fille , les uns la Ca"a^rc de
prenant pour une fille miraculeufe, foie que Dieu l'eue envoyée d'Orléans.-
pour le faluc de la France , comme l'onc cru prefque cous les Hif-
toriens François 3 & en dernier lieu le P. Daniel ^ foie qu'il eue per-
mis que le démon la fufcitâc contre les Anglois , ce qui fuc l'opi^
nion de ceux de cette nation. D'autres ont pris un milieu qui pa-
roît plusvrai-femblable. Ils onc cru quec'écoic unftracagëmedes
François pour relever le cœur de cette nation & de Charles Vil.
lui-même , qui étoit fi confterné qu'il méditoic fa recraice en Dau-
phiné. Plufieurs Hiftoriens onc pris ce parti. Enguerrand de Monf-
trelet , auteur contemporain, n'a point décidé fi c'étoic un mi-
racle, ou une incrigue. uEneas Sylvius aufîl concemporain ne prend
poinc l'affirmative pour le miracle , il dit feulemenc qu'on le
croyoic ainfi^). MaisMonfieur de Rapin s'efc aceaché parcicu-
lieremenc à faire voir qu'il n'y eue rien que de nacurel dans cecce
affaire. Il ejl ai fé de s'imaginer , die ce judicieux Hiflorien, que ce
pouvoit être une invention pour redonner du cœur aux François , &
peut-être au Roi lui-même concerné par tant de pertes (c). C'eft ce [c]Vbi>fuf*
qu'il appuyé par de bonnes raifons dans une diflércacion exprès où p* * *
(1) Le lieu de fa naiflance étoit Domremt près Vaucouleurs.
(z) Mr. de Rapin a prouvé qu'elle avoit alors 27. ans ou environ, ubi fap. p. 182.
(f3J I» Regno ipfo Trancia , qnodnojlra œtatejoanna Virgo Lotbaringenjis divinitus , uteredttnt,
admenita , virilibns indumentis tâ armis indttta Gallicai encens acies ex Anglorum manibus magna-
ex parte ( mirabile dtcht l J pnmainnr primos pu/?tans eripuit, iEneas Sylv. llifl. de Europe L'b,
ILIV. friu*
yià HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
il répond folidement à toutes les objections. J'y ajouterai feule-
ment qu'il y a beaucoup d'apparence que cette fille étoit , non une
fille de bon fins* mais une vifionnaire d'une imagination très-vive
& très-forte. Ces fortes d'imaginations font fort contagieufes , ÔC
perfuadent aifément de ce qu'elles difent, fur tout quand on le
ibuhaite. En effet mettant à part les vifions & les révélations donc
elle fevantoic ou quelle croyoit avoir eues j on ne voit rien d'ex-
traordinaire dans toutle refte. Elle ne fe met point à la tête des
[ a ] Gomme troupes , comme auroit dû faire un Général envoyé de Dieu (a),
Defora. sj ôllefe bat avec un courage intrépide, l'Hifloire rend le même
témoignage aux autres Généraux. Elle délibère avec les Officiers
de l'armée, quelquefois elle fuit leurs conleils, quelquefois elle
s'en éloigne. Tout cela ne marque point d'infpiration. Elle effc
bleiiëe plus d'une fois. Enfin elle fe rendit prifonniere à Com-
[b]LeP.D.i- piegne (b). Où. étoit alors la protection divine? Etant en pnfon
^/,ubifupr. cjans ie cnàteau de Beaurevoir., elle fauta du haut de la tour en
bas ; mais s'étant blefîée elle fut reprife. Quand les Anglois lui fi-
rent fon procès , elle foutint à la vérité les premiers interrogatoi-
res 5 maisenfin elle fit par deux fois abjuration de fes révélations.
La première lorfqu'elle fut condamnée à une prifon perpétuelle
& au pain & à l'eau. La féconde lorfqu'elle retrada cette pre-
mière abjuration & qu'elle fut condamnée au feu. Il n'y arien
en tout cela que de fort humain ^ mais le fupplice de cette fille ar-
rivé en 145 1. a été trouvé fort inhumain par tous les Hiftoriens,
&; même par les Anglois. Ecoutons la réflexion de Mr. de Rapin
là-defîus. Avant que de finir cette matière 3 je ne puis m' empêcher de
faire une réflexion fur la barbarie avec laquelle la Pue elle fut traitée.
Il ri cft pas po.IJible de donner quelque couleur à, cette injuflice. Comme
Jeanne ri étoit pas F rancoife, Henri ne pouvoitpas fuppofer qu'elle fut
fa fujette , & par confèquent il ne pouvait la traiter que comme une
fimpie prifonniere de guerre. Celafuppofé^ il pouvoit encore moins la
punir comme fchifmatique , hérétique & forciere , quand même elle en
auroit été convaincue. Si la maxime que les Anglois voulurent alors
établir étoit une foi s établie , il ri y auroit point de prifonnier de guerre
qui ne fut en danger d'être jugé par fes ennemis pour des crimes fuppo-
fez^> & de fuccomber fous leur malice. Charles VI l. fit cajferlafcn-
tence par d'autres Juçes , & rétablir l'honneur de la Puce lie. C'cft fur
cela que plufieurs fe fondent pour prouver fon innocence s mais ceft un
foible fondement 3 puif que fans une extrême prévention , on ne peut pas
plus compter fur la dernière Sentence que fur la première. Celle-ci fut
donnés
ET DU CONCILE DE BASLE. Llv. JTF. 321
donnée par Ces ennemis qui avoient intérêt de la diffamer $/ 'autre par
fès amis qui trouvaient leur gloire & leur avantage à la faire paroïtre
J J- ° (a] UVl /UpT*
innocente (a), p. 201. 202.
VIII. Cette même année le Duc de Bretagne envoya Guillau- Lc Duc *
me déjà Zohérie (on conkiller à Rome, afin de Ravoir pourquoi p^Ro^"
le Pape difFéroit de fiiire réponfe à quelques plaintes qu'il avoir me.
adreflees au St. Siège, contre plufieurs abus qui fecommettoient .
par le clergé , principalement par les Evêques de la Province. Ces
abus étoient qu'ils ne vouloient pas s'en tenir aux anciennes prati-
ques du payst, par lesquelles lesappellations de leurs Jurifdi&ions
étoient dévolues aux Parlemens généraux , vexant par des cenfu-
res injuftes ceux qui y avoient recours -, qu'ils refufoient de faire fer-
ment de fidélité au Duc ^ que quelques-uns d'entr'eux tâchoienc
d'empêcher les Sergens du Duc de porter leurs mafles avec les
armes de Bretagne dans leurs diocèfes j qu'ils vouloient s'attri-
buer l'ouverture & la publication dçs teftamens , même des laï-
ques, aufË bien que la connoiflance de tous les adultères, com-
me ayant rapport à un Sacrement 5 que TEvêque de St. Malo pré-
tendoit le droit de Bris{\) en fa yille ï que quelques Evêques , 8c
OrÏÏciaux décernoient des Edits peremptoires pour la moindre
caufe, fulminoient des excommunications pour unefimple con-
tumace, fermoient l'Eglife aux femmes Se aux enfans de ces ex-
communiez , & extorquoient de rrès-grofles amendes pour les
moindres fautes ; que quelques Evêques fe faifoient fuivre dans
leurs vifites , par tout leur diocèfe , de ceux à qui ils avoient don-
né des afïïgnations ^ qu'outre les procurations , ou repas de vifite >
ils fe faifoient encore payer d'autres droits énormes par les Rec-
teurs • qu'il y avoit des Cathédrales où Ton exerçoit publique-
ment l'ufureappelléeg^-»z<?r/(i), en achetant fur des dixmes,
ou autres biens imaginaires des iaïquesdix livres tournois de ren
te pour centécus , ( lesécusnepafloient guéres 22. fous) &con-
vertifloient encore en rentes les arrérages de ces revenus ufurai-
res j enfin que le Minihi{}) de Treguier occupoit quatre lieues de
pays , & que l'Evêque de Treguicr prétendoit qu'il y avoit droit
d'afyle 3 ce qui étoit énorme, & trés-favorableaux plus infâmes
fcélérats. Le Duc avoit encore un fujet particulier de fe plaindre
('.) Droit furies vaifleaux qui font naufrage. Un Concile de Nantes travailla en I2IJ. â
abolir ce droit barbare. Lthin. ubi fupr. p. 203 .
(2)Droitdontonh;ffe.jouirunEngagille, en forte qu'il profite des fruits, & néantmoins
Vcn compte ùcn-Dici. deTrev.
Il] Vieux terme,de.Coutumc en Bretagne. Canton de terre affranchi fervant d'afyle. Ujd.
Tom. I. S S
3ii HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
d'une conftitution du Pape 3 par laquelle il avoir défendu aux
Eccléfiaftiques , fous de grandes peines , d'avoir recours dans leurs
caufes à la jurifdiction temporelle, & il lui avoir fait repréfenter
que l'ufage Tautoriibità juger le poflelîoire des Bénéfices de fon
pays. Le Pape , quant à cette dernière plainte 3 lui envoya un J3ref
en date du 29, Juin, par lequel il lui témoigna que par cette
Conftitution il n'avoit point prétendu donner atteinte à les droits^
6c pour ce qui eil des autres fujets de plaintes , il nomma le mê-
me jour Griffin évêque de Rojjc pour commiffaire, avec ordre
de fetranfporter en Bretagne pour informer de ces excès , £c de
&f*;?J lui en faire fon rapport (a).
AUe'ma/ne." I X. Quoique l'Allemagne eût grand intérêt à demeurer bien
r -capitula- unje £ caufè des courfes perpétuelles des Huflîtes qui portoienc
furnescTAiîe- leurs fureurs jufques dans l'Empire, elle étoit cependant toujours
magne. déchirée par des guerres inteftmes. Il eft vrai que pendant les an-
nées précédentes Conmà III. du nom ,Waldqrave de Dbaun ,
Rhingrave de Stein , élu archevêque de Mayence en 141 9. avoit
pris grand foin d'en pacifier les troubles, autant qu'il fe pouvoir.
Dès l'année fuivante, par ordre àz Martin V. il avoit terminé
(Mlis'appcl- *a guerre entre l'Evêque (b) 6c la ville de Spire 3 aufli bien que les
ioit Raton, démêlez de Jean de Brun évêque de Wirt^bourg ,. avec la ville de
Schwinfurt. En 1417. il fut à la tête des Electeurs du Rhin , qui
dans la diète de Nuremberg s'alïocierent pour feconrir S igifmond
contre les Huflîtes, auffi-bien qu'avec le Marquis de Mifnie, con-
tre ces fâcheux voilins. Dans cette aflociation il fut réfolu une
abfoiué intolérance pour quiconque profeiîeroit le Hufîitifme 3 6c
qu'on forceroit tous les hommes au demis de douze ans d'adhé-
rer conftamment à la doctrine de leurs Pères, 6c de dénoncer au
Magiflrat tous ceux qui leur paroîtroientfufpects de nouveautez»
De retour de la malheureufe expédition contre les Bohémiens,
dont ont a parlé en cette année là, il aflbupit les démêlez de
l'Evêque de Wirtzbourg , avec Frédéric Margrave de Brande-
bourg. L'Empereur , pour reconnoître des foins qui lui étoient fi
avantageux pendant qu'il étoit occupé à des guerres, l'avoir éta-
bli en 1422. fon Vicaire dans l'Empire ; cependant il ne garda
pas long- temps ce Vicariat , parce qu'il lui étoit contefté par l'E-
lecteur Palatin 3 &c qu'il aima mieux faire ce facrifice à la paix. En
1424. il accorda l'Evêque de W^rmes ( 1 ) avec la ville , & plufieurs
autres démêlez. Les années fuivantes il fut engagé dans une guer-
( 1) Jean de Ihckfnjtàn fut au Concile de Confiance , & mourut en 1 4Z6".
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JCV. 323
s*e allez opiniâtre avec Loiiis Landgrave deH.eJfe. Elle avoir d'a-
bord été affoupie par l'entremife des Ele&eurs Palatin & de Bran-
debourg, mais elle recommença bien- tôt. Conrad même ayant eu
dudeflous, aima mieux don-ner les mains à la paix , que de con-
tinuer la guerre au préjudice de l'engagement où il étoit avec les
autres Princes de fècourir l'Empereur contre la Bohême. Cette
paix Te fit à peu près en 1427. dans le même temps que, comme on
l'a vii , Henri évêque de Wincheper étoit Légat en Allemagne ,
pouranfmer les Princes à la guerre de religion. C'eftce qui obli-
gea Conrad X ren ou veller en 1428. la confédération entre lesE-
le&eurs tant eccléfiaftiques que féculiers & tous les autres Princes
& Etats de l'Allemagne. En 1429. Conrad fut appelle en Hongrie
à une diète que l'Empereur tenoità Presbourg pour chercher ks
moyens de réduire les Bohémiens (a). A fon retour il trouva de (»)<*•»»•
nouvelles brouilleries en Allemagne par la mort d'Otton comte de Sïw"
Zingenheim, archevêque de T rêves, arrivée en 1429. Le Chapi- rer. Mogunt.
tre le trouvant partagé entre deux fujets , Martin V. rejetta l'un T'LP-73^
& l'autre , & élut Raban évêque de Spire , à la recommandation de
l'Electeur Palatin h mais cette éie&ion étant defapprouvée par
quantité de Seigneurs du pais partifans de l'un des Concurrents
(b), caufa des dommages infinis à l'Eglife de Trêves. La ville qui (b)Vdetric
tenoitpour Raban foutinc vieoureufementun fiéee de deux ans. dc Men<Ur'
Tout le territoire rut mis a l'interdit pendant quatre ans par le Pa-
pe irrité du mépris qu'on faifoit de fes Bulles. Enfin la paix îè fie
par l'entremife des Electeurs de Mayence & de Cologne , & de l'E-
vêque de Wormes, Raban demeura en poffeiîion du Siège (c). J'ai (c) H*>.
cru devoir faire cette efpece de récapitulation , d'un côté pour [ftxi.
faire voir combien il étoit difficile de réunir ce vafte corps pour <v
l'intérêt commun , & de l'autre parce que paix ou guerre en Alle-
magne, tout fe rapportoit prefqu'à la guerre des Huflîtes.
X. Le refte de l'Europe n'étoit pas pkis tranquille, Sigifmond Pologne &
avoit été défait par les Turcs en Hongrie. Comme il imputoit ç*"8^
cette difgrace aux Polonois&aux Valaques, qui 3 à ce qu'il pré- ucko ca
tendoit, lui avoient manqué au befoin , il demanda à Wladijlas Pologne.
roi de Pologne , & à Alexandre Withoud Grand Duc deLithua-
nie , un congrès fous prétexte d'affermir leur union & de prendre
de meilleures mefures contre l'ennemi commun. Le Congres fut
accordé, & pour le tenir on convint de la ville de Luc ko , dans la
haute Wolhinie. Si l'on en croit les Hiftoriens Polonois contem-
porains, ce congrès fut des plus mémorables &; des plus magni-
Ss ij
324 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSÏTÊS
fïques qu'on eût encore vu. II mérite d'autant plus qu'on en fa/fè
la defcription , qu'il y entre beaucoup d'eccléfiaftiques , puifqu'il
s'y trouva des Latins, des Grecs, des Rudes, des Arméniens,
6c des Juifs. Il n'y manquoit que des Hufîites pour y en avoir de
toute religion. Sigtfmond après s'être fait attendre afïez long-rems
y arriva au commencement de 1419. avec Barbe fon époufè ô£
quantité de Prélats , de Princes 6c de Barons de Hongrie ôc de
Bohême. Withuud alla au devant de lui à une lieuë de la ville pour
l'y recevoir. Enfuite Wlaâiflas monta dans le caroflé de la Reine
& entra avec elle dans Lucko. Puis Sigifmond précédé de Withoud
y fit fon entrée à cheval, accompagne de Sbinko (1) évêque de
Cracovie _, au fon des trompettes Ôc de divers inftrumens de Mufl-
que. Les différents partis de religion qui fe trou voient dans la ville
étoient allez en proceffion au devant de l'Empereur , première-
ment André évêque du lieu avec fon clergé , puis le Rulfe avec le
fien , enfuite l'Arménien 6c (es gens 5 enfin le Juif avec fa fuite. Es
entrant, Sigifmond defeendit de cheval pour faire honneur à l'E-
vêque, & vénéra les Reliques, fans faire aucune attention aux
procédions des autres. Le Grand Duc régala fplendidement à
fouper la compagnie. Les buffets fuccomboienc fous l'or & Tar^
genr.
Proposons X I. Les jours fuivans s'employèrent aux négociations. Chacun
de sigijmond des trois Princes avoit fon confeil dans une chambre ou poêle {ftu-
bam)i part. La première propoiition que l'Empereur fit à Wladif-
las par quelques Prélats 8c Barons, e'ett: que fui van t les traitez 6i
Jes lermens que Ton produifoit en original , ils entreprirent con-
jointement l'été prochain une expédition contre la Moldavie ,
pour en chafîer les Princes 6c partager enfuite entr'eux la Provin-
ce. La raifon qu'il alléguoit de cette proportion , c'elt que les Va-
inques & leurs Gouverneurs ou Vaïvodes étoient des gens fans foi1,
des ennemis publics 3 qui ne vi voient que de rapines 6c de brigan-
dages 5 qu'ils s'étoient emparez injuftement d'une Province trèsv-
fertile 6c très-abondante en toutes choies, après en avoir chafîé
les habitans, 6c les poflefléurs naturels, & qu'enfin ils lui avoient
refufé du fecours contre les Turcs. La réponfè du Roi de Pologne
fut qu'il étok contre l'équité d'attaquer & de vouloir extermine^
fans aucune caufe légitime, les Valaques , qui non feulement:
( 1 ) Sbigntur Olrfnicius prélat cPune grande fermeté comme on va le voir. Il ne faut pas le
confondreave; le Prélatdu même nom qui fut archevêque de Gnefne en 1480. Darmtlvvitx,
Vit. Epifc. Mïadijlttv. & Gtiefn. p. 34J. 344.
u ce contres.
ET DU CONCILE DE BASLE.Ziv. JTV. jij
étoient Chrétiens 3 mais fort fidèles à la Pologne -, que c'étoitune
férocité barbare de tourner Tes armes contre fes propres fujets j
que fi quelques-uns d'entr'eux vivoientde vol & de pillage, il ne
falloit pas s'en prendre à tous j que s'ils n'avoient pas fecouru le
Roi des Romains contre les Turcs , c'étoit fa propre faute , & non
la leur 3 puifqu'ils s'étoient rendus avec l'armée de Pologne jus-
qu'au Danube l'an & le jour marqué , & que Sigifmond ne s'y étoic
pas trouvé. Cette réponfe fut faite à Sigifmond en préfence de
plufieurs d'entre les Barons de Valachie.
Sigifmond obligé d'y acquiefcer fit aux Polonois &, aux Lithua-
niens une autre propofition que j'exprimerai dans les propres ter-
mes de l'Hiftorien , parce qu'elle eft finguliere , & que cet His-
torien la trouvoit captieufe. Jefollicite le Souverain Pontife , dit le
Roi des Romains , À affcmbler un Concile pour la rèdutlion des Bohé-
miens à* la r'e formation de l'Eglifè. S'ilconfent à cette convocation , je
m'y trouverai : s'ilriy confentpas 3 je l'affemblerai moi-mhne de mon
autorité, lin eft pas be foin de fe mettre en peine de la réduHion des
Grecs , puifqu 'ils ont la même foi que nous , à lareferve des barbes &
des femmes. Encore ne doit- on pas les en blâmer , puifque les prêtres
Grecs fe contentent d'une femme\ au lieu que les Latins en ont dix , &
davantage (i). L'Hiftorien témoigne que les Rufîes charmez de
ce difeours s'affermirent dans leurs opinions _, & qu'ils partaient
de Sigifmond comme d\in Saint , parce qu'il préferoit la Religion
Grecque à la Religion Latine. On ne rapporte pas la réponfe que
firent le Roi de Pologne & Witboudàce difeours de l'Empereur. Il
déplut vrai- femblablement à l'un ôc à l'autre, puifqu'il ne pou-
voit aboutir qu'à les brouiller avec le Pape } en leur faifant né-
gliger la rédu&ion des Grecs fous prétexte de celle des Bohé-
miens. D'ailleurs un difeours fi flatteur pour les Rufles ne pouvoir
tendre qu'à les détacher des Polonois (2 ).
XII. Quoi qu'il en foit , avant que de quitter le congres , Sigif- Sigifmni
mond qui avoir plus d'une corde à Ion arc , entreprit une nouvelle fc^Tw-
négociation , & des plus délicates , par rapport à la Pologne , qui thoud roide
enauroitétéfortaffoiblie fi elleavoitréuffi. Il fe mit en tête de Lithuame-
perfuader Withoud de fe faire déclarer Roi de Lithuanien). Il lui
(i) Dliïg. ubt fup. p. ft Ji C.romtr qui rapporte au (fi le rcfle n'a point cette particularité.
(1) Il faut remarquer enpaffant, que ces deux Rois ne s'aimoient point , comme il arrive
fouvent entre Rois voifins , & fur tout que Sigifmond , malgré fon alliance avec la Pologne ,
ftvorifoit les Chevaliers Teutoniques, foit fous main , foit ouvertement.
(]) AlhertKrantx. prétend que la propofition vint de Withoud , & que pour cela il offrit1 à
Sigifmond d'entretenir à fes dépens cent mille hommes en Bohême pendant un an. îV^ndal.
iLib.XI. cap. 22. Mais je m'en tiens aux Hirtoriensde Pologne.
S s iij,
ji<5 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
en fit donc la propofition , 6c lui offrit de le favorifer dans ce dcf-
fein , lui faifant entendre qu'il y pouvoit contribuer beaucoup en
qualité de Roi des Romains. Le Duc, qu'on repréfente comme un
Prince fort ambitieux , écouta avidement une propofition fi tfat-
teufe y mais il déclara en même temps qu'il ne pouvoit y donner
les mains fans l'approbation 6c le confentement du Roi de qui
il tenoit le duché de Lithuanie , ôc qui ne fouffriroit pas aifément
ou'eUefdt démembrée de la Pologne. Sigifnondfe fit fort de le-
ver facilement cet obftacle , 6c d'obtenir le confentement du Roi.
En effet lorfque ce dernier étoit encore au lit } Sigifmond l'alla
trouver un matin avec Barbe fon époufe pour lui aider à le perfua-
der , 6c lui parla en ces termes : Ne trouvez^vous pas , mon cher frè-
re , qu'il efl injufie & dur quêtant tous deux Rois , Alexandre Wi-
thoud notre frère commun nefoitpas orne de cette dignité aujji-bien que
nous. Confentezjlonc à fon couronnement que je puis lui procurer en qua-
lité de Roi des Romains 3 & ne refufezj)oint ce lujlre à la Lithuanie
votre patrie. » Il n'y a rien , répondit Wladiflas > que je ne fifle pour
» la gloire de mon frère Withoud , & je le tiens digne non feule-
» ment d'être Roi , mais même d'être Empereur. Je ferois tout
« prêt à lui céder la couronne de Pologne, s'il vouloit s'en con-
» tenter j mais je ne fçaurois me déterminer for une affaire d'aufli
» haute importance , fans l'avis 6c le confentement de mes Prélats
» 6c de mes Barons. Il faut en faire rapport au Confeii ». // ne feroit
pas honnête , répliqua Sigifmond, de vous dépouiller de la couronne
pour l'en revêtir i il efi plus expédient que vous foyez^ tous deux Rois ,
tJ- cefi une chofe fiipcrfluë de confuher là-dejjus vos Prélats (y vos
Barons. Votre confentement fuffit tout feul. Wladiflas, à ce que dit
l'Hiflorien , ébranlé par ce difcours fpécieux , & porté d'inclina-
tion pour la gloire de fa patrie, fembla donner , finon un confen-
tement formel , au moins un tacite , & il ne parut pas le refu-
fer. Il n'en fallut pas davantage à Sigifmond pour en aller porter
la nouvelle à Withoud, comme d'un confentement bien formel 6c
bien authentique. Le Duc de fon côté ne s'endormit pas ; 6c pour
mettre les fers au feu , il fit aflembler le Confeii , où il envoya fon
Secrétaire, orateur fort cloquent (i ) , qui expofa aux Prélats 5c
aux Barons, que le Roi des Romains prefloit par toutes fortes
d'inftances le Duc fon maître de fe faire couronner Roi de Li-
thuanie, 6c que le Roi de Pologne y avoit donné fon confente-
ment j mais que comme il n'étoit pas avide de cette dignité, il
( j ) ficelas lepienshi de la M ai fon de Nçlmpi*.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. J?r. 317
n'avoir, pas voulu l'accepter fans leur confeil &; leur agrément. Ii
n'avoir pas encore achevé fon difcours, que Withoud lui-même en-
tra dans le Confeil, pour extorquer par fa préfence le confente-
ment des Prélats & des Barons , tk. même il ne fortit pas de l'af-
femblée que la délibération ne fût finie.
XIII. L'Archevêque de Gnefne (1) parla le premier félon fon vigoureufc
rang , & fit un long difcours qui n'aboutiiîoit à rien. Celui de l'E- ^r/vlqu.
vêque de Cracovie (2) fut plus décifïf. Il repréfenta fortement de Cracovie,
au Duc , 1 . Qu^une proposition au ffi nouvelle } au ffi étrange & aujjiper-
nicieufe à la Pologne 3 les avoit faifis d ' ètonnement & de douleur , &>
quelle demandait une longue & mûre délibération. 2. ^a'Hedwige
Reine de Pologne n avoit préféré Wladiflas à tant de Princes qui la
recherchoient avec offre d'unir leurs domaines à la Pologne , qu'a con-
dition que la Lithuanie feroit unie à la Pologne à perpétuité , & cela
■par le confeil de Sigifmond lui-même. 3. Qu'il étoit bien furprenant
que par de pareilles intrigues Sigifmond jettàt des femences de divi-
fion entre des Etats , à l'union de [quels il avoit contribué fi efficacement y
& que par une collufion du Roi & du Duc 3 la Pologne fut ?nenacée d'u-
ne ruine inévitable , pendant que les polonois gardent fidèlement les
conditions fous lefquelles "Wladiflas a été reçu à l'exclufion de tant
d'autres Princes qui pouvoient amplifier le Royaume de plufieurs ri-
ches provinces -y au lieu que la Lithuanie étoit pauvre & environnée
d'ennemis 3 de forte qu'on ne pouvoit avoir en vue que de la gagner à Je-
fus-Chrifi. 4. QgSil efperoit que Dieu , qui avoit récompenfé le zèle
de la Pologne pour la foi Chrétienne par des victoires fignalées con-
tre les Chevaliers Teutoniques , fouffleroit encore fur un confeil fi per-
nicieux , & épargnerait a la Pologne une plaie fi mortelle. Pour moi 7
difoit-il , fi favois fçu ce qui fe paffe , je ne me ferois pas trouvé à un
régal fi amer , ou )e vois que l'on ne trame autre chofe que raffoibliffe -
ment de notre Royaume & de notre Etat 5 &pour ne vous rien diffimu-
1er , très-fereni.ffime Prince , je moppofe & je m'oppoferai de tout mon
pouvoir à votre couronnement , fans qu 'aucun prétexte ni condition m 'y
puiffe jamais faire confentir. Cet avis fut fuivi fî unanimement éc
(1) C'ctoit Albert l.Joftretnbe'e élu en 1413- & mort en I4}6". Il avoit été F.vcque de Pof-
nanie, puis de Cracovie , après avoir fait cha (Te r Pierre Vifcb pour le transférer à Pofnanie
quoi qu'il lefîtpaffer pour fou. Il ell parlé de celui-ci avec éloge dans ÏHijioire du Concile de
life.P.ll.
(x) Ce Prélat étoit au ffi ferrrre que l'autre étoit faible & irréfolu. Il s'oppofa vigoureufe--
ment & même avec menaces aux Donations que le Roi de Pologne avoit faites de quelques
biens Ecclcfiaftiques à quelques Gentilshommes ruinez par les irruptions des Chevaliers Teu-
toniques. On le verra paroitre avec éclat au Concile de Baile./S?fp/;. Damai, in viîa Archicp*
Gmfn* p. 2,3a. 233. Varfoviar ft&fcp.
3i3 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSFTES
par Jean de Tarnovv Palatin de Cracovie 3 & par cous les autres
membres du Confeil 3 que malgré la préfence du Duc il s'excita
un grand murmure concrflui dans l'ailemblée. ïl fortiten fureur,
faifant de grandes menaces de n'en avoir pas Je démenti par quel-
que voie que ce fût.
Oppofitîon XIV. Au fortir du Confeil les Prélats & les Barons irritez de
duCcxifeil. Pobflination du Duc dans une entreprife aufft fatale à la Polo-
gne ôc à la Lithuanie elle-même , allèrent trouver le Roi pour l'en-
gager à rompre une diette qu'ils regardoient comme infe&ée du
plus dangereux poifon , bien réfolus de s'en retirer inceflammenc
eux-mêmes. Ils lui parlèrent en ces termes : » Sire , eft-ce donc là
» le fruit de cette aflemblée, & ne nous y avez- vous mandez que
»pour dépouiller votre Royaume de [es principaux domaines?
» Qui a pu porter votre Sérénité à confentir à un Ci grand mal-
» heur , et à vous mettre à vous-même le poignard dans le fein?Cet
» homme } ce Roi des Romains , ce Sigifmond n'en; venu ici qu'à
«intention de mettre une fanglante diviiion entre vous &vo-
»tre frère. Il efl: jaloux de votre union à la rage,& elle ne fera
«jamais fatisfaite qu'il ne vous ait defunis. Nous vous fupplions
» donc d'abandonner ce lieu au-plutôt , comme nous fommes ré-
» folus de l'abandonner , car il nous efl impoflible d'être préfens
» aux maux dont on menace à tout moment votre tête , & celle de
» vos enfans que vous nous laifTerez pour héritiers. Réveillez-vous
» donc, & regardez la furieufe & fanglante tempête , une pluie mê-
>» lée de fang &; de foudre qui va fondre fur vous , fi avec le fecours
(n)Ditt ubi " ^e Dieu nous ne conjurons inceiïàmment Porage (a)». Après ce
fup. p. ii$. difcours le Roi fondant en larmes, les remercia de leur fidélité,
$l& nia .d'avoir jamais confenti au couronnement de Wlthoud , & leur
promit de fe retirer dans l'endroit qu'il leur marqueroit. C'eft
ce qu'il fit en effet auflî-tôt , au grand étonnement & au grand
regret de Sipfmond èc de Withoud, qui par cette retraite inopi-
née fe virent obligez, finon d'abandonner 3 au moins de fufpen-
dre leur projet.
LePapeécrit XV. Ce fut en vain que Wladiflas & les Polonois envoyèrent
?.sipimoni ambalTaçle fur ambaflade en Lithuanie, pour détourner le Duc
&. a urttbond je çon ambitieux defTein. Comme ce Duc n'étoit pas moins ar-
pour les uc- - *
tourner de dent à en follicitçr l'exécution auprès de Sigifmond, que les autres
leur dcilein. a en parer le coup , ils ne trouvèrent point d'autre reiïource pour
en venir à bout, que dans l'autorité du fouverain Pontife. Le Roi
de Pologne envoya donc une ambaflade à Martin V, qui par Je
confeil
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. XV. 329
confeil des Cardinaux écrivit à Sigifmond & à Withoud pour les
prier inflamment de fe défifter d'une entreprife qui ne pou voit fai-
re honneur ni à l'un ni à l'autre, àcaufe de leurs engagemens en-
vers la Pologne, & dont la pourfuitene rnanqueroit pas d'allumer
des guerres fanglantes en Europe. On peut voir ces lettres dans
Dlugos. Elles font fortes, tendres & bien motivées , mais bi^n
loin qu'elles produififlent leur effet , W^/W^envoyaune ambaiTa-
de au Roi de Pologne pour s'en plaindre comme d'un affront qu'on
lui avoit fait, avec d'autant moins de raifon que c'etoic le Roi de
Pologne lui-même qui s'étoit engagea folliciter la Couronne de
Lithuanie. Le Roi pour répondre à ces plaintes envoya une nou-
velle ambafîade pour reprefènter au Duc que fi WUdiJlas avoic
fait des plaintes au Pape, ce n'étoit point dans la vue de donner
aucune confufîon à un frère qu'il aimoic tendrement j mais qu'il y
avoit été force pour défendre fes droits contre les menées de Si*
qifmond. Ces Ambafîadeurs avoient ordre d'ajouter à ces exeufes
des plaintes dece quefVtthoud avoit exigé de nouveaux fermons
de fes fujets _, & renforcé fon armée. Enfin on le prioit inftamment
de vouloir renoncer à fa prétention à la royauté. Le Duc répondit
que s'il s'étoit armé , ce n'étoit point contre la Pologne $ mais
pour n'être pas furpris à Pimpourvd , parce qu'on n'ignoroit pas
que les hérétiques de Bohême avoient fréquemment follicitéle
Roi de Pologne de lui donner pafîage fur fes terres pour agir con-
tre la Prufïe &; la Lithuanie, &: que contre fa coutume il lui avoit
caché ces proportions & cette intrigue.
XVI. Les affaires de Withoud cependant s'avançoient auprès Les projets
àeSigifriond. Le jour de fon couronnement étoit déjà marqué. à^fJ'ith3ud
Le Duc y avoit invité les Princes de Ruffîe, le Grand Maître, les fumée.
principaux de l'Ordre Teutonique èc l'Empereur des Tartares
avec lequel il s'étoit ligué. Les ambafTadeurs qui portoient les
Patentes & les couronnes, l'une pour le Duc, l'autre pour Ju-
lienne fon époufe, étoient déjà partis de Vienne pour aller en Li-
thuanie par la Saxe Si parla PrufTe ; &afin qu'on fût plus allure de
leur prochaine arrivée > Sipfmond avoit envoyé devant eux deux
députez de marque pour en annoncer la nouvelle au Duc , & pour
le raflurer fur quelque doute qu'on lui avoit fait naître que Sîgif-
mond n'étant pas couronné Empereur , & n'étant que Roi des
Romains , fut en droit de créer un Roi. Comme Wladijlas avoit
eu avis de tout par des Lettres interceptées, il ne manqua pas de
tenir des troupes dans les lieux de leur pafîage. Il donna cette com-
Tom. I. Tt
33G HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
miflion à un Seigneur Polonois homme de tête Ôcde main , qui
avoit des terres au voifinage de la Saxe , de la nouvelle Marche , &
de la Prude (i). L'embuicade réiiflit à fouhaic. Les précurseurs
de l'ambaflade folemnelle furent arrêtez à leur entrée en Prulîe
ôc dépouillez de leurs lettres , de leurs armes ôc de leurs chevaux.
Les lettres portées au Roi, il les lut avec avidité, ôcy trouva des
intrigues & des confédérations pernicieufes au Royaume de Po-
logne 5 mais on fit une grande faute ? car au lieu de mettre en pri-
fon les porteurs de ces nouvelles, on les relâcha fur leur parole,
à condition de fe repréfenter à certain jour marqué 5 cependant
contre leurs promettes , ils fe firent mener en Lithuanie par la
Prufle. Au récit de leur finiffcreavanture le Duc fit bonne mine à
mauvais jeu pour ne pas décourager fes hôtes , ôc dans l'efpérance
de la prochaine arrivée de PAmbafîade folemnelle avec la cou-
ronne ^ mais on avoit mis bon ordre en Pologne pour empêcher
cette Ambalfade de pénétrer plus avant. Toute la noblelïe de la
grandePologne s'arma pour cet effet ôc fe distribua en divers corps
pour bien garder tous les paffages. Les Ambafladeurs étoient déjà
au -delà de Francfort fur l'Oder. Saifis de frayeur à cette nou-
velle , ils s'en retournèrent à Vienne avec leurs couronnes Ôc leurs
magnifiques préfens. Le Duc ne fe rebuta pourtant pas de ce mau-
mais fuccês , mais voyant qu'il n'y avoit nulle apparence de fe
faire couronner malgré les Polonois , il s'avifa d'un nouveau flra-
tagême pour y réuffir. Feignant de ne plus penfer à la Royauté ,
il invita le Roi à une partie de chatte en Lithuanie, dans le deflein
de le ramener adroitement à fes vues, ôc de gagner {es Miniftres
par fes liberalitez ôc fes carefles. Il y eut en effet une entrevue vôc
elle fut même fi amiable que le Pape en fut la dupe. C'eft ce qui
paroît par une lettre de Martin V. à JVithoud pour l'en féliciter, ôc
l'exhorter à ferrer de plus en plus les nœuds de leur amitié. Il en
alleguoit pour principal motif, qu'alors ils pourroient unir effica-
cement leurs forces contre les hérétiques de Bohême. Cependant
toutes les efpérances du Duc s'en allèrent en fumée par la vigueur
& la fermeté de l'Evêque de Cracovie, qui déclara qu'il fouffriroic
plutôt le dernier fupplice que de trahir fa patrie en donnant fon
confentement à un deflein également pernicieux à la Pologne ôc
à la Lithuanie. Withouâ tout irrité qu'il étoit de trouver dans le
Prélat un rocher inébranlable, neput s'empêcher d'admirer pu-
bliquement fa confiance & fa généroflté. On peut en effet l'allé-
(1) C'ctoit Jean Cfiarretguskj Soûcamericr de Pofnanie de lamaifoo de Natiuin.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XV. 33r
guer à la pofterité comme un des plus beaux exemples de fidélité
envers fa patrie , 6c fon Souverain.
XVII. Cependant Withoud tomba malade 3 à ce qu'on prétend Mondée
miné d'un chagrin 6c d'une mélancolie qui le rongeoient fecrete- *"**'
ment. Agé déplus de 80. ans 6c attaqué d'une maladie qu'il ju-
geoit mortelle (1), il renonça enfin à un projet dont il voyoit l'e-
xécution impoflible, 6c il le déclara publiquement à Wiadiflas , à
l'Evêque de Cracovie , au Duc de Mazovie (a) , au Vice-chance-
lier (b) de Pologne, 6càplufieursautres Princes & Seigneurs qui (*)&»»***
fe trou voient à Vilna. Le Roi en étant parti, leDuctoutlanguif- J^ot-
fant qu'il étoit voulut l'accompagner à cheval $ mais il fut obligé rou.
de s'aliter à Troki (2) où le Roi 6c fa fuite relièrent jufqu'à fa mort.
Lorfqu'ilen fentit les approches, il parla au Roi en ces termes:
Très-Séréniffzme Roi , & mon très-cher frère , je vois que na dernière
heure & celle de notre fèparation efl arrivée, slinfîje vous refiitue le
grand Duché de Lithuanie dont j'avois reçu le gouvernement de vos
mains. Gouvernez^le 3 ou par vous -même 3 ou par quelqu'un qui en foit
capable. Je recommande a votre Excellence ma femme ici pré fente , les
Prélats , les Princes & Barons tant pré fens quabfens. Je vous prie de
leur conferver foigneufement leurs droits & les ^donations que je leur ai
faites. Je vousfupplie encore avec toute l'humilité poffible de me pardon-
ner tous les excès oàjefuisfouvent tombé à votre égard 3 pa? l'ambition
d'être Roi. A ce difeours , le Roi, le Duc 6c tout le nmnde fon-
doient en larmes. Le Roi promit au Duc d'exécuter toatee qu'il
lui avoir demandé, 6c le pria de n'avoir foin que du falut de fon
amCi Le Duc en effet fe confeffa plus d'une fois à Matthias é vêque
de Vilna , duquel il reçut la Communion 8<. l'Extrême- Onction.
On raconte que ce Prélat l'interrogea fur fa créance, 6c qu'ayant
répondu cathoiiquement fur chaque article, il infifta fur celui de
la Refurredion , parce que ce Prince dans (es converfations avoic
quelquefois paru en douter. Je crois, répondit-il , très -fermement
que la RefurreHion arrivera. Il efl vrai que bien perfuadè des dutres
articles , favois peine a, croire celui - ci 3 parce qu'il me paroijfoit trop
impoffible $ mais à préfent , non feulement je crois $ mais jf comprend
même que tous les hommes reffu [citeront , & que chacun recevra félon
fe s œuvres. Et fi \ pour mon falut 3 ileft be foin d'une plus ample confef-
Jïon de foi , ou de quelque fatisfaHion , foit réelle , foit verb.ile 3 je fuis
prêt à la donner fincerement , félon l'ufage Catholique & voire inftruc-
( 1 ) C'ctoit un charbon ou une fiftule entre les deux e'paules.
(2) Ville forte de la Lithuanie à 6. licué's de Vilna.
Tcij
33 2 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
(a)2>/*rf non Paftorale (a/ Ainfi finit le 17. d'O&obre 1430. Alexandre
ubifupr. p. Withoud 3 prince que l'hiftoire mec au-deflus des plus grands prin-
f*7' ces de fon temps. L'éloge qu'en fait DlugofJ meriteroit d'être in-
féré ici -, mais il eft trop long. Celui de Martin Cromer eft plus
court. Cètoit , dit-il , un Prince aclif, d'un e [prit vif \& vigoureux y
fobre dans fon manger , & n ayant bu que de l'eau toute fa vie , fi mé-
nager de fon temps , que fouvent il jugeait les affaires à table &y répon-
dait aux ambafadeurs. Il était libéral envers les étrangers j mais pour
Ces fujets il les retenoit ordinairement plus par la crainte que par les
bienfaits (1). Ilavoit coutume de faire rendre gorge àfcsmimfïres & h
fe s fermiers , quand ils s'étoient trop cngraijfez^kfcs dépens -, mais il les
lai ffoit dans leurs charges. Au refte , il aima troplcfexe(i). Il e toit
de taille médiocre , fon corps étoit menu , & il avoit accoutumé de fe
rafer(i). Je me fuis un peu arrêté àcesparticularitez de l'hiftoire
de Pologne , non feulement parce qu'elles font intereflantes &
peu connues 3 mais parce qu'elles me ramènent naturellement à
mon principal fujet. C'étoit en effet une grande imprudence à Si*
gifmond , fans compter la mauvaife foi, de chercher noife à la
Pologne pendant qu'il avoit tant d'affaires à démêler en Hongrie
avec les Turcs , & en Bohême avec les Hufîites.
j « XVIII. Pendant le congrès ou la diète de Lucko dont on vient
Lettre du Pa- p . . . . , _ ,
peau Roi de déparier, Martin V. avoit écrit de nouveau au Roi de Pologne
Polo"nccoJ?- pour l'exhorter à s'unir avec fon frère Withoud pour réduire, ou
trelesHulh- r , _ _ _, ' _ . l, , .
tes. pour exterminer les Hufîites. Le porteur de ces lettres etoit An-
dré de Conflantinople , Dominicain , profeileur en Théologie ,
Maître du Sacré Palais, & depuis archevêque de Coloks en Hon-
grie (4}. » Les grandes chofes que vous avez faites depuis votre
(b) En \\%6. " Baptême (b) nousfonc tout efperer de vous dans celle-ci- Car fi ,
» par votre zèle, vous avez fçû amener au vrai culte de la divinité
(c) Us lï- " des nations (c) nées & habituées dans les erreurs des Gentils ido-
tiv.ianiensjcn lâtres , à plus forte raifon pourrez -vous réduire &: confondre
,j87' " des gens qui nez & élevez dans la vraie Religion ne l'ont aban-
donnée que par fenfualité, par libertinage, & par l'appas du
? pillage. Ce n'eft pas feulement l'altération de la Religion chré-
(1) Ce n'eft p.; s là un f>rt grand éloge. Dlitgojf dit fimplement qu'il étoit très-liberal , fins
exclure fes Sujets de fa munificence. Il remarque même qu'on lui trouvoit la main droite plus
grande que la gauche.
(l) Dlngoffd.it que cela alloit fi loin félon quelques-uns que fouvent au milieu de la vidîoire,
il luilToit f >n armée dans le pais ennemi pour courir après fa femme ou après fes maitrelîes. .
(l) C'cft air.fi que Corner dit qu'il l'a vu repréfentédansl'Eglife de Troki. Liv. XIX. p.tfo»
(4) II l'étoit des le temps du Concile de Confiance où il fut Commiflaire de l'Empereur ,
pour faire les préparatifs de ce Concile. Hifl. du Concile de Cotijl. Part. I.
ET DU CONCILE DE BASLE.X^. Jtry. 333
«tienne qui doit animer contre eux un Roi Catholique , la pru-
« dence le veut auffi. Par les dogmes de ces gens-là toute police efl
« renverfée , l'autorité du Roi efl foulée aux pieds j car outre plu-
» fieurs erreurs & fuperftitions pernicieufes qu'ils tiennent contre
«la Foi, ils troublent & confondent tous les droits humains, en
» difant qu'il ne faut obéir à aucune Puiflance légitime , non pas
«même aux Rois, ni payer aucun tribut aux Souverains , que
«tous les biens doivent être communs , & que tous les hommes
» font égaux. Plufleurs Princes, à notre perfuafion , & à celle de
«nos Légats, fe font inutilement mis en campagne avec leurs ar-
» mées pour venir à bout de ces hérétiques. Il femble que la Provi-
« dence par un jugement fecret vous ait refervé cette vi&oire, pour
«couronner les autres conquêtes que vous avez faites à Jefus-
«Chrift.
XIX. Les brouilleries qui furvinrentà l'occafion du couronne- Autre tettre
AT)
ment de Withoud ayant empêché l'effet de cette Lettre, le Pape ^"idcPoio-
revint à la charge dans une Lettre de confolation qu'il écrivit au gnefuric
Roi de Pologne fur la mort du Duc fon frère. Elle mérite d'être meme fujU
«rapportée ici. «Nous avions été ci-devant affligez dans l'appre-
«henfion que l'ambitieufe prétention de votre frère Alexandre
"Withoud à la Royauté, ne mît delà divifion entre vous. Nous le
"fommes préfentement de ce que la mort vous a féparez pour
» toujours après votre réconciliation ; mais vous avez ce fujet de
» confolation au Seigneur , & nous auffi , que cette féparation s'eft
» faite par le cours de la nature commune à tous les hommes , non
«par une mort violente que lui auroit pu attirer fon ambition , ni
"par fa faute. Car avant que de fe rendre coupable envers vous
»par l'exécution d'un projet dont il s'étoit laiiïéféduire _, il s'eft
"réconcilié avec vous, & efl allé, félon fes mérites , prendre pof-
"feffion d'une couronne non corruptible, mais éternelle, par la
"grâce non d'un Empereur mortel, mais d'un Seigneur éternel,
»Au refte , comme nous comptions beaucoup fur votre union
"pour la défenfede la Foi Catholique contre les hérétiques de
"Bohême,, après fa mort nous ne pouvons jetter les yeux que fur
"vous. C'eft en vain que nous mettrions ailleurs notre efpérance
» & notre confiance 3 nous ne pouvons avoir recours qu'à vous par
«nos prières. Nous ne fçaurions nous adrefler à perfonne qui aie
«plus de pouvoir , & meilleure volonté 5 car nous fommes allurez
«que vous avez en horreur, &. que vous avez toujours afpiré à
«éteindre cette rage hérétique qui efl dans votre voifmage, ôc
Tt nj
5 34 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES.
» qui vous peut caufer cane de maux, & à votre Royaume. Puif.
» qu'il n'y a que vous qui puifîiez exécuter cet ouvrage , nous vous
»prionx*inftamment de donner promptement ordre aux affaires
»de votre Lithuanie, afin de tourner toutes vos penfées & vos
«forces, à l'extirpation de cette perfide héréfie, ne pouvant rien
» faire de plus agréable à Dieu , de plus utile au monde , & de plus
«glorieux pour vous». La Lettre eft datée du i 3.Janvier 1430(1).
Emprifonne- XX. Mais toutes ces efpérancesfe trouvèrent fruftrées parla
d^Pobgne01 continuation des troubles de Pologne. Wladijlas fut fait prifon-
& diverfes nier en Lithuanie par la perfidie & l'ingratitude de fon propre fre-
Pape? ccfu- re » ^e ^UC ^e Switrigal^ qu'il avoit faic grand Duc , même mal-
jet, gré les Polonois. Le Pape mortifié devoir [qs projets contre le
Hufîitifme arrêtez par cette détention, n'oublia rien pour obte-
nir la liberté du Roi qu'il regardoit comme (on bras droit dans la
pourfuite des Bohémiens. On a trois de fes Lettres fur cette af-
faire. Il y en a une à Switrigal lui-même où le Pape lui repréfente
en termes très-forts l'indignité de fon attentat contre fon frère
6 fon bienfaiteur, contre un Roi à qui l'Eglife avoit déjà tant
d'obligations , Ôc de qui elle attendoit encore de fi grands fervices.
Enfuite il l'exhorte , il le prie 3 mais en même temps il lui enjoint ,
en vertu delà fainte obédience qu'il doit au Vicaire dej. C. de
faire réparation au Roi fon frère, et de lui rendre fa liberté,, le
menaçant de l'excommunication en cas de défobéïflance, 6c lui
promettant en même temps de faire fa paix avec le Roi, & de le
garentir de fon reflentiment , s'il revenoit à lui. La Lettre eft dat-
tée du 17. de Janvier. Cette Lettre étoit inclufe dans une autre
adreflee aux Prélats de Pologne & au Confeil fur le même fujet. Il
leur donne avis d'envoyer des ambafladeurs au cardinal Julien
fon légat en Allemagne 3 & à fa Sainteté elle-même , fi ce Cardi-
nal ne peut pas venir à bout d'une reconciliation fi néceflaire à la
tranquilité du Royaume , & à la deftru&ion des hérétiques de
Bohême. Dans la féconde le Pape exhorte Sigifmond à employer
fes bons offices pour l'élargiflement du Roi de Pologne. Il lui re-
préfente 1. Qu'un pareil attentat peut devenir une femence des
plus cruelles guerres, occafionner l'efFufion du fang chrétien, &
fur tout rendre les hérétiques de Bohême plus puifîants & plus
hardis. 2. Q^en qualité de premier Roi de l'Europe , il y va de fon
intérêt ôc de fon honneur de ne pas fouffrir que la Majefté royale
( 1) Selon cettte datte il faut que Withoud fuit mort en 141,9. & non au mois d'Octobre de
l4jo.
ET DU CONCILE DE BA^LE. Z/z/. xr. 335
foie ainfi violée. Nous pourrions , dit-il , vous alléguer plufîeurs exem-
ples d' 'Empereurs Romains qui ont maintenu ou rétabli des Rois
dans leurs Royaumes } & qui ont mi s plus de gloire à protéger les Rois 3
quà les vaincre. 3 . Que ce feroit le moyen d'affermir &. de cimen-
ter l'amitié &. la fraternité qui paroit entr'eux , au moins dans leurs
difeours & dajis leurs Lettres , & qu'une Ci bonne union après un
fervice auffi fïgnalé ne conrribueroit pas peu à la tranquilitê des fi-
dèles , & à la confufion des hérétiques. 4. Il lui infînue qu'il devoit fe
porter avec d'autant plus d'ardeur à ce bon office, qu'il pouvoit
le fouvenir qu'ayant lui même été fait prifonnier par fès propres
fujets ( 1 ) , il avoit été bien aife d'en être délivré par d'autres ( 2 ),
5 . Enfin le Pape prie Sigifmond de s'adreiler pour cette négociation
au cardinal Julien, ou à lui même , en cas de néceffité. La troi-
fiéme Lettre elladreflée au Roi prifonnier. C'eft une Lettre de
confolation , dans laquelle il rend compte au Roi des demandes
qu'il a faites pour lui procurer fa liberté , & il l'exhorte à demeu-
rer bien uni avec Sigifmond 3çn gardant religieufement leurs trai-
tez réciproques , afin de pouvoir agir conjointement contre hs
Bohémiens. Sur toutes chofes 3 dit-il , mon très-cher F ils nous vous
exhortons & prions que mettant à part tous les differens & mèconten-
temens qui peuvent furvenir entre vous 3 vous ajjiflie^de tout votre pou-
voirie Roi des Romains contre les hérétiques de Bohème 3 & que vous
rappelliezjbus de gro fie s peines tous les Polonois qui font avec eux. Fai-
tes fi bien quon puiffe reftituer aux Catholiques ce qui leur a été enlevé y
& qu'il ne paffe de la Pologne , ni vivres , ni fecours aux hérétiques ,
comme on nous ajfure que cela s'efifait jufquici. Au commencement
de l'année fuivante , Switrigal intimidé pour la délivrance de leur
Roi, lui donna fa liberté 3 Ôc le laifla aller avec tout fon monde
en Pologne.
XXI. On a laiilé Sigifmond à Nuremberg , où il avoit afTem- Dicte à ftu*
blé une diète pour chercher les moyens d'arrêter les progrès des rcmbers*-
Hufïïtes en Allemagne. Elle dura environ huit mois. Prefque tous
les Prélats & les Princes de l'Empire s'y rendirent, & ceux qui ne
purent s'y trouver y eurent leurs Ambafladeurs. Le Pape de foi*
côté y envoya Juliano Cefarino cardinal de St. u4nge (3) , qui
préfida au Concile de Bafle , commencé cette année. On réfolut
dans cette diète une nouvelle expédition pour le 24. Juin, quieft
(\) En Hongrie l'an 1410.
( 2) II fut e'largi"par fes propres fujets.
($) Eiu par Martin T.cn 1426, mais public fculementen *4V°*
336 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
comotéela fixiéme conrre les Bohémiens. LeLégatapportoitune
Bulle du Pape pour ordonner une croifade , dacée du onzième de
Janvier. Elle concenoic ces chefs principaux. On y ordonne au
Cardinal lui-même de prêcher & de faire prêcher la parole de
Dieu commeun antidote contre l hère fie. 2. D'exhorter tous les fidè-
les à fe croifèr pour cette expédition. 3. On accorde cent jours
d'indulgences à ceux qui affilieront à ces prédications, en fuppo-
fant pourtant la Pénitence & la Confeffion. 4. Sous la même con-
dition on accorde indulgence pléniere, tant à ceux qui fe croifè-
ront ôc qui iront à la fainte guerre , foit qu'ils y arrivent heureufe-
ment, foit qu'ils meurent en chemin, qu'a ceux qui n'étant pas .
en état d'y aller eux-mêmes y envoyeront à leurs dépens, ou
aux dépens d'autrui. 5. On relâche , ou on remet 60. jours de pé-
nitence aux perfonnes de l'un &; de l'autre fexe, qui pendant l'ex-
pédition, feront des prières, & jeûneront pour fon heureux fuc-
cès. 6. On garentit les biens de tout dommage &. de toute invafion
pendant leurabfence, &c on menace du bras féculier quiconque
voudroit attenter contre ces biens. 7. On ordonne de donner des
Confefleurs aux croifez , foit féculiers , foit réguliers , pour enten-
dre leurs confeffions , & leur donner l'abfolution, quand même
ilsauroient ufé de violence contre des Clercs ou des Religieux,
quand ilsauroient brûlé des Eglifes, ou commis d'autres facrilé-
ges^ &même dans les cas refervez au Siège Apoftolique. 8. On
difpenfe de leurs vœux ceux qui en auroient fait pour quelque pé-
(x)Cochiec lerinage , comme à Rome, à St. Jaques de Compoflelle en Efpa-
L.vi.p-ijtf. gne, à condition que Paro-ent qu'ils auroient pu dépenfer en ces
cap. lxxi. voyages fera employé a la croifade. 9. Que les Conreiieursne
P. ijs. b%j>- prendront pas des croifez au-delà d'un demi gros de Bohême, &
ttum!"1*'1' ce^a quand on l'offrira , & fans l'exiger (a).
Mortdc > XXII. Martin V. ne vit pas le fuccès de cette expédition,
Martin r. étant mort d'apoplexie le 3 o. de Février. On a donné fon carac-
(b)L. v.P. teredans Phiftoire du Concile de Confiance (b) avec un abrégé
i$$-i$6. de fa vie avant que d'être Pape, & dans celle-ci on a eu plus d'une
fois occafion de parler de fa conduite & de Ces adions pendant fon
Pontificat , fur tout par rapport aux Huffites. B\ovius nous don-
ne cette idée générale de ce Pontife :» Il rendit , dit il, la paix à
«l'Eglife après un fchifme de 50. ans. De retouràRome, il ré-
tablit les affaires d'Italie qui étoient fort brouillées, & accorda
» les démêlez entre les Princes, recouvra les biens eccléfiafliques
»» ufurpez par les Princes , il d.omta la Marche d'Anconne qui s'é-
p toir,
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JTV. 337
«toit rebellée contre le Siège de Rome. Il pacifia cette Capitale
» agitée par des troubles inteftins. Il l'orna de nouveaux édifices ,
» en réforma les mœurs, fit rebâtir les Eglifes qui tomboient en
» ruine, & y apporta une telle abondance, & une fi grande prof-
»perité, qu'on croyoit revoir le fiécle d'Augufte. Il purgea le ter-
» ritoire de Rome des brigands & des afïaffins. Il reftitua à Jeanne
» //. le royaume de Naples que l'ambition de quelques-uns lui
»vouloient ravir. Il déclara la guerre aux hérétiques qui rava-
>» geoient la Bohême Ôc les pais voifins. Il commença les Conciles
*dePavie & de Sienne, & indiqua celui de Balle. Il affilia plus
» d'une fois Sigifmond Roi des Romains contre les ennemis de la Foi
» (a). Il mourut âgé de 63. ans plein de mérites & de gloire. Il fut (a) Bo™«;
»*enfeveli dans un maufolée d'airain dans la Bafîlique de Latran annoHîl-
* près des chefs de St. Pierre & de St. Paul, avec cet éloge , Mar-
» tin V. fiégca JCIII. ans , trois mois & douane jours. Il mourut le 1 o.
» de Février de l'an 143 1 . Il fut la félicite de fin temps.
XXIII. Eugène IV. fucceda à Martin V. le fixiéme de Mars t Eieûîon
(b). Il s'appelloit Gabriel Condulmer, & étoit cardinal prêtre de St. ^ UTncPa-
Clément. Onle nommoit le Cardinal de Sienne , parce qu'il avoiC£«.Brc^.Pon-
été Evêquede cette ville. Avant que de procéder à l'élection, lés t'y^8-om*P-
14. Cardinaux qui étoienedans le conclave convinrent avec fer-
ment de certains articles que le Pape devoit obferver. Entre ces
articles étoit, auraport de Pagi , qu'on mettroit déformais dans
les Lettres Apoftoliques ces mots, duc on fentement des Cardinaux ,
&non duConfeily comme auparavant. Que le nouveau Pape ne
feroit point de nouveaux Cardinaux fans le confentement des an-
ciens j que la moitié du patrimoine Eccléfîaftique feroit pour les
Cardinaux 5 qu'il célébreroit un Concile œcuménique dans le
temps & dans le lieu qui feroient marquez (c). Il confirma Juliano (c) Rajnaii.
Cefarino dans la Charge de Légat en Allemagne pour la réduction ™'mI4J ^
des Bohémiens,
XXIV. Ce Légat pour s'acquitter de fa commiifion écrivit de Troifîéme
toutes parts aux Prélats & aux Princes pour les animera cette traies Hufîl"
fainte Ligue. On nous a confervé fa lettre à Jean Hoffman Evêque tes.
de Mifen, à peu-près en ces termes.» O douleur j L'abominable
«héréfie des Wicléfites , &; des Huffires de Bohême l'emporte
«aujourd'hui pour fa cruauté fur toutes les héréfies des liécles
» précédents. Elle leur a infpiré unefifurieufe obftination , que
v comme l'afpic ils bouchent leurs oreilles à la voix de à la do&rine
j>de l'Eglife leur mère , inflexibles à toutes les voyes qu'on peue
Tom. I. y u
333 >ÏIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
« prendre pour les ramener au raifonnement , à la douceur,6c aux
"exhortations. Non contents de leurs dogmes empeifonnez 6c de
«leurs blafphêmes , ils ont dépouillé toute humanité & toute
«pieté, & devenus comme des bêtes farouches , ils ne font alte-
» rez que du fang des Catholiques. Leurs forfaits , leurs facrilé-
»ges contre Dieu & les hommes , contre les Sacremens, contre
«les Temples confierez à Dieu , leurs homicides , leurs brio-an-
"dages 6c leurs révoltes contre toute police humaine, font fi no-
toires, qu'il feroit fuperflu d'entrer dans ce détail. Ils ne refpi-
» rentque les armes 6c la violence, le fer 6c le feu font les armes
" dont ils fe fervent pour défendre leurs erreurs, mafîacrant , brû-
"lant, mutilant tout ce qui s'oppofe à leur fureur. Avec quelle
"indignité & quelle ignominie ne traitent-ils point la fainte Eu-
» chariftie , la foulant aux pieds , dans le fang de leurs mafTacres ?
«Avec quelle rage ne brûlent 6c ne brifentils pas les images de
« Nôtre-Seigneur J. C. de la Vierge fa très-glorieufe mère , & de
«tous les Saints de l'Eglife, aufîi-bien que tous les lieux deftinez
» au culte Divin? C'eft avec beaucoup dejuftice ,&. non fans grand
«mérite, que les Princes Catholiques fe font armez contre cette
» rage hérétique , puifqu'ils ont reçu de Dieu le glaive pour punir
«les médians, 6c pour récompenfer les bons.
» C'eft pour cela tjue le très-Sereniilîme Prince , Se très-llluftre
» Seigneur Sigifmond , par la grâce de Dieu Roi des Romains , de
» Hongrie ôc de Bohême, voulant , en qualité d'avocat Se de défen-
"feur de l'Eglife, arracher ce poifon , s'eft trouvé dans cette ville
» de Nuremberg avec les Révérends Pères 6c liiuftres Seigneurs du
» Saint Empire Romain, fçavoir les Electeurs, les Archevêques ,
«lesEvêques, les Princes, les Ducs, les Barons, 6c les Ambafîa-
» deurs des Communautez. Et moi préfent il a été réfolu <k. conclu
"unanimement que pour la défenfe de la Foi on aiîemblera pour
»la St. Jean prochaine une grofîe Se puiiïante armée de toute l'Al-
lemagne fur les frontières de la Bohême (i) pour entrer dans ce
» Royaume afin d'y extirper les hérétiques, s'ils ne veulent pas
" retourner au giron de fainte Eglife. Mais comme les prières 6c les
« oraifons ont plus d'efficace que les armes pour obtenir la vi&oire,
» il faut imiter Moïfe qui prioit pour le peuple , pendant qu'il com-
» battoitj tant qu'il élevoit les mains vers le ciel, le peuple étoit
«vainqueur : mais dès qu'il fe relâchoit , le même peuple étoit
«vaincu. Il faut imiter auffi les Lévites, qui avec leurs tromper-
( i) In Vuiden , tinte Syhatn.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv.XV. 339
« tes animoient le peuple à la guerre. Prions donc avec tant d'ar- 1^ x>
«deur&d'aflïduité 3 que Dieu fléchi par nos larmes accorde à
» notre armée Catholique la vi&oire fur les ennemis de la foi. Ex-
portons aufli les athlètes de la foi Catholique par des prédica-
tions, des admonitions, ôc par les exemples de leurs ancêtres,à
v nepasfoufFrir que le fanctuàire de Dieu foie fouillé par des enne-
» mis perfides. Armons-les & les fortifions du falutaire figne de la
» croix vivifiante, afin qu'invitez par des grâces & des dons fpiri-
» tuels ils puilTent fubjuguer les ennemis de Dieu & des hommes.
«Acescaufes, voulant félon notre devoir, exécuter avec foin
» la commifîîon qui nous a été donnée par le Siège Apoftolique ,
» & défirant qu'une fi fainte œuvre s'achève heureufement , nous
» exhortons par ces préfentes votre Paternité j nous .-l'admone-
stons, nous la requérons,, ôc en vertu de la fainte obédience,
«nous lui ordonnons très-expreflément de prêcher fans délai 6c
» folemnellement dan s toutes les Eglifes cathédrales , collégiales, »
"conventuelles, paroiffiales de votre Eglifeôc de votre Diocefe,
» d'y prêcher la parole de Dieu, & les indulgences apoftoliques
» dont nous vous envoyons une copie authentique , munie de no-
«trefeeau public ». Ce Mandement eft datte de Nuremberg ttitovMsubi
2 o. Mars , la première année du Pontificat d'Eugène IV. (a) fuPr*
XXV. Ce Mandement eft fuivi d'un autre de l'Evêque de Mife Mandement
à tous les Abbez, Prieurs, Prévôts , Doyens, Archidiacres, Cu- dcMifcpour
rezdesParoifles, à leurs Vicaires , aux Prédicateurs de ce Dio- u«roHjuft.
céfe.» Nous avons reçu, dit ce Prélat, des Lettres du Révéren-
» diilîme Père & Seigneur en Chrift le Seigneur Julien Cardinal de
» la fainte Eglife Romaine, Légat du Siège Apoftolique en Alle-
» magne, dont nous vousenvoyons la teneur avec celle-ci fcellée
» de notre fceau. En vertu de ces Lettres & de l'autorité apoftoli-
» que qui nous a été commifè dans cette affaire, nous vous ordon-
» nons exprelîément à tous 9 & à chacun de vous en particulier , en
m vertu de la fainteobédience , & fous peine d'excommunication,
» de publier tous les Dimanches & joutes les Fêtes en langue du
» pais ces Lettres félon leur fojce & teneur , &. d'exhorter votre
» peuple à fe croifer contre les damnables hérétiques , & à execu-
» ter fîdellement & avec diligence tout ce qui eft contenu dans lef-
» dites Lettres. Et comme il eft expédient de choifir des Confef-
»feursquiayent le don de difeernement , pour diftinguer entre
» les péchez & donner à propos Pabfolution , félon la forme ufitée
«dans l'Eglife , nous enjoignons à ceux qui font tels, de n'avoir
Vuij
ï43 i
Ci) Cochl. ubi
fup. p. 242.
Sigifmond va
à Egrc pour
tenter un ac-
commode-
ment avec
les Bohé-
miens,
Ambaflade
des Bohc-
itiii'. s a Sim
gifmond*
(b) Ctechor.
ubi fup.
Les Bohé-
miens fe pré-
parent à la
guerre.
340 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
» que Dieu devant les yeux pour s'acquitter en confeience de cette
»commi{fion, qui regarde la foi , de ne point exceder(les bornes
» de leur pouvoir, & de n'avoir égard qu'au faluc des âmes ». La
Lettre eft datée de Stolpen le 3 . jour après ^ubilate (a).
XXVI. En attendant que l'armée Impériale fe mette en cam-
pagne } il faut voir agir les Bohémiens. Pendant la diette de Nu-
remberg 3 Sigifmond voulant faire encore une tentative fur leur ef-
prit , s'avança jufqu'à £gre35c envoya de-ià deux Seigneurs de fa
fuite à Prague. Les Principaux d'entre ceux qui étoient pour la
communion fous les deux efpéces & les Taborites , y étoient af-
femblez pour tâcher de s'accorder entre eux: aflemblée qui n'a-
boutit à rien qu'à de nouvelles difputes. Ces deux Seigneurs profi-
tant de l'occallon de leurs brouilleries, leur propoférent d'enten-
dre à un accommodement. Il y avoit alors quantité de Seigneurs
de Bohême à qui la confervation &. la pacification de la patrie te-
noit extrêmement au cœur , 6c qui étoient confumez de regret de
la voir depuis fi long-temps tout enfemble , & le théâtre d'une
guerre inteftine 3 & la proie des Etrangers. Ceux de Prague , quoi-
que Calixtins^ & même les Taborites, auflï-bien que Procope le
Grand &cKerski leurs chefs , ne s'éloignoient pas d'une entrevue
qui pût procurer la paix. Il n'y avoit que les Orphelins qui s'y
oppofoient , toujours inconfolables de la perte de l'invincible Z/V-
ka 3 qu'ils jugeoient irréparable.
XXVII. Nonobftant cette oppofition ■ , il fut conclu d'envoyer
inceflamment quatre Députez à Sigifmond pour entrer en négo-
ciation, entre lefqueisil y avoit un prêtre Taborite ( 1 ). Ils allèrent
donc trouver l'Empereur, & paiîérent inutilement environ quinze
jours en pourparlers avec lui. Mais ayant été informez , tant par
leurs efpions que par le bruit public, que tout l'Empire s'armoit
contre la Bohême , cette entrevue leur parut un piège pour lès en-
dormir & les furprendre au dépourvu , comme ils s'en plaignirent
hautement à l'Empereur lui-même. De forte qu'ils prirent congé
de lui avec cette protefration, quon ne devoit plus déformais re-
procher aux Bohémiens quil n avoit tenu qu'a eux de terminer par
sine bonne paix ur.e guerre fi furieufe , fuifquil ètoit notoire que c'é-
toit la faute des autres , & non la leur (b).
XXVIII. Les Députez ayant fait rapport à ceux de Prague des
(1) Wilhelmus Kotzk'a , Bene/fius de Mocrofaus,MatthiasdeKlamkzan etl/as etiamtàuda
nommatus , vir Ltttinis litttris appritne excultus , tf in rébus gerendis dextertis , tf quidem Ircf-
hyter Tabcrien/ium qtubtts (tliqitid tribtii ofortebat nomme Markuld. Cijchor. ubi fup. p. $$$•
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. jfV. 341
grands préparatifs de guerre qu'on faifoic contre eux , on ne dou- 1 * , j
ta point que ces proposions de paix ne fiuTenc une pure fuper-
cherie pour les amufer , ce qui caufa une conflernation générale.
Aufîi-tôt le Magiftrat de Prague & les Grands qui étoient dans
la ville, réfolurenc de notifier par tout au public le danger émi-
nent où étoit la Bohême, 6c le firent publier dès le lendemain
dans la procefîion qui fe fit le jour de la Fête-Dieu (1). On ne
peut exprimer le tumulte qui s'éleva parmi le peuple à cette nou-
velle. L'Empereur fut chargé de mille malédi&ions par la po-
pulace. Les plus graves 6c les plus prudens eux-mêmes ne pou-
voient s'empêcher de le foupçonner de trahifon , 6c de cacher le
deflein formé de leur faire la guerre fous des offres 6c des ap-
parences de paix. Il me femble pourtant que c'étoit aller un peu
trop vite. Il eft vrai que la Croifade étoit réfoluë 6c publiée },
mais on eût pu en arrêter l'effet par une bonne compofîtion que
l'Empereur avoir pu offrir fîncéremenr. Il y a même un Hii'to-
rien qui avance que ce Prince fit ce qu'il put pour difluader ïss^
Princes de cette expédition (1) , & que s'il n'y employa pas l'au-
torité , ce fut de peur d'offenfer le Pape dont il vouloit recevoir la
couronne à Rome. Quoi qu'il en foit , ceux de Prague ayant te-
nu confeil avec les Grands qui s'y trouvoient, il fut réfolu de
communiquer promptement l'affaire à tous les Etats de Bohême ,
6c de rappeller les Taborites 6c les Orphelins occupez ailleurs.
XXIX. Ils s'étoient en effet répandus dans les provinces voi- Courte? de
fines, pillant 6c maffacrant à leur ordinaire. Procope Rafe fit en Pm"/* avec
cette année au cœur de l'hiver dans le Wbipland une nouvelle tes. a
courfe : mais n'y ayant pas réuffi , il reprit au plus vîte le chemin
de la Siléfie par les diftri&s de Pilfen , de Slan de de Littomerits.
Peu s'en fallut qu'il ne s'emparât de Lignite mais ceuxdeBreflaw
l'en chafîérent avec beaucoup de perte, 6c le repouflerent jufqu'à
Isfimptfchen petite ville dans le duché de Brieg fur le chemin de
Prague , où ils l'auroient afïïégé fans la rigueur de la faifon. De-là
Procope retourna en Luface, où ayant afîiégé Reicherbach , il en
fut repouflé par les troupes de Luface 6c de Saxe (a). On met à fàBàis&pU
cette année le fiege.de Pilfen entrepris inutilement par Procope tomci)'^7^
6c les Taborites. Il y avoit une garnifon Catholique dans cette
ville qui étoit défendue par le Seigneur KruJJina de Schwamberg.
A*
(j) Ceux de Prague eitoient pour ila plupart Catholiques, à la referve de la Communion
ious les deux efpéces.
(f.\ Qtterit Principibus exgediticnem htnc emnibns mtdis dijjuadere conatusfuit. Czcchor.p . $$6»
V u iij
Luface & en
Silcile
341 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
La plupart des villes de Bohême , & même les Seigneurs Catholi-
143 If que's qui avoient été obligez de traiter avec Procope, fe joignirent
à lui pour foutenir ce fiége. Cependant ayant été contraint de
le lever , il alla attaquer la ville de Tina Horjfawski dans le voifï-
nage • il y fut auffi repouflé par Zdenko de Drffïka Seigneur Catho-
lique qui y commandoit. Ceci fe paffaau mois de Juin.
d^s XXX. A peu près dans ce même temps les Hufîltes firent une
HumtesZenS nouvelle courfe en Luface dans le deflèin de s'emparer de Baut-
fchen. Les habitans de cette ville voulurent en vain s'aboucher
avec eux pour obtenir quelque compofition. Ils furent renvoyez
avec menace de les régaler bien-tôt d'importance. Sur cette me-
nace les habitans prirent le parti de brûler leurs fauxbourgs , & de
fe renfermer dans la ville. Mais à peine les Huiïîtes leur en donne-
rent-ils le temps: ils vinrent avec tant de diligence fur les Incen-
diaires , qu'ils fauverent du feu une Eglife , des mafures de laquelle
ils firent une efpéce de baftion pour battre la ville avec leurs ma-
chines pendant qu'ils l'attaquoient par d'autres endroits. Mais la
ville fit'une fi vigoureufe réfiftance, que les ennemis furent obli-
gez de lever le fiége 3 après avoir perdu & fait périr beaucoup de
monde. Une partie tira du côté de Camenec, où n'ayant trouvé
perfonne , ils s'emparèrent de tout ce qui fe trouva dans ces mai-
fons vuides d'habitans , & ils mirent le feu au monaflere de Ma-
rienfier près de-là. Ils traitèrent de même Konigsbroug & les envi-
rons jufqu'à Hain ville de la Mimie. L'autre partie alla s'emparer
de Lobaw qu'ils trouvèrent aufli prefque fans habitans , & ils y fé-
journérent jufqu'au mois de Juillet. De-là ils allèrent à Lauban
petite ville de la baffe Luface aux confins delà Siléile. Il y avoic
trois ans qu'ils y avoient tout défolé s & ils y firent encore une nou-
velle boucherie pendant trois jours. Ils y avoit un couvent de Re-
liaieufes qui s'étant fauvées à Gorlit^, toute la fureur tomba fur
les Moines • ils y furent impitoyablement maffacrez. On coupa la
tête au Père Gardien nommé JeanCrone. On n'épargna pas plus
quelques habitans qui croyoient avoir trouvé un aille au-deffus de
la voûte de l'Eglife. Quoiqu'ils euffent mis bas les armes y ils furent
tettez du haut en bas de la tour. Ceux d'en-bas les recevoient avec
des fourches & des hallebardes. Le peu qu'ils jugèrent à propos
d'épargner, fut emmené prifonnier en Bohême, comme le Curé
. & fon chapelain. Le premier étoit allé dans le clocher avec une
poignée de gens armez, pour conferver les tréfors de l'Eglife qui
y étoient dépofez. Mais il fut obligé de fe rendre par compofî-
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. XV. 343
tion j&il mourut en chemin , & l'autre fut noyé : on ne dit point 143 r,
fi ce fut par malheur , ou par ia cruauté des HuiTites. Us brûlèrent
fon corps. Les autres furent traînez àjaromer, 6c enfuice rache-
tez par la noblefïe de Luface. LesHuflices prirent & brûlèrent (a) Crojftr.
en oaflànt quelques villes, entr'autres Mardis. Ils avoient laiiîè "wr»*»
garnifon àLauban $ mais les villes deGorhtz , Bauticnen ôcCame- part. i.p.
nec ayant uni leurs forces,en châtièrent les Bohémiens (a). u4- & feqq-
XXXI. Les chofes n'etoient pas plus tranquilles en Moravie. HoMîtez
Himko de Valeks s'empara de la forterefl'e de Sadec appartenante ^BMoravfc?
à Henri de Waldftein Seigneur Catholique, ce dernier ayant été
obligé d'aller trouver l'Archiduc à Vienne , & de laifler la place à
Bures de Kralicz^bon foldat d'ailleurs, mais qui fut malheureux
dans cette occaiion. Himko profita de la conjoncture de la fête
de faine Martin. Comme il n'ignoroit pas que la garnifon pafïeroit
plutôt le lendemain de la fête à danfer & à boire, qu'en dévotions;
ayant pris avec lui quelque infanterie , il fit efealader la muraille ,
Ôc entra dans la place pendant que toute la garnifon enyvrée dor-
moit d'un profond fommeil. Cependant un des domeftiques de
Bures , qui avoit naturellement horreur du vin , ne s'étoit pas en-
dormi. Il alla réveiller le Gouverneur , qui auffi-tôt fe mit en état
dedéfenfe. Mais n'étant point foutenu par fon monde qui ne cou-
roit que lentement au fecours, il fut pris après avoir reçu une
grande bleflûre au-defïus de lacuiflè. Les autres furent tuez, ou
faits prifonniers dans leur lit. Waldftein en ayant appris la nou-
velle'en chemin pour revenir, s'en retourna à Vienne fort affligé
de cette perte , d'autant plus confidérable , que tout ce qu'il avoit
de plus précieux étoit à Sadec , comme dans la plus fure place du
Royaume, à caufe de fa fituation fur un roc efearpé. Mais Himko
ne garda pas long temps fa conquête j elle lui fut enlevée bien-tôt
après , aufîi par furprife. Ce même Seigneur HufTite manqua celle
du monaflére deTrebies non loin de Sadec. Il y avoit dans cette
dernière ville quelques HufTites avec qui il entretenoit intelligen-
ce pour s'emparer de Trebies. Le jour marqué pour l'expédition 3
quelques-uns des plus hardis d'entre les conjurez étoient entrez
dans l'Eglifeôc dans le monaftére. Mais l'un d'entre eux, à qui il
prit un remords de confeience , alla tout découvrir à l'Abbé. Ce-
lui-ci fît aufîi tôt fermer toutes les portes du monaftére où tous les
conjurez fe trouvèrent enfermez , à la réferve d'un qui s'étoit dou-
té que la mèche étoit éventée. Il en alla avertir Himko, qui fut
auffi mortifié d'avoir manqué fon coup , qu'il avoit été impatient
344 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
143 1. °*e ^e vo*r réuiïïr. Lesprifonniers ne demeurèrent pas impunis. Les
(a) cvchor. uns furent écartelez , les autres pendus , de on «oupa ie nez & les
p- 554- oreilles aux moins coupables (a).
Toutes les XXXII. Toutes les branches des Huflîtes de recour de leurs
HuffiwT^ courfeschez leurs voifins, mirent fous les pieds, ou fufpendirent
niiTcnt pour au moins leurs inimitiez & leurs difeordes, pour ne penfer plus
leur défenfe - la détente de leur patrie. Les Grands de Bohême & de Mora-
vies unirent étroitement eniembie dans la même vue. Lés villes
renouvelèrent leurs confédérations. Petits & grands , on vit tout
le monde s'armer avec une allégrefle commune. De forte qu'en
fort peu de temps il fe trouva dans la revue qui fut faite à Chotif-
chau dans le cercle de Pilfen, cinquante mille hommes d'infante-
rie 3 & fept mille chevaux fous les armes , avec trois mille llx cens
chariots. D'autre côté on prit foin de bien garder les avenues.
Les diftri&s de Zatec de de Launi , celui de Grats ôc plufieurs villes
frontières , avoient l'œil fur la Moravie & fur l'Autriche pour fer-
mer l'entrée à l'Archiduc , ou à Kragi capitaine de Moravie.
Lenteur des XXXIII. Le cardinal Julien confirmé , comme on l'a dit, dans
Allemands. fa légation par Eugène IV. fe donnoit tous les mouvemens ima-
ginables pour animer le flegme des Allemands. Il étoit convenu
avec l'Archiduc Albert^ que celui-ci pour occuper les Bohémiens
rireroit en Bohême par la Moravie, pendant que l'armée Impé-
riale s'y rendroit par un autre côté. Il s'avança en effet félon la
convention j mais voyant que le Cardinal ne fe trouvoit pas au
rendez-vous au jour marqué , il rebroufla chemin. Le temps de
l'expédition avoit été marqué pour la Saint Jean 5 mais par la
lenteur des Alliez elle ne put fe faire qu'au mois d'Août. Pendant
qu'ils s'attendoient les uns les autres , on perdoit l'occafion
d'agir contre les Bohémiens qui n'étoient pas encore en état de
fe défendre, à caufe.de l'éloignement des Orphelins à qui l'on
donna le temps de revenir. Les troupes de Saxe & de Brande-
bourg ne vouloient point entrer en campagne , qu'elles ne fuflent
jointesparcellesdeSuabe,deFranconie,d'Alface,& de Lorrain
ne , ou que l'Archiduc n'eût fait une diverfion en Bohême. D'ail-
leurs la guerre s'étant allumée dans ce temps-là entre le Comte
Palatin du Rhin & le Duc de Lorraine 3 non feulement ils ne four-
nirent pas les fecours qu'ils avoient promis, mais ils retardoient
la marche de leurs voifîns 3 comme la Franconie , PAlfa.ce , Wor-
mes, Spire, quijugeoient plus à propos de défendre leurs pro-
pres païs , que d'aller au fecouo des autres. Cette guerre 3 pour Je
dire
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JW. 545
dire en paffant , fie bien voir qu'on ne refpe&oit guéres les ordres I4- ,
de l'Empereur, puifqu'avant l'expédition il avoic pacifié l'Aile- (7)Ser*r.
magne, 5c défendu févérement à cous les Princes de l'Empire Rcr* Mo_
d'entreprendre aucune guerre (a). ^744^ *
XXXIV. Avanc que de partir pour fa croifade, le Cardinal Lcttredu
écrivit aux Bohémiens à peu près en ces termes. » Ce que nous ^"aù^B^
«» defirons avec le plus d'ardeur , c'eft que le royaume de Bohême Amiens.
-»» foit réuni à l'Eglife par la profeifion d'une feule Se même foi. C'eft
» de-là que dépend non feulement fon falut éternel , mais toute
»» forte de profpérité temporelle , comme ce Royaume en jouifïbic
» avant les troubles caufez par ces innovations. C'eft là l'unique
«objet de mon attention 5 & quand j'y devrois facrifîer ma vie,
» je n'omettrai rien de ce qui peut procurer un fi grand bonheur à
»» la Bohême. Mais comme les ennemis de la paix, qui ne cher-
» chent qu'à femer des herbes inutiles , voudroienc vous perfuader
» que nos troupes Chrétiennes n'entrent dans votre Royaume que
«pour le bouleverfer de fond en comble par des mafïacres, des
»> brigandages , 6c des incendies 5 c'eft afin de vous defabufer d'une
» fi fauffe penfée , que nous vous faifons fçavoir que fi j'entre en
» Bohême à la tête d'une armée Chrétienne , ce n'eft que pour af-
» foupir les controverfes , vous réconcilier enfemble , pour y réta-
» blir la foi & le culte divin violez , pour y remettre l'ordre , 6c
«pour y reftituer à Dieu fa gloire ternie par ces défordres, pour-
* vu que ks habitans veuillent renoncer à leurs nouveautez ôc à
» leur efprit turbulent, 6c fe joindre à nous comme ils étoient au-
•paravant, Ainfî P.9U§ exhortons 6c nous prions inftamment ôc
» tendrement tousles Bohémiens de l'un & de l'autre fexe de reve-
nir à la foi & aux coutumes de leurs ancêtres, qui ont eu larnê-
»me religion , 6c de ne s'en plus écarter. Nous prendrons toutes
» les mefures & toutes les précautions néceflajres pour empêcher
» que ceux qui voudront rentrer dans le fein de l'Eglife ne fouf-
» frent, ni dans leurs perfonnes , ni dans leurs biens , & qu'au con-
» traire ils foient amiablement traitez & avec toute la faveur pof-
»fible par nos troupes Chrétiennes : vous promettant faintement
» qu'il n'y aura pas la moindre mefîntelligence , ou trace £ inimitié entre
»nou$. Et nous fommes aflurez que ceux qui fe réconcilieront
» avec nous , s'en trouveront fi bien , qu'ils béniront Dieu de leur
» avoir infpiré cette penfée. Revenez donc aux loix de l'Eglife
«votre mère , Se ne l'aiHigez pas plus long- temps. Elle gémit, elle
ff fond en larmes , elle jette des cris perçans , attendant avec im-
tom. J. Xx
34-6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.x i . » Patience & par les plus ardens défirs le retour de Tes enfans pro-
» digues , qui ayant demandé leur portion l'ont été diflîper prodi-
»o-alement dans les pais étrangers, & ont attiré fur eux la famine
»& toute forte de maux par leurs débauches. Revenez à nous ,
» chers cœurs , nous irons au devant de vous , nous nous jetterons
»à vos cols, nous vous donnerons des vêtemens nouveaux, nous
«tuerons le veau gras , nous inviterons nos voifins & nos amis
» pour fe réjouir avec nous du retour de nos enfans.
» Au fond, pourquoi feriez-vous difficulté de revenir à nous ?
„ Ne fommes-nouspasnez d'une même mère ? N'avons-nous pas
» été renouveliez par le même Baptême ? N'avons nous pas la mê-
* me foi Chrétienne? Ne reconnoiflons-nous pas un feul média-
teur & libérateur J. C. N'avons -nous pas la même parole & les
» mêmes Sacremens ? Ne recevons - nous pas la même Ecriture
» Sainte ? Qu'eft-ce donc qui vous éloigne de nous ? Qu'eft - ce qui
» a donc pu féparer les enfans d'avec la mère ? Il n'y a que peu de
» temps que vous l'emportiez fur tous les peuples du monde par
«votre foi & par votre pieté, & aujourd'hui vous perfecutez les
«Chrétiens par le fer & par le feu, & votre charité s'eft tournée
»en cruauté. Ne feroit-il pas plus à propos de vous croifer avec
«nous pour la propagation de notre foi contre les Turcs &Ies
« Sarrafins , ces ennemis implacables du nom Chrétien , que d'en-
» tretenir avec vos frères une guerre inteftine qui ne peut aboutir
«qu'à la ruine de la Religion & du Royaume ? Nous vous le pro-
cédons la larme à l'œil, cen'eftqu'à notre grand regret & que
« par la plus cruelle néceflîté , que nous nous armons contre vous.
» Nous y fommes portez par l'amour de nos prochains perfecutez ,
«dépouillez, mafTacrez inhumainement par les Bohémiens. Souf-
« frirons-nous les bras croifez que l'on abatte les autels & les tem-
» pies de Dieu , qu'on brife ôc qu'on brûle les images de J. C. de
» la Vierge Marie & des autres Saints j qu'on fade fouffrir toute
» forte de tourmens aux Catholiques , qu'on foule aux pieds le
» vénérable Sacrement , & qu'on ravage tous les pais voifins ? De
» combien de défolations 6c de meurtres n'a-t-on pas rempli le
«royaume de Bohême , l'Autriche, la Hongrie, la Silène , la
» Mifnie, la Bavière, la Franconie ? Ce font ces criminelles fu-
» reurs qui nous ont mis les armes à la main , moins pour vous ac-
» raquer que pour nous défendre nous-mêmes , les Chrétiens , nos
» voifins 6c la Religion. Dans cette extrémité nousavonspour-
» tant cette confolation , qu'il y a un grand nombre de gens en
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. J^t. 347
» Bohême qui tiennent le bon parti , & qui gémifïent de ces con- . 1 4.3 1 >
»fufions, mais qui n'ofent rien entreprendre parce qu'ils ne font
» pas les plus fores. Nous avons donc eu raifon de nous armerpour
» leur liberté , & pour punir leurs opprefîeurs.
» Après des offres fi favorabIes,quelle crainte & quels fcrupules
«peuvent vous retenir? Nous vous offrons la paix,acceptez-là;
» mais fi vous rejetiez nos offres & nos invitations , ne nous imputez
» point les malheurs de la guerre -y prenez-vous-en au refus de gens
* qui veulent être plus fages qu'il ne faut. Tout cela ne peut être
» infpiré que par l'ennemi jaloux de voir la foi, la chanté & la pieté
» faire des progrès en Bohême. Croyez- vous que ces gens là en
«fçachentplus que l'ancienne Eglife,&que celle d'aujourd'hui?
» Qu'eft-ce que peuvent vous apprendre des gens de guerre , des
»>païfans, des Bourgeois grofïîers ? Des gens fans lettres font-ils
» plus habiles que tant de Docteurs anciens & modernes , que tant
^> d'Académies où avoient fleuri les Saintes Lettres ? Ces anciens
«Do&eurs qui ont vécu avant les troubles peuvent-ils vous être
» fufpe&s de haine , ou de partialité ? Ecoutez St. Auguftin qui a
tydïtquil ri auroit pas crà à F Evangile fans le témoignage de l'Eglife.
»> Plusieurs ont écrit des Evangiles } mais parce que l'Eglife qui eft:
» infpirée du St. Efprit n'en reconnoît que quatre , nous n'en rece-
*> vons pas non plus d'avantage. Si je ne craignois d'être trop long ,
» je pourrois alléguer plufieurs autres témoignages ; mais je me
» borne à réïtét-er les offres que j'ai déjà faites, c'eft: que quicon-
>>que voudra fejetter entre les bras de la fainte Eglife Romaine,
M obtiendra une pleine & parfaite remifliou de [es péchez , & en
» particulier de celui-ci (i).Il fera traité avec douceur 6c humanité,
» & tout ce qu'un enfant peut attendre de fon père, il doit l'efpe-
m rer de nous. Veuille le Seigneur J. C. qui nous a rachetez par fon
» précieux fang accorder aux Bohémiens fon efprit, &. les réunir
» à la même foi que nous pour le bien & le falut de leurs âmes , pour
w la paix & la gloire de l'illuftre royaume de Bohême ( 1 ).
XXXV. Autant que la lettre du Cardinal eft pathétique, in- Rc'P°^daC5
finuante &: artificieufe ; autant la réponfe des Bohémiens eft-elle
libre , ferme & même affez dure , mais nette & précife. La voici.
«Ileftimpoffible, Révérend Père en Chrift(3), qu'une per-
« fonne d'un auffi grand efprit , & d'une auffi grande autorité igno-
[1] C'eft-à-dirc , delà défertion de l'Eglife Romaine.
J>] La Lettre eft dattée de Nuremberg le $ . de Juillet. Ihenb. ubi fup. cap. LXXIV.
[]] C'eft le titre qu'on donne à un fimple Prêtre ou Moine /celui d'un Evêque eft Revertw
dijjitw , & celui d'un Cardinal eft Eminemijlîme ; mais l' Emmence n'etoit pas encore trouvée.
Xx ij
348 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
ïjl\ i. . «requête Fils unique de Dieu Notre Seigneur J. C. pendant fa
» converfation en chair , non feulement a donné aux hommes di-
» vers préceptes très faiutaires , mais qu'il les a pratiquez lui-rnê-
» me. Entre lefquels ces quatre font les principaux ( i ).
» i . Que le Vénérable Sacrement du corps & dufang de 'j. C. doit être
m diftribuè fous les deux efpèces.
» î . Que la parole de Bien doit fe prêcher librement & félon la ve~
» rite.
» 3 . Qu'il faut punir les péchez^publics commis fous prétexte de reli-
» gion ( i J.
»4« Qu il faut bter ly adminijlration de la République aux Ecole-
3>fîa(iiques.
«Ces quatre articles fe prouvent clairement par les Evangiles^
» par les Epîtres des Apôtres, & par tous les Sts Pères ; tous ces pré-
ceptes apoftoliques fi néceflaires pour la propagation de iafoi,
» pour fortifier Pefpérance, pour augmenter la charité,pour régler
» les mœurs,& pour obtenir la vie éternelle ont été publiez par les
» Apôtres dans tout l'univers, reçus dansPEglife Chrétienne, ÔC
» gardez fidèlement pendant quelques fiécles , comme cela paroîc
» par les Commentateurs & Docteurs vraiementCathoiiques. Mais
» ils ont été violez &fupprimez par je ne fçai quels petits Prêtres
-(Sacrificulifive F lamines) qui dégénérant de la pieté de leurs pré-
» decefléurs fè font éloignez de la règle de l'ancienne Eglife,s'ingé-
»>rant dans les affaires du fiecle , engagez dans l'embarras & les
«épines des richeflfes mondaines, & ce qui efl plus déplorable &
» plus cuifanr encore , croupifiant dans ia moileiie & dans Poifive-
» té au grand & irréparable dommage des âmes fidèles. C'eftpour
>» cela que, tout indignes que nous en fommes , mais appuyez des
*» fecours de Dieu , nous avons toujours infifté depuis plu ficurs an*
» nées à les remettre fur pied, aies rétablir , i\es éclaircir & à les
=«> faire obferver & refpeâer , félon leur poids &. leurs mérite. Con>
«bien n'avons-nous point foufFert d'inimitiez, d'injures, fait de
» dépenfes , enduré des travaux , encouru des périls pour les fou-
« tenir , fans même épargner nos vies ? Nous avons même deman-
»dé plufïeurs fois avec inftance d'être admis & écoutez publique-
» ment dans un Concile libre ^paifible & fur 5 mais tout cela inuti-
lement jjufqu'ici. Qui peut s'empêcher d'admirer la diligence
[1] Je les donne tels qu'ils font ici. Ils font un peu autrement ailleurs. Mais cela revient à
la même chofe.
[2] Ces dernières paroles, fous prétexte de Religion , ne fe trouvent pas dans les autresfo**
mulet»
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XV. 349
«& l'exa&itude de vos pères tant vantez , de vos Prélats & de TE- \a\\
« glife Romaine, à remédier aux maux de la Chrétienté ? Au lieu
» d'empêcher que les véritez falutaires annoncées & reçues avec
» tant d'éclat dans le monde ne fuflent enfevelies dans l'oubli , vous
« avez été les premiers à les négliger , fur tout l'article de l'Eucha-
«riftie, où depuis tant d'années , par le plus grand des facrileges
»vous avez retranché le Calice au peuple à qui J. C. l'adonné?
» Comment avez- vous foufFert cet abus ? Comment ne l'avez-vous
«pas vangé, pendant que vous étiez fî foigneux de recevoir vos
m dixmes & vos impôts > Mais fans parler ici de l'intérêt qu'à toute
» l'Egiife à ce rétabliflement , pourquoi nous Pavez-vous refufé il
«opiniâtrement, à nous qui l'avons demandé avec tant d'inflan-
« ce , & à qui même vous l'auriez du accorder quand nous ne l'au-
«rions pas demandé , & malgré nous , pour prévenir tant d'efru-
«fionde fang? Nous ne fçaurions nous empêcher de croire qu'il y
«a là-deflous quelque deflein caché (1).
» Confiderez la chofe de près -, ne valoitil pas mieux rétablir
«une institution fi utile , fi nécefîaire à l'Egiife , que d'afTembler au
«péril de leurs vies, de leurs états , & de leurs âmes , & avec des
«frais immenfes , tant de Rois , de Princes & de peuples de diver-
» fes natiuns de de diverfes langues ? Et pourquoi ? Pour amener le
» Royaume de Bohême à la religion Romaine & à {qs ufages , Rits
» & Conftitutions eccléfiafliques. Mais vous avez beau faire ce
« royaume perfiftera dans la foi & fe repofera , comme il fait , dans
» le fein de Sainte mère Eglife orthodoxe , dontj. C. eftle'chef.
«Mais vous mêmes tous tant que vous êtes, vous rendriez un
« grand fervice à l'Egiife Catholique , fi vous vouliez embralTer ces
» véritez falutaires. Car ni vous , mon très-cher Père , ni vos adju-
«tantsne pourrez félon le droit & la raifon être juges dans cette
» caufe. Cette fainte & éternelle loi , dont Dieu lui-même efl l'air.
« teur, & que notre Seigneur J. C. a confirmée par fa vie & par fa
=>mort, eft très-jufte par elle-même, & il n'y a rien de plus indi-
» gne que de prétendre l'affujettir au jugement & à l'arbitrage des
«hommes fujets à la mort &: au péché, puifque St. Paul a dit,
» Anatbeme même à un Ange du ciel qui annoncerait un autre Evangile
» que celui qu il a en feigne. Le cœur de l'homme abandonne ibuvenc
» la vérité immuable pour fuivre la direction d'une raifon qui peut
« s'égarer , & qui s'égare en effet fouvent. Nous n'avons donc gar-
ai de de commettre le jugement de notre caufe à des gens , qui ayant
[1 ] Lfttet anguis in herba. Il y a anguille fous roche.
X X itj
350 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
143 *• "renoncé à la pieté, regardent cette vérité comme une erreur
» manifefte , &. traitent d'hérétiques damnables ceux qui s'y atta-
«chent, & qui outre cela font nos ennemis déclarez. Pour nous,
» nous fommes dans ce fentiment que dans un Concile il ne doit y
savoir d'autre autorité que celle de l'Ecriture Sainte qui eft une
«règle très certaine, &, le juge équitable que Dieu a laiflé au
» monde , qui n'eft point trompé ôc ne trompe point , y joignant
« les témoignages des Sts. Docteurs quand ils font conformes à
» cette règle divine jôc quand l'Eglife l'aura reçue fur ce pied-là
» nous ferons tous réunis enfemble. Alors toute l'Eglife militante
«purgée de fon mauvais levain reprendra fa première fplendeur ,
« la foi germera , la paix fleurira, l'amour &c la concorde regne-
» ront.
«Mais c'eft ce qui n'arrivera pas par vocre nouvelle méthode
«inconnue, comme nous croyons, aux Apôtres, de venir contre
«nous avec tant de milliers de Soldats à qui les épées, les flèches
«&; toute forte d'inftrumens de guerre tiennent lieu de l'Ecriture
«& du raifonnement. Sont-ce là des armes dont un père fe ferve
» pour gagner fes enfans, comme vous nous appeliez ? Mais pulf-
« que vous avez choifl ces armes, nous en avons auffi de même
« trempe , & nous fommes prêts à en venir à un combat décifif. Si
«vous étiez entrez chez nous, comme «S/. Pierre entra chez Cor-
»neille, vous y auriez fans doute fait de grands fruits 6c vous au-
«riez réjoui les Pères de l'Eglife Chrétienne {Chriftianœ Ecclcfiœ
»antiftites(i). Et au lieu d'un veau , ils auroient tué un bœuf gras
« .& invité leurs voifins à fe réjouir avec eux. Toutes ces choies bien
«péfées, on voitaflez ce qui nous fépare les uns desautres, quoi-
» que nous ayons le même Baptême. C'eft que non feulement
» nous proférions débouche la Religion 3 mais nous la pratiquons
«&. l'exerçons en effet. Ainfl nous vous prions de nous écouter
» fraternellement , parce que la fin du monde approche fi),de
«vous joindre avec nous àc de marcher avec ardeur fur les traces
« de J. C. & de Ces difciples. C'eft par ce moyen que le peuple de
« Chrift repofera paifîblement dans les tabernacles de l'efpérance 3
{;v) T^^w. «ôcobtiendralefàlut éternel. APragueaumoisdeJuilleti43 i. (a).
p. 141. 145. Je n'ai rien à remarquer fur cette Lettre, fi ce n'eft qu'elle n'a
point l'air d'avoir été dictée par des foldats , par des pay fans , par
ides bourgeois grofïiers , comme difoit le Cardinal , mais bien par
{1) On a vu ci-deffusà qui les Bohémiens avoient confié la conduite de leurs Eglifes.
(z) Qna vu ci- deflus qu'il y a voit parmi eux quelques fanatiques dans cette penféc»
miens.
ET DU CONCILE DE BASLE. ZiviXV. 351
des gens de poids &. fore éclairez. Ceft ce que répondirent ks 143 *•
Bohémiens fur les préparatifs de guerre qu'on faifoit contre eux j
mais comme ils n'ignoroient pas qu'on leur préparoit dans le Con-
cile deBafle une autre batterie , ils publièrent là-deflus un Mani-
fefte dont je donnerai le précis.
XXXV 1. 1. Il eft adreflé de la part des états de Bohême & Mani&ftc
de Moravie , à tous les Rois , Princes , Comtes , Marquis &c. Or- des Boh<i*
tbodoxes. 1 1. On propoie d'abord les quatre articles mentionnez
ci-deflus j mais comme il y a quelques petits changemens 3 je les
marquerai. 1. Il y a ici que le Sacrement du corps ôc du fang de
J. C. doit êtreadminiftré aux laïques ^ bonne foi parles Miniftres
ordinaires de l'Eglife. Ces paroles italiques ne font pas dans la let-
tre du Cardinal, ce qui eft pourtant confidérable, parce qu'on
aceufoit les Bohémiens de faire adminiftrer le Sacrement par des
laïques. 2. Que la parole doit être prèchée par ceux à qui elle a été
commife. Ces dernières paroles ne fe trouvent point non plus dans
la Lettre au Cardinal , ce qui eft important par la même raifon. 3 .
Il y a ici que l'adminiftranon politique eft un poifon nuifibie aux
Eccléfiaftiques {noxium ipfis virus) j ces dernières paroles man-
quent dans la Lettre précédente. 4. Dans l'article des péchez pu-
blics, il y a ici qu'ils doivent être extirpez par le Magifirat politi-
que , ce quin'eftpas dans la Lettre au Cardinal (1). III. Qu'ils
ont embrafïé ces quatre articles, & fait tout ce qui a dépendu*
d'eux pour les faire recevoir par tout,non feulement par leurs Let-
tres 3 mais par leur préfence en divers lieux , &par leurs Ambaf-
iades , foit auprès du Roi de Pologne , foit auprès de l'Electeur de
Brandebourg. IV. Qu'ils n'ont point non plus évité le Roi des
Romains, l'ayant été trouver à Presbourg, puis à Egre, pour le
fupplier d'aflemblerun Concile libre, fur ôcpaiiible, où ils fuf-
fent admis ôc écoutez amiablement (2), où ces quatre articles fuf-
fent examinez, prouvez & reçus publiquement 3 mais qu'ils n'a-
voient pu obtenir cette grâce qu'on n'auroitpasrefuféeàunpayen.
V. Que l'Empereur ayant confulté quelques Princes , quelques
Evêques , Prélats & docteurs dans une aflemblée générale , où ce-
pendant on n'écoutoit que les Eccléfiaftiques , ou les Moines (3)3
» on nous répondit nettement qu'une telle audiance & qu'une telle
» réformation étoit contraire à la liberté d'un Concile qui eft au
(1) Il y a apparence que ces variations fe font faites fansdeffein & par la faute des copiftes.
[2"] C'eft-à-dire, non comme des prévenus, malscomme les autres membres du Concile»
[)]ln ijuo tamen tant ut» ReHgiofs obtempratum cfl.
ï43i
3ji HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
«defïusde tout, 8c qu'il étoit de notre devoir de nous foumettre
» abfolument aux Décrets du Concile fans aucune difcufïïon par la
»oarole de Dieu & par les Pères»». VI. Que trouvant abfurde 6c
injufte que le Concile fût juge 6c partie, 6c qu'étant compofé de
leurs ennemis & de gens dans de groflïeres erreurs , ils fe rémittent
à leurs jugemens j ils ont rejette cette offre de l'Empereur 6c de Ces
Confeillers, 6c ont demandé , comme ils demandent encore , fé-
lon la raifon 6c l'équité , que leur caufe fût jugée dans le Concile
par l'Ecriture 6c par les Pères quand ils font d'accord avec elle ;
ce qui leur a été conftamment refufé par l'Empereur, 6c par fes
adhérents. VII. Ils appellent de ce refus à l'équité de ceux à qui
le Manifefte e(t adreflé. Il faut les entendre parler eux-mêmes. »
njuqezjvous-memes , difcnt41s t fi après un refus fi obfliné nous de-
#> vous reconnoitre de tels juges , principalement les Eccléfiaftiques ( i ) ,
»qui comme des écailles fe tiennent ferrex^auprè s de l' Empereur , de
«peur que la vérité ne pénètre (i). Cette obfUnation ne leur vienc
» que de leur orgueil èc de leur arrogance. Oubliant l'humilité
s> de leur profeffion 3 ils ne penfent , ils n'agifïent , que dans la vue
«> d'envahir tous les Empires 6c tous les biens de la Chrétienté.
»> Pour y réuffirils tournent à tous vents, &c font de la foi Chré-
» tienne une boule qui roule du côté que l'on veut. Au lieu d'imi-
,y ter j. C. 6c les Apôtres , ils nagent dans les délices & dans les vo-
» luptez de la chair. Comme des pourceaux ils foulent les chofes
» faintes aux pieds j ils deviennent les temples du diable. Comme
« les fergents de PAntechrift , ils traitent cPhéréfieles véritez chré-
a> tiennes , & il ne tient pas à eux que J. C. lui-même nefiit hérétique.
» Quoique non plus qu'aux Juifs il ne leur foit pas permis de faire
» mourir perfonne , ils affafîînent par les traits empoifonnez de
v leurs langues 3 ils le font à la lettre par cette croifade fanguinai-
» re 6c ils vous ont engagez contre nous 3 ô Rois 6c Princes 3 corn-
» me Ci vous étiez leurs vafïaux , ou plutôt leurs fatellites & leurs
» bourreaux. C'eft pour vous y amorcer qu'ils vous promettent la
» rémiflion de vos péchez qu'ils n'ont pas pour eux- mêmes , beau-
v coup moins peuvent-ils donner le falut éternel dont ils vous ber-
» cent dans leurs Diplômes mêlez de fiel ôc de miel. VIII. Après
une exhortation bien vive à ne point adhérer à de fi pernicieux
defleins , ils leur font cette déclaration. » Que Ci féduits par les ar-
v tifices de vos petits Prêtres } vous faites irruption chez nous , les
[i] Religi*Jtt illfemble que ce foit principalement les Moines.
[2] ltjflarfjuammrumj&iadb.trentium} xtventas j>enetrart nequeat.
armes
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JiT. 353
>» armes à la main > appuyez fur lefecours de celui donc nous dé-
pendons lacaufe, nousrepouiîerons la force par la force, & nous
«nous vangerons des injures qui ne font pas cane faites à nous qu'à.
» Dieu. Pour vous la chair eft vocre bras } mais le nocre , c'eft le
» Dieu des armées qui combat pour nous: à lui foie gloire ôdouan-
» ge dans cous les ilécles. A Prague au niois de Juin 1431.(3).
H/31.1
(aj Tbeob. ubi
fupr. 141,
14Z.
Tom. /.
Y y
HI ST O I RE
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE.
L'armée Im- I.
périale fe
met en che-
min.
LIVRE XVI.
N a vu dans le Livre précèdent les lenteurs des
troupes Impériales 5 enfin elles Te mirent en chemin.
Le commandement en chef en avoit été donné à
_ Frideric électeur de Brandebourg , qui avoit reçu
à Nuremberg du cardinal Julien en grande cérémonie , YEtendart
béni. Les autres chefs étoient Frideric le Belliqueux , électeur de
Saxe , Albert & Chriftophle ducs de Bavière , Jean & Albert fils de
Frideric de Brandebourg , les Evêques de Wirt^bourg , de Bamberg
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv.XVI. 355
êc à'Aicbftadt. Les Archevêques de Mayence , de Trêves & de Co- 14. t1
loque y avoient envoyé des fecours confidérables. Les Chevaliers
deSuabc, de l'Ordre de St. George s'y trouvèrent , aufli bien que
les troupes auxiliaires des Villes Impériales. En un mot prefque
tout l'Empire écoit en armes. Les Hiftoriens ne conviennent pas
du nombre des troupes. Ceux de Bohême comptent 90. mille
hommes 3 les autres 130. mille, tant cavalerie qu'infanterie. Le
Cardinal Julien étoit à la tête de cette nombreufe & florhTante
armée. Je ne dois pas omettre ici la judicieufe reflexion que fait
là-deiîusC^/tfV, auteur très-catholique. » Je ne fçaurois, dit-il,
» approuverque des Cardinaux , que des Evêques & que quelques
,> Prêtres que ce foit commandent des armées. Ces emplois ne
» conviennent point à leur cara&ere, & cela eft même défendu
»par les loix divines & humaines, comme on peut le voir dans le
» Droit Canon (a). Il me furEt d'indiquer en peu de mots que dans (a) Décret.
«l'ancienne Loi, quand on faifoit le dénombrement des armées o*Jjh%. *er
nd'Ifraël, les Lévites n'y étoient pas comptez. Car c'efl: ainiî que totum.
» le Seigneur Pavoit commandé à Moïfe : Ne faite s point le dènom-
» brement de la Tribu de Zévi , ejrnen rnar que zj> oint le nombre avec
»> celui des En fans d'ifraèlîmais ètabliffez,-le$ pour avoir foin du Ta-
» bemacle (b). Et dans la nouvelle Loi J. C. a dit à St. Pierre : Re- ^ ^9m- j.
y* mettez^votre épée en fon lieu(c). St. Paul dit auffi à Timothée 49- Je me
» quil ne faut pas que V Eve que foit violent & prompt a frapper (d). Il ^ je p^£
fèmble en effet que ces Eccléfîaftiques qui fourmilloient dans ces Royal.
armées fuflent autant d'oifeaux de mauvais augure, qui portoienc x^xvmz**
le malheur par tout ; comme on va le voir dans cette dernière faji.f*»»**.
occafion. ™# cf1'
1 < • 1 r ' t \ L. VI.D.X44.
1 1. Quand les troupes Impériales furent arrivées a cette partie RUfe de
de la Forêt noire (e) , qui entoure la Bohême, on y fit alte pen- suerre dc
dant quelques jours pour délibérer. Comme on avoir appris que [c)Syiv*Her-
toute la Bohême étoit en armes dans le deflein d'aller au devant «»«*•
desAllemans, & que d'ailleurs ceux qui gardoient les frontières
avoient dreflé de tous cotez des embuicades dans les bois , on ne
jugeoitpas à propos de hazarder toute l'armée à la fois. On en-
voya donc des efpions pour mieux s'aflurer des choies. Ils rappor-
tèrent qu'à la vérité les Bohémiens s'étoient afïemblez en grand
nombre -} que même ils avoient mis le liège devant Pilfen, mais
queladividon s'étoit jettéeentreeuxà tel point, que les Tabo-
ritess'étoient féparéz de ceux de Prague ; que les Orphelins mé-
ditoient leur retraite, 6c que la plupart s'étoient déjà détachez,
Yy ij
356 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
143 I. ^u6 ^e refte de Tannée ne confifloit qu'en des ouvriers & des paT-
fans mal aguerris, & plus propres à la fuite , qu'au combat. C'é-
toit une rufe de guerre dont Procope s'étoit avifé pour amorcer les
Impériaux. En effet, au retour de Teina où. nous l'avons laiflé , au
lieu de fè joindre aux autres, il s'en alla du côté de Nepomuk , ôc
(a) Dans le de là à Pr^bram (a) & à Hofiomick3 & perfuada aux Orphelins
cercle de d'en ufer de même , atin de faire croire aux ennemis qu'ils n'aeif-
Padvverther. _ . . x o
foient pas de concert,
les impé- III. Sur cette faulîe nouvelle l'armée hâta fa marche chantant
riaux pren- ]e triomphe avant la vi&oire. Après avoir traverié la Forêt noire ,
nent 3 wtc. ^ s»arrêté:ent à Tachau fur la Mife où ils avoient déjà échoué
dans la dernière expédition. Ils l'afîiegerent pendant quelques
jours inutilement , parce que Procope avec Ces Taborites & les Or-
phelins accourut au fecours de la garnifon , &. les en chafla. Les
Allemans ayant donc pris la fuite avec précipitation fé répandi-
rent dans la Bohême, les uns du côté de Tèplitz^, les autres du
côté de Taufch dans le cercle de Pilfèn 3 mettant tout à feu & à
fang. De là ils allèrent camper à Rifemberg , château fitué fur une
haute montagne > mais ayant appris que tous les Bohémiens réu-
nis avançaient vers eux à grandes journées , &. que leur prétendue
défunion n'écoit qu'une teinte , laids d'une terreur panique ils
prirent la fuite honteufement fans coup ferir 3 6c presque fans
avoir vu l'ennemi. L'épouvante fut fi grande , qu'ayant oublié par
où ils étoient venus , ils fè difperferent çà & là comme ils purent.
Le Duc de Bavière fur un des premiers à fuir , laiilant tous (es ba-
gages pour amufer l'ennemi. L'Electeur de Brandebourg en fit de
même , & h fauva dans la forêt par Frawenberg : toute l'armée fe
débanda dételle forte qu'il n'y eut pas moyen de la rallier.
Hsranguediï IV. Le Cardinal voulut le faire inutilement par cette harangue.
Cardmaïaux x Te fais far;)ris leur dit-il ^ que de fî vaillants hommes . &: des en-
troupes» -i » * ,
«fans (1 obéilîans à l'Eglife mettent bas les armes & prennent fî
«honteufement la fuite dans une fi urgente néceflité. De quelle
«nature efb cette guerre 3 & quel en effc le motif ? S'agit-il d'un
» Royaume ou de quelque intérêt temporel ? Non, non 5 il s'agit
«de votre ftinte Religion, de l'honneur dej. C. &de fafainte
«Mère, du falut & du bonheur éternel de chacun de vous. Que
« diroient vosancêtres , ces braves Allemans , fi revenant au mon-
« de ils voyoient leurs neveux prendre la fuite contre un feul enne-
» mi , &; même fans l'avoir vu ! Qu'eft devenue cette confiance Al-
» lemande , fi v antée par tous les Hiftoriens 2 o honte ! ô infamie,
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. -jrvi. 357
» la plus grande qui fût jamais ! Il eue mieux valu mourir mille 1a* I(
» fois , que de fuir un ennemi abfenc , & qui n'étoit point encore à
«nos troufTes. Mais je vous prie, où prétendez-vous aller? Vous
» fuyez la Bohême j mais la Bohême nous pourfuivra , ôc nous ex-
» terminera dans les lieux de nos retraites. Que ferez - vous alors ?
» où feront les murailles qui pourront vous mettre à couvert?Non ,
» non , ce ne font point les murailles , ce font les armes qui défen-
»denc les hommes, &c fi vous ne vous défendez avec bravoure ôc
«honneur , vous ne pouvez attendre que la mort , ou une capti-
>' vite plus cruelle que la mort. O Allemagne , ô Allemagne ! hé-
»las, feras- tu ainfï opprimée ? N'enfanteras- tu plus des courages
"intrépides ? On a vu des payens aveugles, du nombre defquels
» étoient vos ancêtres , mieux combattre pour des idoles muettes,
» que vous ne faites pour la gloire de J. C. le Fils du Dieu tout puif-
»fant, qui eft devenu votre frère, 6c de fa très-chere Mère. Fai-
»tes-y bien réflexion. Que diroient les Ariovijles , les Tuifcons,
» les Arminius s'ils étoient préfens ? O mes chers enfans , montrez-
»vous hommes, & prenez courage ; allez recevoir vaillamment
»les ennemis -, n'êtes- vous pas aufïï en état de vous bien battre
» qu'eux ? Mais que dis- je ? Il ne faut que vous faire fouvenir de vos faj ^neas
«fermens , car je ne crois pas que vous voulufîïez vous parjurer par sylv- cap.
«une fuite fi flétriffante(a)»."^£'?2^j Sylvius prétend que cedif- 7heoy '
» cours ne fît nulle impreffion fur le foldat épouvanté. lxxvi.
V. Cependant Thcobald témoigne qu'il releva le courage de L'Armée fe
l'armée, & qu'elle s'alla camper encore unefoisàRifemberg dans ra.llic ' &fre"
le deflein d'attendre l'ennemi. Mais à fon arrivée une fi grande te. ™
frayeur faifit encore les Allemands, que tout prit la fuite. Ils per-
dirent dans cette occafion onze mille hommes, oc il y eut fept
cens prifonniers. Tout le bagage & toutes les munitions de guerre
ôc de bouche relièrent aux Bohémiens. Ils prirent 240 chariots,
dont il y en avoit plufieurs chargez d'or & d'argent ,ôc fur tout le
vinnemanquoit pas. Les Allemands laiiïérent fur la place cent
cinquante gros canons , ôc les Bohémiens ayant mis le feu aux pou»
dres , il fe rit un fi terrible bruit , que les fuyards doublèrent enco-
re le pas , fur tout le Duc de Bavière qui avoit été des premiers à
prendre la fuite. C'etoit un fpectacle lamentable & rifible tout en-
semble , de voir ces pauvres Phaêtons courir à bride abattue avec
leurs chariots , fi entrelaflez les uns dans les autres, qu'on ne fça-
voit où on alloit. Ils arrivèrent dans cet état à Ratisbonnc , où ils
portèrent leur épouvante. Cette ville s'étoit tellement épuifée à
Y y iij
3 5 s HIST- DE LA GUERRE DES HUSSITES
1431. fournir aux frais de cette guerre , qu'elle en fouffrit pendant long-
temps. Cependant comme on croyoit avoir toujours les Bohé-
miens à dos , il falloir encore qu'elle fe conftituât en de nouveaux
frais pour fe fortifier. Le Cardinal perdit dans cette occafïon la
Bulle du Pape, fon chapeau & fon habit de Cardinal , fa croix 6c
tyuhfup. fa clochette. Tout cela refta à Taufch long-temps _, félon le témoi-
p?477. gnage de Theobald (a) & de Balbin (b).
DiverfcsRé- V*- °n PeuC iLl£er <*e l'étoûBemenc de tout le monde à la vue
îkxions fur d'une victoire fi éclatante d'un côté , & d'une déroute fi fubite & Ci
cette défaite. honceufe de l'autre (c). Chacun en cherchoit les raifons félon fon
va le 14. génie^les uns l'attribuant à quelque trahifon, les autres à la frayeur
d'Août. toute pure 5c à la pufillanimité des Allemands , tous à la valeur in-
vincible des Bohémiens dont le nom feul faifoit tout trembler. Ce
fut le jugement des Pères du Concile de Bafle dans un décret de la
troifîéme Sefîion (1). Voici la réflexion que fait la-deflus Cochlée.
Qui l'auroit cru qu'une armée de 40000. cavaliers Allemands eut
-pu -prendre la fuite fi Soudainement l Je ne crois pas qu'aujourd'hui le
Turc lui-même , ce tyran (îpuifjant par un Jt grand nombre de Royaumes
& de Provinces qu'il foffe de 3 osât combattre une armée Allemande de
40 000. chevaux. Il ri y a guère s que deux ans ( 2 ) qu'il riofafe com~
mettre avec notre Empereur Charles- Quint , quoiqu'il ri eut pas tant de
(d) ubifup, cavalerie Allemande (d). D'autres imputoient cette défaite à l'Em-
pereur lui-même , qui ne defefpérant pas de recouvrer la Bohême
par d'autres voies , n'étoit pas fâché que l'armée allât lentement
en befogne, pour épargner le Royaume. Ce qu'il y a de certain,
c'en: que l'Empereur ne parut point directement dans cette ex-
pédition. Tout s'y fît par ordre de Julien. Ce fut ce Cardinal qui
(e)Ger. s», engagea l'Archiduc d'Autriche à fe joindre à lui (e). Enfin la def.
f|ûftiyAuft" union des Princes put bien être une des caufes de leur défaftre.
1 jo. Comme l'Electeur de Saxe étoit un des plus intéreflez à cet évé-
nement , de quelque manière qu'il tournât , les autres Princes lui
avoient demandé de les dédommager des pertes qu'ils pourroient
faire dans cette guerre , menaçant de fe retirer s'il le refufoit. Il le
refufa pourtant , en alléguant pour prétexte que cette guerre ne fe
faifoit point pour fa caufe particulière, mais pour celle de tout
l'Empire & de la Religion (3 ). Ce qui apparemment leur fît dès-
lors prendre la réfolution, ou de fe retirer, ou d'agir mollement,
(1 ) Qna Det ocoulto jitdicio bells phiries attentetta non pottttt fttperari.
(2 ) En 1 £ 3 2. Le Livre de Cochlée fut imprime en 1 5 4P-
($) On a vûci-ddïus la même demande &le même refus dans une autre occafïon. Iheob,
tibi fupr.
ET DU CONCILE DE BASLE.i^V. JfVl. 359
& de ne rien hazarder. En effet on trouve qu'au retour de cette 143 1.
malheureufe expédition , la noblefl'e Allemande en rejetta toute
la faute fur les Princes , & déclara même que fi on vouloit lui
fournir les fubfides néceflaires, elle étoit prête à retourner en
Bohême , bien refolue d'y vaincre ou d'y mourir j mais à condition
qu'aucun Prince n'auroic le commandement de l'armée, &: qu'elle
auroit la liberté de le choifir un chef (a). £p #J% ;^
VII. L'Archiduc qui s'étoit retiré en Autriche en attendant L'Archiduc
le Cardinal , ayant appris qu'il étoit entré en Bohême, s'avança ^dultUMo-
pour le foutenir. Il avoit même déjà mis le fîége devant cette pla- ravie.
ce frontière de la Bohême où étoit mort Ziska (b). Mais appre- (b)Prohif
liant la fuite du Cardinal, il retourna en Moravie pour achever '
la, conquête de cette province, où l'on ne reconnoiiloit pas en-
core par tout fon autorité , parce qu'il y avoit beaucoup de Huf-
iites. Comme il avoit une bonne armée toute fraîche, il prit &c
pilla quelques villes , brûla environ cinq cens villages , ravagea la
campagne , & réduiflt la Province à une telle extrémité , que tout
fut obligé de fe rendre. Les plus opiniâtres demandèrent pardon,
& promirent de fc foumettre aux décidons du Concile de Bafle
fur la religion. On a remarqué dans l'Hiftoire d'AuHche, que
ce Prince fut le feui qui fit paffablement Ces affaires dans cette
occafïon. On difoitmême que quoiqu'il eût fort incommodé les
Huffites de Bohême & de Moravie , ils étoient moins irritez con-
tre lui que contre les autres Princes d'Allemagne , parce qu'en
qualité de Duc de Moravie il avoit plus fujet de leur faire la guer- (c) Rog uhi
re 3 & qu'il s'y étoit conduit en homme de cœur (c). fuP-
VIII. Cependant comme il apprit que Procope le -petite avec Expédition
les Orphelins & une partie des Taborites , s'avançoit à grands àe Procope u
r 1 . * >v ». . petit en Mo-
pas vers la Moravie, il le retira en Autriche, après avoir mis rav;e,&en
garnifon dans les principales villes. Procope le petit arriva en effet, Autriche.
& pour venger [es Taborites , il fe jetta avec fureur fur les ter-
res de ceux qui avoient favorifé Albert. De-là il palîa en Autri-
che, où il fouragea tout jufqu'au Danube, d'où il remporta un
prodigieux butin. De retour en Moravie, il eut dans le Gouver-
neur de cette province (d) un redoutable ennemi en tête. Ce Gé- (djKrxgirz*
néral , pendant que Procope étoit en Autriche , avoit levé un bon
corps d'armée dans le delîein de lui préfenter le combat. Il y
eut en effet entre eux quelques efearmouches , mais peu confîdé-
rables. Celle qui fe donna à Brinn (e), fut plus opiniâtre : mais ^ Aufrc-
il ne s'y paffa rien de décifif. L'avantage fut égal départ & d'au- mc^ t™***
143 1
(a) C^ecbor.
ubifup.p.
5*4-
Se&c des
Médiocres.
360 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
tre j les Orphelins fe retirèrent dans leur camp , 6c les Moraves
dans la ville. Cependant Procope harcelé par Kraprz^, jugea à
propos de décamper pour aller dans la province d'Olmutz, où
il prit & pilla plufieurs villes & châteaux , jufqu à Olmutz même
dont il brûla les fauxbourgs (a).
IX. L'Hiftorien de Moravie raconte qu'environ ce temps-là
il s'éleva dans cette province une nouvelle fe&e fous le nom de
Médiocres. Ils foutenoient qu'il ne falloir donner aux Seigneurs
que le revenu de leurs terres ; que les fujets ne dévoient point por-
ter d'autres charges, 6c qu'on ne pouvoir les y contraindre. Ils
étoient pour la Communion fous les deux efpeces. Ils s'étoient at-
troupez juiqu'à quatre mille renforcez par les payfans , qui fe plai-
gnoient des charges _, des corvées 6c des contributions que leurs
maîtres exigeoient d'eux. Ils commencèrent leurs hoftilitez par
le diftrict de Brinn , où. ils mirent tout à feu 6c à fang fur les ter-
res des Gentilshommes. L'Archiduc vint pour foutenir ces der-
niers, & di(Tipa ces mutins dès la première attaque. Les uns furent
tuez , les autres faits prifonniers 5 le refte fe retira dans les bois ou
dans les villes qui leur étoient favorables.
X. Dans ce même temps Procope le Grand prit la route de la
Siléfie , où après avoir fait lever le fîége de Nimpch, formé par les
Siléfiens , il alla avec quelques Seigneurs de fon parti dans le Du-
ché de Troppau (1). La cavalerie du Duc Wenceflas ayant d'a-
bord été taillée en pièces , ou mife en fuite , les Taborites s'em-
parèrent fins difficulté de la ville deTroppau , & de la forterefle
où il n'y avoir qu'une foiblejgarnifon^qui fut pafîée au fil del'épée.
Après avoir tout pillé , cette ville 6c cette forterefle furent mifes
en cendres. On peut juger de la douleur du Duc., qui n'étant qu'à
quelques lieues de là , voyoit la fumée de cet incendie fans pouvoir
y remédier, parce que la campagne étoit remplie des troupes Ta-
(b)KH? borites. Cependant un Seigneur (b)Siléfien dont on vante beau-
m-Tna.dC coup la noblefleôc la valeur, ayant amaflé un petit corps de 1700
hommes dans la province de Ratibor , fit retirer ces incendiaires.
LcsdcuxPr*. XL Les deux Procopes joignant enfuite leurs forces, entrèrent
cyf;voAt en en Hongrie avec leurs troupes. Ils reprirent d'abord Broda (2) en
chemin. De-là ils allèrent prendre & piller la ville de M oder. Il y
a une ville appellée Turnau (3) qu'ils n'oférent attaquer 3 parce
Courfe de
Trocope le
Grand en Si
iciie.
( 1 ) Autrement Oppava a caufe de la Rivière de ce nom.
(z) Il y a deux Villes de ce nom en Bohême, en Moravie Se ea Hongrie.
(}) Dans le diftriû de Boleflau.
qu'elle
ET DU CONCILE DE BAS LE. Liv. XVI. 361
qu'elle étoit très-bien défendue. Mais ayant paiïe la rivière de ce j *>> lt
nom , ils gagnèrent un païs très-fertile , où ayant mis en fuite les
habitans, ils s'enrichirent de leurs dépouilles. Ces pauvres gens
ayant pafle le lVag,te défendoient à coups de flèches de l'autre
côté de cette rivière > mais Procope le Grand les en chafla à coups
de pierres qu'il faifoit jetter avec des frondes 6c d'autres machines,
& ayant paffe la rivière de ce nom 3 il repoulïa les payfans dans les
marais voifins. Ainfi maîtres du pais, ils s'arrêtèrent à Nitria ,
ville fur la rivière de ce nom. Procope n'ayant pu prendre cette vil-
le , trop forte par fa fituation } fe contenta de tirer contre la place
une de ces grandes machines de guerre, que ceux de Gratz qui
l'accompagnoient, avoient amenée avec eux comme pour infulter
la garnifon. Après avoir porté la terreur 6c la défolation par tout
entre les rivières de Wag 6c de Gran ^ ils tournèrent vers le nord
de la Hongrie , où ils exercèrent les mêmes hoftilitez dans les vil-
les 6c à la campagne. Mais étant furvenu quelque difienfion entre
les Orphelins & les TaboriteSj ils fe féparérent. Procope le Grand
tira vers la Moravie du côté de Broda (1). Procope le petit avec
quelques autres Officiers que Procope le Grand avoit amenez en Su
léfie_, s'arrêta en Hongrie à llava avec un corps d'environ fepe
mille hommes d'infanterie 3 & trois cens chevaux.
XII. Cependant les Grands de Hongrie animez par les fortes Avantage
follicitations du Palatin de Hongrie à vanser leurs pertes . réfo^ ?esHonsror$
1 i» 1 t> 1 a • Y 1 & • l , ? furlesBohê-
lurent d attaquer les Bohémiens. Ayant donc appris qu une bonne miCUS.
partie s'étoit retirée 3 6c que l'autre couroit la campagne aux envi-
rons à'Ilavâ, Ils y allèrent en toute diligence avec une armée de
plus de dix mille fciqrnmes. Comme le Palatin étoit vieux 6c ca(Té ,
il confia cette expédition au Gouverneur (a) de ce diftrict. D'à- (a)N/«/*f
bord , de peur que les ennemis ne fe rctiraflènt fur l'avis de fa mar- Rtt£m*
che , il s'avança du côté de Trenczjn ville fur le Wag. Les Orphe-
lins qui étoient de l'autre côté de la rivière, apprenant que RoXc
von étoit à Trenczj.n pour leur en empêcher le paflage , cherchè-
rent à fe mettre en fureté afin de fauver leur butin. Ils parlèrent
en effet la rivière 3 non fans de grandes allarmes 6c de grandes
difficultez. Us furent à la vérité pourfuivis parles Hongrois des
le grand matin -, mais Procope s'étoit fi bien retranché fur une hau-
te montagne avec [es chariots 6c des abattis de bois , qu'on n'ofa
pas l'attaquer, quoique les Hongrois euffent une bonne armée.
Ceux-ci firent donc mine de vouloir reculer pour engager Pre~
. (1) La Ville de ce nom en Moravie s'appelle llntiftt Brtda.
Tom. I. Zz
36i HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
'iA.% i. C0Pe à & retirer dans la plaine, où ils efpéroient remporter une
pleine victoire avec leur cavalerie. C'eft ce qui ne manqua pas.
Procope s'imaginanc que les Hongrois avoient décampé , éc qu'ils
ne reviendroient pasàcaufe du froid extraordinaire qu'il faifoic
alors 3 prie le chemin de Broda par l'endroit où ils s'étoient retirez
pour l'attendre. Auflî-tôtil leur livra bataille. Le combat fut fan-
glant j mais la victoire fe déclara pour les Hongrois. Les Orphe-
lins prirent la fuite après s'être défendus comme des lions : Procope
s'étant fait patfage î'épéeàla main gagna fain & faut" Broda. La
plûpajt de ces pauvres fugitifs périrent miférableinent y les uns de
froid y les autres furent fubmergez j plusieurs furent maftacrez par
les montagnards appeliez Valaques. Ceux qui purent échapper
\ Ct(chgr s'en retournèrent en Bohême auiîl bien que les Taborites 3 qui
ubifup. pag. avoient été piller en Autriche au nombre d'environ 4500. non
$63. 570. fans percjre beaucoup de monde (a).
Lettre de XIII. Le Cardinal Julien de retour à Nuremberg fit à l'Empe-
rEmpereur reur ^e grandes plaintes des Princes Allemans qui l'avoient (I lâ-
mien*. chement abandonne. Ne voyant point d'autre reiiource pour ve-
nir à bout des Bohémiens 3 ils convinrent enfemble de les appeller
au Concile, pour tâcher d'y terminer l'affaire par compofition.
L'Empereur pour les y difpofer leur écrivit cette lettre fort gra-
cieufe. » Nous avons appris qu'il s'eft répandu des bruits en Bohê-
»me, qu'étant à Egre nous avions commandé à notre armée
» d'entrer inceflamment dans ce Royaume, Ôc d'y mettre tout à
» feu & à fang , fans diftin&ion d'âge ni de fexe , mais il faut que
» vousfeachiez qu'une telle penfée ne nous eft jamais venue dans
«l'efpritj non pas même en dormant. Vous ne fçauriez ignorer
» que dès le commencement jufqu'à cette heure , notre intention
» a toujours été de rétablir la paix & la tranquillité dans le Royau-
»me, comme tous ceux qui fe font mêlez de cette négociation
3' peu vent vous en rendre témoignage. Vous avez pu comprendre
«aufîipar les leetres que nous vous écrivîmes allez à temps, que
» nous n'envoyions qu'à regret les troupes auxiliaires en Bohême,
»& dans la feule vue d'y rétablir l'ordre, démettre les Provinces
»à couvert d'infulte , & de vous réconcilier avec l'Eglife Romai-
>» ne. C'eft pourquoi nous fouhaitons que vous n'ajoutiez aucune
» foi à ces faux bruits. Nous vous exhortons & nous vous confeil-
* Ions de retourner à l'Eglife Romaine 3 & de comparoîrre au
» Concile. Là vous trouverez le Révérend Père en Dieu, leSer-
» gneur Cardinal Légat du Pape & du Siège Apofiolique avec no-
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. jrn. 363
»tre lieutenant (vicarium ) le très-Illuftre&: Séréniffime Frideric ia-> r,
« Marquis de Brandebourg ( Brennoburgicum ) que nous avons
«chargé de protéger tous ceux qui viendront de Bohême pour
» expliquer leur foi , de les aider & de les foûtenir , de confirmer
r> d'abord tout ce dont on fera convenu , & d'apporter tous (es
» foins à vous faire connoîcre combien votre Roi & Seigneur héré-
y* ditaire eft difpofé à vous gratifier en toutes chofes , ôc à avancer
>» vos intérêts ». La lettre éd. dattée de Nuremberg le 1 8. O&o- uliçUp'**'
bre , & contrefignée Gafpar Slich (a). lxxvil
XIV. Dès le même mois les Bohémiens répondirent en ces Réponfc des
termes. » Nous les Seigneurs , les Chevaliers , les Villes & les Etats Bohémiens à
» féculiers & eccléfîaftiques de Bohême faifons fçavoir à votre
» Augufte Majefté , que nous avons appris par les députez que
» nous envoyâmes à Egre à la réquisition de votre Augufle Majefté
»pour tranfigeramiablement, mais nous avons compris auflî par
*» les propres lettres , que votre Majefté mal instruite par les Ecclé-
» fiaftiques contre lefquels nous nous défendons avec vigueur &:
» avec confiance., eft portée par leurs inftigationsà empêcher que
» cette divine vérité que nous propofons, ne foit annoncée à qui
» que ce foit , &: qu'elle n'a point d'autre vue que de nous en déta-
» cher , pour nous unir à PEglife Romaine. C'eft ce qui fit retirer
» nos députez , &c qui nous a empêché d'entendre à aucune négo-
» ciation. Car les loix divines ëc humaines nous défendent éçrale-
ornent d'accepter ce parti. Que votre Augufte Majefté ne foin
» donc point furprife que nous refufions de déférer , ni à votre Au-
3» gufte Majefté elle-même, niàl'Eglife Romaine, puifque vous
» oppofant X la volonté de Dieu , vous ne voulez pas nous procu-
» rer une audience légitime , dans le défir que nous avons de ren-
» dre raifon de notre foi. Ce n'eu: pas de notre propre mouvement
» {nofira curiojïtas ) que nous nous trouvons réduits â cette honnête
*» defobéïftance (bonefla inohedientia.*) C'eft par ordre de Saint
» Pierre lui-même qui nous apprend qu'il vaut mieux obéira Dieu
» qu'aux hommes. C'eft pourquoi nous notifions à tous ôcàcha-
»cun, que puifqu'à lafollicitation des Eccléiiaftiques qui préfé-
• rent leur volonté à celle de Dieu , on nous veut contraindre à
•» une obeïfîance illégitime, nousfommes réfolus de nous défen-
se dre, appuyez fur le fecours de Dieu. A Prague au mois d'Oc- ,,-.«..
*tobrei43i.(b). Lettredu
X V. Le Pape Eugène IJ7. avoit donné deux commifîîons fort cardinal yL
oppofees au cardinal Julien ; l'une de le mettre a la tête de la croi- /«» aux Bo-
Z zij
364 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
j ,, j fade contre lesHufîites, l'autre depréfider en fa place au Con-
cile de Balle. D es qu'il y fut arrivé , il écrivit aux Bohémiens pour
les y inviter par mille démonftrations d'amitié & de charicé , leur
promettant toute forte de liberté.» Il vous fera permis, dit-il, à
«tous de dire librement vosfentimens fur la religion, de conful-
» ter & de propofer des expédients. . . Nous avons appris que vous
» vous êtes fouvent plaints de ce qu'on ne vouloit pas vous accor-
» der une audience telle que vous la demandez. Ce fujet de plain-
» te cefïera déformais. On vous entendra à l'avenir, pubiique-
» ment & autant de temps que vous le fouhaiterez. C'eft pourquoi
» nous vous exhortons, prionsôc fupplions de tout notre cœur ô£
» de toute notre ame, au nom du Saine Efprit , de ne point différer
» à entrer parcette belle ^.grande porte qui vous elt ouverte, & de
» venir en toute confiance au Concile. » Quoique nous ayons pour-
» vu à la fureté & à la liberté de tout le monde j cependant de peur
»> que vousnefoyez retenus par quelque défiance, nous fommes
» prêts à vous donner un faut-conduit plein ôc (urEiant pour venir s
» pour demeurer, pour vous en retourner, & nous vous accor-
» derons au nom de l'Eglife univerfelle , tout ce qui pourra contri-
» buer à la fureté & à la liberté de vos députez. Nous vous prions
» au refte de les bien choifir , ôc d'envoyer des gens pieux , doux y
» confeientieux , humbles de cœur , pacifiques, desintereflez &
=» qui chériffentla gloire de Jelus-Chriit , & non la leur ». Cette
lettre eft dattée du i 5. d'Octobre. Elle fut portée à l'Empereur
quiétoit alors à Feld Kirche dans le Tirol , allant à Rome pour
le faire couronner. Les porteurs étoienc Jean Gelhufe moine de
l'Abbaye de Molebrunen Suabe, &. HamanOffenbourg conful de
Balle. L'Empereur envoya cette lettre à Egre avec ordre de la
faire tenir à Prague. Nous en verrons le fuccès l'année prochai-
ne.
Conférence XVI. Cependant les Bohémiens marchoient toujours leur
dcsHuffite* train. Un Auteur Polonois (a) de ce fiécle-là nous apprend qu'ils
fvec j!r?r allé rent cette année en Siléiie. où ils firent mille ravages après
tcurs de Cra- 3 . or
covîc. avoir pris lavirlede Glevitz (ij, fous le commandement de S igif-
y h xi'T^ ' man<^ Coribut. De là ils envoyèrent une ambaflade au RoidePo-
$7%- $79' l°gne cjuiétoit alors à Korczjn , au retour de la diette de Sendo-
mir , pour lui demander audience. Comme le Pape avoir accor-
dé à ce Monarque la permiflîon de conférer avec les Bohémiens
fur la religion & fur la pacification des troubles de Bohême > Se
( 1 ) Dans le Duché d'Oppcla. >
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. XVI. 365
que l'Empereur y avoit confenti, il ne fît aucune difficulté de les iazi.
recevoir à Cracovie ( 1 ). En m ême temps il ordonna aux Dodeurs
de TUniverfité de cette ville die fe tenir prêts à difputer contre les
Bohémiens, & à défendre la foi Catholique j mais il arriva un
contre-temps qui retarda la conférence. C'eft que Coribut avec fss
gens, en partie Polonois, en partie Bohémiens 3 alla faire une
couriè fur les frontières de Ho ngrie & de Pologne. Croyant trou-
ver de grands tréfors dans une Chartreufe de ces quartiers (2) ils
allèrent s'y jetteravec fureur & s'emparèrent de tout ce qui s'y
trouva j mais mal contents de leur butin 3 ils s'en vangerent fur les
Moines dont ils tuèrent les uns , Ôc bleflerent les autres , & emme-
nèrent prifonnier le Prieur, s'imaginant qu'il avoit caché les tré-
fors du lieu. Aufli-tôt que la nouvelle en vint à Cracovie 3 l'Eve-
que de cette ville (a) amafîa promptementun bon corps d'armée, (a) s*/»**
&, marcha à la rencontre de ces pillards pour leur enlever leur bu-
tin , ôc délivrer le Prieur vénérable par fon grand âge. Mais ayant
appris qu'ils s'étoient fauvez avecleurproyeàG/^^, il s'en re-
tourna fort mortifié d'avoir manqué fon coup.
XVII. Le Roi de Pologne fe trouvai Cracovie à peu près au iffuede cette
temps marqué pour la conférence 3 accompagné de plufieurs Pré- on
lats Ôc Barons. Les principaux d'entre les Bohémiens s'y rendi-
rent avec fauf- conduit du Roi , Ôcentr'autresOrite, un Procope
que DlwiojJ appelle apofiat de l'Ordre des Frères Mineurs , Pierre
FAnglois , Bycrd^ich 3 Guillaume Koflka. Les Dodeurs de l'Univer-
fité etoient en grand nombre 3 &c on peut voir les noms des prin-
cipaux dans l'Auteur allégué ci-delTus. La conférence dura plu-
fieurs jours prefque toujours en Polonois. J'en rapporterai le fuc-
cès dans les propres termes du même auteur , qui parle en boa
Catholique.» Quoique les fidèles , dit-il 3 fufïent animez de l'ef-
» prit de vérité , & qu'au jugement des Eccléfiaftiques &. des Sé-
» culiers les hérétiques fufïent vaincus , ils ne voulurent jamais fè
» confefTer tels. C'eft pourquoi le Roi leur parla en ces termes : Si
» les argumens tirez de l'Evangile & de l'Ecriture Sainte qui vous
» ont été propofez par les Dodeurs de mon Univerfité 3 en ma
» préfence & en celle de mes Prélats , Princes & Barons 3 pour re-
» futer votre fede ôt défendre la foi Catholique j fi ces argumens
» n'ont pu vous émouvoir , foyez au moins touchez par des exem-
» pies réels. Depuis qu'abandonnant la foi Catholique , vous avez
(i) Environ if. jours avant Pâques.
(î) Lcd'nici, ou Val de Saint Antohje.
• Z z iij
3 66 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
i±x i. P ^àiz une n°uvelle fecle par la fuggeftion de l'ennemi du genre
* humain, votre floriilant Royaume de Bohême eft tombe dans
« une telle décadence,, que vous n'avez plus ni Roi , ni Pontife }
» ni facrifice , ni victimes -y l'Univeriite de Prague , cette fource
»où puifoient toutes les nations , a feché j les Princes 6c les Ba-
» rons ont été indignement chaiîez par le fer de leurs efclaves &, de
a> leurs ïujets , on a brûlé les temples , infulté & déchiré les corps
» des Saints , violé les Vierges , & foulé aux pieds tous les Ordres
» Religieux. Tout s'eft exécuté , non par confeil 6c par raifon,
» mais par violence & par fureur. S'il refte encore quelques gen-
tilshommes & quelques barons dans la bonne voye, ils ont été
» tellement atterez par cette foule ruftique qui s'eft emparée de
» leurs fortunes 6c de leurs biens 3 qu'ils ne font plus en état de fe
» relever > 6c de prendre les rênes de la République pour la défen-
se dre. Prenez exemple de moi. J'étois payen d'origine , & j'ai été
*> converti par le miniftere des Prélats ôc dçs Barons de Poiogne ,
» auflîbien que de plufieurs Docteurs de Bohême qui fuivoient ma
«cour, 6c je fuis demeuré conftamment dans la foi qu'ils m'onc
*>enfeignée. Je vous prie donc par la mifericorde de Notre Sei-
» gneur Jefus-Chrift 3 de fuivre la même foi , 6c de recevoir inftruc-
»tion du Souverain Pontife, & de l'Eglife Catholique, fur les
» articles que vous défendez avec autant d'opiniâtreté , que de té-
» mérité. Votre égarement eft déploré de tous les fidèles ; mais il
»me paroît encore plus déplorable à moi ôc à mon Royaume, à
?> cauie de notre voifinage 6c de notre conformité de langue ».
Mon Auteur témoigne que tour le monde fut touché de ce dif-
cours, à la réferve des Bohémiens, qui fans s'émouvoir donnè-
rent pour toute réponfe , qu'ils [uivoient la droite voie de l'Evan-
gile & de leurs Pères , qui avoit été ignorée fendant quelque temps ,
mais qui s'étoit recouvrée de leurs jours, & qu'ils étaient refolus d'y pcr~
feverer jufquà ce quilsfuffent convaincus du contraire , par un Concile
gênerai où ils eu/fent la liberté de défendre leurs opinions. Ain (i fe paf-
ia cette conférence comme la plupart des autres , dont il eft mal-
aifé de fçavoir l'ilîuë faute d'Hiftoriens impartiaux.
Sévérité de XVIII. Les Députez de Bohême demeurèrent encore plu-
ÇrlwVcon- fieurs jours à Cracovie. Pendant tout ce temps-là , le culte divin y
trelesHuffi- fut interdit ; l'Evêque fut obligé d'aller dans un monaftére (a)
l?z)CMr» ^ors clela ville pour y confacrer le Chrême ,6c pour entendre les
tombe ou confeiïions. Il y avoit à la vérité quelques Séculiers qui n'ap-
n^iih. prouyoienepas cet interdit dans une conjoncture on la prédica-
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JTVI. 367
tion & l'office divin auroienc pu ramener les Bohémiens. Mais 1431;
l'Evêque & le Clergé n'y voulurent jamais confentir , regardant
Cracovie comme un lieu devenu profane par la préfence des héré-
tiquas. De force que Pâques approchant, le Roi fut contraint
d'envoyer les Bohémiens à Cafimir\ pour pouvoir fblemniferlafê-
teàCracovie. Les Bohémiens irritez de cet affront chargèrent
l'Evêque de mille malédictions en fe retirant, comme contre le
principal auteur de leur expulfion. Coribut eut même là-deflus de
grottes paroles avec ce Prélat dont le zèle étoit inflexible, juf-
qu'à le menacer de le tuer, & de porter le fer 2c le feu dans tout
fon diocêfe. Non feulement les Bohémiens avec Coribut fe dé-
chaînèrent contre l'Evêque 3 mais ils n'épargnèrent pas même
Saint Stanijlas (1) patron delà ville. Ils fe difpofoient en effet à
exécuter leurs menaces dès qu'ils auroient rejoint leur monde à
Glevitzj, mais ils y trouvèrent les chofes bien changées. Pendant
qu'ils négocioient à Cracovie 3 Conrad dit le Blanc 3 duc d'Olfen ,
reprit cette ville & en chafla les Bohémiens, dontla plupart fu-
rent tuez ou pris prifonniers. A cette nouvelle Coribut pritaufîi la
fuite avec fes gens, 6c s'en retourna en Bohême. Voyons ce qui
fepafîe ailleurs.
XIX. Auflî-tôt après les funérailles de MartinV. les Cardi- Affaires <f-
na»ux entrèrent en Conclave au nombre de 14 3 6c élurent au bout S*?8*1?;
de trois jours ^lçavoir le 2 5. revrier , Gabriel Condulmer , cardinal gne.
prêtre du titre de St. Clément . de la création de Grégoire JTII. & J,^haic"rr
\ . , ,, _.-. ti r • .#rj • • ,, o û Eugène IV.
il prit le nom d Eugène IV. Il etoit Vénitien , d une famille plé-
béienne 3 mais honnête 6c même ancienne, 6c qui fut déclarée pa-
tricienne après fon élévation au Pontificat. Il eut bonne part aux
bonnes grâces de Grégoire J£ II. fon oncle, & à celles de Martin
V. qui l'employa àpluheurs légations avec beaucoup de fuccès.
Cette élection releva lesefpérances des uns, ôc mit l'allarmechez
les autres. Ses premiers foins furent de pacifier l'Italie. Dans cette
vue il afïembla les ambafîadeurs des Princes 6c les députez des
villes, pour leur déclarer qu'il étoit réfolu d'appaifer les trou-
bles d'Italie 3 menaçant de fa malédiction & des anathêmes de
PEglife quiconque le traverferoit dans ce deflein (a). Cette mena- ÊJP«-Hift.
■ce , bien loin défaire peur à Philippe duc de Milan , ne fervit qu'à l.v.p. a8i.
l'animer contre lui. Le Duc aufîi-tôt incita ceux de Sienne 6c
ceux de Luques contre les Florentins , à qui le Pape envoya du fe-
(1) Il étoit Evcque de Cracovie. Boleflas Roi de Pologne lemaffacra fur la fin du ftécle XI,
comme il drfoit la Mciïe. H fut canonife vers le milieu du XIII. iiécle. Dlug. p. zp i . 7 14.
3 68 HlST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
Xd.ii. cours. Le même Prince agit en même temps contre les Vénitiens
trop portez à Ton gré pour le Pape, parce qu'il éroit leur com-
patriote. Le Pape de fon côté lui envoya le cardinal de Bologne
aufîi-bien qu'aux Siennois & aux autres villes confédérées avec
Philippe , pour les porter à mettre bas les armes. Mais le Duc in-
flexible aux promefïes & aux menaces obligea le Pape à fe liguer
contre lui avec les Florentins 6c les Vénitiens. Ces mésintelligences
attirèrent dans la fuite des affaires bien fâcheufes à Eugène I V.
Les Coionnet x X. Le Duc déracha contre lui les trois neveux de Martin V.
tion dans Antoine de Colonne prince de Salerne, Edouard de Colonne comte
Rome , & de Calani , & le cardinal Profper de Colonne. A cette occafion (a) t
muniez.COm" on avoic fait entendre à Eugène IV. que ces Seigneurs s'étoienc
(a) piatine emparez des fommes immenfes que Martin V. avoit amaflées,
d'£ul*neiv. f°icPar un fonds d'avarice dont il étoit aceufé, foit pour fournir
à des dépenfes utiles à l'Eglife comme à la convocation du
Concile de Balle, à la guerre contre les Turcs, ou à lacroifade
contre les Habites. On dit que l'intention d'Eugène IV. étoic
que l'affaire fe paflat doucement ; mais ceux à qui il en donna la
commiflion l'exécutèrent avec beaucoup de violence, Les Colon-
nes , pour s'en vanger , réfolurent à l'inftigation du Duc de Milan ,
d'aller attaquer le Pape lui même , &. firent irruption dans Rome.
En ayant été chafïez après y avoir fait mille dégâts , tous les pa-
lais des Colonnes furent rafez & pillez , & ces Seigneurs furent dé-
clarez criminels de leze- Majefté,& privez de tous leurs titres &: de
tous leurs honneurs.Irritez de cet anathême,ils rafîemblerent tou-
tes leurs forces pour entrer dans P^ome & en chafîer le Pape. Ce
dernier de fon côté renforcé parles troupes de Jeanne de Sicile ,
& par celles qu'il leva en d'autres endroits , fe mit en bon état de
défenfe.
Zugtne court XXI. Ses ennemis, non contents de s'armer ouvertement
contre lui, confpirerent contre fa vie. On aceufa l'Archevêque
de Bénêvent , fils d'Antoine de Colonne , ôc un certain moine Fran-
eifeain nommé Mazjus , qui avoit été domeftique & confident
de Martin V. &; qu'Eugène lui-même avoit élevé à de grands
honneurs, d'avoir .été les chefs de cette trame. La confpiration
découverte, l'Archevêque obtint fa grâce, & le Moine fut écar--
télé. Depuis on attenta de nouveau à la vie du Pape. Un de {es
(b) Buv. an. domeftiques lui donna du poifon, &; il eut beaucoup de peine à
14.7.1. num. , % ~ . , »«. * ~ .-. ■ * i, * «/•
S.Rajnaid. en échapper. Ces démêlez furent enfin terminez par 1 entremiie
143 «• de Sipfmond qui étoit allé fe faire couronner en Italie (b). Après
cet
rifquedela
ar
num. je. n
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. XVI. $69
cet accommodement, le Pape tourna fes foins à pacifier le refte r , - r
des troubles d'Italie, dont on peut voir la description dansl'hif- (a)Lb. vu.
toire Florentine de Pogge (a). *o« i4î««
XXII. Je ne trouve rien de fort remarquable cette année en Lctt.edu pi
Efpagne. Il y a feulement une lettre d'Eugène IV. à Jean roi de j^alMRo
Caftille à ce fujet. Ce Pape n'avoit point envoyé d'ambaflade
dans les pays étrangers pour notifier fon élévation au Pontificat,
comme cela s'étoit pratiqué jufqu'alors. Je ne fçai ce qu'en dirent
les autres Puiflances -y mais le Roi de Caftille le trouva mauvais ,
& le Pape lui en écrivit pour s'en exeufer & lui en allégua cette
raifon. L'unique rai fon , dit-il, qui nous a portera changer çle con-
duite à cet égard , cefi que nous avons remarqué par le grand empreffe-
ment qu'on a pour ces fortes d'amba(fades folemnelles , qu'elles ne fe
faifoient que pour le profit , & aux dépens de l'Eglife. Nous avons
voulu fignaler le commencement de notre pontificat par le re-
tranchement de cet abus, Se bannir de la cour de Rome toute (b)R«».aft,
occafion de gain deshonnête (b). «43 »• »• 9-
XXIII. Tout fe pafloit en France & en Angleterre à peu près France &
comme les années précédentes. De part &; d'autre on n'étoit ni Angjftcrrc-
j r • 1 • i-/' r< > r ■ i ■ * • r u'iape en-
en état de faire la guerre , ni difpofe a faire la paix. Ai n fi voyemr Lé-
la guerre ne fe continua que par des efearmouches, des partis, gaten Fran~
& des furprifes de places , dont la plupart étoient allez mal gar- pafx.ur
dées. Il paroît par une Balle d'Eugène IV. datée du 29. Avril
143 1. que ce Pape avoit chargé pour la troifléme fois Nicolas AL
bergati cardinal de Ste. Croix, d'accommoder les deux Rois, ôc
d'éteindre les factions en France. Il en alléguoit entre autres rai-
fons dans cette Bulle la néceffité de réduire les Hufîîtes , & de dé-
livrer la chrétienté de l'opprefTion des Turcs. Quelques-uns di-
fent que ce Légat y réuiïit , mais l'événement fait voir le contrai-
re, puifqueles brouilleries continuèrent toujours depuis fon dé-
part pour l'Italie. Voici ce que je trouve là-deflus dans l'Hiftoire
dî Angleterre faite fur les Ades publics de ce Royaume. Pendant
que Henri étoit en France , le Pape Eugène I V , fucccjfeur de Mar,
tin V. (c) y avoit envoyé le cardinal de Ste. Croix , pour tacher de (c) T. IV. p..
porter les deux Rois à la paix. Ce Légat avoit enfin obtenu qu'ils en- 7î-fin#
verraient leurs ambaffadeurs à Auxerre 3 mais cette ambaffade fut fans
fruit. On 71 entra pas même en conférence 3 parce que , s'il en faut
croire les Auteurs François 3 les ambaffadeurs d'Angleterre ne vou-
lurent pas recomoïtre ceux de Charles pour ambaffadeurs de France.
On fixa pourtant le }i,de Mars de l 'année fuiyante pour fie raffembler^
Tom. I. A a a
37o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
mais ce fut inutilement, parce qu on néglige a de marquer un lieu pur
y tenir le comités. La Cour £ Angleterre avoit pourtant nommé pour
Plénipotentiaires, l 'Eve que de Roche fer , & quelques autres.
c ijcedc XXIV. Quoique les Anglois fuilent fore affoiblis en France ,
l; Pu elle ils eurent pourtant aiîezde crédit pour faire condamner la Pu-
d'erlèans. ceue d'Orléans dont on a parlé ; ce fut d'abord à une prifon per-
pétuelle au pain 6c à l'eau, lorfqu'elle fe retrada, & eniuiteaufeu
ayant de (avoué fa rétractation. Les Juges de cette affaire furent
les Eccléfiaftiques du parti du Duc de Bourgogne , toujours atta-
ché à PAnglois , & entre autres Pierre Cauchon évêque de Beau-
vais, qui avoit fortement foutenu les intérêts de ce Prince, au
Concile de Confiance.
concile de XXV". On tint cette année un Concile à Nantes , 6c on y renou-
antes. veiia ies ftatuts de celui qui avoic été tenu à Angers en 1365. ce
qui eft une preuve que les dérèglement que l'on avoit voulu cor-
riger dans ce Concile d'Angers étoient fortement enracinez. On
peut juger quels étoient fes défordres par les réglemens qui furent
faits ou renouveliez. Il y avoit des Eccléfiaftiques, lefquels en
vertu de certaines concertions obtenues en Cour de Rome , fe fai-
foient pourvoir fecretement de quelques Bénéfices ; cachant les
provifions , afin que fi l'occafion fe prefentoit d'avoir un meilleur
Bénéfice, ils pulTent encore s'en faire pourvoir en vertu des mô-
mes grâces expectatives. Pour couper la racine de ce défordre ,
il fut ordonné que dans 6. mois après la provifion , les Eccléfiaf-
tiques feroient tenus de prendre pofîeiîion de leurs Bénéfices , dans
toutes les formes, fous peine de privation. Il fut ordonné aux Pré-
lats dans le même Concile , de faire lire l'Ecriture Sainte pendant
leurs repas. Les Archidiacres & les Archi- Prêtres s'attribuoient
le lit des Re&eurs décédez 5 on eftima ce lit 5 o fols pour les Rec-
teurs quipayoient 50 livres de décimes ou au-deflus, 6c 100 fols
pour ceux qui payoienc plus de 100 livres de décimes, & il fut
défendu aux Archidiacres 6c Archi-Prêrres de prendre davanta-
ge. Il fut défendu aux Prêtres de célébrer pour les morts , à
moins que d'avoir dit auparavant l'Office des Morts, s'ils le pou-
voient commodément, 6c l'on obligea en même temps les Rec-
teurs à dire l'Office des Morts tous les jours de Férié , c'eft-à-dire
les jours fur la femaine qui n'étoient occupez d'aucun Office de
Saint. Il fut défendu de même aux Eccléfiaftiques de fervir plus
de deux plats dans lesfeftinsfolemnels, fi cen'étoit aux Prince^
ouàcewxdontl'Eglife pouvoit efperer de grands avantages , ou
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XVI. 371
craindre de grands maux. Les Clercs des Eglifes Se d'autres gens l.,l
avoienc coutume d'entrer dams les maifons le lendemain de Pâ-
ques , de prendre nuds ceux quû étoient au lit , de les mener ainfî
nuds par les rués à l'Eglife , de les mettre fur l'autel ,& de verfer de
l'eau fur eux. Tout de même le i . jour de Mai on entroit dans Iqs
maifons & l'on rançonnoit ceu:x que l'on trouvoit au lit, faififfanc
leurs habits 3 ou leurs meubles. Ces extravagances furent condam-
nées comme elles le méritoienit,auffi bien que la fête des fous _,
qui commençait dès Noël, &c<ontinuoit jufqu'au 2.8. de Décem-
bre.On déguifbit les enfans de Chœur en Papes, Cardinaux,Rois,
&; autres perfonnages j & le jour des Innocens,qui étoit la confom-
mation de cette Fêce ridicule , l'Office fe faifoitdans les collé-
giales par le bas Chœur, & par les Enfans. Quelques prédica-
reurs trouvant les Eglifes trop étroites & trop reflerrées , s'étoient
mis fur le pied de prêcher fur des échafaux dans les places publi-
ques. Onauroitpû pardonner cet ufage à quelques-uns en confî-
dération des grands fruits qu'ils faifoient j mais comme il étoit
plus propre à flatter la vanité du prédicateur, qu'à produire de
grandes converfions , il fut con damné comme un abus. C'en étoit
un fort grand que celui du Charivari que l'on faifoit , au bruit des
badins , des cloches 6c des fifflets , à ceux qui fe marioient en fé-
condes noces. On le défendit: fous peine d'excommunication }
mais on n'a pu entièrement l'extirper, &on le voit encore en ufa-
ge dans pluiieurs provinces du Royaume. On confirma le ftatut
du Concile de Cbateau-gonticr , qui défendoit , fous peine d'ex-
communication, de prendre aucuns droits furlesEccléfîaftiques
pour le tranfport de leurs meubles ou de leurs provifions, à moins
qu'ils ne fe mêlaflent du trafic.. Les concubinaires publics &; les
adultères connus de tout le monde furent excommuniez. On tâ-
cha d'apporter quelque rernede aux abus qui fe commettoientpar
un principe d'avarice au fujet des excommunications, dont ce-
lui-ci étoit le principal. Quand un homme alloit demander l'ab-
folution de l'excommunication à l'Officier qui s'appelloit Porte-
fceau^ & qu'il n'avoit pas de quoi payer le fceau , onluirelâchoit
l'excommunication jufqu'àun terme préfix j (î le terme venu, il
n'avoit pas encore de quoi payer , on l'excommunioit denouveau,
& les Porte- fceaux faifoient en fuite payer le double. Il fut ordon-
né qu'on ne payeroit que pour la première excommunication.
Ces Prélats firent quelque chofe de plus digne d'eux , que ce qu'ils
avoient réglé fur la matière des excommunications, quand pour
Aaaij
3 72 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
143 i. punir les batfphêmes dont on deshonoroit le nom de Dieu, ils or*
donnèrent que les blafphémateurs demeureroient 7. Dimanches
hors dePEglife pendant la grande Méfie, & le 7. fans manteau
& fans fouliers , la corde au col j qu'ils jeûneroient les 7. Ven-
dredis précédens au pain & à l'eau , fans entrer dans l'Eglife ; qu'ils
nourriroient chacun de ces jours , un , deux ou trois pauvres , &
. . ,thir1{pu que les réfra&aires feroient chailez de l'Eglife pour toujours ,
p. $26. 587. éc privez de la fépulture eccléflaftique (a).
Allemagne. XXVI. Toutes les affaires d'Allemagne aboutiront défor-
prépawtift majs au Concile de Bafle , comme à leur centre. On a vu c\uyEu-
l°\c de bSlI. gène IV. avoit confirmé le Cardinal Julien dans la. préfidenceau
Concile de Bafle. Ce Prélat occupé aux affaires de Bohême ne
put s'y rendre qu'au mois de Septembre. Mais il y envoya en fa
place JeandePolemar Auditeur du Sacré Palais-, & Jean de Ra-
gufe Codeur de Paris, & Procureur Général des Dominicains.
Ils y arrivèrent fur la fin de Juillet , Se ils commencèrent à difpo-
fer toutes chofes, pour la tenue du Concile, en attendant qu'il
s'y rendît un afîez grand nombre de Prélats, pour tenir une Sef-
fîon publique , qui ne fe célébra que le 14. de Décembre.
Le Pape veut XX V 1 1. Quand le Cardinal fut arrivé à Bafle , il écrivit aux
Concile? C Bohémiens cette lettre affe&ueufe dont on a donné le précis en
parlant des affaires de Bohême. Comme on offroit aux Bohé-
miens dans cette lettre des conférences libres fur leurs articles ,
le Pape craignant , ou feignant de craindre , que cette indulgence
pour les Bohémiens ne mît en compromis la doctrine de l'Eglife
Romaine, & ne favorifât des opinions déjà fi fouvent condam-
nées, envoya le 12. de Novembre au cardinal Julien un plein
pouvoir de diflbudre le Concile, & de le transférer à Bologne
où il préfidoit lui-même. Outre les raifons fecretes qu'il avoit
par devers lui , Eugène prenoit divers autres prétextes de cette
tranflation. On l'avoit afluré qu'il n'y avoit que fort peu de Pré-
lats à Bafle ; que cette ville étoit infeffée par les armes des Ducs
de Bourgogne ôc d'Autriche ; quil y avoit parmi les citoyens
quantité de Hufïïtes qui perfécutoient les Catholiques , de qu'il
pourroit en réfulter des fcandales àc des féditions. D'autres ajou-
tent qu'il y étoit follicité par les Grecs , fuivant l'accord fait
avec Martin V. de tenir un Concile pour la réunion des deux
Eglifes , ce qu'il prétendoit fe pouvoir mieux exécuter à Bologne y
qu'à Bafle. Eugène écrivit aufîî à l'Empereur le 18. Décembre
dans le même deflèin, & même il lui notifîoit la tranflation du
Concile qu'il avoit faite de fa pleine puiflance.
ET DU CONCI.LE DE BASLE. Liv.JZVI. 375
XXVIII. Cependant le Cardinal ne fe hâta point d'exécuter r^ r;
ces ordres. Bien loin de-là , il écrivit au Pape des lettres très-fortes oppoiition
6c très-hardies 3 mais cependant refpe&ueufes, pour le détourner ^ucar m1™1
d'un deffein qu'il croyoit pernicieux. Nous en donnerons ici le tranûatfon
précis. Il représente au Pape qu'après tout ce qui s'étoit paflë par duGoncile-
rapport aux Bohémiens , on ne pouvoit transférer ailleurs le Con-
cile 3 fans donner un grand fcandale , fans infidélité , parce qu'on
avoit promis aux Bohémiens de le tenir à Baile , 6c fans un danger
manifefle pour la foi Catholique. Quand vous devriez difoit-il ,
■perdre la vie a l'occajton de ce Concile , // vaudroit mieux mourir ,
que de fouffrir fur vous une tache ineffaçable , & de donner lieu a des
fcandale s dont vous rendrez^compte à Dieu. Comme le cardinal Ju-
lien avoit demandé au Pape un fubfide de 3 0000. écus d'or pour
la guerre de Bohême , lequel ne lui avoit point été fourni, il die
au Pape qu'il auroit mieux valu vendre les calices 6c les croix pour
fournir une fi petite fomme , que de chercher des délais 6c des
faux-fuyans au préjudice de l'Eglife 5 Se que pour lui Cardinal , qui
s'étoit engagé pour lui à cette fomme , il aimeroit mieux être mis
en prifon , ic même mafïacré , que de manquer à fa parole. Il ajou-
toit enfuite, que quand même il devroit perdre Rome, & tout
le patrimoine de Saint Pierre , il vaudroit mieux fouffrir cette per-
te , que de ne pas venir au fecours de la foi , 6c de tant d'ames pour
qui JefusChrifl eftmorç -y que quand même on ne tireroit pas de
ce Concile tous les avantages qu'on en efpéroit, cependant s'il ve-
noitàfe dilToudre , tout le monde diroit qu'on en auroit eu tous-
les fuccès attendus s'il eût continué. Enfin il réfute les raifons que
lui avoit alléguées Eugène pour la tranflation du Concile ^ il lui mec
devant les yeux le danger inévitable d'un fchifme ,, parce que les
Pères de Baile avoient réfolu d'y continuer le Concilej6c il le prie,
s'il perfide dans fa réfolution , de ne fe pas hâter de l'exécuter,
afin que le Concile pût achever des affaires qu'il avoit déjà com-
mencées.
XXIX. L'Empereur écrivit au Pape fur le même pied. Sa Jet- 2T°ntl'on
trene mérite pas moins d'attention que celle du Cardinal. Il y ré- , c
pond à toutes les raifons que le Pape alléguoit pour la diffolution
du Concile. I. A l'égard de la réunion des Grecs , il dit que cette
affaire peut être d'autant mieux différée, que depuis tant de fié-
cles ce fchifme n 'avoit été d'aucun préjudice à l'Eglife Romaine.
Il foutenoit même qu'il étoit très important de différer cette ré-
union, jufqu'à ce que les Latins fuflentunis eux-mêmes dans la
A a a iij
reur.
374 HIST. DE LA GUERRE D£S HUSSITES
foi & que lears mocurs fuflent réformées , comme on vouloir le
1 ^ l ' faire dans le Concile de Balle , parce que les Grecs feroient diffi-
culté de s'unir avec une Eglife il defunie elle-même 3 & fi corrom-
duc H. Sur ce que le Pape difoic qu'il ne falloir plus entendre
les Bohémiens, parce qu'ils avoienr déjà été condamnez, l'Em-
pereur répondoit que Ion intention & celle du Concile étoit feu-
lement d'appeller les Bohémiens pour recevoir inftruction , com-
me Ivfartin V. lui avoit fouvent écrit qu'il falîoit le faire. Ilajou-
toit à cela , que fi le Concile fe féparoit , les Hufïïtes fe vanteroient
que le Concile avoit fui, & que l'Eglife avoit fuccombé fous le
poids de leurs raifons , & qu'après un tel triomphe ils infederoienc
toute l'Allemagne. III. L'Empereur repréfentoit que fi l'on rom-
poit une aflemblée convoquée pour la réformation des mœurs,
du peuple Catholique , & de l'Etat eccléfiaftique , il étoit à crain-
dre que les laïques n'en priflent occafion de fe jetter furie Clergé,
contre lequel ils ne déclamoient déjà que trop , & ne diffent qu'on
fe iouoit d'eux avec des Conciles aflemblés & difîous fans nul efïet.
Il alléguoit l'exemple de la ville de Magdebourg , qui, affiliée de la
plupart des villes de Saxe , avoit chalîé l'Archevêque & fon Cler-
gé IV. Il repréfentoit encore qu'après la dernière vi&oire des
Bohémiens, plufieurs Princes & plusieurs villes avoient fait trêve
avec eux , & que ceux qui tenoicnt encore dans l'efpérance du
Concile ne manqueroient pas de fuivre leur exemple , fi on venoic
à le difloudre. V. Qu'entre les motifs de la convocation de ce
Concile un des principaux étoit la pacification des troubles de
l'Europe & la réconciliation des Princes j mais que dès qu'ils en
apprendraient la féparation , ils reprendroient les armes. L'Em-
pereur prie donc inltamment le Pape d'écrire au Concile , qu'il en
révoque & en annulle la diflolution. Il le prie auffi de s'y trouver
enperfonne,&s'ilnelepeut, d'ordonner qu'on exécute au-plu-
(a)P«* tôt cette révocation (a). Le Pape perfifta dans fa réfolution de
Brev. Gdt. difloudre le Concile ( i ) , & ceux de Balle dans la réfolution de le
Pontif.Rom.
t. iv. p. continuer.
525. 5»7- XXX. La première Seffion , comme on 1 a dit , le tint le 14.
SeffiïTdT de Décembre. Après la Méfie célébrée par Philibert Evêque de
concile de errances en Normandie , &: les autres cérémonies accoutumées
Bafte' dans le Concile , le Cardinal préfident fit un fermon pour exhor-
ter les Pères à agir en bonne confeience , & à garder un bon ordre.
Enfuite Philibert lut le décret de la trente-neuvième Seffion du
( 0 II en déclara la diflolution le i3. de Décembre.
L
ET DU CONCILE DE 3ASLE. Liv. ^jrj, 3?5
Concile de Confiance, & tous les inftrumens & inftruclions'né- \a\i,
ceilaires pour autorifer le Concile 3 comme on avoit fait à celui de
Confiance.
XXXI. La guerre continuoit toujours en Pologne entre le Pologne.
Roi & le Duc Switrigjl fon frère , grand Duc de Lithuanie. Ce Troubles en
dernier non content de s'emparer de ce Duché fans en faire hom-
mage au Roi, avoit envahi la Podolie 5 il donna même un foufflec
à un Secrétaire que le Roi lui avoit envoyé pour traiter de la paix y
de le fit mettre en pnfon. Cet affront infigne, qu'on n'auroit pas
reçu chez les Turcs, ies Tartares & les Sarrafins, fit réfoudre le
Roi, d'ailleurs fecretement porté pour Switrigal^à le pouffer à
bout comme un furieux, & un homme en démence. Il lui envoya
donc faire une nouvelle déclaration de guerre par quelque gentil-
homme Mofcovite qui lui fervoit de boufon. Pendant ce temps-là,
contre la foi des traitez , les Chevaliers Teutoniques avec ceux
de Livonie firent irruption en Pologne, oùils exercèrent des in-
humanitez plus que barbares, réduifant en cendres villages , vil-
les , églifes , monaftéres 9 fans épargner les Saints eux-mêmes , Se
violant brutalement femmes 6c filles. Ce qu'il y a de furprenant,
c'eft que le Roi fut non feulement foupçonné par fes Conféillers ,
fur tout par l'Evêque de Cracovie 3 Prélat aufîi pénétrant que fer-
me & vigoureux ( 1 ) , d'avoir lui-même favorife l'entrée de l'enne-
mi dans fon Royaume.
Pendant que l'armée des Chevaliers Teutoniques mettoit tout
à feu 6c à fang dans une partie de la Pologne , l'armée de Livonie
en ufoit de même dans l'autre. Enfin quelques gentilshommes Po-
lonois pénétrez de douleur, & enflammez décolère de voir leur
patrie devenir un bûcher , aflèmblérent un petit corps d'armée de
payfans pour pourfui vre les Livoniens,qui fe retiroient après avoir
afïouvi leur fureur. Ces payfans ies joignirent à Nakyot près de la
rivière de Wiercha dans les plaines des Dambki. Là ils fe mirent à
chanter une chanfon de payfans d'une fi terrible force , que les
bois & les plaines en retentifîoient. Us fe battirent comme des
lions. Vous eufïïez dit qu'ils vouloient éteindre le feu de leurs
maifons dans le fang de leurs ennemis. C'étoit un fpe&acle admi-
r ( 1 ) îl aceufa ouvertement le Roi de cette collufion avec les Chevaliers Teutoniques contre
le Royaume de Pologne. Ce fut dant cette même occafîon qu'il lui reprocha fort aigrement
d'avoir engagé pluiieurs Terres des diocefes de Gnefne & de Pofnanie *, & fur ce que le Roi
lui répliqua qu'il n'avoit point touche à fon dioce'fe, il lai repartit d'une manière fort impérieu-
fe , Vous aveu fort bienfait , car fi vous aviez mis la main fur mon dioce'fe , jy aura is'mis l'interdit
îj fur tous les lieux ou vous auriez,ete. Dlugoff. p. Jp£.
376 H1ST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.x 1. table de voir une poignée de pay fans prefque nuds&defarmez,fe
battre contre des foldats équipez de pied en cap , comme auroienc
pu faire des vétérans contre de nouvelles troupes. Toute l'armée
Livonienne fut prefque taillée en pièces fur le champ , &. tous les
fugitifs furent ou maflacrez ou pris prifonniers , ou périrent de
froid & de faim , ne fçachant ni les chemins , ni la langue du païs.
Quand cette nouvelle vint à Cracovie , on en fit de fort grands
feuxdejoie. Dans le même temps le Roi de Pologne fit une trêve
143 1. avec Svvitrigal. Retournons à préfent aux affaires des Huffites.
Conférence XXXII. Le Roi des Romains tint cette année une conférence
aveclc$HUrE * Prefhourg , où il appella quelques députez des Bohémiens pour
fîtes. les porter à aller au Concile de Balle. A leur arrivée ils ne voulu-
rent point entrer dans la ville, craignant apparemment d'y être
arrêtez. Il fallut donc que l'Empereur s'abouchât avec eux hors
de la ville dans des tentes. Il leur repréfenta d'abord , » Qu'il
» étoit fort furpris que les Bohémiens ayant eu pour Roi fon père
» &. fon ayeul , ils ne vouluflent pas le recevoir ^ & en même temps
» il leur promettoit de redreiler tous leurs griefs , & de les gouver-
» ner a vec clémence. Les députez répondirent que ce refus n'étoit
»' pas arrivé par leur faute , mais qu'ils y avoient été contraints par
» des armées ennemies qu'on avoit envoyées contre eux. Ils ajoti-
»toient à cela, que contre la foi publique on avoit brûlé leurs
» Docteurs à Confiance j qu'on avoit condamné & proferit les
"Bohémiens comme des hérétiques, fans les avoir entendus, Se
» que tout cela s'étoit fait en préfence de fa Majefté. Que c'étoic
>» donc à eile à confidérer , que toute petite qu'étoit ia province de
»> Bohême , elle étoit afïez puifTante pour rendre le double à fes
» ennemis ». L'Empereur reçut cette déclaration avec beaucoup
(a)T&w*. de 'douceur, & les exhorta à renvoyer cette difcufïion au Concile
cap. 78. Bal- y ., . 1 • i, i i„
fc».Epit.p. ou ils pourroient montrer leur innocence, d autant plus que U
480. principale partie de leur difeours intéreflbit la confeience (a).
Lettre de Si- XXXIII. Sigifmond fur fon départ pour l'Italie, écrivit en-
£i[mo»d.iux CQre une jetcre forE gracieufe aux Bohémiens. 11 leur difoit,
» Qu aucune nation ne lui etoit plus chère que celle de Bohême -y
«qu'il s'enalloitàRomepoury recevoir la couronne Impériale,
» afin d'être plus en état de protéger-ce Royaume 5 que par ks
» foins le Concile de Balle tenoit déjà fes féances ; qu'il les prioit
a> inftamment de vouloir s'y rendre $ qu'ils y feroient favorable.
*> ment reçus, pourvu qu'ils ne prétendiflent pas être plus fages
» que l'Egliife Romaine 5 qu'aprçs avoir obtenu une audience fuf-
» fifante ?
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JfVl. 377
«nTante, ils dévoient adhérer au Concile jufqu'à fon retour d'Ita- 1a^ 2#
h lie , ôc lui réferver la couronne de Bohême qu'avoient portée /es
»> ancêtres, ôc qu'il ne les gouverneroic pas d'une autre manière
» que les autres Rois Chrétiens (a) ». Nonobftant ces airs de dou- {*)£n>Syiv.
ceur, il y avoit toujours dans les lettres de Sigifmond certains traies cap.j£crn
ambigus qui donnoient de la défiance auxBohêmiens.Tels étoient ibzob. ut»
la ibumiflion au Concile, & l'offre ou plutôt la menace indirede fuP'
de les gouverner comme les autres ; c'eft-à dire , félon leur inter-
prétation , de les mettre fous le joug de l'Eglife Romaine , comme
ils y avoient été fous les règnes precédens. C'eft ce qui les obli-
gea à demander une conférence à Egre , pour mieux fçavoir fur
quel pied ils feroient oiiis à Bade. Les Pères de ce Concile avoienc
auparavant envoyé à Prague Jean Nider célèbre Dominicain de
ce temps-la, & Inquiflteur de la Foi, avec Gethufe de Maubrun.
Ces Députez allèrent d'abord à Munich pour prier Guillaume
duc de Bavière de fe hâcer d'aller au Concile, afin d'en prendre
la garde ôc la défenfe qui lui avoit été commife par Sigifmond. De-
là, ils allèrent à Nuremberg pour détourner les Princes voifins
de faire aucun accord avec les Bohémiens au préjudice de l'E-
glife. Le bruit s'étoit en effet répandu que plufieurs Princes , pour
fe garantir des incurfions d'un peuple que la victoire accompa-
gnoit partout, étoient convenus d'une fufpenfion d'armes avec
les Bohémiens : on trouve même une Bulle d'Eugène IV. pour rom- (t>) R^«.
pre cette convention ,& dégager les Princes de leurs fermens (b), i4P-n«>8.
XXXIV. Cette démarche du Pape rendoit^core plus nécef- conférence
faires les précautions des Bohémiens. On convinW'une alîemblée d'Eg£ pour
à Egre , où fe dévoient trouver les députez du Concile 6c ceux de d^HuîSe».
Bohême avec plufieurs Princes. L'ailemblée fe tint le 17. d'Avril.
Les députez du Concile y arrivèrent les premiers. Theobald mec
entre ces députez Philibert Augujle éyêque de Coutances , Pierre
£c Jean de Polemar ( 1 ) , Gilles Charlier , arrivez à Egre le 1 j. d'A-
vril. Cochlèe en met beaucoup davantage , fans parler pourtant de
ces trois. Outre Nider & Gethufe , il nomme Frideric de Parfaberg
doyen de Ratisbonne , Jurifconfulte 5 Albert prévôt 6ç curé de St.
Sebalde à Nuremberg ; Henri de Tock (1) chanoine de Magde-
boug , théologien. Entre les Princes qui s'y trouvèrent , ce même
Hiftorien compte Frideric électeur de Brandebourg , 6c Jean duc
(1) Jean de Ptlemar e'toitDotteur en Droit Canon , Auditeur du Palais Apoftoiique & A.f
çhidiacre de Barcelone.
(z) II étoit de Cambrai , Doyen de cette Eglifc &. Profcffcur ea Théologie.
Tom. I. Bbb
373 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
de Bavière, avec une efeorte de deux cens cinquante chevaux. Les
députez Boh êmiens n'étoient pas encore arrivez , parce que ceux
du diflrict de Pilfen par où il falloir pafïer , & le Seigneur Schuam-
ber? qui les commandoit, leur avoient refufé des faut- conduits ( i ).
Ce que les députez du Concile ayant appris, ils engagèrent la ville
d'Etre à envoyer des gens pour les conduire en fureté. Ils arrivè-
rent donc le 8 de Mai avec une efeorte de dix-neuf cavaliers. Theo-
bald ne nomme point ces députez. Cochlée n'en nomme que deux ,
feavoir Nicolas Hf/mpol^&cretâirG d'une des villes de Prague, 6c
(a) cochi. Mathias Clomfe\an qu'il qualifie prefecl de Piaften (a). Des le len-
l viHuffi<f demain de leur arrivée, Henri deTock harangua les députez de
Bohême dans l'hôtel de l'Electeur de Brandebourg, 6c prit pour
texte ces paroles : Paix vous [oit. Ce difeours fini , les Bohémiens
fe plaignirent des injuftices qu'ils avoient reçues des Catholiques 3
& qui avoient été caufe de tant d'efTLifion de fang de part 6c d'au-
tre. Après quelques pourparlers , il y eut de la difficulté fur les fu-
retez que demandoient les Bohémiens pour aller au Concile. Ils
propofoient qu'on leur donnât des otages d'importance, non quel-
ques particuliers , mais des Princes 6c des Seigneurs. Cette propo-
rtion n'ayant pas été goûtée des Catholiques , la conteftation
dura fi long-temps, que le peuple d'Egre commençoit à murmu-
rer & à fe plaindre que l'accommodement avec les Bohémiens n'é-
toit traverfé que par les Princes & les Eccléfiaftiques. De forte
que pour avancer l'affaire , les deux Princes qui étoient à Egre en-
gagèrent leur pMple pour la fureté des Bohémiens. Guillaume de
Bavière en fit dWiême à Bafle de la part du Concile , 6c de Steif-
mond. Les Princes 6c \qs villes fur le païs defquels il leur falloic
palier , promirent aufîi une entière fureté , 6c la ville de Bafle elle-
même. Sur cette réfolution, le Concile expédia un fauf-conduic
fb) Cechi.ubi qu'on verra dans la fuite (b).
fLprrJjctdu XXXV. Les chofes ainfi réglées, on convint de quelques ar-
Sauf-conduit ticles à propofer au Concile, i. » Que ceux qu'on envoyeroit à
» Basle jouïroient de route fureté pour aller , demeurer , & s'en re-
» tourner, i . Qu'on leur donneroit la liberté 6c le droit de déci-
» der, decernendi ', que l'Ecriture fainte , l'hiftoire , ou les actes de
«la primitive Eglife, les Conciles, la doctrine 6c les traditions
:> conformes à l'Ecriture , feroient les feuls juges de toutes les con-
» troverfes. 3 . Qu'ils auroient la liberté de faire le Service divin
( i ) Ce diftrift étoit prefque tout Catholique & en guerre avec les Huflitcs^uoiquc Zis\n s'en
fût a'.ibord emparé.
tics Bohc-
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XVI. 379
» à leur manière 6c félon leurs ufages , fans qu'il fût permis à per- l * , z
» fonne de les y troubler par des railleries ou par des médifances.
» 4. Que jufqu'à ce qu'ils fuflcnt arrivez on ne continueroic pas
« les affaires du Concile , ou qu'à leur arrivée on recommenceroic
» ce qui auroit déjà écé faic. 5 . Que le Concile devoir çtre de celle
»> nature, que coûte force de gens 6c de peuples y puiîenc venir.
» 6. Que le Pape n'auroit point la fuprême autoricé fur le Concile,
» mais qu'il s'y foumectroic ( 1 ) ». Ces arcicles arrêtez , les dépuccz
de Bohême les portèrent à Prague, d'où les Bohémiens envoyè-
rent le 19. d'Odobre leurs députez à Bâslç Jean Z a tec & Nicolas
Mumpolcz^ pour en avoir une confirmation authentique,, fcellée
du fceau du Concile. Ces députez furent fort bien reçus, 6c on (■i)T*w*.cap.
leur expédia en bonne forme le fauf-conduit fuivant (a). 79'
XXXVI.»» 'Le Sacré Synode œcuménique de Bafleheureufe- ^efBc0°h^uit
.» ment aflemblé par le St. Efprit,6c l'Eglife Chrétienne Catholique miens.
» témoigne 6c déclare par cesPatentes, qu'elle a reçu fous fa protec-
>» cion 6c fous fa foi^tous les Ecclefiaftiques,cous les Barons, les Che-
1» valiers , les Gentilshommes 6c ceux du peuple , de quelque con-
» dition èc dignité qu'ils foient , qui feront envoyez par les Eglifes
» de Prague du royaume de Bohême 6c du marquifat de Moravie
m ou d'ailleurs, de quelque nom que ces endroits s'appellent, i
» ce facré Synode œcuménique au nombre d'environ deux cens
* (numéro infraducenios) &que le Concile leur promet des -à-pré-
»>ient par ce diplôme la toi publique, une entière fureté pour venir
»» dans cette ville de Baile, pour y demeurer, féjourner, atten-
dre, agir, juger, décider, traiter 6c compofer avec nous fur
» coûtes les chofes néceflaires , félon leur ordre. Nous leur per-
» mettons aufTi de célébrer le Service félon leur coutume ôc à leur
«manière dans leurs maifons fans nul empêchement , en forte
a» pourtant qu'à caufe de leur préfence , le Culte divin qui fe pra-
tique ailleurs ne foit interrompu nulle part, ni en chemin, nia
« Bade. Outre cela il leur fera permis de prouver de vive voix \qs
«quatre articles qu'ils demandent, par les témoignages de l'E-
»criture& des Saints Docteurs, de les éclaircir, de les propofer
» clairement, & s'il eft néceflaire, de répondre aux objections
«du Concile, de difputer 6c conférer amiablement avec un ou
» quelques-uns des Pères du Concile, fans nul empêchement 6c
» fans aigreur 6c calomnies , le coût fejon la forme 6c teneur donc
(1) Ce font à peu-près les mêmes articles que les Proteflans demandèrent en i$$i- ^»
Concile de Trente. Sletd. L. XXIIJ. p. m. 74 $.
Bbb ij
38o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1432. » on eft convenu de part & d'autre à Egre( a) » C'eft là ce qui eft
\a)ibeob. ukî » contenu dans la formule du fauf-conduit donnée par Theobald.
fup. j'en rrouve une plus ample & même plus avantageufe dans les ac-
tes des Conciles publiez par les Pères Labbe & Coffart. Je marque-
rai ici ce qu'il y a de particulier dans cette dernière formule. » 1 .
» Que fi quelqu'un d'entre les Bohémiens , foit en venant , foie
» pendant le fejour , foit en s'en retournant , commet quelque ac-
» tion qui pût annuller le privilège de la fureté , ils en feront d'a-
» bord juftice par eux-mêmes , 6c non par d'autres , £c cela de l'ap-
• probation du Concile, comme de fon côté, le Concile lui mê-
», me fera juftice de ce qui pourroitfe commettre par les Catholi-
„ quesau préjudice de ladite fureté, 6c cela du confentement &
«au gré des députez. 1. Qu'il fera permis aux ambafladeurs ou
» députez de Bohême de fortir delà ville pour changer d'air, 6c
» d'y revenir , d'envoyeren toute liberté leurs députez par tout où
«ils voudront pour leurs affaires, 6c que même le Concile leur
» donnera bonne efeorte. 3 . Qu'il ne fera point permis aux Catho-
«liques, foit dans leurs prédications, foit dans leurs difputes ou
«conférences, de prêcher contre les quatre articles des Bohê-
3» miens. 4. Qu'après avoir eu une audience fuffifante , & lorf-
» qu'ils feront prêts de fe retirer , foit de leur propre mou vement ,
«foit par avis du Concile, on leur donnera encore 20 jours de
(b)Concii. «terme, après quoi on les efeortera de bonne foi 6c en toute feu-
^,Tog™' «reté jufques à Tafihau , ou quelque autre ville frontière qu'ils fou-
484. » haiteront(b).
Lf5 Bohê- XXXVll. Nonobftant ces furetez, les Bohémiens jugèrent en-
miens en- core à propos de délibérer s'ils envoyeroientà Bafleou non. On
Députez à"* afîembîa donc les Etats pour agiter l'affaire. Les fentimens fe trou^-
Baflc. verent fort partagez. D'un côté les Taborites avec les Orphelins ,
les Orébites 6c le peuple de leur parti ne vouloient point qu'on ha-
zardât le voyage 5 ils alléguoient toujours l'exemple de Jean Hus 6c
de Jérôme de Prague^ brûlez à Confiance.» De l'autre les Seigneurs
avec le reftedes Huffites prétendoient qu'on ne pouvoit fe dif-
penfer d'aller à Bade fous les conditions offertes par le Concile;
qu'on ne devoir faire nulle difficulté de foumettre à l'examen une
dodrine fondée fur l'Ecriture j qu'il étoit important de difîîper les
calomnies répandues contre eux dans le monde , & qu'il falloitfe
montrer portez à tous égaras à la paix & à l'union , faufla vérité.
Lesraifons étoient plaufibles de part 6c d'autre ; mais le dernier
avis l'emporta par le crédit du Seigneur Mainardde Maifon - neu-
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. XVI. 381
ve , homme de grande autorité & du parti Catholique , ou au I4 , 2-
moins flottant entre les deux partis. Il fut donc réfolu d'envoyer
uneambatTadefolemnelleaBafle. Le Recteur de.l'Univerfité(a) (a)c&n/to«.
nomma pour éccléfiafliques Jean de Rocky^ane ^Pierre Pey ne , dit FrachatuX-
l'Anglois , Nicolas Bifcupec ( 1 ) prêtre des Taborites , Vlric prê-
tre des Orphelins. On a déjà donné le caradere de Rockyz^ne ,
c^xMneas Sylvius appelle faux Apbtre de Prague ( b ). C'étoit un (W *** /«;>•
homme docte, éloquent, ambitieux, intriguant, & qui s'étoic
fïgnalé dans le Royaume, non feulement par fes prédications ôc
par fesdifpures ou conférences j mais auffi par plufieurs négocia-
tions où il avoit eu part. A la tête desféculiers étoit le fameux
Procope Rafe furnommé le Grand. On y joint Guillaume de Cofte-
ka , dont JEneas Sylvius dit qu'il étoit moins célèbre nar fa no-
bletîe, que par le pillage des Eglifes , & plufieurs autres gentils-
hommes. Theobald dit qu'il fe joignit à eux un ambafïadeur du
Roi de Pologne , à qui Procope Rafe fit de grandes carelTes. Ils
partirentenfemblefurlafîndumoisde Novembre , & arrivèrent
à Taufch le 3 . Décembre où ils attendirent quelques jours le refte
de leur monde, & arrivèrent à Balle le 6. Janvier. En attendant
qu'ils foient ouis, voyons ce qui fepalTe en Bohême & dans le
voifinage.
XXXVIII. Je trouve que les Orphelins y firent plufieurs cour- Courtes des,
fes cette année. Il faut néceiTairement placer ces courfes avant ou aIFt^ &
pendant la conférence d'Egre , puifque Procope le Grand qui fut tes en Bohé-
envoyé fur la fin de l'année à Balle, étoit à leur tête. Ils crurent me&cauvo1-
fans doute avoir d'autant meilleure compofition , qu'ils fe ren-
droient plus redoutables à leurs voifins, & ils ne s'y trompèrent
pas. Ils allèrent fe jetterfur les terres des Seigneurs de Kolowrat
(2 ) , d'une des plus illuftres & des plus anciennes maifons de Bohê-
me 3 leurs ancêtres y ayant accompagné Czgchus fondateur de la
nation. Ils alTiégerent d'abord Horzgvic^ place appartenante à
quelque Seigneur vaflal de Kolowrat. Cette for terefle fe rendit au
bout de 9. jours , à condition que le Gouverneur & la garnifon fe
rangeroient fous les enfeignes des vainqueurs. Ils n'eurent pas le
même bonheur devant la forterefle de Liebftein qu'ils battirens
pendant fept femaines avec autant d'opiniâtreté que de fureur.
(ij C'eft ainfi que le nomme Iheobctld, JEneas Sylvius le nomme NicoLts Gakc. ubifup.
cap. 49.
[2] Ce mot fignifie en Bohémien , tourner une roué , & ce nom leur ft'it donné parce qu'un
de leurs ancêtres avoit , comme un autre Milan, arrêté dans un combat avec fa main un cha-
riot dont Les chevaux comoient à toute bride. Czcchor. Mars Morav. r. 548*
Bbbii]
fit HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
C'eft ce qui obligea les Commandans «à capituler pour épargner le
païs.commeavoient tait les Seigneurs de Rofenberg(i). On fie donc
une trêve de trois jours donc les conditions écoient qu'ils join-
droient leurs armes enfemblepours'alTiiter mutuellement contre
leurs ennemis , qu'on rendroit de part 5c d'autre les prifonniers
fans aucune rançon ^ que fi quelque parti vouloit Te détacher , il
en avertiroit un mois auparavant. Les Orphelins firent entrer
dans cette confédération les Taborites, ceux de Gratz^, ceux de
G Lut au y ceux de Taufcb 3 ceux de Pifek, ceux de Zateck, ceux
de Zauniàc leurs alliez. On met à cette année une troidéme irru-
ption de Procope Rafe avec les Taborites dans le Voigtland. Après
y avoir tout ravagé, ils paiTerent dansIaMifniefupérieure où on
prétend Qu'ils n'avoient pas encore pénétré. Le Duc de Bavière
parle confeil de l'Empereur s'étant joint une féconde fois à l'E-
lecteur de Saxe pour aller livrer bataille aux Bohémiens , le com-
bat le donna à Taucha ( i ) où ils étoient alors. A peine avoient - ils
commencé , que les Bavarois prirent la fuite. Les Saxons qui tin-
rent plus long-temps furent taillez en pièces, la ville fut réduite
en cendres & les murailles raféesQ). Après cette expédition les
Taborites fe retirèrent en Bohême pour fe trouver à unealTem-
blée que dévoient tenir les Grands de Bohême. Les Taborites re-
pafîérent cette année en Siléfie pour aller au fecours de leurs gens
aiTiégezà CreutzJ>ourg } par les Ducs à'Olfen. Au feul bruit de leur
arrivée le fiége fut levé. De là ils tournèrent du côté de Namhflan
petite ville & fortercfle du Duché de Brejlau , qu'ils n'attaquèrent
pas, contents de pilier & de brûler auxenvirons. Ils en ulerentde
même àOlfinèCâlVo/au , pour fe vanger des Ducs de ces noms
qui avoient afîiegé leurs gens.
irruption XXXIX. On rapporte à cette même année l'incurfion des
des Hu'Htes Bohémiens dans la Marche de Brandebourg , où ils fe vangerent
bourg!" cruellement du fecours que l'Electeur avoit donné contre eux à
l'Empereur. D'abord ils allèrent brûlant & pillant la campagne
&: les petites villes, comme Soliin jafqu'à Cujlrin qu'ils n'attaquè-
rent pas 3 parce que c'étoit déjà une place forte. De là ilsencre-
prirent de nouveau le liège de Francfort fur l'Oder , dont ils re-
[i] C'eft auffi une des plus anciennes maifons de Bohême, Balbin. Epitom. p. 284. 2%$.
& *»*• . . ,
[1] Entre Leipfic & Illembourg;. George Fabrice témoigne que cette ville appartenoit à U
Htaifon de AubitX.- Orig. Saxon. "Lib. VII. p. 749.
[3] Albert de Brandebourg Archevêque de Magdcbourglc6 avoit fait çonftruire. Il faut que
ççitç ville ait été rebâtie, puif.]u'pn la trouve fur La Carte»
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JCV1. 383
commencèrent le fiége à diverfesreprifes. Ils en furentnéanmoins l i , lt
repouflezà chaque fois. Cecre ville fut attaquée le 6. d'Avril j
mais les citoyens la défendirent fî.bien que les Hufïîtes prirent la
fuite. Ils furent pourfuivis jufqu'à Mulhrofen dans la Balle Luface
à deux lieues de Francfort où ils reçurent encore un échec. Ayant
raiiemblé leurs troupes, ils retournèrent afliéger Francfort j mais
avec aufîipeu defuccès qu'auparavant. Ils brûlèrent pourtant le
fauxbourg appelle Gouben, & la Chartreufe. On voit encore de
leurs armes dans la Bibliothèque de Francfort. Us continuèrent
leurs courfes dans les villes & villages voifins. Dès le lendemain
de cette mauvaife expédition , ils allèrent à Zebufi &. détruifirent
la ville, 6c le palais épifcopal. Lebuffétoit autrefois une ville
épifcopale, furTragante de l'archevêché de Gnefne. L'Evêque
d'alors s'appelloit Chrifiopble , ou félon d'autres , Frideric, ou peut-
être qu'il portoit ces deux noms. On trouve qu'en 1555. Joacbim
Frider&c\ç&ei\r de Brandebourg fut élu évêque de Zebu/fk l'âge
de 9. ans 3 & que Jean George fon père étoit adminiftrateur de cet
évêché (a). Ils prirent & pillèrent Munichemberg , Strausberg. të)Cernit.
Zandsberg ( 1 ) & les environs. On trouve encore dans les archives 30'. up' F*
de quelques-unes de ces villes les privilèges que l'Electeur leur
accorda pour les dédommager des pertes que leur firent fouffrir
les Hutîites. Ils allèrent aux environs de Konisberg, dans la nou-
velle Marche. On prétend qu'à la place des villages qu'ils y dé-
truifirent , ils en bâtirent quelques-uns de nouveaux , & qu'on les
appella depuis les villages des hérétiques. L'Hiftorien de qui je
tiens ce fait , dit même qu'on trouvoit dans des caves , des autels (b)Angei. uto
où ils faifoient le fervice divin (b). fup.p._*io.
X L. Ils furent moins heureux à Bernaw 3 dont ils entreprirent Les HufHteg
le fiége avez une allez grofle armée. Ils ne l'attaquèrent pourtant ^"g"^"
que d'un côté depuis la porte de pierre , jufqu'à ia porte du moulin. naw.
La défenfe fut des plus vigoureufes, ôc ils furent repouiïez plus
d'une fois. Les femmes même firent merveille dans cette occafion.
Elles s'aviferent dejeteer de la bière, de l'eau, &c des potées de
mil toutes bouillantes fur le corps & fur la tête des Huflltes qui ef-
caladoient la muraille. La défenfe dura par ce ftratagême jufqu'à
l'arrivée d'un fecours d'environ 6000. hommes que Frideric élec-
teur de Brandebourg amena lui-même. Ce Prince fe retrancha
d'abord avec fon armée , depuis la porte de Berlin jufques à l'en-
\ i]Il va deux Villes de ce nom dans les Marches de Brandebcurg, l'une dans la nouvelle,
l'autre dans la mo'ycnne.
3 «4 HIST- £>£ LA GUERRE DES HUSSITES
143 *• droit appelle La Warte , en attendant les troupes auxiliaires de
quelques autres Princes. Mais ce fècours ne venant point, l'Elec-
teur prit la réfolution d'attaquer les Hufïïtes dans leur camp. En
même temps les citoyens firent une fortie , fortifiez par piuiieurs
gentils-hommes & leurs valets au nombre de 900. qui s'etoient re-
tirez des petites villes &c des villages à Bernaw. La vi&oire long-
tems difputée fe déclara pour l'Electeur. Les Hufïïtes furent battus
à plate couture & il en échapa très peu. Le combat qui fut fort fan-
glantjfe donna le jour de St. George près de la ville dans un en-
fa)D/>R»- droit qu'on appelle encore les Champs Rouges (a), & où la petite
tben Lanier. xWiqtq de la Panque prend fa fource. En mémoire de cet heureux
fuccès il fut réfolu que tous les ans à même jour, on feroit une
proceiîion folemnelle pour en rendre des actions de grâces au ciel.
C'eft cequiparoît par un ancien Manufcrit où l'on trouve cette
ordonnance en ces termes. » L'an du Seigneur 143 2. le jour de St.
» George le martyr, la 4e. Fête de Pâques , les Bohêmien^inrenc
«devant cette ville de Bernaw dans le deflèin de la furprendre àc
» de la ruiner, & nous attaquèrent diverfes fois avec beaucoup de
» fureur ; mais par l'aide de Dieu & de St. George nous leur avons
«réfiflé vaillamment, &en avons fait périr un grand nombre par
w le fer & par le feu. A ces caufes nous Proconfuls HermannZutkey
»Hans Bekolt ^Grégoire Sachtelewen&t Hermann Heutzj 3 à pré-
» fent Echevins & Confuls de la ville , avec tous les habitans & fon
» Clergé , avons fait en toute humilité & dévotion un vœu à pér-
is petuité de célébrer tous les ans la fête de Pâques avec unepro-
» ceffion folemnelle dans cette ville } & de chanter fur la place pu-
» blique le Te Deum en l'honneur du Dieu tout-puilTant & de St.
v George. La proceiîion finie s on palîera dans la chapelle de Saint
» George avec le Sacrement 3 &ony célébrera folemnellement la
» grande Meiîe. Puis on fera publiquement la lecture de la vie de
»? St. George. Que fi quelqu'un des habitans ne célèbre pas ce jour-
» là en la manière fufdite , il fera puni fans mifericorde par les Con-
duis». On trouve dans la grande Eglife de Bernaw des reftes &
des monumens de cette a&ion , comme des flèches , des chaines
ou cordages3des catapultes ou mortiers, des arcs dont fe fervoienc
les HulTites, & des boulets de pierre qu'ils jettoient dans la ville.
On trouve auffi dans la Maifon de Ville des cuiraflès de fer ou
cataphraBes , des cafques & autres inftrumens de l'ancienne mi-
lice (1).
£1^ Tout ce Mémo ire m'a été communique par ledotte & obligeant Mr. Ithit Stiler, vé-
XLI.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JWI. 385- WÀ„
X L I. De Bernaw les Huflites pafférent à Angermunde 3 ville (ï- Digrdiio*
tuée dans cette Marche de Brandebourg appellee 'Vckermarck. Ils fur Angcr-
11 11 \ c -£ o » r » muadc.
s,emparerent delà ville, la rortinerent oc s y tinrent en lurete
pendant quelque temps. Un Hiftorien rapporte qu'ils y b.itirent
même une fort grande Eglife 3 & que c'eft: pour cela que cette vil- •
le fut appellee l* Anqermunde l'hérétique. Je trouve pourtant qu'el-
le portoic ce nom dès l'an 1420. Quoi qu'il en foie, je rapporte-
rai ici fur ce fait allez peu vrai-femblable 3 le fentiment du célèbre
Jean Chrifiophle Becman , autrefois Profefleur en Théologie à
Francfort fur l'Oder.» Nos Hiftoriens, dit-il _, croyent unani-
» mement qu'il y a eu là des colonies de Huflites 3 mais avec leur
»permiflion je ne puis être de leur fentiment pour ce qui regarde
» les perfonnes, quoique je ne dilconvienne pas du fond de la
» chofe. Car l'expédition des Huflites dans la Marche ne fut
» qu'une courfe de quelques femaines. Ce ne fut point une tranf-
» migration paifibie ou une conquête qu'on pût garder allez long-
» tems pour bâtir des villes & des villages. L'Eleveur Frideric que
» Sigifmtnd àvoit établi Général contre les Huflites n'auroit ja-
» mais fouftère qu'ils euflent une demeure fixe dans la Marche.
» Les oratoires, ou ces autels qu'on trouvoitdans lesfouterrains
» me porteroient plutôt à croire que ces bonnes gens étoient des
«reftes des anciens Vaudois., qui faifoient le Service divin dans
» ces caves. Quand on lesinterrogeoit fur leur créance ils ne la
» difïimuloient pas ; mais hors de ce cas ils s'accommodoient quant
»à l'extérieur à la religion dominante, alléguant l'exemple de
» Jofcpbd * AtiWidthie , Ôc de Nicodème. Il n'en étoit pas de même
» des Huflites. Leur culte public & particulier étoit le même,
» trouvant injufle depehfer une chofe , & de faire profeflîon pur.
» blique d'une autre. C'eft: pour cela que les Huflites ayant ren-
contré des Vaudois, tant en Italie 6c fur les terres de la domi-
» nation du Pape, qu'aux confins de la Moravie, quand ceux-là
«virent que ceux-ci diflimuloient leur créance, ils ne voulurent
» point faire focieté avec eux , quoiqu'ils l'euflent paffionnémenc
» recherchée auparavant 3 & qu'ils fufTènt d'accord dans le fond.
» Or onnefçauroit douter que les Vaudois n'ayent été dans la
nérablc archidiacre de Bernavv. Onpeutaufli confultcr fur ce Siège les Annalcsde la Marche
de Brandebourg par André Angel de Strausberg p. 210. Jean Ccrmtiui dans fou Hiftoire dcz
Electeurs de Brandebourg, delamaifon des Bnrgraves de Nuremberg. C'eft un Mariùfcrît
Chronique qui a pour titre Mctrcbia illuflrata , dans lequel il efl traité des courfesdes Huflites
dans la Marche Eledorale par Elie Lockelius Iufpecteur de toutes les Eglifes Electorales qui
font dans la contrée de Sternberg, qui m'a été communiqué par la faveur du célèbre Mr.
Ditbmar Profefleur en hiftoire & en droit naturel à Francfort fur l'Oder.
Tom. I, C c c
3S6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
ïa.% i. w Marche ôcda.ns les Provinces voifines, fi l'on fait attention à
h cette remarque mémorable de Jean Wolfius , Ravoir qu'il y a un
fa) Becmann. M cranc[ volume de procès où l'on trouve que 443. Vaudois furent
Orat. bccu- O i » * *
hr.an.1713. » examinez en Pomeranie dans la Marche & dans les lieux circon-
P- *4- „ voifins vers l'an 1 3 9 1 . (a).
Courfc des X L 1 1. Pendant que les Taborites & les Orphelins ravagoient
Orphelins & jes provinCes voifines des Moraves , ceux-ci tâchèrent de (e rele-
cks r.ibontcs . ~ A ' ... . . ,
en Moravie, ver de leurs pertes. Ayant içu que la ville de Sternberg (1) etoit
mal défendue & mal pourvue des chofes néceflaires pour foutenir
un fiége, ceux d'Olmutz^ , de Zitovel 6c tiUniczon joignirent
leurs forces pour l'attaquer avec leurs machines de guerre. La
place fut battue rudement ôc fans difeontinuer pendant trois joursj
(b) Xiohs au bout defquels elle fe rendit. On aceufa le commandant (b) d'y
VrmwiuL. avojr maj fajc fon devoir. Il fortit de la place 6c fa garnifon avec
armes & bagages, laiflfant néanmoins ies grofTes pièces d'artille-
ries , comme les baliftes,lesr*/^*//«, la poudre de fourTre^ {puU
verem fulfureum) les boulets 6c les chariots. Une partie de cette
garnilon fe retira à Gevicz^, place frontière de la Bohême ; l'au-
tre kTobifcbau(i) où les HuiFites avoient de leurs gens. Des que
les Taborites 6c les Orphelins , qui étoient encore occupez au pil-
lage de la Luface 6c de la Marche de Brandebourg, eurent appris
la nouvelle du fiége de Sternberg, ils accoururent en toute dili-
gence pour le faire lever 3 mais ils apprirent à Biflric^ (3) que la
place étoir prife. Procope Rafefat fort fenfibleà cette perte, ôc
pefta beaucoup contre la lâcheté du commandant & de la garni-
ion, ïi détacha incontinent deux de fesjneiiieurs Officiers, l'un
de cavalerie 3 l'autre d'infanterie , pour aller à grand'hâte en
Moravie. L'autre Procope les renforça d'une partie de fa cavale-
rie. Comme ces Officiers avoient ordre de mettre tout à feu &
à fang ,on vit en un inftant exécuter ces ordres inhumains dans
tous les environs desvillesde Zitovel, d'Olmutz^, de Stcrnbergtk.
d'Vnicz^n. Plufïeurs perfonnes de marque ainfi attaquées à l'im-
provifte y périrent. Ceux qui faifoient la moindre réflftance
étoient pailez au fil de l'épée. Heureux le peuple de la campagne
s'il pouvoir fe retirer dans les bois 6c d'ans les marais voifins avec
H Qtjetber. femmes , enfans 6c beftiaux (c). Cependant les Huffites appre-
^572^74* nanc ç\xxi^'oert de Sternberg & le Gouverneur d'Olmutz afîem-
(i) Place forte non loin d'Olmutz. Il y a un Duché & une Ville de ce nom dans la Marche
de Brandebourg à quelques lieues de Francfort (ur l'Oder, & une autre en Bohême»
(2) En Bohémien Iho-vacou , & en Morave lovacxjm,
II) Ville de la BohçûM dans le djfo.â deBécWn.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. A~n. 387
bloientdes troupes dans cecce dernière ville, &que ces deux Gé- 1432,:
néraux n'attendoient que l'arrivée de Ladijlas de Sternberg^ cou-
fin germain d' 'Albert , &d'un autre Capitaine avec le renfort des
troupes de Bruna, de Lipnick & de Wiskou pour venir fondre fur
eux, ils réfolurent de s'en retourner en Bohême à leurs gens oc-
cupez au fiége de Potnftein. Ce fut à peu près dans ce temps- là
qu'un gentilhomme de Moravie nommé Sinilo de Morawan avec
quelques alTociez alla furprendre la nuit le monaftere de Hradiflie
(1) proche d'Olmutz. Les Moines furent ou mailacrez, ou mis
en fuite. L'Abbé qui avoit nourri le gentilhomme comme un fer-
pent dans Ton fein, ayant voulu fauter la muraitle fe caiTa bras &;
jambes, 6c fut conduit à Ofira où il fut rançonné &. emprisonné.
Depuis ce temps-là on ordonna de rafer ce monaftere afin qu'il ne
fervît plus de retraite à l'ennemi. On en tranfporta auparavant
dans l'Eglife àzSt.Wenceflas , les Reliques & les corps des Mar-
quis & des Evêques d'Olmutz qui y avoient leur fépulture. J'ai
raconté cette particularité , parce qu'un auteur Morave nommé
Drabonicz^-i attribue cette invafîonà des Wiclefltes qui avoient
gagné un Frère convers de ce monaftere. J'y trouve pourtant peu
d'apparence, parce que les annales du couvent n'en font aucune
mention, au moins, félon la relation de Thomas Jean PeJJîna de
Czgchorod{&) dans fon Mars Moraviquc. (a)iAifup.
X L 1 1 1. Les Taborites & les Orphelins ayant abandonné le Hoftiiitet
fiége de Potnftein, retournèrent en Moravie 8c fe jetterentfur le «fj^fioa-
diftri&deBruna, où. ils firent leurs dégâts & leurs ravages ordi- gric.
naires. Ils auroient porté la fureur jufqu'aux dernières extrémitez
fi par l'entremifc de Jeande Pcrnftein, les Kravaars èc les Stern-
bergs n'eulTent trouvé moyen de fléchir à force de prières & d'ar-
gent Procope Rafe , encore fumant de colère de la perte de Sterny
berg qui lui appartenoit. H pardonna même à celui qui avoit li-
vré cette place, & dont il vouloit faire un exemple; mais ce ne
fut qu'à condition qu'il le fuivroit, & qu'il efFaceroit par quel-
que belle adion la note d'infamie qu'il avoit encourue dans cette
occafion. DjIî Procope s'en alla dans la Province d'Oppava(i)
en Siléfie. On ne dit point ce qu'il y fit. Les Orphelins d'autre
côté allèrent en Hongrie pour tâcher d'avoir leur revenche de
l'échec qu'ils y avoient reçu. Les confédérez les y attendoient (b)Biaskf
avec impatience. Ils y furent joints par quelque Seigneur (b), ' "****''**
( 1 ) Ville forte fur la rivière de Mire entre Krernfir & Oftrouw,
(2 ) La Capitale s'appelle de m£me noiî) , ou Troppatt.
Ceci]
388 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
Ia.x i. qu>on repréfente comme un homme fort entreprenant, & qui
avoit amafie un bon corps de gens de même humeur. Ce fut avec ce
renfort qu'ils furprirent7Vr#;z ville fort marchande, oui! y avoir
beaucoup de richefTes. Comme c'étoit en temps de foire , quel-
ques-uns des plus hardis d'entr'eux entrèrent dans la ville fur le
minuit , déguifez en marchands qui venoient à la foire. Dès qu'ils
fçûrent que leurs gens étoient proches de la ville, ils égorgèrent
les fentinelles, enfoncèrent les portes , & introduisirent leur mon-
de. Jamais on ne vit un tel carnage. Les pauvres marchands qui
gardoient leurs boutiques , &. les citoyens ayant voulu courir aux
armes furent aflommez comme des bêtes. Les uns voulurent en
vain fe cacher $ d'autres reprenoient leurs armes , 6c puis les met-
toient bas ^ quelques-uns qui voulurent fe jetter du haut en bas de
la muraille, tombèrent tout fracaiTez. Enfin , quand il n'y eut
plus derefiflance, Procope le petit défendit de tuer davantage de
monde , & lailîa le butin aux foldats. Tout fut aufli-tôt au pillage,
or , argent , marchandifes, chevaux, meubles, &c. De là les
Orphelins pafifant dans la haute Hongrie , campèrent à Kremnit^
& pillèrent impitoyablement tout ce riche territoire qui efl entre
les rivières de Gran & de Nitria , julqu'au Danube. Ayant paflé le
Gran , ils traitèrent de même les païs de Tepliczjk de Schcmnicz^
Cependant comme ils apprirent que la noblelîe Hongroife aflèm-
bloit une armée à Presb^urg pour leur fermer le pafïage, ne ju-
geant pas à propos de l'attendre, ils s'en retournèrent iTorna ,
& de là en Moravie & en Bohême fans nulle oppofition. Le refte
de Tété fut employé à s'emparer de quelques châteaux de Bohê-
fn) ctechn. me , occupez par des Catholiques (a) , en attendant la pacification
ubifupr. du Concile.
Ambaflade XLI V. On marque à cette année une nouvelle ambaflade des
des Bohe- Bohémiens au Roi de Pologne 1 1 \ £He rouloit fur ces chefs prin-
iTiiens en 1- o- o v ' r
bgne eipaux. i. Ils offroient au Roi du fecours contre les Chevaliers
Teutoniques qui avoient violé le traité de paix. 2. Ils deman-
doient la grâce de Si^ifmond Coribut , difgracié à Toccalîon des
démêlez qu'il avoit eus avec l'Evêque de Cracovie , & de (es
imprécations contre Saint Staniflas. 3 . Ils lui notifioient le favo-
rable accueil que leurs députez avoient eu au Concile de Basle,
afin fans doute de mieux difpofer le Roi & les Polonois à les bien
jecevoir. L'ambafTade en effet fut fort bien reçue , & traitée fa-
vorablement. Comme le Roi fe difpofoit à une expédition en
( 1 ) 11 ftoit alors à ViJlicTi.
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. XVI. 3S9
Prufîe , ce fecours ne pouvoic lui venir plus à propos. D'un côré TAi * ■
les rroupes Bohémiennes étoient redoutées partout 3 de l'autre les
Lithuaniens, les Valaques Ôc les Tartares s'étoient joints au re-
belle Svvitrigal, de forte que le Roi ne pouvoit compter fur eux.
On n'interrompit point comme auparavant le Service divin à cau-
Çede leur préfence , & ils y furent admis , à l'exemple du Concile
deBasle qui n'en avoit point exclus leurs députez. Ce qui étoit
d'autant plus authentique , que l'Archevêque de Gnefne , & trois
autres Evêques qui étoient là préfens , y avoient donné leur con , . ~
lentement par écrit (a). fuJ,. p< |oy
XLV. Il n'en fût pas de même à Cracovié, où ils dévoient Scrcrité d=
paiîer en s'en retournant. Le Roi avoit bien recommandé aux l'Evêquede
deux Barons qu'il leur donna pour les accompagner, de ne point SntrT'fe
entrer dans Cracovié, connoilîant l'humeur fëvére de l'Evêque, ^putez de
L'ordre fut mal exécuté. Ces Seigneurs entrèrent à Cracovié avec Bohêmc"
les Bohémiens. Dès qu'ils furent arrivez , l'Evêque qui étoit alors
abfent , enjoignit au Chapitre & au Clergé de la ville ôc du diocè-
fe de faire celler le Service divin. Et afin que la chofe fiit plus fo-
lemnelle., il ordonna à fon Officiai de faire une alîemblée des
Chanoines de la cathédrale, des Prélats, desDo&eurs de l'Uni-
verfité, & de tous les Religieux pour ligner l'interdit. L'aflemblée-
promit de l'exécuter au péril de leur vie. En vain les Seigneurs qui
accompagnoient les Bohémiens, préfenterent-ils les lettres des-
Archevêques ôc des Evêques qui avoient empêché l'interdit dans
le lieu où étoit le Roi : l'Evêque n'en voulut jamais démordre ôc
l'interdit fut gardé févérement dans tout le diocèfe. Le Roi &
les Evêques qui avoient défendu l'interdit, en furent extrême-
ment irritez , & on ne menaçoit pas de moins ce Prélat , que de
la dépofition.
XLVI. Cette affaire eut de longues ôcfacheufes fuites. L'E- Suite de cette-
vêque de Cracovié s'étant trouvé à Vijlicz^dzr\s la haute Polo- affaire»
gne où étoit le Roi , ce dernier refufa de lui donner la main 6c Je
traita comme un furieux ôc un rebelle , qui méritoit d'être dépofé
pour avoir defobéi aux ordres du Roi , de fon Métropolitain 6c
des autres Evêques qui n'avoient point confenti à l'interdit. L'E-
vêque répliqua en ces termes avec beaucoup de fermeté : » Je ne
«crois pas avoir commis un aflez grand crime pour être cenfuré du
» Roi,& pour qu'il ne me falîe pas l'honneur de me donner la main»
» Bien loin que l'interdit en préfence des hérétiques doive m'atti-
»rer fon indignation , il devroitau contraire m'attirer ùl faveur
C c c ii'i.
}9o HÏST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
" puifqu'étant le feul jaloux de fon falut 6c de Ton honneur , je dé-
» tourne de deflus lui l'infamie de palier pour fauteur des héréti-
» ques dans l'efprit des Chevaliers de Prufle & des autres Princes ,
»>6c que j'empêche qu'il ne foit accufé comme tel devant le Pape
»Ôc devant le Concile. Je ne me repens point de ce que j'ai fait 3 ôc
» fi les hérétiques étoient encore dans mon diocèie, j'en uièrois
» de même. Je ne redouce ni votre préfence , ni celle de qui que ce
» foit , quand il s'agit des intérêts de la foi. Vous vous repentirez
>♦ plutôt de ce que vous avez fait , que je ne me repentirai de cette
» action. Et vous-même qui me haïilez à préfent , &L qui me repre-
» nez fï rudement , vous m'en remercierez quand votre colère fera
»pafTée, parce que vous comprendrez que bien loin de commet-
tre un crime, j'ai fait une belle aclion en relevant votre gloire
» qui elr. ternie par tout. C'eft en vain que vous voulez m'intimider
»par la menace de ma dépolition , je ne la crains pas plus que l'é-
»xil 6c la mort, quand il s'agit de la foi Catholique. D'aiileurs,
» cette dépofîtion ne s'accommode pas avec les conjonctures pré-
sentes. Nous avons un fouverain Pontife qui fait récompenfer
» ceux qai combattent pour la foi 6c la vérité.Je me trouverai heu-
/ » reux 3 (1 pour une fi bonne caufe je fuis condamné , battu , ôc me-
» me mis à mort. J'ai Dieu pour appui , 6c j'ai pour garants de ma
» conduite des hommes doctes & prudens, des maîtres dans le
«Droit divin Ôc humain, l'Univerfité de Cracovie. Et Ci ma dé-
» marche déplaît au Métropolitain ôc aux autres Evêques , je ne
» dois pas être condamné pour n'être pas de leur avis , parce qu'en
0) Dlug. ubi n j :e e m'éloizne point de la foi Catholique. Peut-être felont-
iupr. p 607. ' * «5 '*. Ce I /- »
6o%. » ils cru permis ce que je tiens pour profane & pour honteux (a).
Aflemblée XLVII. Quoique le Roi parût ébranlé de ce difcours, il ne
dcsDodcurs laiiîa pas de faire appeller les Docteurs de i'Univerfité pour leur
auib'etAN faire les mêmes réprimandes. L'Univerfité répondit à peu près
^àhêmcne, comme le Prélat j 6c fur ce que le Roi répliqua qu'il avoit aufh des
Docteurs à fa Cour, qui avoient approuvé fa conduite à l'égard
des Bohémiens dans les conjonctures préfentes , l'Univerfité pro-
pofa une conférence avec ces Dodeurs. Au jour & au temps mar-
quez , l'Evêque de Cracovie & l'Univerfité d'une part , de l'autre
Jean Scbafranico éveque de WUdiflau , ôc Jean évêque de Chelm ,
qui tous deux avoient été pour la continuation du Service divin ,
6c un Do&eur en droit qui étoit vice-chancelier du Royaume.s'af-
femblérent pour en délibérer enfemble. Après bien des débats f
Pailemblée conclut enfin pour l'Evêque de Cracovie,
ET DU CONCILE DE B A S L E. Liv. JTVZ. 391
XLVIII. Malgré cette déciiîon , il y eut des gens qui perfua- Fermeté de
dérentau Roi de faire mourir l'Evêque de Cracovie. Les bour- ^Evêquede
r 1 .• i\ 11 '"* 1 1 • r 1 Cr. ico vie.
reaux etoient déjà tout prêts pour 1 exécution la nuit s lorfque le
Palatin de Cracovie (b) en avertit le Prélat. Celui-ci lui répondit (n)yeande
en ces termes : » Je vous fuis fort obligé de l'avis charitable que T*r»#w.
» vous me donnez d'éviter la mort j mais je ne veux point fuir 3 ni
* rien changer dans ma conduite. Je me tiendrai tranquile dans
n ma chambre > 6c dans le lit où j'ai accoutumé découcher , fans
» avoir perfonne qui me garde. J'entrerai dans l'Eglife à minuit
» pour célébrer les louanges de Dieu, avec un prêtre & un homme
» de chambre, & je ne détournerai point ma tête de la main du
» bourreau. Je fouhaite feulement que cette victime foit agréable
» à Dieu ». Cependant l'exécution ne fe fit point , quoique Sbinko
ne prît aucune précaution pour éviter la mort. Il rit plus j car un
certain prêtre Bohémien ayant prêché la doctrine de JViclefen
préfence du Roi > l'Evêque défendit au prêtre de prêcher davan-
tage , & au Roi d'avoir aucune communion avec lui.
XLIX. On met encore à la fin de cette année une irruption des tesBohé-
Taborites en Moravie ôc en Autriche. Ils s'en retournoient char. jTouffezTa
gez de butin & de bagages, lorsqu'ils furent atteints par les Autri- Autriche.
chiens qui avoient à leur tête un vaillant Capitaine nommé Guil-
laume de Puchomir. Ils furent d'abord repouflez avec perte de
quelques fauconneaux. Mais le Général Krapr étant furvenu
avec des troupes fraîches de Moravie , le combat recommença.
Il fut allez long-temps douteux , les Autrichiens fe battant à tou-
te outrance pour défendre leur patrie & pour vanger leur défaite,
lesTaborites pour fauver leur vie &. leur butin. Enfin la victoire
fe déclara pour les Moraves & les Autrichiens , &; les Taborites
furent obligez de fe retrancher dans leurs chariots jufques à la
nuit. Us en profitèrent pour décamper en grand lïlence, & emme-
nèrent leur butin fur la frontière de la Bohème. Ils y furent pour-
fiiivis pendant tout le lendemain par les Autrichiens & les Mora-
ves, qui leur enlevèrent plufieurs de leurs chariots, & s'en retour-
nèrent triomphans chez eux.
L. Le Concile de Basle donnoit une telle attention à toute Affaires £
l'Europe , que les Annales ne parlent prefque d'autre chofe. Eu- ;r,anScres«
r jx 1, , ,/.r it ^ -v »" L Empereur
gène IV. des 1 année précédente avoit diiious ce Concile maigre arrive en iu-
les oppofitions des Rois de France 6c d'Angleterre 3 de toute l'Ai- lie*
lemagne, & du Concile même, comme on le verra en temps &
lieu. Ce Pape cependant ne manquoit pas d'occupation en fralie»
39 1 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES *
143 2, Sigifmond Roi des. Romain s y arriva cette année, attiré, à ce qu'on
dit, par le Duc de Milan, fous prétexte de prendre la couronne
de fer dans cette ville félon la coutume , 6c de-là s'aller faire cou-
ronner à Rome. Il fut en effet couronné Roi d'Italie à Milan au
mois d'Octobre ou de Novembre de 143 1 . par l'Arche vêquei?^r-
thelemi Capra.
Dîgreflîon LI. A cette occafion je rapporterai le fentiment de Pogge le
fur les Cou- Florentin fur le couronnement des Empereurs. » Autrefois, dit-il,
» on donnoit une couronne de laurier aux Oeneraux qui avoienc
» remporté des victoires , &t fait des conquêtes en faveur de la Ré-
» publique. Cette ancienne coutume des Romains fe conferva mê-
» me après que Rome eut perdu fa liberté fous \çs tyrans , qu'ils
«appelloient Ce fars ou Empereurs. C'elt pour cela qu'ils fegiori-
"fîoient fouvent d'avoir été déclarez Empereurs trois & quatre
«fois ou plus, 6c qu'ils le faifoient mettre fur la monnoye qu'ils
» faifoient frapper. Ils portoient ces couronnes triomphales pen*
» dant les jours folemnels , & les jeux publics. Ce far lui-même é~
v tant Dictateur , obtint du Sénat le droit de porter tous les jours
f») Sueton. in » la couronne de laurier (a). Charlemagne fut le premier déclaré
x£*J"luC*m » Empereur d'Occident par les Romains , à caufe de ks grands
» fervices envers l'Eglife Romaine & envers les Papes, 6c couronné
» par le Pape Léon {III) Et de-là eft venue la nouvelle coutume
» que les Empereurs foient couronnez par les Papes. Onne fçaic
» pas bien de quelle couronne fe fervirent Cbarlemagne 6c fes lue-
«ceiîeurs. Les deux que nous avons vu couronner nous-mêmes,
» feavoir Sigifmond &. Frideric {III.) l'un par Eugène (IF".) l'autre
»» par Nicolas (V.) portoient fur la tête une couronne d'or enri-
» chie de perles & de pierreries. C'étoit un demi cercle recourbé
» en forme de croix. Ils la reçurent dans la bafilique de St. Pierre ,
>■> 6c la portèrent en grande pompe èc en habits facerdotaux dans
» l'Eglife de St. Jean de Latran , 6c en revinrent de même. Il a paf-
v fé en coutume s ou plutôt en abus, que ceux qui s'appelloient au-
paravant Rois des Romains , étoient appeliez Empereurs après ce
» couronnement, comme fi la dignité de Roi étoit moindre que
»> celle d'Empereur : ce qu'on peut appeller un renverfement ex-
»j trême 5c barbare (1). Carie nom de Roi eft très-ancien, 6c fut
» m ême en exécration aux Romains depuis la tyrannie de Tarquin,
» pendant tout le tems qu'ils demeurèrent libres. A l'égard du ti-
^tre d'Empereur, il étoit honorable à la vérité , mais commun à
il) Qu>*Jummi ai barbara perverfitas dv.cn du ejl.
» plufïeurs
ET DU CONCILE DE BASLE. liv.JTVl. 395
» plusieurs dans une ville libre j & après qu'ils avoient triomphé , 14.x i,
«ilsneportoient plus ce titre ^ on les appelloic feulement Triom-
^>phateurs (viritriumpbales). L'Orateur Ciceron , pour ne pas par-
aï 1er d'une infinité d'autres , fut déclaré Empereur par l'armée -t
» mais la guerre civile empêcha qu'il ne triomphât. J'ai voulu é-
» crire ceci, afin qu'on voye combien ce faux couronnement qui
«n'elt. précédé d'aucun glorieux exploit, eft différent du verita-
»ble, qui n'étoit accorde qu'aux belles adions militaires. Ce fut
"Grégoire V. (i)3 qui inventa le premier ladiftin&ion entre Roi
»» des Romains & Empereur, en ordonnant que les Princes ne fe-
» roient que Ce fars ou Rois des Romains , jufqu'à ce qu'étant con-
» fîrmez par le Pontife Romain , ils prendroient le nom à'Auguf-
» tes. Cette coutume dure jufqu'à ce jour par la lâcheté des Ita-
liens (1).
LU. Le couronnement de Sigifmond à Rome ne putpass'exe- Obflacies au,
cuter fi-tôt qu'il l'avoit projette. Le Pape à la vérité n'eût pas J^™"*
youlu fe brouiller avec lui j mais il ne fe fioir pourtant point en l'Empereur.
lui à caufe des fortes oppofitions qu'il avoit faites à la diflolution
du Concile de Bafle. Craignant donc que quand il feroit couron-
né Empereur à Rome, il ne s'y oppofât encore avec plus d'auto-
rité, il fut long tems fans vouloir le recevoir dans cette Capitale.
Il fît bien plus , car il détacha contre lui les Vénitiens &. les Floren-
tins, qui redoutoient fon entrée en Italie à caufe de fes liaifons a-
vec le Duc de Milan. En effet ces deux Puiflances confédérées
l'allerent attaquer avec une armée de 10000. hommes auprès de
Milan, pour l'empêcher d'y entrer. Mais le Duc joint aux trou-
pes Impériales la bâtit dos & ventre. Dix mille hommes demeu-
rèrent fur la place j les autres furent faits prifonniers , ou mis en
fuite. Non feulement on attaqua l'Empereur à force ouverte, mais
on accufe les Vénitiens de l'avoir voulu faire empoifonner, comme
ils l'avoient voulu faire autrefois (a). Mais comme cette méfintel- (*)struv,
ligence entre le Pape & Sigifmond apportoit de grands obftacles Çiire£*
aux affaires générales, & en particulier à la paix d'Italie; le Pape jyf.tfi.
jugea lui-même à propos de négocier un accommodement, & don^
na cette commiffion à trois Cardinaux , fçavoir Jordan des Vrfins%
( 1 ) Sanâionem retnlit , bflttd abnuente Othone de Imper atare eligenda itnno Çbrifli M. ocfecundt,
qttnm ufque nd tempîra noftra fervxtam videm'is ; videlicet jtlts Ger munis licere Frincipem eligere t
qui Cœfar $ Romanorurn Rex appellaretur , tî/m demain Imperatov & Auguftus baberetttr , Ji eut»
Romanus Pentifex cenfirmajjct . P latin, in Greg. pi$i-
(z) Q»œ confuetudo Italtrum ignavik adham dtemptrjeverat. PoggP Hift. Florent. Libr. VIL
p. 297. îpp.
Tem. I. Ddd
394 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
143 1. cardinal évêque de Sabine, Guillaume cardinal prêtre de S. j4naf-
tafe , 6c Lucidus cardinal diacre de Ste. Marie in Cofmedin. Il s ob-
tinrent en effet du Pape qu'il confentiroit au couronnement de $/-
pfmondi Rome , & le Pape en écrivit lui-même à ce Prince d'une
manière fort obligeante. Le couronnement ne fe fera que l'année
fuivante.
Troubles LUI. Cependant les troubles continuoient toujours dans le
rïuîic.0UtC royaume de Napies , tant par la diviiîon des Grands , que par les
menaces que faifoit le Roi d'Arragon d'équiper une grofle flotte
pour recouvrer ce Royaume, 6cenchafler Jeanne II. à qui le Pa-
pe écrivit de fe bien deffendre. Je crois avoir parlé ailleurs de l'af-
iëfïînat commis par les ordres de cette Reine dans la perfonne de
Jean Caracciolo fénéchal du Royaume , pour avoir excefîîvemenc
abufé de l'autorité qu'elle lui avoit laiffé prendre. Cette exécution
releva l'efperance de Louis III. duc d'Anjou , fils adoptif de Jean-
ne , de pouvoir rentrer dans Napies. Mais cette efperancefe trou-
f -\ ) CibtUn va fruftrée par les confeils d'une parente de la Reine (a) qui avoic
ch'J£ de beaucoup d'afcendant fur fon efprit , 6c qui l'avoit portée à fe dé-
Steêffi, faire de Caracciolo.
Le refte de l'Italie étoit en feu par les intrigues & les fourberies
du Duc de Milan , qui ne faifoit des traitez que pour endormir
ceux qu'il vouloit facrifîer à fon ambition , comme il amufa Sigif-
mond lui- même. Les Siennois joints avec les Lucquois étoient en
guerre avec les Florentins. Les premiers avoient imploré le fe-
cours de Sigifmond contre les derniers. Le Pape, qui ne fe fioic
qu'à demi aux Florentins, ne s'y oppofapas ; mais ce fut à condi-
tion que le Roi des Romains ne meneroit à Sienne que (es propres
troupes, & non des troupes étrangères , & en particulier de celles
du Duc de Milan. Les Siennois n'ayant pas voulu accepter cette
condition 3 le Pape leur en fit des reproches accompagnez de me-
fb) 'Rnjn. a», naces (b). Sigifmond qui étoit encore à Lucques étant entré dans
143*. num, laTofcane avec (es troupes Hongroifes, Bohémiennes 6c Alle-
mandes , y fit plus de peur que de mal. Le Pogge raconte que ces
(c) Mideiet troupes ayant appris que le Général des Florentins (c) campait en
/.ttetidnU. pjeme campagne, refolurent de l'aller attaquer. Il y en eut en-
tre autres un des plus jeunes 6c des plus forts qui voulant faire
proiïefïe , alla à toute bride à la tente du Général. Dbs qu'il l'eue
connu à fa cotte d'armes , telle que la portoient alors les Géné-
raux (paludamentum) 3 il lui détacha un grand coup de fa mafluc
de fer fur la tête. Le G énérai muni d'un bon cafque fentit à peine
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XVI. 395
le coup 3 &pafla Ton épée au travers du corps de ce barbare cham- ....
pion. Auiîî-rôc tes foldats Florentins ayant pris les armes , fe jet-
terent à corps perdu fur ces troupes qu'ils traitoient de barbares,
& les taillèrent en pièces, ou les mirent en fuite (a). Apres cette (ajp^.Hift.
levée de bouclier, Sigifmond alla à Sienne, où il pafla environ fix Flor- Lib-
mois 3 &de là à Rome pour fe faire couronner, comme on vient Wll'p' Z?S'
de le voir. Les Florentins & tes Siennois las de la guerre vouloient
bien admettre Eugène IV. pour arbitre de la paix 5 mais les Sien-
nois ayant demandé qu'on y joignît Sigifmond, les Vénitiens &
tes Florentins s'y oppoferent , parce que ce Prince s'étoit afl'ocié
contre eux avec le Duc de Milan , comme il paroît par une lettre
du Pape à la ville de Sienne. Cependant les troupes confédérées
de Sienne faifoient des courfes dans la province du Patrimoine de
St. Pierre , & François Piccinino Général des troupes Milanoifes
ravageoit la Marche d'Ancone. Comme il avoit pafTé par Sien-
ne, le Pape en fit des plaintes fort aigres & fort menaçantes aux
Siennois.
LI V*. Le Roi d'Arragon n'abandonnoit pas le projet de la con- Efpagne.
quête du royaume de Napless encouragé à cette expédition par ExPedit»"on
Antoine des Urfins prince de Tarente 9 il aborda en Sicile avec une Maures. "
grofTe flotte à laquelle fe joignirent 70. vaifleaux de Meflïne. Ces
flottes combinées, en attendant qu'on prît des mefures certaines
pour la conquête du royaume de Naples, allèrent attaquer rifle
de Gerbes fur la côte d'Afrique appartenante au Roi de Tunis. La
place de ce nom fut emportée, et tes Maures mis en fuite 3 mais
l'Ifle ne fut point prife. La trêve étant expirée avec le royaume de
Grenade , le Roi de Caflille envoya Ferdinand de Tolède attaquer
les Maures. Ce Général leur enleva quelques places , & n'entre-
prit rien davantage cette année. Eugène IV. avoit commis AL
fhonfe cardinal Espagnol , du titre de St. Eufiache , pour affilier le
Roi de Caftilledans cette expédition. Mais ce Cardinal , au lieu
d'exécuter fa commiflîon , en accepta une autre du Concile de
Bafle, auquel il étoit attaché.
LV. Cette commifïîon étoit d'aller à Avignon pour appaifer Troubles
les troubles qui s'y etoient excitez contre Eugène, dont on n'avoit d'Avisnolî'
pas voulu recevoir le Légat. Le Pape fe plaignit de la conduite du
Cardinal , comme d'une perfidie , dans une lettre qu'il écrivit au
Roi de Caflille, pour lui faire ôter un évêché qu'il avoit en Efpa-
gne. Il ne perdit pourtant pas fon évêché j mais il fut chaïîé d'Avi-
gnon. Le Pape y envoya pour légat, François Condulmcr cardinal
Dddij
39* HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
îA2 2. de $t. Clément , fon neveu. Il paroîtpar une lettre de ce Pontife,
que cette afïaire eut des fuites fâcheufes. Ce qui ne s' eft jamais vu >
dit-il , parlant des Pères du Concile de Bâle , ilsontofê établir un
légat dans notre ville d'Avignon , contre notre gré , & l'ont fourni Ce k
la tyrannie d'un Cardinal d' intelligence avec eux , au mépris du Légat
à Latere qui y avoit été établi far nous & far le Siège Afoftolique,
De là tant de carnages 3 tant de rapines , d'ajfajjînats , & d'incen-
dies.
France & LVI. Les chofes étoient à peu près fur le même pied qu'aupa-
Angktcrre. ravant en France & en Angleterre. Quoique les Anglois eufïent
du delTous , Henri ne laifîa pas de fe faire proclamer Roi de Fran-
ce. Charles VII. aimoit trop fes plaifirs , pour pouvoir profiter de
fes avantages fur PAnglois. Le Pape fit de vains efforts pour tes
accorder par le miniftere du cardinal de Ste. Croix. L'afTemblée
deCVr^z/neréufllt pas mieux que celle d'Auxerre. L'Angleterre
d'autre côté , troublée par les démêlez du duc de Glocefter & du
cardinal de Beaufort, grand oncle de Henri VII. n'étoit pas en
état de fe relever des pertes qu'elle avoit faites en France. On a
vu dans les années précédentes le mauvais fuccès qu'avoir eu l'ex-
pédition de ce cardinal contre les Hufîites. Depuis ce temps-là le
duc de Glocefter , protecteur du royaume d'Angleterre pendant
la minorité de Henry VI. envoya le même cardinal en France
pour fecourir le duc de i^z/Âr^ qui commençoit à y avoir du def-
fous, fans doute pour éloigner fon ennemi. Ilneparoîtpoint que
Betford eût profité de ce fecours , parce que Charles VII. ne ju-
geoit pas à propos de hazarder un combat contre des ennemis que
la neceffité obligeroit bientôt de quitter le Royaume. Le Cardi-
nal de retour eut toujours à dos le duc de Glocefter, qui prenoit
pour prétexte de le perfecuter 3 qu'il avoit voulu faire la fonction
de légat en Angleterre fans la permiffion du Roi 3 & qu'il s'étoit
oppofé à la loi Pr/emunire. Cependant il obtint cette année des let-
tres d'abolition, &fejuftifia pleinement dans les deux Chambres
du Parlement. Ces broùilleries de la France & de l'Angleterre
n'empêchoient pas qu'on ne prît foin des affaires de TEglife.
Àffembîee L V 1 1. Des qu'Eugène IV. voulut diflbudre le Concile de
de Bourges. Baf]e p0ur je transférer à Bologne , ce Concile écrivit à l'Empe-
reur & aux autres Souverains , pour les prier de foutenir les Pè-
res à Bafle. C'eft pour cela que cette année le Roi de France af-
fembla le Clergé à Bourges. Dans cette afîemblée les Evêques
prièrent le Roi d'écrire forcement au Pape de continuer le Con^
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JTVI. 397
cilc à Bafle. Ilsfupplioient auffî le Roi d'écrire à Sigifmond roi des l4* %^
Romains 3 S" aHX Eues de Savoye & de Milan 3 afin qu'ils tinjjent la
main a ce Concile , gj» qu'ils euffent foin de rendre les chemins libres ,
particulièrement du cote de Rome. Amédée archevêque de Lyon 3 S*
depuis cardinal 3 fut choifidans cette affemblée de Bourses , pour aller
trouver le pape de la part du Roi & du Clergé. Le Roi fut au (fi prié
d'envoyer fes ambaffadeurs au Concile 3 & de permettre aux Prélats
de fon Royaume de s'y rendre', ce qui leur fut accordé , avec la qua-
trième partie des dixmes pour leur dépenfe (a). On trouve que le Con- (a) o«*;«.
feil d'Angleterre nomma l'Archevêque à'Yorck , l'Evêque de t^xxii.
Rochefter , & le Comte de Hunpinton 3 & quelques autres pour al- p. n.
1er au Concile (1).
L VIII. Il fe tint en 1431. 7. Sefîîons au Concile de Bafle. Allemagne.
Dans la I. qui eft, la XI. du Concile tenue le 1 5. de Février 3 on y fionsduCo^-
confirma les décrets de la IV. 6c de la V. Seiîion du Concile de cilc.
Confiance, touchant la fupériorité des Conciles, & Pobligation
où font les Papes d'y obéir. On déclara nul tout ce que le Pape
avoit fait, ou pourroit faire 3 pour donner atteinte au Concile,
& on défendit à qui quecefoitd'en fortir, fous quelque prétex-
te que ce foit. Dans la 1 1 1. tenue le 29.de Mars 3 le Concile en-
voya un des Légats au Pape Eugène , avec des lettres pour l'o-
bliger à révoquer la diflolution du Concile, & à venir lui-même
à Bafle dans l'efpace de 3. mois. On y cita en même temps fes
Cardinaux , pour y comparoîrre dans le même efpace. Dans la
IV. tenue le 20. Juin, 1. on expédia le faufeonduit des Bohé-
miens, i. On réfolut que fî le Siège venoit à vaquer , l'élection fe
feroit à Bafle , & non ailleurs. 3. Que perfonne ne pouvoir fe dif-
penfer de venir au Concile, fous prétexte de quelque ferment
qu'il auroit prêté. 4. On défend au Pape de créer aucun Cardi-
nal pendant la tenue du Concile. 5. On ordonna d'attacher aux
Actes les lettres du Concile, où d'un côté feroit le St. Efprit en
forme de colombe , 6c de l'autre ces mots 3 le Sacré Concile de
Bafle. 6. Le Concile à la prière de la ville d\Avignon y envoya lé-
gat Alphonfe Carille Efpagnol , cardinal- diacre de St. Eufiache.
Dans laV. tenue le 9. d'Août, on nomma des Procureurs dans
les caufes de foi , 6c d'autres juges , pour examiner les affaires qui
dévoient être portées au Concile. Leurcommiflïon ne devoir du-
rer que 3. mois, après quoi on en choififloit d'autres, foit dans
une Sefïïon , foit dans une Congrégation générale. On y défen-
(i)Hifl.de France du P.Dauiel.Tom.lV.v. izi, Rapn, Hift. d'Angl. Tom.IV. p. 77.
Dddiij
59S HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14$ i. dit au^ d'appeller aucun membre du Concile eff^ugement , foie
à la Cour de Rome, foie ailleurs. Dans la VI tenue le 6. de Sep-
tembre j les promoteurs du Concile aceuférent de contumace
Eugène IV. pour n'avoir pas révoqué la diflblution du Concile.
Onaccufade même les Cardinaux de ce Pape. Dans la V 1 1. te-
nue le 6. de Novembre, on renouvella le décret de n'élire pas un
autre Pontife ailleurs qu'à Bafkj & en cas de vacance , on donna
60. jours de terme avant que d'entrer en Conclave , au lieu du ter-,
me de 1 o. jours 3 que Grégoire Jf. avoit donné au Concile de Lyon
pour procéder à l'éledion d'un Pape. La raifbn de cette prolon-
gation étoit l'abfence de plufîeurs Cardinaux. Dans la VIII. te-
nue" le 18. Décembre, on donna encore 60. jours i Eugène poar
révoquer fa prétendue diflolution du Concile, après quoi on re-
folutde procéder contre lui. Onrenouvellales ordres aux Car-
dinaux, de fe trouver au Concile fous peine de privation de leurs
Bénéfices. On déclara conventicule toute aflemblée qui fe tien-
droit ailleurs qu'à Bafle.
La neuvième Seffion du Concile de Bafle fe tint le 11.de Jan-
vier de 143 $. On y réfolut de prendre la défenfe de Sigifmond t
& de tous les autres Princes protecteurs du Concile, contre les
cenfures ôc les excommunications d'Eugène IV. Le 19. de Fé-
vrier fe tint la X. Seffion. On y déclara nulles toutes les provifions
de Bénéfices faites par Eugène IV. en faveur de ceux qui favori-
foient la diiîolution du Concile. La contumace & Eugène IV. y
fut renouvellée, & l'on envoya deux Evêques aux portes de l'E-
giife pour le demander, ou quelqu'un de fa part. Comme il ne
s'y trouva perfonne , on donna commiffion à quelques Prélats
d'inftruire fon procès , & de le rapporter à la Seffion prochaine.
Pendant le temps qui fepaffa entre cette Seffion & la XI. les lé-
gats d'Eugène plaidèrent dans des Congrégations générales. Ils
difoient que ce Pape avoit été en droit de transférer le Concile à
Bologne 3 d'autant plus que tous les Pères ne s'étoient pas trouvez
à Bade au temps préfïx 5 ils promettoient de la parr de leur Maître
d'abroger toutes ces procédures contre les Pères de Bafle, s'ils
vouloientfe trouver au Concile de Bologne j ils propofoient, en
cas que les Bohémiens ne voulurent pas venir en Italie, de faire
au nom du Concile de Bologne une aflemblée à Balle pour les en-
tendre , &pour la réconciliation des Princes 3 enfin ils difoient,
que fi Bologne ne plaifoit pas , on pouvoir choifir un autre endroit
ET DU CONCILE DE BASLE. liv. XVI. i^
en Italie, & riWmeen Allemagne, pourvu que ce ne fût pas à ï4, •♦■
Balle. Toutes ces offres furent rejettées par le Concile.
Cependant l'Empereur , qui étoit alors en Italie pour fon cou-
ronnement , obtint la confirmation pour le Concile de Bafle. Le
Pape y envoya quatre Cardinaux pour y prefider. Mais comm|e
la commiflion de ces Légats fembloit fe borner à l'affaire des Bo-
hémiens, & à la réconciliation des Princes, fans parler de refor-
mations ils furent fort mal reçus à Balle, oùl'onprétendoitque
non feulement les Légats du Pape, mais le Pape lui-même, dé-
voient être fournis au Concile , & qu'il avoit droit de les punir de
leurs contraventions. Ainfi le Concile tint fa Seffion X I. le 27.
d'Avril, où l'on confirma les décrets du Concile de Confiance,
touchant la célébration des Conciles généraux. On y décerna
que le Pape étoit auffi obligé de venir au Concile , ou en perfon-
ne, ou par fes Légats, que tous les autres membres h & que s'il
nelefailoitpasdansl'efpacede4. mois, il feroit dépofé du Pon-
tificat 5 que le Concile ne pouvoit être diflous par le Pape, fans le
confentement des deux tiers du Concile , & que déformais les Pa-
pes feroienr obligez de jurer cette ordonnance. Enfin on cafîa
toutes les inhibitions faites ou à faire par le Pape aux Officiers
de la Cour de Rome de venir au Concile.
La X 1 1. Seffion fe tint le m . de Juillet. En faveur de Sigifmond
on donna encore 60. jours de terme à Eugène IV. avant que de
procéder à fa dépofition. On y fit auffi des reglemens fur les élec-
tions & confirmations des Evêques & des Prélats, fans réferva-
tionsj on abolie lesAnnates, & on prit des mefures pour l'entre-
tien des Cardinaux. Le Pape déclara nulles toutes ces réfolu-
tions. Cependant à la follicitation de Sigifmond , & par le confeii
de trois de fes Cardinaux , il confirma quelques jours après le Con-
cile de Bafle , depuis fon commencement jufqu'alors , ajoutant la
réformation des mœursàTextindion des héréfies & à la pacifi-
cation des Princes. Il promit d'y envoyer des Légats , à condition
que Ton cafleroit tout ce qui avoit été décerné contre lui, com-
me de fon côté ilofîroit de cafler toutes fes procédures contre le
Concile. C'eft de quoi il donna une Conftitution. Mais comme
ceux de Bafle trouvoient de l'ambiguité dans cette pièce , ils ré-
folurent de continuer leurs procédures contre Eugène , &; tinrent
leur treizième Seffion le 1 1. de Septembre. Il y avoit 7. Cardi-
naux dans cette Séance. On étoit prêt à faire le procès à Eugène y
lorfque Guillaume duc de Bavière, protecteur du Concile, avec
4oo HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
une grande partie des citoyens de Balle, demanda au nom de
l'Empereur , & en fon, propre nom , encore un délai de 3 o. jours ,
I452» promettant de n'en pas demander davantage, Ce délai fut ac-
cordé. Ce terme expiré on tint une Congrégation le 1 1 . d'O&o-
bre pour prendre des mefures contre Eugène. Mais elle fut inter-
rompue par l'arrivée de l'Empereur, qui fut reçu avec de grandes
démonftrations de joye.
Il aflîfta à la XIV. Seflîon tenue le 7. de Novembre , & obtint en
faveur d'if ugene encore un délai de 90 jours. En attendant le retour
des Légats qu'on avoit envoyez au Pape à cette fin , on tint la Sef-
fion XV. le 2 G. de Novembre. On y fit plufleurs réglemens tou-
chant la tenue des Conciles provinciaux &c diocéfains , &. pour la
reforme des mœurs des Eccléfiaftiques. Les Légats du Concile
étant arrivez à Rome } trouvèrent le Pape tout difpofé à adhérer
au Concile.
Ambaflade L I X- On marque à cette année une ambaflade de Jean , au-
c" RrcaduRoi f remenc Jœnus , roi de Jérufalem , de Cypre & d'Arménie 3 au Roi
de Pologne, de Pologne. Le chef de l'ambaiïade étoit Baudouin de Norris ,
maréchal du royaume de Cypre. Il avoit avec lui 200. cavaliers.
Le fujet de l'ambaflade étoit de demander au Roi un fecours d'ar-
gent contre le,S0#^#ouSultandeBabylone,quien 1416. ayant
fait irruption dans le royaume de Chypre , avoit emmené prifon-
nier le Roi êc fon fils , &demandoit 50000. florins pour la ran-
çon de ces Princes. Il demandoit donc à emprunter 200000. du-
cats pour lever des troupes , & ofFroit d'engager fon Royaume
pour cette fomme. Le Roi ayant aiTemblé fon confeil répondit a
Baudouin à. peu près en ces termes: Qu'il prenoit beaucoup départ
à l'infortune du Roi & du Royaume de Cypre , d'autant plus que ce
défaftre rejailliffoit contre la Chrétienté , & qu 'il ri 'épargner oit ni fon
argent , ni fon monde pour réparer cette perte fi l'état de fes affaires
h permettoit \ mais qu ayant fans cefje à dos les T art ares 3 il étoit obli-
gé de fe tenir toujours en armes pour défendre fon propre Royaume,
Ainfi l'ambaflade fut renvoyée avec des préfens magnifiques,
fu f ^iog1 comme elle en avoit fait de fon côté. Elle s'en retourna par Venife^
£10. n'ayant pas youlu repafler par la Valachie (a).
switrigti L X. Dans ce même temps le Roi de Pologne envoya un Pa-
chaffé de,Li- latjn a Switrigal fon frère en Lithuanie , pour tâcher de ramener
ce Duc rebelle, avec desinftru&ions fecrettes de s'adreiîer aux
[h] £utre- Grands de Lithuanie , & en particulier à Sigifmond Starodubsky
Tbovlu "(D)j ^ere du feu Grand Duc de Lithuanie Alexandre W 7ithold ,
pour
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XVI. 401
pour les porrer à chaiïer Switrigal de la Lithuanie, & à mettre rj, t
Starodubsky en fa place. Outre la rébellion , & le cruel gouver-
nement de Switrigal 3 on l'accufoit de favorifer la Religion Gré-
que, au préjudice delà Catholique, à la follicitation de fa fem-
me qui étoit de cette fe&e. L'Ambafladeur Polonois n'eut pas de
peine à perfuader les Grands de Lithuanie déjà tout difpofez à fe
défaire de leur Prince. La confpiration ïovvaécyStarodubsky alla de .
nuit furprendre Switrigal & Oszjnani , où il étoit alors avec fa fem-
me & toute fa cour. Il échappa pourtant des mains de fon enne-
mi , parce qu'il avoit eu avis de la confpiration. Ne fe fiant point
aux Lithuaniens , il fe fauva en Rufîie où il efpéroit de la faveur ,
tant par Çqs libéralitez envers les Rufles } qu'à caufe de la Religion
Gréque dont il faifoit profeffion. Cependant le duc Sigifmond
s'empara des places fortes de la Lithuanie, ôc dugouvernement de
cette Province 3 dans lequel il fut confirmé depuis par le Roi
de Pologne fous certaines conditions. Cette révolution mie Pal-
larme chez les Chevaliers de Prude , qui avoient favorifé Switri-
gal. Leur Grand Maître Paulde Ruzdorff envoya une ambafîade
à Starodubsky pour fe reconcilier avec lui. Mais les ambaffadeurs
n'ayant pas été écoutez favorablement , les Chevaliers aban-
donnèrent Switrigal (a). Ce dernier ayant voulu repailer en Li- [ABiug. uw
thuanie avec une armée de RuiTes & de Tartares , fut entièrement fuPr p- 6*-i-
défait par le Grand Duc Sigifmond. . IJ*
1
Tom.I. Eee
HISTOIRE
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE.
14-33- l IL
h itréc des
Boiié miens à IÈL,
LIVRE XVII.
Ous avons lailîé à Bafle les députez de Bohême au
nombre de 300. Leur arrivée parut un phénomène
fi nouveau , que tout le peuple fe répandit dans la ville ,
3 é" hors de la ville pour les voir entrer. Il fe trouvoitrnè-
me parmi la (ouïe plufieurs 'membres du Concile attirez^ par Imf^pu-
tation d'une nation fi belliqueufe . Hommes , femmes 3 en/ans , gens de
tout âge & de toute condition , étoient ou dans les places publiques , ou
aux portes & aux fenêtres 3 ou même fur les toits pour les attendre.
Les uns montraient l'un au doigt , les autres un autre. On è toit fur pris
ET DU CONCILE DE/BASLE. Li&XPIl. 405
de voir des habits étrangers & jufqu alors inconnus , des vifages terri- ,1433,
blés , des yeux -pleins de fureur , <?» un mot on trouvoit que la renommée
n avoit point exagéré leur caraïiere ( 1 ). Sur tout on avoit les yeux at-
tachezjiir Procopc. Ceft celui - là , difoit-on , qui tant de foima mis
en 'fuite les armées des fidèles , quia tantrenverfè de villes, qui a ma f-
facré tant de milliers d'hommes , aufji redoutable à [es propres vens qu'à J f 1 &*™
fes ennemis , Capitaine invincible , hardi , intrépide & infatigable (a). pr. cap.
Ce font les paroles à'JEneas Sylvius qui étoit au fpe&acle. XLIX-
II. Quelques jours après ils eurent leur première audience au Audience
Concile. Le cardinal Julien , préfident de l'aflèmblée , leur re- J"j|â2£
prefenta à peu-près en cqs termes :» Que l'Eglife époufe de J. C. aiaCondle.
»eft la mère de tous les fidèles j qu'elle a le pouvoir de lier & de
«délier , & qu'elle ne peut errer dans les choies nécefîaires à fa-
llut j que quiconque la méprife doit être regardé comme un
» étranger , un profane, un payen & unpublicain ; Que l'Eglife
»n'eft jamais mieux reprefentée que dans un Concile général;
» que les décrets des Conciles doivent être regardez comme la foi
» de l'Eglife, de qu'ils doivent être crûs comme les Evangiles , qui
» tirent d'eux leur autorité j Que puifque les Bohémiens fe difenc
«enfans de l'Eglife, ils doivent écouter la voix de leur mère, la-
quelle ne peur oublier fes enfans; Qu'il y avoit déjà long-temps
» qu'ils vivoient féparez de leur mère , quoique plulieurs deiireux
» de leur falut fulîent rentrez dans fon fein j Que pendant le dé-
juge tout ce qui n'entra pas dans l'arche périt -, Qu'il faut man-
ager l'Agneau pafe liai dans la même maifon j Que hors de l'Eglife
«il n'y a point de falut ; que c'efb le jardin fermé, & la fontaine
» cachetée, & que quiconque en boira n'aura jamais foif ; Que les
« Bohémiens avoient fait prudemment d'en venir chercher la
»fource au Concile 3 &de vouloir enfin écouter leur mère 3 Qu'il
"falloit mettre fous les pieds toutes les inimitiez, jetter ks armes
» à terre, & retrancher toute occafion de guerre -, Que les Pères
» étoienc prêts à écouter avec douceur, tout ce que les Bohê-
» miens auroientà dire pour leur défenfe, pourvu qu'ils fe mon-
» traflent prêts de leur côté à fuivre les falutaires confeils du fa-
» cré Concile,auxquels non feulement les Bohêmiens,mais tous les
* chrétiens doivent acquiefcer(b). Ce difeours eut PapplaudifTe- (b),F«.™
» ment de tous les Pères. Mais on prétend qu'il déplut à la plupart jj^ "bi/u-
*> des Bohémiens. ^Eneas Sylvius témoigne que la réponfe des
fi) C'était un proverbe aflez commun en Allemagne, que dans un feul foldat Bohémien
il y avoit 100. Démons. Balb. ubi fupr. p. 480.
Eee ij
4o4 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
u-, Bohémiens fut courte , parce qu'ils n'avoient pas autant d'élo-
quence que Julien. Elle fe réduifoit à ces chefs -y .» Qu'ils n'avoienc
* méprifé ni les Conciles , ni l'Eglife j Qu'on les avoit condamnez.
» à Confiance fans les avoir entendus -y Qu'ils ne retranchoient
» rien de la Religion chrétienne 5 Que l'autorité des Pères de l'E-
» glife ne fouffroic point d'atteinte parmi eux j Que tout ce qu'ils
» avancoientétoit fondé fur les Saintes Lettres &: fur l'Evangile j
* Qu'ils étoient venus.pour faire connoître leur innocence à toute
» l'Eglife , ôc qu'enfin ils demandoient une audience publique 3 où.
* les laïques affiftailént.
Difcoursdc 1 1 1. Cependant Cochlée prétend avoir trouvé dans un ancien
Conak" aU rn2Lnu^crK uneréponfedeic^Xfj/^plus ample, mais plus géné-
rale, au difcours du Cardinal. J'en donnerai le précis. Après le
préambule , qui ne contient rien que de vague , quoiqu'il foie tou-
chant & dévot, voici comme il parle -.Nous avons été fort confiiez^
par la convocation du Concile de Bajk. Car nous n ignorons pas que les
Conciles , pourvu cependant qu'ils foient duement & légitimement (1)
célébrez^ par le St. Efprit , peuvent couper la racine de plujïeurs maux ,
comme cela parut dans le premier Concile des Apbtres. Ce na pas
été non plus une petite confolation pour nous de nous voir appeliez^
par le Concile même avec une affeHion & une tendre ffe fi paternelle ,
comme cela paroit par plujïeurs lettres où on nous exhorte a nous y
rendre. Le Dieu de mifericorde & de confolation nous en a donné une
nouvelle , en permettant que nous ayons été accompagnez^ dans cette
ville avec toute forte d'honneur & de fureté par plufieurs perfonnes tant
ecclefialîiques que féculieres. Il a encore plus fait en noire faveur. On
efi venu au devant de nous hors de la ville pour nous recevoir honora-
blement j & bien quil ny ait encore rien d'exécuté 3 nous voyons avec
joie toutes chofes difpofécs à une heureufe fin. Puis s'adrefTant direc-
tement au Cardinal : » Autant que nous en pouvons juger , dit-il ,
«votre Paternité a été l'unique, ou au moins le principal infini-
» ment de ces confolations divines , de c'eft de quoi nous vous ren-
dons de très-humbles actions de grâces en notre nom & au nom
» des Bohémiens abfents , tant éccléfiaftiques que féculiers -y fai-
»fant mille vœux pour votre confervation , à l'avancement de
»> l'Eglife , &. prêts à nous foumettre en toutes chofes à votre Pater-
nité , autant que nous le pourrons félon Dieu. Au refte, nous
» efpérons qu'elle n'en demeurera pas là , & qu'elle amènera à une
»> heureufe fin tout ce qui pourra contribuer à l'établiilement de
(1) Débite, rite, lj légitime .
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XVII. 405
» la vérité 6c de la loi de Jefus - Chrifr, , à la juftice 6c à une fainre 143 3 ;
« union -, aiîn qu'ainfi confolez nous nous en retournions chez nous
«pour confoler les autres , qui depuis tant d'années font dans l'an-
» goiilè & dans l'opprciîîon , au milieu des guerres inteftines ; 6c
» que nous remportions une moiffon de joie, d'union _, de paix 6c
» de tranquillité fa) ». Si Rocky^ane prononça ce Difcours, comme fa) CM/.
l'affirme Cochlée 3 il me femble qu'il y a de la partialité dans ^.jj1 v^
Hift. Hufl'it.
Y-
JErteas Sylvius , quand il dit que \qs Bohémiens n'étoient pas 11 243. z^.
cloquens qu# Julien. Le difcours de ce dernier n'eft qu'un lieu
commun vague fur l'autorité de PEglife, un de ces fophifmes où
l'on fuppofe ce qui effc en quefton : au lieu que Rockyzsine va au fait
avec autant de dextérité que de refpecfc ., 6c foutient fort bien la
réputation d'éloquence où il étoit. L'Hiftorien doit tenir la ba-
lance égale.
IV. Quoi qu'il en foit , ils eurent audience le 16. de Janvier 3 6c Les Bohô-
propoférent les 4. articles dont on a fou vent fait mention , parce miens nc
* ,1 1 > • 1 v t t ' propofent
quils etoient convenus entre eux de s en tenir la. Le Légat en qucieursiv.
parut furpris , ne doutant point qu'ils ne s'éloignalTent de la doc- *rticIes au
trine commune en beaucoup d'autres articles. Mais ils répondi-
rent quec'étoit tout ce qu'ils avoient à propoferau Concile de la
part de tout le Royaume. Cependant le Légat leur reprocha
qu'entre autres choies ils ïoutenoient que les Ordres des Mendiants
étoit une invention du diable. Procope nele défavoua point. Celaefi
vrai , dit-il ; car fi les Patriarches , fi Moïfe , fi les Prophètes , fi
J. C. ni les Apbtres fous l'Evangile n ont point institué les Mendiants ,
qui ne voit que ceft une invention du diable > & une œuvre de ténèbres !
Cette répartie fut fuivie d'un grand éclat de rire : mais le Légat ,^\ j£„.as
qui vouloir ménager les Bohémiens répondit avec douceur,qu'ou- syiv. Hiit.
tre ce qu'avoient enfeigné les Patriarches, les Prophètes, J. C. f^J™'^!
6c fes Apôtres ,, il y avoir encore les décrets de PEglife qu'il fal- Wreber. Rcr.
loit recevoir comme divins , parce qu'elle effc dirigée par le St. B3h^m; An~
Efprit , quoique d'ailleurs on puifle établir l'ordre des Mendiants pït.T,Ppl
par l'Evangile (b). »58- & fecî-
V. Après cette efpéce de conférence les Bohémiens choifirenr LcsDofteur»
quatre de leurs Docteurs pour défendre leurs quatre articles. Roc- *tf*££™
kizane fut choifi pour prouver la nécefïïté de la Communion fous leurs quatre
lesefpéces du pain 6c du vin 3 Se pour demander qu'elle fûtainfi Article*
adminiftrée par les prêtres dans toutes les provinces de Bohême.
Il employa trois jours à ladéfenfe de cette caufe. Enfuite Nicolas
PeUrxlmowsky théologien des Taborites , donna deux jours pour
E e e iij
406 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1422 fbutenir qu'il falloic réprimer , corriger, & exterminer tons les
péchez mortels, 6c fur tout ks péchez publics*, par le miniltére
de ceuxàquiilappartenoitde le faire, ielonla railon 6c la loi de
Dieu. Après le Théologien Taborite, Ulric curé des Orphelins
fe mie fur les rangs, £c loutint deux jours durant, que la parole
de Dieu devoit être prêchéepubliquement &fïdellementpar des
prêtres revêtus des qualitez néceflàires pour cette fonction. Enfin
pierre Payné , dit \'Anglois3 fourint pendant trois jours que fous
laloidelagraceiln'etoitpas permis au clergé de pofleder tk de
régir des biens temporels 6c féculiers. Ils donnèrent enfuke copie
(a) ibïi. & dc ieurs difeours au Concile , 6c le remercièrent de l'audience fa-
Fafcic. Rer. vorable qu'il leur avoit donnée. On fe plaignit néanmoins des
expetend. & trois derniers orateurs, qui avoient exalté Jean Wi clef Ôc Jean
T<7<%'. an' Hus9 les appellant des Docteurs Evangeliques , quoique depuis
\$c. 160. long-temps ils eulîent été condamnez par l'Eglife (a).
Doâeurs VI. Le Concile de fon côté nomma quatre Docteurs pour ré-
Catholîques pondre aux difeours des Bohémiens, fçavoir, Jean de Raguzjçn
dre" c-uxdê Dalmatie , profeiïeur en Théologie, 6c Général des Dominicains,
Eohèmc. jl fuC depuis Cardinal ; Gilles Charlier profeiTeur en Théologie , 6c
doyen de Teglife de Cambray 5 Henry ICilteifen de CoùlentxjàodiQur
en Théologie 3 6c Jean de Pomelar archi-diacre de Barcelone, doc-
teur en Droit, 6c auditeur de Rote. Jean de Ragu*e parla le pre-
mier pendant huit jours aux heures du matin. Avant qu'il com-
mençât fon difeours, Jean Abbé de Cifieaux exhorta les Bohé-
miens à fe foumettreà la décifîon de l'Eglife reprefentée parle
Concile. Ils furent fort choquez de cqzzq exhortation , parce
qu'ils la regardoient comme un préjugé qu'on vouloit former con-
tre eux. Comme Jean de Ragu-^e appliquoit fouvent aux Bohé-
miens les mots d'hérétiques 6c d'héréfîe , Procope perdant patience
s'en plaignit publiquement au Concile. Cet homme , dit-il, qui efi
notre compatriote ^nous injurie en nous appellant de temps en temps héré-
tiques. A quoi Raguxe répondit : C'ejl parce que je fuis votre compa-
triote (1) de langue & de nation, que f ai d'autant plus de paf/ïon de
vous ramener dans le giron de l'Eglife. Peu s'en fallut que cette in,
jure n'obligeât les Bohémiens à fe retirer du Concile. On eut au
moins beaucoup de peine à les appaifer. Il y en eut même quel-
ques-uns d'entre eux qui ne vouloient pas que Raguxe parlât
davantage. Gilles Charlier employ a quatre jours à repondre au
(l) Quelques Auteurs afTurent tjue les Dalmates ayant paffe en Bohçnae avoient pris Je non»
du pais. Ortb. GyM. ubi fupr.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JTriI.^oy
fécond article ^KdWifen en employa trois à répondre au troifié- u,«
me, comme^/fflwrau quatrième. Les Bohémiens paroifîoient
fort ennuyez de la longueur des difcours de leurs adverfaires.
Bien loin d'être pcrfuadez par ces difcours, ils foutinrent tou-
jours leurs articles avec beaucoup de fermeté, fur tout l'article
de la communion fous les deux efpèces , que Rockizgne foutint pen-
dant fix jours contre le difcours deRaguz^e. Les difcours des au-
tres Dodeurs catholiques furent aufïi réfutez parles Bohémiens.
On trouve bien les difcours des Docteurs catholiques dans les
actes du Concile de Bade, 6c on en donnera le précis dans fon
temps. Mais je ne fçai par quelle raifon on n'y a point inféré ceux
des Docteurs de Bohême, j'en ai rencontré un parmi les actes du
Concile de Baile, fort étendu pour la Communion fous les deux
efpeces , parmi les manuferits du Concile de Bille. C'en: apparem-
ment le difcours de Rockizane, dont on donnera auiïi le précis dans
l'hiftoire du Concile de Bafle. Pour le prefent je me contente d'a-
bréger ce qui fe païla entre le Concile & les Bohémiens , afin de
voir la fuite de la guerre.
qui nommeroient chacun leurs Députez, de où l'on n'entreroit une conlc-
cians aucune difeuinon particulière des dogmes. S'étant donc af- cu"icre.artl"
femblez le onzième de Mars , le Concile propofa aux Bohémiens
de s'unir par avance, dans l'efperance que l'union faciliteroitla
difeuffion. Les Bohémiens ayant délibéré là-deflus, trouvèrent
qu'on nepouvoit pas efperer une union folide &, fîneere, avant
qu'on fût convenu de part& d'autre fur les quatre articles. Il fem-
ble par le difcours que leur adreiïa. le cardinal Légat, qu'il étoic
aufii de cet avis. Ce difcours rouloit fur ces chefs principaux, i . îi
leur réprefentoit que le Concile pendant dix jours avoit entendu
avec beaucoup de patience & d'attention l'expofition qu'ils a-
voient donnée de leurs quatre articles, i. Il lescongratuloit , &il
fefelicitoit lui-même des favorables difpofitions que l'on remar-
quoiteneux, auili bien que dans le Concile, pour la paix & pour
l'union. 3. Il temoignoit être fort fatisfait de la proteftation que
Jlockiz^ne & les autres avoient faite en ces termes : Mous croyons
que l'Eglife qui , félon St. Grégoire & St. Auguftin 3 ejî l'univerfalité
des fidèles répandue dans le monde , nous croyons que cette fa inte Eglife
cft tellement fondée fkr la pierre , que les fortes de F enfer ne prévaudront
4o8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.; * point contre elle $ & nous e fperons parla grâce de ^efus-Chrifl qui en efi
le chef y de fouffrir plutôt le plus cruel martyre 3 que de rien dire volontai-
rement qui foit contraire à la doHrine de cette fainte Eglife. 4. Comme
il eft mal-aifé qu'il ne fe mêle pas de l'aigreur dans ces contefta-
tions, il les exhorte à ne pas prendre trop au vif des paroles du-
res, qui peuvent échapper dans la chaleur du difeours 3 &à re-
garder plus à l'intention qu'à ce qu'il ya de choquant dans les ter-
mes. 5. Il leur reprefente que pour obtenir une folide union, ôc
aller à l'avenir au devant de toute difeorde 3 il faut s'expliquer net-
tement fur toutes les controverfes , 6c fur tous les points conteftez
de part & d'autre , & fans diffimulation ni fupprefïion quelconque;
afin que le Concile , qu'il appelle le creufet du St. Efprit ( 1 ) 3 puiile
féparer la rouille de l'or &: de l'argent. V 'ous n 'ave^propofé ces jours
pafiez^que quatre articles 3 mais nous feavons de bonne part , & par des
témoins oculaires 3 qu'il y a beaucoup d'autres dogmes étrangers en quoi
vous différend 'avec nous , & même l'un d' entre vous nous l'a fait afiex^
entendre en qualifiant Jean Wiclef de Dofleur évangelique 3 or on
feait affez^ quelle et oit la doctrine de Wi clef fur plufieurs articles tenus
part 'Eglife. 6. Il leur propofa les articles fuivans dont la plupart
avoientétéfoutenus iparWiclef^ & condamnez plus d'une fois. 1.
La fubftance du pain & du vin demeure après la confécration. 2. Les
accidens ne fc auraient fubfîfler fans fujet. yJ.C. nef pas prefent d'une
préfence réelle & corporelle dans le facrement de l'Eucharifiie. 4. Le
facrement de la Confirmation efi inutile. 5. La Confefjion aux prêtres
ef fuperflue. 6. Le facrement de l' Extrême -onïl ion ne fert de rien»
7. Il ne faut point employer le chrême dans le Baptême. 8. La prière
pour les morts efl vaine. 9 . Il ne faut point invoquer les Saints , ni
vénérer les Images & les Reliques. 1 o. Il ne faut point obferver les
Fêtes & les Jeunes de l' Eglife. Ces articles &c quelques autres ayant
été donnez par écrit aux Bohémiens, afin qu'à chaque article ils
puflènt dire pofltivement 3 nous croyons , ou nous ne croyons pas cela,
ils répondirent comme ils avoient déjà fait, qu'ils étoient venus
(■a) Cocbl.ubi r , r r , • i 1
fupr. p. 2$ 1. feulement pour propoler les quatre articles , non tant en leur pro-
^54- pre nom , qu'au nom de tout le Royaume (a).
Lesdêputez VIII. Ainfi & difputes & conférences , tout fut inutile à Bafle.
d'e Breto™- ^es Bohémiens impatients de retourner chez eux _, partirent vers
nent chez le 1 5. d'Avril (2). Ils furent auflî-tôt fui vis d'une ambaflade fo-
cux,°nlcur lemnelle du Concile. Elleétoitcompofée de trois Evêques félon
envoyé une A *
Ambaffade. , ._ . . „ a.
(ijt ornax , £5 cammus Spirttus batitti. ,
(ij Leur Pouvoir eft datte du 1 J.
Cocblée 2
ET DU CONCILE DE B ASLE. Ziv. JfVII. 409
CochUe , ou de deux félon les a&es 3 fçavoir de Philibert évêque de 14 1 V
Coutance en Normandie 3 6c de Pierre comte de S chaumburg évêque
& Ausbourg{\) , accompagnez de huit ou dix Do&eurs. Leurcorn-
miffîon en général étoic de négocier un accommodement avec les
Bohémiens ; mais leurs ordres fecrets portoient de les divifer ,, 6c
de relever le courage de ceux d'encre les Catholiques que la nece£
fîté avoir forcez de Te joindre à eux (2). A cette ambailade fe joi-
gnirent les envoyez de plusieurs Princes ôc de plufieurs Evêques ,
Scies députez de diverfes Communautez pour la rendre plus Co-
lemnelle 6c plus efficace. Quoique l'affaire ne regardât pas le Duc
de Savoye , il ne laiiïa pas d'y envoyer, afin qu'il parût que c'étoic
un intérêt général. Les Princes de Brandebourg 6c de Bavière y
avoient leurs ambafîadeurs , auflî bien que l'Evêque de Bamberg,
ôc les villes de Nuremberg Se d'Egre leurs députez. Plufieurs au-
tres Puiffances n'attendoientquedes pafTeports pour s'y joindre.
Toute i'ambafîade fut reçue avec de grands honneurs , & en che-
min , 6c à Prague. Le Refteur de l'Univerfîté (}), à la tête de
tout le corps les alla haranguer. Aufîî-tôt après leur arrivée , on
aflembla les Etats de Bohême & de Moravie dans le Collège de
l'Académie pour entrer en conférence. Henry de Tock chanoine
de Magdebourg , l'un des députez du Concile , avoit auparavant
harangué les Confuls de l'une 6c de l'autre ville dans la Maifon de
ville delà vieille Prague. Il ne faut pas omettre fon enthoufiafme
à la louange de cette Capitale. Je te revois 3 dit-il, 0 Prague (4)
métropole de Bohème , ville magnifique , refpcHable à tous les Rois &
a tous les Princes , pendant le temps de ta paix & de ton union au Sei-
gneur. 0 cité de Dieu , fouviens-toi de ton ancienne dignité ! 0 quon a
publié de chofes glorieufcs de toi ! Nous femmes touchez^d'une tendre
compafjîon a la vue de ton état prefent , & défirant ardemment de te
voir refleurir & recouvrer ta première gloire , nous y travaillerons de
tout notre pouvoir. Quefl devenue cette ville fi célèbre , qui étoit mi fie
entre les plus grandes & les plus puijfiantes 3 & qui avoit à peine fion é^t»
Ici Ont 'a vu fleurir par de fius toutes par tes dons , ton autorité , ta foi ^
ta dévotion , ta faix , ta concorde , auffi bien que par ton opulence , &
ta ficience dans la religion & dans la politique. Tuétois le thrbne non
(1) Il fut depuis Cardinal de la création d'Eugène IV. en 1439. & mourut en 14.69,
(2 ) 'Johann. David Koeler. Je Johann, llockil.. p. 1 J . 14.
(l ) Il s'appelloit Chriflian Praquatitcu. Ball/in prétend qu'il e'toit bon Catholique dans le
c<Eur , & que même il fe feroit fournis d'abord avec toute l'Univerfité au Siège de Rome , il
Rockjtane qui en eut le vent ne I'ch eût détourné. Pra^ttatitcx, palïoitpour ua grand Allronu-
me. Balbin. Epitom. p. 487.
(4) Il y avoit fait fes études.
Tom. /. Fff
1453-
( a } Mars
Merttv. Lib.
V. cap. IV.
F. s7d.
Difcoursde
aux "ambaf-
fadeurs du
Concile.
(b) Samuel
XIV $.
(c)Bfaieh
»7-
(c\) Jerem.
XXII. 3.
(,) Jacg. I.
*7-
410 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
feulement des Rois , mais de toute la chrétienté dans l'Eglife d'occident.
Ton Académie êtoit le centre de la fagefle divine & humaine. Tu as
fervi d'exemple à tout le chriflianifme j mais tu feais & tu vois ce que
tu esaprefent. Mon intention efl de te confoler , & non de ty inquiéter ,
&c (a)
IX. A l'ouverture de l'afTemblée, Jean de Polemar qui éroic à
la tête des Docteurs, fie un difeours général 3 qui ne contenoic
que des exhortations à la paix, & des remercimens du bon ac-
cueil qu'on leur avoit fait. Il n'en fut pas de même de la harangue
de Rocki^ane que Cochlée lui-même n'a pu s'empêcher de louer,
tout paffionné qu'il paroît par tout contre les Bohémiens. Revê-
tant le perfonnage de la Bohême , il la fait parler ainfi. » Révé-
» rends Pères, faites attention non feulement à ce qui eft de votre
«gloire, mais auiîi à ce qui eft de la mienne. Je puis m 'appliquer
» ce qui eft dit au chapitre V. du Cantique des Cantiques, Que mon
>■> bien aimé J. C. ma parlé } mon cœur s* eft épanché au dedans de moi ,
» parce qu'enflammée d'amour pour les veritez^quilm'a infpirécs , je
» l'ai cherché pour avancer davantage dans ces mêmes vérité^ mais
y'fai trouvé le cœur de f lu fleurs mal difpofé. Les gardes de la ville ,
» c'eft-à-dire les prêtres & les prélats m ont rencontrée Uls m'ont battue
» & blefjée par leurs opprobres & leurs mêdifances. Ils my ont blé mon
^manteau 3 c'eft- à-dire , ma gloire &ma réputation autant qu'ils ont
» pu. Mon père Jacob qui m'aimoit plus tendrement que mes fre-
«res, m'avoit donné une robe bigarrée & parfumée de diverfes
«odeurs, c'eft-à-dire qu'il m'avoit fait briller par deflus tous les
«autres royaumes 6c pais du monde. Mais mes frères tranfportez
»dejaloufie l'ont teinte & fouillée dans lefang. Ils m'ont jettée
» dans une citerne , c'eft-à-dire dans un labyrinthe d'opinions Se
» de fentimens fâcheux. Je vous prie donc, vénérables ambafîa-
» deurs, de voir & de confiderer ma douleur. En eft- il unefembla-
» ble ? Hélas , je fuis veuve , car mon mari eft mort (b). C'eft le Roi
"Wmceflas de fainte mémoire qui me deffendoit , de quifoutenoit
» ma couronne, en foutenant les aimables veritez de mon doux
«Jefus. Mes ennemis me voyant veuve, ont dit: Opprimons le
» jufte &: le pauvre , &; n'épargnons pas la veuve. Vous donc , vé-
» né râbles a m ba (fadeurs, fecourezj 'oppreffé , rende^juftice aupupile ,
» dé fende zja veuve (f). Ne foulez^ point l'étranger, l'orphelin, ni la
» veuve (d ). La religion pure & fans tache , c'eft de viflter les orphelins
» &les veuves dans leurs tribulations (e). Je vous prie donc humble-.
»ment de bien confiderer ce qui eft de ma gloire. Rendez-moi
ET DU CONCILE DE B ASLE. Ziv. JfVII. 411
» mon manteau , c'eft-à-dire ma réputation que mes ennemis ta- 143 3 .
» client dem'ôter.
X. Polemar répondit à ce difcours par une nouvelle exhorta- Rt'pûnfede
tion à commencer par s'unir, comme on avoir fait dans le Con- ^(mar **
cile de Bafle. Sous cette condition 3 îloftroitaux Bohémiens de R3^lrt„,,
la part du Concile , de hs rétablir dans leur fplendeur , de lever
tous les obftacles à leur profpérité , de leur rendre leurs honneurs,
leurs privilèges , leur liberté, ôc de bander fi bien leurs playes,
qu'il ne paroitroit pas même de cicatrice. » Nous entrerons fur vos
»terreSjVous entrerez fur les nôtres. Nous aurons les mêmes
* églifes , \qs mêmes facremens , les mêmes prières. Ces vénéra-
» blés Pères , les Evêques qui font ici préfens , célébreront la Mef
»fe dans vos temples, avec votre agrément jils muniront vos en-
n fans du /àcrement de Confirmation , qui depuis le temps des Apô-
» très a été rendu propre aux Evêques , & ils feront toutes les au-
» très fondions qui leur font réfervées ( i).
X I. Les Bohémiens ne furent pas la duppe de ces offres vagues, Répocfc des
toutes fpécieufes qu'elles étoient. Ils rejettoient la faute de la Bohcm,cn8-
rupture fur l'Eglife Romaine , par fes procédures iniques contre
Jean Hus êc Jérôme de Prague , par les excommunications lan-
cées fur tout le Royaume } & par les armées de Croifèz dont elle
les avoit inondez. Quand on leur alléguoit l'autorité des Con-
ciles, ils ne la reconnoiiloient qu*autant qu'ils les trouvoient con-
formes a l'Ecriture , par ce , difoient ils , qu'ils ne font pas infail-
libles, &qu'ilsont actuellement erré. Ils foutenoient même que
depuis plufieurs fiécles , les Conciles généraux , bien loin de ré-
former les abus par rapport à la foi, aux mœurs 8c à l'union de
l'Eglife, avoient étrangement excédé dans leurs décrets & dans
leur conduite, 6c qu'ils s'étoient éloignez du fondement qui eft
J. C. Ce qui cfi arrivé au bois verd , leur fait dire Cochlèe , peut bien
arriverai bois fec. Cespniffantes colomnes de l'Eglife , les Apôtres ont
tous erre dans la foi , & pendant trois jours la F oi catholique ne s* eft
confervée que dans la feule Vierge Marie (z). En un mot ils décia-
roient qu'ils ne vouloient point fe foumettre aux dédiions du
Pape , ni du Concile , ôc qu'il n'y avoit point de paix à faire avec
ri) Il faut entendre par là, & la confecration des Eglifes, & la confection du Chrême , &
les Ordres. Cela n'eft pas dit fans defiein. Comme depuis Conrad les Bohémiens n'avoient
point eu d'Evêques , leurs Eglifes étoient profanes , leurs Baptêmes invalides, & leurs Or-
dres nuls , félon la pre'tention de l'Eglife Romaine.
(z) Je me fouviens d'avoir lu cette penfe'e dans Gerfen. Elle eft faufle. Les Difciples ont
iimnqucdefoi , mais les Apôtres n'ont point erré dans la foi,
F f f i]
-fi i HIST. L)E LA GUERRE DES HUSS1TES
1433. eux, à moins qu'on n'acceptât leurs quatre Articles j que c'étoit
le mocquer de propofer un traité de paix,, pendant qu'on étoit
en difcorde fur la Foi , & que fi on pouvoir convenir là-defluSj il
n'y avoitrien qu'ils défiraflent plus que la paix & l'union.
Jufqu'ici Rocki'zane a parlé pour les Bohémiens. Procope prit la
parole à Ton tour pour confirmer ce que le premier avoit dit tou-
chant l'origine de cette guerre, dont il rejettoit aufîl la faute fur
le fiége de Rome. » Cependant } dit-il 3 il efl arrivé un grand bien
» de cette guerre. Plu Heurs adverfaires de nos quatre falutaires
» véritez s'étant joints à nous pour la défenfe de la patrie , les ont
»embraflèes. Les victoires que nous avons remportées y ont af-
» fermi une multitude innombrable de peuple , qui auroit été con-
»> trainte de les abandonner par la violence des armes , & par con-
» féquent ofFenfé le St. Efprit , qui efl le Docteur de la vérité. En-
» fin c'efl cette même guerre qui a donné occafion au Concile de
» Bafle, de donner audience aux Bohémiens, & en même temps
"défaire connoître cesfaintes véritez à tout l'univers. Et l'on ne
fùpr'p. z$9. và°iz point s'attendre à voir la fin de ces troubles , qu'elles ne
260. » foient reçues d'un commun confentcment (a).
Rcplîqucsdc XII. Polemar répliqua à peu près furie même ton, offrant tou-
dcCbZiur J0Urs ^a Pa*x & l'union , fous la même condition de fe f oumettre à
la décifion du Concile. » Il ne s'agit plus , dit il , de renouveller la
» mémoire du paflé,qui ne pourroit fervir qu'à aigrir les efprits.Ces
» plaintes & ces reproches font un artifice du démon , qui voyant
» la paix s'avancer , fait ks derniers efforts pour jetter parmi nous
» de nouvelles femences de difcorde. C'eft pour cela que les Pères
y> de Bafle pour ne pas mettre d'obftacle à la paix , ont laiflé pafîer
"plufieurs plaintes Scplufîeurs accufations de quelques-uns de vos
» députez , fans y rien répondre. Au fond l'origine des troubles ne
"doit point être imputée au Concile de Confiance. Avant qu'il
» eût jugé , le Démon avoit femé la zizanie parmi vous. On s'ae-
«cufoit mutuellement d'héiéfie, &. vos propres compatriotes*
» vous avoient déférez au Siège Apoflolique. On n'avoit point en-
»core touché à l'article de la Communion fous les deux efpéces
» que vous demandez avec tant d'inflance. Ce n'eu: point pour
» cette caufe qu'on a procédé contre vos maîtres, mais pour d'au-
» très qui méritoient bien l'exemple qu'on en a fait. Ainfî, c'eft à
» vous qu'il faut imputer le fchifme». A Polemar fuccéda Cilles
Charlier doyen de Cambrai 3 qui tint aufli un difcours fort pacifi-
que. » Ce n'efl pas 3 difoit-il , par les armes qu'on éclaircit la véri-
ET DU CONCILE DE B AS LE. Zlv. "XV11. 413
fe té , fur tout quand il fe préfente une autre voye. Si vous voulez 1433.
» perfuader le monde que la vérité eft de votre côté , il faut met-
« tre bas les armes , & vous ranger à la voye de la difcuiîîon , fur le
a, fujet de vos Articles. Quoi qu'elle ait été faite dans le Concile ,
*> on vous l'offre de nouveau , & il ne tiendra qu'à vous de difpu-
»ter publiquement dans cette aflemblée autant de temps qu'il
« vous plaira 3 & même 11 vous trouvez qu'il n'y ait pas là aflez de
«Docteurs, on pourra envoyer les actes de cette difcuiîîon à tou-
rtes les plus fameufes Univerfitez , pour en avoir le jugement,
v Après quoi ce facré Synode inftruit par le St. Efprit décidera à
» quoi tout le monde s'en doit tenir. Et quand même vous préten-
driez être afïez bien fondez dans vos articles, & que le St. Ef-
» prie vous les auroit révélez , vous ne devez pas en rejetter la dif-
» cufîîon , parce que 11 cette oeuvre eft de Dieu , elle fublTftera , &
» que le St. Efprit qui préfide dans les Conciles, ne détruira pas fon
«propre ouvrage.
XIII. Les députez du Concile adreflérent encore plufleurs Les BoIlé"
,./. „ 1 k , a 1 o- t, r • miens cn-
difcours aux Bohémiens , tendants au même but. Si 1 on en croit voient des
le témoignage de Cochlée , ces difeours auroient pu faire impref- éckjrcïffe-
r r \> r • i vt y * • > • . mens fur
lion lurl eipnt des Bohémiens qui s en tenoient aux quatre ar- ieurs quatre
ticles , fans l'oppofition perpétuelle des Taborites, qui par leurs Articles.
dupliques & tripliques en détournoient l'effet, donnant un mau-
vais fens aux offres du Concile. Il feroit à fouhaiter que cet Hif-
torien nous eût pu conferver ces répliques des Taborites , comme
il nous a tranfmis quelques fragmens des difeours des autres Bo-
hémiens, & des députez du Concile. Au refte on ne peut point
être furpris d^s défiances & des ombrages des Taborites, qur
quoi qu'unis avec les autres dans l'intention générale d'avoir la
paix , en différoient pourtant par rapport à plufleurs articles qui
n'avoient point été fournis à la décifion du Concile : & l'expérien-
ce fera connoître qu'ils avoient fujet de craindre d'être abandon-
niez des autres , quand ils auroient fait leur traité. Quoi qu'il en
foit , les Bohémiens défenfeurs des quatre articles , les envoyèrent
par des députez au Concile avec quelques modifications. 1 . Sur la
libre prédication de la parole de Dieu, ils difoient quelle dévoie
fe faire fous l'autorité du Diocéfain. 2. A l'égard de la punition
des péchez, ilslaifîoient aux Eccléfiaftiques le droit de punir les
péchez des Eccléfiafliques , & aux Séculiers le droit de punir les
Séculiers, félon le pou voir que Dieu en avoir donné aux uns& aux
autres. 3. L'article des biens de l'Eglife eft plus étendu, maisafkz
Fffiii
4H HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
pa\ 3 , embrouillé. ■ Les Bohémiens difoient donc que ni les féculiers , ni
les autres ne pou voient fans facrilége s'approprier les biens de l'E-
glife , parce que ce font des biens communs _, ceft le patrimoine du
crucifié. Sur ce que leurs adverfaires obje&oient quec'étoient des
biens fuperflus , ils répondoient que s'ils étoient fuperflus, ceux qui
avoienc le pouvoir de les difpenfer dévoient les employer à des
ufàges pieux & communs, mais qu'on ne devoit exercer fur eux
aucun domaine civil , parce que, qui dit domaine civil , fuppofè des
biens temporels poflédez en propriété. 4. Sur la Communion fous
les deux efpéces , ils difoient qu'elle étoit utile , méritoire & fa-
lutaire, parce qu'elle avoit été donnée &in(titiiée par J. C. pra-
tiquée par les Apôtres & par i'Eglife. Mais comme il y avoit quel-
ques doutes fur la nature du commandement de de la nécefîîtc de
cette pratique , & fur la peine que mériteroient ceux qui la négli-
gent , ils s'en remettaient à la décilîon du Concile , pourvu qu'el-
le fut fondée fur l'Ecriture Sainte, & fur l'autorité des Pères. Ils
demandoient auiïi quelques éclairciffemens furie genre de nécef-
fîté des autres Sacremens.
Formule X I V. A ces articles les Bohémiens ajoutoient cette formule
d)oiéeOauPr0" d'union à propofer au Concile.» Nous fommes prêts à nous unir
Concile par » comme tous les fidèles Chrétiens doivent être unis félon la loi
» de Dieu , à adhérer & obéïr à tous nos légitimes fupérieurs dans
» toutes les chofeseccléfiaftiques, qu'ils nous ordonneront félon
» la loi de Dieu. Mais (î le Concile , le Pape , ou les Prélats nous
«commandent de faire quelque chofe que le Seigneur ait défendu,
» ou de rien omettre de ce qui e(t contenu dans le canon de la Bi-
» ble , nous ne fommes pas difpofez à leur obéir, & nous ne leur
» obéirons point , parce que les canons déclarent exécrables de ana-
» thèmes de telles gens. Nous vous propofons ces préfentes pour
« conclure ( la paix) entre vous de nous , comme nous fuppofons
» que c'en: votre intention , bien entendu que nos quatre articles
«feront expédiez félon l'arrêté de la diète d'Egre , dont nous
«voulons que le jugement foitreçu de tous en toute occurence.
«Outre cela nous voulons ( volumus ) que félon l'équité , 6c pour
» la confirmation de confervation de la paix & de l'unité , nos am-
» bafïadeurs que nous envoyons pour conclure l'union , obtien-
nent des patentes du Concile, par lefquelles après l'union faite
» il ordonne à tous Primats , Archevêques, Evêques,Rois , Prin-
" ces , de à tous les fujets de l'un & de l'autre ordre , que déformais
p on ne traite plus d' 'hérétiques ni nous , ni nos adhérens , ni en pu-
4es Bohê-
xuiens.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. XTIL^i
»blic, ni en particulier s qu'on ne nous diffame en aucune ma- 1433,
«niere * qu'on n'exerce aucun a&ed'hoftilité contre nous à loc-
• cafion de ces articles, &fur tout du premier (1), lequel nous
» foutenons avoir été commandé par J. C. & nous le foutiendrons
» jufqu'à la difcuiîion finale , mutuelle & unanime qui Te doit faire
«par le Concile & par nous félon la forme du jugement d'Egre,
«furies difficultez des dix articles. Car félon ce jugement équi-
» table nous fouhaitons avec la permiffion divine de pouvoir obte-
nir fcéance dans le Concile, & y travailler fidèlement avec les
» autres à la réformation de toute l'Eglife dans fes chefs &; dans
»fes membres, comme l'a propofé & promis le Concile, félon
» qu'on nous l'a rapporté de bonne part. De plus , pour couper
» toutes les racines de démêlez & de querelles entre nous & nos
„ compatriotes , au fujet de l'union qui doit fe faire , nous deman-
» dons (volumus) par les députez que nous enverrons, que le
» Concile fa lie en forte par fes patentes , & par les moyens les plus
» efficaces , qu'après l'union tous les prêtres & chacun d'eux , de
» quelque prééminence & dignité qu'il foit , principalement ceux
«qui n'ont pas encore obfervéces articles, puiflent le faire dans
«le royaume & dans le marquifat de Moravie en toute fureté,
«amiablement & avec honneur : écant ainfi unis dans les faintes
» ventez nous ferons participais de la grâce divine dans ce iiecie, ubi fupr. p.
»& de la favorable vifion de Dieu dans l'autre. Amen (a). 2*7.168.
X V. Quand ce projet fut lu dans le Concile il parut de l'émo- CeFormuIai-
tion furie vifage de plufieurs d'entre les Pères. Eft-celà? difoient- ™ g^|
ils , une union cccléfiaftiquc & chrétienne ? Ce rieft pas unité 3 c'efi du-
plicité. Il ne faut point de Vous & de Nous j il ne faut que Nous pour
former une vraye union 3 parce quilne doit y avoir qu un même peuple
chrétien. Cependant comme l'union preflbit d'autant plus que les
Taborites continuoient leurs ravages & leurs hoftilitez en Bo-
hême, & aux environs, le Concile déclara aux députez de Bo-
hême par l'organe de Polemar^ qu'on enverroit encore dès dépu-
tez à Prague pour tâcher d'achever l'union. On renvoya donc les
mêmes députez pour faire un dernier effort fur l'efprit des Bo-
hémiens. Ces députez , après avoir expofé l'intention du Concile
fur trois des articles Bohêmierisv Faifoient efpérer que le Concile
trouveroit quelque voye pour fatisfaire les Bohémiens fur le prin-
cipal article 3 qui étoit celui de la Communion fous les deux ef-
( 1) C'cfl l'article de h Communion fous les deux cfptSccs , qui eft mis ici le premier quoi-
qu'il foit fouvent mis le donner.
4ï6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
r43 3- p^ces- ï-Donc, fur l'article delà punition des péchez mortels,
de principalement des publics 3 le Concile étoit bien d'avis , qu'on
les punit autant que cela fe pouvoit raifonnablement félon la Loi de
Dieu & les réglemens des Sts. Pères > mais il ne vouloit pas que des
particuliers s'ingéraffent à les punir de leur propre autorité , & fans
l'aveu de ceux qui en ont le droit. -2. Sur l'article de la libre prédica-
tion de la parole de Dieu , l'intention du Concile étoit , quelle fut
prêche e librement 3 mais non indifféremment par tous , & que les pré-
dicateurs fer oient approuvez^ envoyez^ par les fupèrieurs qui aur oient
le droit d'adreffer cette miÇion , & tout cela fauf l'autorité du Pape ,
qui félon l'inflitution des faints Pères , doit avoir la fuprème jurifduiion
dans toutes les affaires. 3. Sur l'article du domaine féculier fur les
biens de l'Eglife que les Huffites prétendoient refufer au clergé ,
le Concile s'exprimoit ainfi : Que les eccléfiaftiques doivent adminif
trer fidèlement & félon l'inflitution des faints Pères , les biens d' Eglife
dont ils font établis adminifîrateurs , & qu'ils ne peuvent être ufurpez^
par d'autre s fans facrilege. Il reftoit encore l'article de la Commu-
nion fous les deux efpéces, fur lequel les députez du Concile ne
s'étoient pas expliquez. Mais les Bohémiens refuferent de s'ou-
vrir fur les trois autres, jufqu'à ce que celui-là fût réglé. Voici
donc quelle fut la déclaration des députez' du Concile : Que la
coutume de communier le peuple fous la feule efpéce du pain avoit été
raifonnablement introduite par l'Eglife &par les faints Pères , pour
éviter le danger de l' erreur & de l'irrévérence , & que par ces raifons
ferfonne ne pouvoit changer cette coutume 3 fans l'autorité de l'Eglife.
Mais que comme l' Eglife portée a cela par des motifs raifonnables , a,
le pouvoir de permettre au peuple la communion fous les deux efpéces ,
on pourroit accorder cette permiffîon aux Bohèyniens pour un temps par
autorité de l' 'Eglife , pourvu qu'ils s'y réuni ffent , que dans tous les au-
(a)Oi'f/;. très articles de la foi & des cérémonies ils fe conformaffent à l'Eglife
Guif Ver rv un^vcrfe^e i & 4M Ie* prêtres euffentfoin de ne la donner qu'à des gens
fconc. Lahh en âge de diferetion , & de les avertir 3 avant que de la leur donner y
Tom. xii. qu'il faut croire fermement que la chair de J. C. n'eft pas feulement fous
fèr. ubifupr" ^>efpece du pain , & que f on fing neft pas feulement fous l'efpece du
p. i5. vin , mais quilefl tout entier fous l'une & fous l'autre efpece (a).
explications XVI. Il fennbloit que par làle. Concile accordât à peu près aux
du Concile défenfeurs des quatre articles taùcice qu'ils demandoient. Ce-
pricsBohc- pendant, fi Ton fait attention aux limitations & aux reftri&ions
paiens. dLl Concile, on trouvera que les Bohémiens étoient encore aflez
joignez de leur compte. G'eft ce qu'il eft bon de faire voir , pour
mettre
ET DU CONCILE DE B ASLE.Ziv. XVII. 417
mettre leiedeuB aufaic de ces difcufîions. Sur l'article de la puni- l,, ,
tion des péchez , le Concile avoit retranché ces paroles , par ceux
qui y ont intérêt 'fpereos quorum intereft) Savoir adjugé au/Âr,
ou à lajurifdidion eccléfiaftique , la punition des prêtres crimi-
nels 3 au lieu que les Bohémiens prétendoient que ce droit appar-
tenoit aufîi aux Seigneurs féculiers 3 &: même à des particuliers par
inspiration divine , comme quelques uns de leurs députez le fou-
tinrent en plein Concile _, félon le témoignage de Polemar(a). A (a)0î'f*;
l'égard de la libre prédication de la parole de Dieu , cet article Z**'
êtoit limité par la condition de l'autorité épifcopale de papale 3 ce
qui n'étoit pas du fyflême Bohémien. Le troifiéme article qui
mettoit au rang des facriléges , la poiïeflion des biens d'Eglife par
d'autres que par leurs adminiflrateurs , c'eft à-dire , par des Ecclé-
fîaftiques j étoit fujet à de grands inconvéniens , parce que cette
claufe mettoit en droit de redemander les biens eccléfiaftiques qui
avoient été enlevez pendant ces troubles, ce qui pouvoit donner
lieu à des nouvelles guerres inteflines. Quant à la permifïïon de
communier le peuple fous les deux efpéces , elle avoit auffi des ref-
tridions qui pouvoient inquiéter les Bohémiens. Déjà c'étoit une
grâce qu'ils ne tenoient que delà miféricorde du Concile, 6c non
un droit. D'ailleurs ce mot , pour un temps , ou en attendant , ( in-
terea) leur devoit paroître fort fufped fur toutà l'égard d'un point
qu'ils regardoient comme le boulevart de leur Religion 3 parce
que par là le Concile fe réfervoit le droit de leur ôter ce privilège
toutes les fois qu'il plairoit à l'Eglife Romaine ou au Pape. Enfin
la déclaration que devoit faire le prêtre à chaque communiant,
que J. C. eft tout entier fous chaque efpéce , établilloit indirecte-
ment laTranfubltantiation^que laplûpartd'entr'euxnecroyoienc
^zs.vEneas Sylvius a fort bien jugé de cette déclaration duConcile.
Cette formule du Concile, dit-il, efl courte 5 mais il y autant de fentences
que de mots. Par là font bannis tous les fentimens, & toutes les cérémo-
nies étrangères à la foi 3 parla, il efl ordonné aux Bohémiens de croire &
de q-arder tout ce que l' Evlife univerfelle croit & zarde (b). Cependant (h) /fnras
ioit ennui de la guerre, loitmeiintelligence entre eux ,loit corn- ' Cap. jz.
plaifance de l'ambitieux Ro ckizan e, que les députez du Concile
rlattoient de l'efpérance de l'Archevêché de Prague, ces condi-
tions furent acceptées par les défenfeurs des 4. Art. Ils envoyèrent
à Ba fie trois députez pour en notifier l'acceptation. Le Concile
ravide joyedrefTa ce fameux traité de Paix connu dans l'hiftoire
fous le nom de Compaclata. Mais comme ces ades de pacifîca-
Tom. I. « G g g
4i S HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
j,,, tion ne furent exécutez que quelques années après 3 à caufe de
l'oppofition des Taborites, il faut remettre à ce temps-là d'en
parler plus amplement , pour retourner à la guerre.
Courfesdcs XVII. Procope le grand, avant fon départ pour Bafle , avoic
Tiboritcsen donné le commandement de l'armée des Taborites à un nommé
•n Hongrie. Par du s de Horka. Ce Général , pour les tenir à l'erte en atten-
dant une paix dont les Taborites n'avoient pas bonne opinion , les
mena en Moravie , & de là en Hongrie au nombre de huit mille
hommes de pied, ôc de 700. cavaliers avec 3 00. chariots. Us y
firent leur métier ordinaire , c'eft-à-dire , qu'ils y mirent tout à
feu & a fang. Ayant paiîé le Va% , ils formèrent le fiége de Krem-
nic^ & prirent cette ville après trois jours d'attaque. Irritez de
ja vigoureufe defenfe des citoyens _, ils n'épargnèrent ni fexe ni
âge, & mirent la ville en cendres. Les villes voifines allarmées
par ce: exemple de fureur fe rachetèrent à prix d'argent. Les gens
de la campagne fe fauverent comme ils purent dans les montagnes
&: dans les bois. Ils parcoururent ainfi fans nulle réfiftance tout le
pais qai eft entre Gran àclpola. De là ils tournèrent du côté de
fa) Dhtt. ^cePu/' au nord de ^a haute Hongrie , fur les frontières de la Po-
Hat. Poion. logne , & ils prirent quantité de petites villes & de forts , tant par
Ltb.xLp. compofltion que de vive force. Tout cela fe fit avec tant de cé-
616. eu- . , . r 1 . , r
tbor. Mars lente . que les Hongrois n eurent pas le temps de le mettre en
Morav. Lib. dèfenle. Ainfi les Taborites emmenèrent leur butin en toute fû-
P. $7/580! reté. Ceci fe pafla au commencement du mois de Juin (a).
Les Orphe- XVIII. A peu près dansle même temps , le chef des Orphelins
lins avec les nommé Jean £%gfko\ alla offrir du fecours au Pvoi de Pologne en
chaffenTles guerre avec les Chevaliers Prufliens. Il s'y joignit quelques trou-
chevaiiers de pes Taborites , de forte que ce fecours étoit d'environ 8000. fan-
nouvelle h tau^ns •> %00' chevaux 3 & 350. chariots. L'offre fut acceptée
Marche de avec plaifir malgré les oppofitions de quelques Eccléfiafhques.
Ces troupes auxiliaires jointes à celles de la Grande Pologne eu-
rent ordre de palier dans la Nouvelle Marche de Brandebourg >
alors occupée en partie par les Chevaliers de Prufle. Elles y rirent
des ravages épouventables , & y prirent douze villes bien forti-
fiées. On mit le feu par tout,à la réferve de la forterefïe de chofezr
no , autrement Arusbar^ , où les vainqueurs mirent garnifon pour
tenir en bride les Chevaliers , & pour conferver la Nouvelle Mar-
che à la Pologne en attendant la paix. Après cette conquête les
armées vi&orieufes paflérent en Pomêrelle. Elles y furent jointes
par l'autre partie de l'armée de Pologne, qui avoit pour général
ourg.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv, XVII. 41? I4}3
le Caftellan de Cracovie (a). Le flége d'une ville forte (b) de cetre (aj J^mfm de
Province les occupa long-temps inutilement. Les Polonoisaban- ¥lcbJ!f0V*'
1 j r» Lis'- ? il- 111 Çb) Cbiiwcx.*
donnez des Bohémiens turent obligez de le lever avec une perte
très-confidérable. Us furent plus heureux à la conquête d'une au-
tre ville (c), quoique beaucoup plus forte que la précédente, & (c)T*/*it«w.
qui appartenoitaufîî aux Chevaliers dePruffe $ parce qu'une tem-
pête furvenuë ayant embrafé la ville , leur épargna prefque la
peine de l'affiéger. Le Grand Maître de l'Ordre , Paulde Rux^
dorf, fut fort affligé de cette perte. 1 1 étoit au voifinage à la chafle
du faucon ; mais ayant vu la ville tout en feu , il s'en retourna pré-
cipitamment à Mariemberg qui étoit fa réfidence , & fit de grands
reproches aux Commandeurs & aux Confeillers, qui l'avoienc
engagé à rompre avec la Pologne. Les Chevaliers avoient à leur
folde des troupes de plufieurs nations, comme d'Allemans, de
Prulliens &c de Bohémiens. Il en fut pris plus de dix mille. Le
chef des Orphelins , à la réquifition de fon armée, commit une
grande inhumanité envers ce qui fe trouva de Bohémiens. Les
ayant demandez aux Polonois entre les mains de qui ils étoient
tombez, il les fît tous jetter dans le feu, comme des traîtres, qui
avoient fervi des Allemans contre la Pologne leur alliée.
XIX. De là les vainqueurs allèrent à Dantzjg, brûlant tout fur H« ™*m
leur partage , & entr'autres le fameux monaftére d'Oliva. Arrivez DanUlS*
à Dantzig, ils en détruisirent le port, & battirent la ville pen-
dant plufieurs jours. Ils fe retirèrent pourtant fans la prendre. On
dit que les Bohémiens remplirent des flacons d'eau de la mer ,
pour porter dans leur pais en figne de leur vi&oire. Des conquê-
tes fi rapides obligèrent enfin les Chevaliers à parler de paix. Pen-
dant qu'on entraitoit, les Bohémiens fe retirèrent chez eux par
Siradic en Pologne, où le Roi les ateendoit pourles récompenfer
de leurs bons fervices. Il ieur fit un accueil très - favorable , ôc
combla de préfens les principaux Officiers. Comme l'armée Po-
lonoife avoir brûlé plufieurs églifes dans les Marches, dans la
Poméranie & en Prufle, on aceufa les Polonois d'avoir pris les
mœurs des Bohémiens ôcimité leur fureur facrilége. Mais les hif-
toriens Polonois n'ont pas manqué de faire leur apologie à cet
égard , en difant que c'étoit par repréfailles contre les Chevaliers
qui avoient brûlé l'églife de Wladiflau , & plufieurs autres ^ ôc cap. LiV
que bien loin de s'êcre laides corrompre par les Bohémiens, leur mH- ubi fu*
commerce n'avoit fait que leur en donner plus d'horreur (d). p *
XX. Procope le Grand, irrité du traité de Bafle qu'il trouvoit Tr,cope*&é-
4*o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
J43 3- dèfavantageuxàla Bohême, & incompatible avec les fentimens
defesTaborites, entreprit le fiége de Pilfenla plus conflderable
ville de la Bohême après Prague , qui avoir toujours été catholi-
que, & fidèle à l'Empereur depuis l'invafïon de Ziska. On l'a vu
faire de grands progrès dans le diffcrid de ce nom , mais fans pou-
voir venir à bout de la ville même. Procope lui-même l'avoit inu-
tilement afîiégée avec fes troupes & celles de Prague , de forte que
c'étoit le troisième fiége que cette ville avoic foûtenu. Ce Géné-
ral envoya d'abord iept mille hommes de pied avec 600. che-
vaux pour battre la campagne aux environs, & intimider les ha-
bitansde Pilfen. Il les fuivit bientôt lui-même avec un corps de
fantaffins , & 700. chevaux. A cette armée fe joignirent les trou-
pes des Orphelins que commandoit Procope le petit, & celles de
quelques villes ôc diftricls de Bohême, & même de la nouvelle
ville de Prague. Toutes ces difpofitions fe rirent depuis kle 15. de
Juillet jufqu'au 23. d'Octobre que cette armée fut jointe par les
Bohémiens de retour de Pologne. Ce fut alors que le fiége fe fît
dans toutes les formes avec réfolution de ne point l'abandonner
que la, ville ne fût prife. La ville n'étoitpas moins réfoluëdefe
défendre jufqu'à la dernière extrémité. Les habitans s'afTemblé-
rent dans Péglife des Dominicains , où fe traitoient les affaires
publiques } &là ils jurèrent unanimement , la main levée vers le
ciel , de mourir glorieufement pour la foi catholique , &pour la
patrie, plutôt que de fe rendre à quelque prix que ce fut. Cepen-
dant la ville n'étoitgueres en état de foûtenir cette réfolution. Il
n'y avoit point de troupes réglées en garniion j &c elle n'étoit dé-
fendue que par les citoyens & la populace , à la réferve de quelque
peu de gentilshommes qui s'y étoient réfugiez duvoifînage, en
forte qu'il n'y avoit guéres plus de 600. hommes en état de faire
réflftance. Il n'y avoit non plus nulle efpérance de recevoir du fe-
cours, la ville étant afîiégée de toutes parts. D'ailleurs les vivres
y manquoient. Ils n'avoient pour toute provifîon que quelque peu
de grains prefqu'encore tout verds, qu'ils avoient arrachez fort à
la hâte avant le fiége. Malgré tout cela Procope éprouva bien qu'il
n'avoir pas affaire avec des gens foibles & timides. Il fut 11 fou-
vent repoufîé avec perte, que defefpérantde la conquête par la
force, il prit le parti de l'attendre de la faim, & fit aller le fiégs
lentement dans le deffcin d'affamer la place.
LesTaKr'- XXII. Pendant ce temps-là quelques-uns des chefs desTabo-
tes dcfaits en • r i i ' r 1 1 • r > ■ •
lavierc. rltes > Pour profiter du loifir que leur donnoit un fîege qui uroit
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. xril. 411
en longueur , allèrent faire des courfes en Bavière avec la permif- fAtt
fion du général Procope , qui auroit bien voulu recouvrer la forte-
refîe de Herfiein dans la Forêc noire , qui lui avoir été enlevée par
Cbriftophle comte Palatin. Ils partirent donc avec 1400. hommes
de pied , 6c 5 00. chevaux , & ravagèrent tout le voifinage du cô-
té de la Bavière. Mais en s'en retournant avec leur butin ils furent
rencontrez par une embufeade de Bavarois qui les attendoient au
partage. Ils fe défendirent vaillamment allez long-temps , mais
enfin il fallut céder au nombre qu'ils voyoient multiplier à tout
moment. A peine échappa- t-il 30. cavaliers , 6c 100. fantaflîns.
On s'en prit aux chefs qui s'étoient trop hâtez de fe mettre en lieu
de fureté. Quand on eut appris au camp la nouvelle de cette dé-
faite , il s'éleva un grand murmure entre les principaux officiers
de l'armée contre Procope , parce qu'ils prétendoient qu'il avoic
iacrifié leur monde à fon reiîentiment. La querelle alla II loin qu'é-
tant à table enfemble ils fejettoient leurs pots & leurs vafes à la
tête les uns des autres. Depuis ce temps-là, Procope commençoit
à fe dégoûter des Taborites. Iifejoignit même pendant quelque
temps à l'autre parti qui avoit ligne le traité. Mais enfin vaincu
par les prières des Taborites , même des Praguois , il retourna au
camp.
XXIII. En ce même temps arriva de Pologne le général Cxg- Contïnua-
peck tout triomphant de (es heureux fuccès. Il fe joignit , comme de PUfcn/^
on l'a déjà dit, à l'armée des afhégeants , qui fe trouvoit par là
compofée d'environ 36000. combattants , fans compter les valets
& ks goujats. Le fjcge devint alors plus opiniâtre que jamais , &
la défenfe ne cédoit point à l'attaque. Quoique la ville fût ferrée
de fort près de tous cotez , les afliégez ne laifïoient pas de faire
des forties qui déconcertoient extrêmement les aflîégeants. Dans
une de ces forties ils enlevèrent à C^apeck fon chameau qu'il avoit
pris fur les Chevaliers Teutoniques , & l'emmenèrent en triom-
phe dans la ville. Cet affront irrita tellement les affiégeans, qu'ils
réfolurent de ne point quitter le fiége qu'ils n'eufîent recouvré le
chameau. Il demeura pourtant à la ville de Pilfen , & même de-
puis ce temps-là Sigifmond lui donna le chameau pour armes, au
lieu du limaçon (1) qu'elle portoit auparavant, Cependant les af-
fiégez réduits aux abois par la famine auroient infailliblement
(1) Pilfen, fign'fie en Bohémien , limaçon. Ce nom fut donné à cette Ville à caufe de h
grar.de quantité de limaçonsqul s'y trouva lors de fa fondation en yj$. Strank- Refp. Bohein.
cap. II. §. XI.
42i HIST. DE LA GUEURE DES HUSSITES
1 43 3 • péri de mifére fans un fecours de 8 ooo. ducats d'or qu'ils reçurent
du Concile de Bafle. Cet argent fut envoyé au Seigneur de Mai-
fon-Neuve pour acheter des vivres, 6c autres chofes néceflaires
pourfoutenirun fiége. D'autres Seigneurs tant Calixtins que Ca-
tholiques trouvèrent auflî moyen d'y faire pafîer a deux fois
i4oo.muids de farine, de forte que la ville fe trouva en état de
1434. lafïer les affiégeans.
Défaite des XXIII. Dans ces entrefaites arrivèrent les députez de Bohême,
PrSueî"" U & ceux °^u Concile , avec la confirmation des concordats. Peu de
temps après on afifembla les Etats de Bohême, où ces concordats
furent fignez par les Calixtins Scies Catholiques. Mais les Tabo-
rites & les Orphelins avec les Orébites s'y oppoférent ouverte-
ment, 6c firent de grandes plaintes du Concile qui les vouloir du-
per par des offres artificieufes , 6c delafaufîe politique de ceux
d'entre les Bohémiens qui avoient donné dans ce piège. Us firent
entre autres de grands reproches à Rockiz^ne , qui, pour parve-
nir à [es vues ambitieuies 3 avoit été le plus ardent folliciteur d'un
traité qu'ils trouvoient frauduleux. Les députez du Concile pro-
fitant de cette défunion animèrent la nobleile Bohémienne contre
lesTaborites. Auffi-tôt les Seigneurs de Bohême , voyant la ruine
de la patrie inévitable par l'oppofition des Taborites , fe liguèrent
contre eux , 6c convinrent de fe choifir un chef. Ils jettérenc
les yeux fur Alexiusde Riz^mberg, autrement Wrxgftow , qui fe
joignit avec Maifon- Neuve , 6c quelques autres Seigneurs. La
première entreprise fut de fe rendre maîtres de Prague , ou d'en-
gager cette capitale à s'unir avec eux pour la défenfe commune de
la patrie. Ils ne trouvèrent point de difficulté dans la vieille ville
à qui les Taborites étoient à charge. Il n'en fut pas de même de la
nouvelle ville commandée par Procope le petit 3 chef des Orphe-
lins, QCçzxAnârè Kerski Taborite, appelle capitaine de Tabor.
Ces chefs déclarèrent qu'ils ne vouloient point fe féparer de leurs
conféderez > 6c qu'ils étoienc bien réfolus de fe défendre. Cepen-
dant les Grands de Bohême à la tête des troupes de la vieille ville
firent irruption dans la nouvelle ville avec tant de fuccès , qu'ils en
chafïérent les Taborites 6c les Orphelins, & les ayant pourfuivis
les taillèrent en pièces. L'hiftoire dit qu'il demeura quinze à vingt
mille hommes fur la place dans cette occafïon, qui entraîna la
ruine de tout le parti.
Trtcoptlérc XXIV. Cette défaite arriva le 6. de Mai. On peut juger delà
Piffcn!dC j°*e 4ue cau^a cecce nouvelle dans la ville affiegée. Les habitans de
ET DU CONCILE DE BASL.E. Liv. XVII. 423
defliis leurs murailles infulcoient Procope ^ lui difant qu'il allât au 1434,.
fecours de Tes gens , au lieu d'attaquer les autres. On dit que par
le confeil d'une vieille femme ils jetterent dans le camp le feul porc
qui leur reftoit,qu'ils avoient rempli de bled,de froment &de pois,
pour faire croire qu'ils ne manquoient pas démunirions. Cepen-
dant Procope ayant appris la défaite de [es gens , leva le fiége le 8 .
de Mai fête de St. Staniflas. On célèbre encore cette fête pen-
dant 6. jours à Pilfen en mémoire de cette délivrance. L'Auteur
dont je tire ceci dit y avoir affilié (a). On trouve cette infcription (aj cuchor.
dans l'Egliie Cathédrale de Pilfen. ïan 1433. le 15. de Juillet ub^pr-p-
cette ville fut affieqee par les Wulefites , les MuJJites & les Taborites.
Ce fit 'ze dura dix mois, au bout de [quels le Dieu tout-puiffant mit en
fuite les impies, llsfe retirèrent honteufcment le 8. de Mai de 1434.
le lendemain de la St. Stanifiàs^qui pour lors ètoit le Dimanche d'après
ïoclave de ï Afcenfion (b). j^xcf
XXV. Procope en fureur de la défaite de fes Taborites, & d'à- Entière de-
voir été contraint de lever honteufement le liège de Pilfen . neref- [;litedei Ta"
*-* bontés-
piroit que la vengeance. Il jura qu'il perdroit plutôt la vie , que de Mortde*
ne pas reprendre la nouvelle ville, ôcen challer les Seigneurs de deuxPrw*-
Bohême. Dans cette vue , après avoir mis tout à feu & à fang aux *es
environs de Prague , il alla à Cuttemberg , d'où il écrivit à fes con-
fédérée pour avoir du fecours. Il y avoir encore pluiîeurs villes
dans fon parti, qui jointes avec les Orphelins & le refle des Tabo-
rites, pouvoient former une armée confiderable. Les Seigneurs
de leur côté écrivirent aux villes de leur parti , de ralTembler tou-
tes leurs forces pour venir à leur fecours contre un ennemi defefpe-
ré.Les deux armées ennemies fe trouvèrent donc en prefence à en-
viron quatre milles de Prague, entre Broda la Bohémienne , &
Kurfim. Le deflein de Procope n'étoit pas d'abord de livrer batail-
le, à moins que l'occafion ne s'en prefentât fort favorablement
Il auroit mieux aimé aller droit à Prague, où il ne doutoit pas
qu'on ne lui ouvrît les portes de la nouvelle ville , parce que les Sei-
gneurs l'avoient abandonnée pour chercher l'ennemi 5 mais la
cavalerie des Seigneurs ayant enfoncé brufquement [es retranche-
mens^il fallut en venir aux mains LesTaborites qui n'avoientpoinc
encore vu la cavalerie fe faire paflàge au travers des chariots , con-
firmez de cette attaque imprévuë,prirent d'abord la fuite de l'au-
tre côté du retranchement. Procope cependant à la tête d'un corps
de troupes aguerries , fe jetta au milieu des ennemis , & leur difpu-
ta quelque tems la victoire , moins vaincu que las de vaincre , die
4i4 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1 4 1 ±. Sylvlus. Mais enveloppe par un gros de cavalerie , il fut bleflé à
mort, fans qu'on aie fçu d'où partoic le coup. L'autre Procope^u'on
anpeWoit le petit , fut aufli tué dans cette occafion , en fe défen-
dant vaillamment. Telle fut la fin de ces redoutables chefs , 6c des
Taborkes jufcju'alors invincibles. On n'a point fçu qui fut le meur-
trier de Procopc le Grand. Le général Kotska qui depuis peu s'é-
toit rangé du parti desNobles/e vanta néanmoins de cette prouef-
fe. A l'égard de Cxapeck qui commandoit ia cavalerie Taborite,
èc qui s'étoit fignalé en Prude, il trouva moyen d'échapper du
combat , &: fe recira à Colin , ville forte à fîx lieues de Prague , a-
vec une bonne partie de fa cavalerie. Quelques manuferits portent
que Maifonneuve avoir corrompu ce Général par argent. Au moins
eft- il certain que depuis il fut fort honoré parmi les Catholiques
qui l'employèrent à des affaires importantes , & qu'il finit Ces jours
avec gloire. Ce qui contribua le plus à le rendre fufpeâ; aux Tabo-
rires,c'ell: que trois jours après fon é vallon il remit la place auGou-
,. c ,, , . verneur de Bohême (a). Cette victoire fut remportée le 20 de
ibpr.p.45<r. Mai. Ainfl arriva ce que Sigifmond difoit Couvent, que les Bohémiens
ne pouv oient être vaincus que parles Bohémiens.
M*ifon-Neu- XXVII. Après le combat, les vainqueurs tinrent confeil fur
wfeit brûler ce qu'on feroic des prifonniers , parce qu'il n'y avoit point à efpe-
prifonniers!3 rer °^e tranquillité dans le Royaume , fi on leur donnoit la liberté.
L'avis le plus général étoit de les faire mourir tous. Mais Maifon
Neuve s'y oppofa , craignant de faire mourir des innocens que
Procopc auroit forcés à le fuivre. Il s'avifa donc de ce ftratagême
aufli cruel que perfide. Il fit venir devant lui tous ces malheureux
captifs, qui étoient par milliers, & leur dit d'un ton fort amiable,
que les Procopes avoient porté la jufte peine de leur rébellion, mais
que la guerre n'étoit pas finie pour cela $ qu'il falloit aller aflïéger
C^apeck dans Colin, & achever de dompter les brigands &les in-
cendiaires qui ravageoient la Bohême j que pour cette exécution
on avoit befoin de gens aguerris comme eux , quefi donc ils vou-
loient lui être aufïï fidèles qu'ils l'avoient été à Ziska ôciProcope,
ils n'avoient qu'à entrer dans une grange qu'il leur montroit j que
là on prendroit leurs noms,& on leur affigneroit une paye. Les Ta-
borites ravis de cette propofition, entrèrent dans la grange , où,
félon l'ordre qu'ils en avoient , ils n'admirent que les plus propres
au combat. Dès qu'ils furent entrez ,011 ferma la grange, on y mie
le feu,& ils furent tous confumez. Cette exécution fait encore plus
d'horreur , que la defeription que fait jEneas Sylvius de ces mife-
rablcs
ET DU CONCI LE DE BASLE. Ztv. JTVII. 4.15
râbles victimes. Cet oient,, dit- il, des hommes noirs, endurcis auvent & \a\a
au foie il, & nourris à la fumée d'un camp. Ils av oient l'afpecl terrible &
affreux Jes yeux d'aigle s, le § cheveux heriffez^, une longue barbe, de s corps
d'une hauteur prodigieu fe,des membres toutvclus,&la peaufi dure, qu'on
eut dit qu'elle auroit rcftfiê au fer comme une cuira/le (a). Au relie, Bal- r a ) uitrttpr.
bin témoigne que tous les prifonniers Taborites ne furent pas brû-
lez , &. que ceux de Prague , & les autres vainqueurs épargnèrent
les leurs fous de certaines conditions. Il n'y eut que ceux de Pilfen,
qui en tuèrent mille, qu'ils avoient fait prifonniers , fans doute
pour fe vanger du long éc cruel fiége de cette ville. Depuis ce tems-
là les Taborites ne mirent plus d'armée en campagne -, mais ils ne
furent pourtant pas entièrement éteints. Ulricde Rofcs l'un des
vainqueurs 3 pour profiter de la victoire qu'on venoit de remporter
fur les Taborites campagnards > allaaiïieger Zomnitz$eùx.e ville oc-
cupée par d'autres Taborites. Ceux qui refloient à Tabor envoyè-
rent à leurs frères afliegez un renfort de 1 000. hommes , avec 48.
chariots chargez dJarmes dont ils manquoient. Us fe firent paita-
ge au milieu des affiégeans , &. entrèrent dans Zomnitz^ Mais en
s'en retournant chez eux } ils furent furprispar les troupes du gé-
néral Rofes. Ils firentpourtanttête à l'ennemi, & envoyèrent à
7\*<Wpour demander du fecours. On leur envoya en effet 300.
Taborites. Mais Ulric de Rofes les ayant interceptez 3 on en vint
aux mains. Les Taborites fe défendirent comme des lions depuis
midi jufqu'àla nuit 3 le courage fuppléant aux forces. Enfin à mi-
nuit la vidoire fe déclara pour Ulric de Rofes. Peu de Tabori-
tes furent épargnez. On entendit les cris des combattans , d'un
grand mille de Bohême. Cette défaite abbattit beaucoup le cou-
rage des Taborites, & les empêcha d'exécuter le defîein qu'ils
avoient d'envoyer des troupes à Cuttemberg &. à Nymbourg^o\ix re-
commencer la guerre, 2c vanger la mon de Procope. Cependant
Ulric retourna au fiége de Zomnitz^, s'empara de la ville , épargna
ceux qu'il trouva défarmez , & fit rafer la forterefîe (b). C'eft ain- (b ) Kalh.nki
ifi que peu à peu les Taborites furent contraints de vuider toutes ^r*
les places qu'ils occupoient 3 & entr'autres la ville de Colin 3 qui
avoitété reprife par un prêtre Taborite nommé Bedz±ch > à fon
retour de Siléfle où il avoit été fait prifonnier.
XXVII. L'Empereur s'étant fait couronner à Rome , fe ren- Die'tc à Pr,_
dit à Balle y d'où après avoir reconcilié du mieux qu'il put le Con- g"e » où .Si-
cile avec Eugène IV. ou au moins fufpendu leurs démêlez , il alla à g$™*i™*
Ukne , ville de Suabç, Delàilenvoyauneambailade aux grands AmbaŒu
Tom. I. H h h deurs>
4ié HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1434. de Bohême, pour les féliciter & de leur réunion à l'Eglife, Se de
leur victoire fur les Taborites, ëepour les inviter à le reconnoî-
tre pour leur Roi. Ces ambafladeurs furent reçus avec honneur,
& écoutez favorablement dans une Diète qui fe tenoit alors à
Prague, pour mettre ordre aux affaires publiques après la révo-
lution qui venoit d'arriver. Dans cette Diète on prit des mefures
pour achever de réduire les Taborites, qui remuoient encore quoi-
que foiblement. En effet Tabor fut enfin rendu au Gouverneur du
royaume, Ôc les Taborites promirent de demeurer tranquilles.
On réfolut aufîi de donner fur \qs fonds publics une certaine fom-
mepour l'entretien du Gouverneur , de rétablir le magazin de la
monnoieà Kuttemberg, de condamner au feu, comme on faifoit
auparavant, les faux monnoyeurs, de rappeller les bannis, d'é-
largir les prifonniers 5 & enfin de permettre aux défobéiflans de
vendre leurs biens , & de fe retirer ailleurs. A l'égard des ambafla-
deurs de Sigifmond, on leur répondit qu'inceflamment on lui en-
verroit une ambaflade folemnelle y ce qui s'exécuta le 1 7. d'Août.
D'Ulme l'Empereur alla à Ratisbonne où s'étoient rendus fes am-
bafladeurs, &. les légats du Concile.
Ambaffade XXVIII. En chemin il rencontra l'ambafladeBohêmienne qui ve-
des Bohc- nojc au devant de lui. C'étoient Menardde Mai (on Neuve. Ptaczko
lEnpereur. de Ratay 3 Czjnko de Wartemberg > & quelques autres Seigneurs;
quelques-uns y joignent Rockiçane. De la part des Taborites &
des Orphelins fe trouvèrent Sokol 3 Jean Smirzics , & ce même
Czgpeck qui avoit peu detems auparavant rendu la place de Colin.
Il s'y trouva auffi des dépurez dePrague ÔC des villes royales de Bo-
hême. Quelques Hiftoriens difent que dès lors ils reconnurent tous
Sigifmond pour leur Roi. Mais d'autres prétendent que cela ne fut
point aufli unanime. Theobald &t Balbin témoignent que l'Empe-
reur leur ayant demandé s'ils vouloient le reconnoître en cette
qualité, ils répondirent qu'ils n'avoient point d'ordre là-deflus,
mais feulement de le féliciter de fbn heureux retour & de fon cou-
ronnement à Rome, de qu'ils aflembleroient lesEtatspour en dé-
libérer. On trouve une autre particularité dans le Mars Moravia
que. C'elt que les députez Taborites demandèrent dans une
audience particulière , qu'on obligeât tous les Bohémiens fans ex-
ception , même les Catholiques } à communier fous les deux espè-
ces, afin qu'il n'y eût plus d'obftacle à l'union dans le royaume.
Cette demande fut rejettée par l'Empereur , & par les autres dé*
putez de Bohême. On n'accorda pas même aux députez Tabo-
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. JlVU.^i-j
rires l'encrée dans l'Eglife de Ratisbonne , non plus que la fépul- \a\±
tureeccléfiaftique à un d'entre eux qui mourut dans cette ville.
L'Empereur fur le point de partir pour la Hongrie , prit en parti-
culier ces mêmes députez, & les exhorta fortement à renoncer à
des prétentions fi déraifonnables de fi exorbitantes , &c à acquief-
cer au traité de paix qui venoit d'être conclu de concert avec les
Bohémiens & le Concile, leur promettant d'interpofer fon auto-
rité royale pour le faire obferver , pourvu que de leur côté ils prif-
fent fidèlement toutes les mefures neceflaires pour le faire bien re-
cevoir en Bohême. Après les avoir ainfi un peu adoucis, au moins /a)Autr-c-
en apparence , Sigifinond partit pour aller à Bude , &: de-là à Albe ment mîfi
Royale (a), ouil pafTa l'hyver& l'été de l'année fuivante. JmAmrg.
XXIX. Eugène IV. non moins vivement prefîé en Italie par le Affaires é-
Duc de Milan , qu'en Allemagne par le Concile de Bafîc, écoit K^"vo_
réduit aux plus dures extrémitez. Il s'étoit même attiré à dos la que ion De-
plus grande partie de l'Europe par fon oppofition opiniâtre à là "ct £°t"r la
continuation de ce Concile , qu'il avoic voulu d'abord transférer du Concile
à Bologne, comme il le fîtenfuite àFerrare, & depuis à Florence.
Il fallut pourtant qu'il fe défiftât du deflein de la tranflation à Bo-
logne , parce que d'un côté le Duc de Milan , & de l'autre les Vé-
nitiens le menaçoient de lui faire une guerre ouverte, s'il ne re-
nonçoit à cette tranflation , & s'il ne confentoit à la continuation
du Concile de Bafle. Il paroît en effet par une Bulle datée du 1 5.
Décembre de l'année précédente, qu'il donna cette confirmation,
& qu'il révoqua ou defavoua les lettres de tranflation j qu'il caffa
toutes les procédures qu'il avoir faites contre les Pères deBafle <Sc
leurs adhérans, ôc rétablit trois Cardinaux qu'il avoit dépofez ,
entre lefquels étoit Capranica , dont on a parlé ci-devant. Ces
Bulles de révocation furent portées à Bafîe de la part du Pape, par
l'Archevêque de Tarente , & par l'Evêque de Servia en Romaine.
Elles étoient accompagnées d'une lettre du même Pontife à l'Em-
pereur, où il répréfentoit a ce Prince que n'ayant révoqué cqs
actes précédents contre le Concile de Basle , que par fon confeil,
& pour empêcher un fchifme dans l'Eglife , il étoit jufte qu'en
reconnoifïancede cette docilité , il foutîntau Concile la dignité
& l'autorité du Siège apoftolique. Eugène écrivit fur le même pied
au Roi de France , au Duc de Bourgogne , & au Roi de Pologne.
X X X. Cependant comme cette réconciliation avecleCon- LePapes'en
cile avoit été extorquée par les menaces du Duc de Milan qui fe fuit dc Ro*
portoit en Italie pour le Légat du Concile, les méfiances &: les liof-
Hhhij
'4i 8 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSÏTES
J4-4. tilitezcoiuinuoient toujours de la part de ce Duc. Les Romains
eux-mêmes las de ces troubles inteftins , & harcelez fans cefTe par
les troupes du Duc 3 fe fouleverent contre le Pape. Us l'allerent
trouver le 29. de Mai, pour l'obliger à changer la forme du gou-
vernement, 6c à les mettre en poileiîion du château St. Ange 3 &c
de la fortereiTe d'Oftie , demandant pour otage le Cardinal Iran-
fois Condulmer Ton neveu. Le Pape l'ayant rer'uië, ils enlevèrent
ce Cardinal d'auprès de lui , le mirent en prifori , & afîiégerent le
palais épifcopal. 11 fallut cédera la force. Le Pape promit de quit-
ter les rênes du gouvernement, &dene fé mêler que d'affaires
eccléfiaftiques. Mais les Romains n'en demeurèrent pas là. Ils ré-
solurent d'emmener le Pape dans l'eglife des Apôtres Si, Pierre &
St. Paul 3 & de l'y retenir prifonnier jufqu'à ce que le Duc de Mi-
lan &. le Concile en difpofaflent. Le Pape en eut avis j & prévoyant
qu'il finiroit là (es jours , ou qu'il feroit dépouillé du pontificat 3 il
prit le parti de fefauverenhabitde Bénédictin jee qu'il fit en effet,
non fans beaucoup de peine 2c de danger. De- là Eugène fe retira, à.
Florence , où il fur re^û à bras ouverts ^ comme cela paroît par les
lettres qu'il en écrivit à Jeanne II. reine de Sicile , & aux Pères de
Bafle. Cependant l'affaire fe raccommoda. Le cardinal Condulmer
i434?Num! ^Llt relâché , & la paix fut conclue , même par l'entremife du Con-
ix.-- xii. cile de Balle (a).
Les Grecs XXXI. En ce même temps on négocioit la réunion des Grecs
envoyentdes avec jes Latins (\2ins \Q Concile , &. en Italie. On n'avoit fait qu'é-
dc^aù baucher cette affaire au Concile de Confiance (b). Depuis ce
Concile, & temps là Martine, y avoit travaillé , mais fans beaucoup defuc-
ei\l)Ynjt. d,i c^s. Eugène IV. qui s'y étoit déjà employé étant cardinal 3 parut
Conc. de en faire ion affaire dès qu'il fut Pape. Il s'étoit même fervi de ce
cwji.Liv. prétexte, entre autres pour transférer le Concile à Bologne, com-
me on l'a dit. Il avoit envoyé pour cela un de (es fecretaires à
Conftantinople. Le Concile de Bafle defoncôté écouta favora-
blement les amballadeurs qui lui furent envoyez de la part des
Empereurs de Conftantinople & de Trebifonde (1). On trouve
dans Raynaldus une lettre de l'Empereur de Trebifonde à Eugène
IV. en réponfe à deux que ce Pape lui avoit écrites, l'une de Ro-
me , l'autre de Florence. On verra dans l'hiftoire de ce Concile y
quelle fut l'itfuc de cette affaire. Je remarquerai feulement que le
Pape écrivit aux Pères de Bafle, pour les exhorter à ne rien faire
( 1) Trebifonde dans la tstuolie étoit autrefois la capitale d'un empire de ce nom. Mahomet II,
s'en empara en 1460.
\^^!7c^!^jc!!^.
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. XVII. 419
à cet égard , que de concert avec lui, &: fans lui en donner avis. 1424,
Eu<rene ne négligea pas la réunion des Syriens &, des Arméniens.
Il écrivit pour cet effet au Patriarche de Jerufalem. Cette invita-
tion fut fi bien reçue , que ce Patriarche fit traduire la lettre du
Pape en Arménien , & l'envoya au Patriarche d'Arménie.
XXXII. Les infidèles enflez de plufîeurs victoires qu'ils avoient Entreprîfe
remportées fur les Chrétiens, fe difpofoient à enlever l'Ifle de ^esJ"r"
Rhodes aux Chevaliers de ce nom. C eit ce qui engagea Eugène a Rhodes,
écrire au Concile de folliciter les Princes Chrétiens à fecourir les
Chevaliers. Il écrivit auffi au Roi de Caftille , pour lui donner avis
des grands préparatifs que faifoit le Soudan de Babylone contre
rifle de Rhodes , ôc le prier d'envoyer un fecours prompt & con-
fïdérable au Grand Maître de l'Ordre. Les Chevaliers de leur
côté fe mirent en fi bon état de défenfe^que le Soudan fe défifta de
fon entreprife. On trouve une Bulle d'Indulgences du même Pape
en faveur des Princes & des Grands de Macédoine qui avoienc
remporté une grande vi&oire fur les Turcs , & en faveur de tous
ceux qui voudroienc fecroifer contre ces ennemis du nom Chré-
tien. Maisl'entreprifeneréufîitpas. Les Chrétiens furent battus
àCalubara , Ifle de la Turquie, qu'ils avoient aiîiégée. Si la Reli-
gion Chrétienne faifoit des pertes en Turquie elle faifoit des pro-
grès dans quelques Ijles de Canaries , comme on le voit par une
Bulle du Pape en faveur de ces nouveaux converti, datée de Flo-
rence le 29. de Septembre.
XXXII I.Ce fut cette année o^Amcàèe duc de Savoye quit- Retraite 5*a-
ta le fîécle pour fe faire Ermite, à l'âge de 56. ans, après avoir ^[rJ*
gouverné pendant 40. ans avec beaucoup de fagefïe& de bonheur, paille.
Dans cette vue laiflant le gouvernement de l'Etat à Ces deux fils , il
choifit pour fa retraite l'agréable féjour de Ripaille , bourg fur le
Lac de Genève où il bâtit un bel ermitage ôc fonda l'Ordre des er-
mites de S. Maurice ( 1 ). Il fut le dernier Comte 6c le premier Duc
de Savoye , ayant reçu des mains de Sigifmond la courone ducale ,
comme on l'a vu dans l'hiftoire du Concile de Confiance. Il n'a-
voit avec lui dans cette retraite qu'une vingtaine de domeftiques,
& quelques feigneurs. On a parlé différemment de la vie qu'il y
menoit. Les uns difent qu'au lieu d'eau il buvoit des vins les plus
exquis , & qu'au lieu de racines , il fe faifoit fervir les mets les plus
(1) C'étoit un Ordre militaire auquel on donna le nom de St. Maurice, parce qu'on pré-
tend que non loin de là Maurice fouffrit le martyre avec fo légion Ibe'bt'me fou5 l'empire de
Maximien. Spond. Ann. 1454. nura. XIV.
H h h irj
45 o HÎST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14- * a délicats, 2c que même il ne s'etoic retiré que pour fe donner à les
plaifirs avec plus de liberté. Mais d'autres , comme ALneas Syl-
z'ius contemporaine témoin oculaire , aulli-bien que Jean Gobe-
lin Ton fécretaire , ont foucenu qu'Amedéc menoit à Ripaille une
vie fort aullére. L'équité veut qu'on les en croye préferablemenc
à d'autres, qui peuvent n'avoir pas été 11 bien informez. Voici donc
ce qu'en dit ^Eneas Sylvius : Amedèe premier Duc de Savoye de cette
mai fin gouverna cette Province pendantprès de 40. ans depuis la mort
de fin père , dont il augmenta confidérablement les Etats. Il fut l'ad-
miration & la terreur de fin fié de , & trouva Part de fie maintenir en
paix avec les princes fis voifins , dont il s'attira l'amour & l'ejhmc par
fia fagejje. Une fituationfi glorieufe ne l'empêcha pas de quitter le mon-
de pour fi retirer dans un ermitage 3 avec fix Chevaliers feulement ,
<rens àgez^ & vivans dans le célibat. Là il prit une robe d'ermite ; il
s'appuyoit fur un bâton noueux &tortu. C'efi de cette retraite qu'on
jetta les yeux fur lui a JB a fie pour lui offrir le pontificat , & qu'il l'ac-
fa) Mmas cepta (a). On voit bien que ce n'eft pas là le portrait d'un débau-
Syh. Hirt. ché. Mais le même Hiitorien dit encore là-deflus quelque choie
xuu. ',pTP' ^e Pms Particulier ailleurs. C'efr. dans l'endroit de (on hiftoire du
3 10. Concile de Balle , où il parle de l'élection de ce Duc au pontificat.
Il y en eut un , dit-il , qui eut plus de voix que tous les autres. C'efi le
très-excellent Amedee duc de Savoye , doyen des Chevaliers de St.
Maurice ( 1 ) de Ripaille dans le diocèfe de Genève. Les feize Elec-
teurs confidérant qu'il étoit alors dans le célibat , & qu'il vivoit en re-
(b) Mntm ligieux , le jugèrent digne de gouverner l'Eglifi (b). Enfuite il intro-
s/f '"luTh ^u*c un ^es mem^res du Concile, failant un long & magnifique
0.107. éloge d' Amedée y fur tout de fa dévotion. Il dit entre autres choies,
qu'il ne portoit d'habits , que ceux qui étoient ntceffaircs pour fi ga~
rantir du froid } & qu'il ne mange oit que ce qu'il fallait pour ne pas
mourir de faim.
France , & XXXIV. Les chofes étoient à peu prés au même état en Fran-
Mgiete-n-e. ce & en Angleterre. Les François paroiiloient allez difpofez à la
Négociation . . V, s , . j * j a 1 • > i
de la Paix paix 3 n^ais " n en etoit pas de même des Anglois , quoi qu alors
entre hFran- inférieurs. On parla pourtant de paix cette année, mais elle ne
rie^erre s'exécuta que l'année fuivante à Arras. Le Pape & le Concile
qui étoient fort divifez, y envoyèrent chacun leurs députez. Les
cardinaux de Chypre & d'Arles y allèrent delà part du Concile,
(i) Il paroit manifeflement par là qu'on s'efl: trompé, quand on a marqué l'inflitut-on de
«et Ordre à l'an i/7*. comme a fa.t l'Auteur del'hiitoiredcs Ordres Militaires. Tom. JV. p.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. XVII. 431
& le cardinal de Ste. Croix, Nicolas Albergati , de la part ày Eugène ia-ijl
IV. pour la troisième ou la quatrième fois. Ce Cardinal voulut
a*iler rendre viilreen pallant au Duc Amedée dans fa retraite de
Ripaille } & en fut fort bien reçu. » C'étoit , dit l'auteur de la Pour-
» pre fuyante , un fpectacle bien curieux devoir un des plus puif-
»ians princes feculiers, redoutable à la France &à l'Italie, qui
«auparavant portoitdes habits tout éclatans d'or , quiétoittou-
» jours entouré d'une nombreufe cour _, & qui ne marchoit jamais
* fans une magnifique efcorte , de le voir précédé feulement de 6.
» ermites , & fuivi de quelques prêtres , recevoir le Légat apofto-
» lique dans cet équipage 3 & avec un méchant habit. Ces Che-
» valiers avoient pourtant une croix d'or fur la poitrine 3 & c'étoic
» l'unique marque de noblefîe qu'ils euiTent confervée. Le Cardi-
» nal & le Duc s'embraiîerent tendrement. Le premier ne pouvoir.
»fe laflér d'admirer & d'exalter le Duc. Sa conduite ne fut pour-
» tant pas à couvert de la calomnie. Il y eut des gens qui attribué-
» rent fa retraite à l'ambition d'être Pape. Il demeura huit ans
» dans fon ermitage. Mais quoiqu'il eût remis le gouvernement a
» fon fils, ilnefe déflaiiit pas des affaires les plus importantes. Il purhrF**
»ne quitta point le titre de Duc, &ilferéfervala difpofuion de D^.Lb.m.
j> fon tréfor (a). ?'SzSl>
XXXV. Cette même année mourut à la fleur de fon âee ,& T ^°'"!^e
r • 1 a • 1 1 1 Lattis d An-
ÏOXZ regrette , Louis III. duc d Anjou , dans le royaume de Na- im.
pie , où Jeanne II. l'avoit attiré pour lui iuccéder (b). L'Hiftoi- (b) R"?"111'
re parle de ce Prince comme d'un feigneur d'un mérite éclatant , num.****
& d'une grande efpérance. Il avoit époufé depuis fort peu de
temps Margueritte , fille d'Amedée duc de Savoye , princefle d'une
grande beauté. Jeanne le regretta beaucoup, & fe reprocha de
lui avoir donné plufieurs chagrins, qui avoient pu caufer fa mort.
Elle ne voulut point qu'on transportât fon corps hors du Royaume
de Naples , ôc la noblefle d'Anjou eut même beaucoup de peine
à obtenir que fon cœur fût porté à Angers. Cette mort releva les
efpérances à'Alphonfe roi d'Arragon. Il écrivit auiïï-tôt à Eugène
IV. tant pour le confoler defes difgraces, que pour lui offrir du
fecours, lui donner avis des menées du Concile contre lui , &lui
recommander fes prétentions. Mais ce Pape ne fe trouva pas d'hu-
meur à le favorifer au préjudice de la Reine.
Les François & les Anglois avoient déjà leurs ambaiïàdeursau
Concile. Je trouve dans les actes d'Angleterre (c) , que les der- (c)Tom. x,
jaiers en envoyèrent de nouveaux cette année, auiîî bien que les i'-*8^*
.'434'
43î HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
Ecoflois. La commiffion des ambafladeurs d'Angleterre portoic
de s'unir au Concile pour travailler à la réformation dans le chef
6c dans les membres , au maintien de la Foi orthodoxe 3 à la paci-
fication de l'Europe, 6c à la reconciliation de la France 8c de l'An-
gleterre. On rapporte à cette année la convocation d'un Synode
à Londres , où cette affemblée fe déclara pour le Pape contre le
Concile.
particularité X X X V I. On trouve dansPHiftoire de Bretagne du P. Lo-
touchant la bineau 3 une particularité qui regarde cette province. » Le Concile
Bretagne. w général , dit-il 3 affemblé à Bade dans ce même temps , ayant in-
» vite à l'ailèmblée tous les évêques ôctous les prélats de Bretagne
« qui avoient droit de s'y trouver ^ le Duc 3 pour éviter une partie
» de la dépenfe , fit propofer au Concile de trouver bon qu'il n'y
» envoyât feulement que deux évêques, trois abbez, 5c quelques
«docteurs ou licentiez aux dépens du clergé de la Province. Le
« Concile par fes lettres du 30. Avril , déclare qu'il fe contentoit
* que le Duc y envoyât deux évêques , & trois ou quatre abbez de
«differens Ordres,, avec les dodeurs 6c licentiez qu'il jugeroit à
«propos, aufquels on marqua la mi-Juillet pour terme de leur
«voyage, 6c le Concile permit que pour lesdéfra^fer, il fûtim-
«poféun fubfrde fur le clergé de Bretagne. L'Evêque de Léon
»étoit déjà au Concile, &avoit demande Ton congé aux Pères $
» mais ils le retinrent par un commandement exprès 9 & ordonne-
ra rent qu'il feroit défrayé aux dépens de la Province , comme les
«deux autres évêques que le Ducdevoit envoyer à Bafle, Ceux
«à oui le. Concile donna la commiiîion deleverleiiibfîde., furent
«les évêques de Nantes, àçSt.Brieuc&L de Rennes , lefquels s'e-
» tant afiemblez à Ploermelle 9. de Juillet , nommèrent deux Rec-
«teurs 6c un Chapelain , pour en faire l'impofition 6c la ievée.
«Comme l'Evéque de Léon étoit déjà au Concile, leDucfecon-
« tenta dénommer l'Evêque de Treguier 3 avec les abbez de St,
v Melaine & de Buze , Jean Priguene profefîeur en Droit civil ÔC
« en Droit canon , 6c Guillaume Groignet licentié dans l'un 6c dans
«l'autre. IlnefepalTa rien dans le Concile qui ait rapport a la
= Bretagne,qu'une contestation pour la préféance entre les ambaf-
« fadeurs Bretons 3 6c ceux du Duc de Bourgogne. Le Cardinal de
««S/. Ange préfident du Concile, ayant d'abord fait afleoir les
«ambafladeurs Bretons à gauche immédiatement après ceux du
« Roi de Dannemark , par proviiion feulement , 6c fans préju-
*? dice de leurs droits , juiqu'à ce que le Concile en eût autrement
» ordonné j
ET DU CONCILE DE BASLE. Z/v. J*7V/. 43 5
» ordonné, ils y acquiefcerent,avecproteftation quecelane pour- r434*
» roit porter de préjudice au Duc leur maître. Dans la fuite le car-
» dinal d'Arles , & l'Evêque de Lubeck députez du Concile pour
«régler laféance des ambafîadeurs, des Electeurs de l'Empire 6c
» du Duc de Bourgogne , ayant mis les premiers auprès du fîége de
«l'Empereur, 6c les derniers à droite: les ambafîadeurs Bretons
» s'oppoferent à ce Règlement , conjointement avec ceux des Rois
»deFrance,d'EcofIè3 de Dannemarck,, d'Arragon & de Sicile,
»6c des Ducs d'Orléans 6c d'Autriche j difant qu'il portoitpréju-
*» diceaux Rois 6c aux Princes , dont ils repréfentoient la perfon-
»ne. A quoi il fut répondu le 5. de Juillet 1434. par le Cardinai
» d'Arles, qu'il avoitréfervé le droit de chacun, 6c qu'il ne pré-
»tendoit point que ce qu'il avoit réglé fût tiré à conféquence. Il
«fallut fe contenter de cette réponfe., 6c les ambafîadeurs bretons
«envoyèrent Jean BretainècwyQï du Duc , lui rendre compte de (a)ubifupr,
» tout ce qui s'étoit pafîé (a). p. $9$.
XXXVII. Le Concile de Balle continuoit toujours fes féan- MUmagne.
ces en l'abfence d'Eugène IV. Il y en eut quatre cette année. Dans Scfhons du
la XVI. Seflion tenue le 5. de Février on examina trois Balles d'Eu- Ba°{k.
gène, par Ici quelles il révoquoit celle qu'il avoit donnée pour faire
difîoudre le Concile. Cette révocation admife, le Concile dé-
clara que le Pape avoit fatisfait à ce que cette afïèmblée avoit re-
quis de lui. Dans la XVII. du 26. Avril, les préfidents pour le
Pape furent incorporez au Concile en cette qualité fous certaines
conditions qu'on verra ailleurs. Ils étoient au nombre de cinq,
fçavoirdeux cardinaux 3 deux évêques 6c un abbé. L'Empereur
de retour étoit à cette Seiîion revêtu delà Couronne impériale
qu'il avoit reçue à Rome. Un Duc quin'eft pas nommé étoit à
fa droite tenant l'épée nue , 6c du même côté Guillaume duc de
Bavière portoit la pomme impériale, comme un emblème de
l'Empire du monde ; à fa gauche étoit l'Electeur de Brandebourg
avec le feeptre impérial. Dans la XVIII. Seffiondu 16. de Juin ,
on renouvella les décrets du Concile de Confiance touchant l'au-
torité 6c la fupériorité des Conciles généraux. L'Empereur n'é-
toit pas à cette Sefîion. Il s'étoit retiré mécontent du Concile,
dont il croyoit avoir été négligé. Il fe plaignoit entre autres cho-
fes , 1 . qu'étant en Italie le Concile avoit envoyé au Duc de Mi-
lan, 6c non à lui, pour recouvrer le Patrimoine de St. Pierre , quoi-
que l'Eglife Romaine n'eût pas été dotée par les Ducs de Milan ,
mais par les Empereurs. 2. Qu'étant à Bafîe le Concile avoit réfo~
Tom. I. Iii
*\
434 HIST- DE LA GUERRE DES HUSSITES
14* 4. ^u ^ans ^a participation d'envoyer des Cardinaux , tant au Pape >
qu'en France. }. Que le Concile s'ingéroit dans beaucoup décho-
ies qui n'étoient point de Ton relTort , au préjudice de l'Empire. 4.
Que c'étoit pour cela qu'il s'étoit retiré , mais que fi le Concile
vouloit travailler férieufement à la réformation & aux affaires
pour lefquellesil étoic aflemblé, quand il feroit en paradis , il en
reviendrait pour travailler avec eux. 5. Etant encore à Ulm il avoic
écrit au Concile pour lui reprocher fort vivement de s'être mêlé
d'accorder les différends des Ducs de Saxe, & protelter contre
tout ce que feroit le Synode dans cette affaire qui devoit lui être
(;i)SponJ. renvoyée (a). La XIX. SeiTion fut occupée. 1 .A négocier la réu-
mun. XL* nlon avec ^es Grecs dont les ambalîadeurs étoient préfens. 1. On
lut un décret pour la converfion des Juifs. Ce Décret ordonne
que les Evêques choiliront des docteurs habiles pour aller tous les
anSj de fois à autre, prêcher l'Evangile dans les lieux où habitent
les Juifs ^ qu'on les contraindra à venir à ces prédications, fous
peine d'être exclus de tout commerce avec les Chrétiens 3 que
pour faciliter ces converfions on tiendra, félon l'ordonnance du
Concile de Vienne , deux docteurs dans chaque Univerfité pour
enfeigner Y Hébreu , Y Arabe ,\zCbaldcen , ôclcGrec. On y défend
auflî aux évêques & aux feigneurs féculiers de fouffrir que des
Chrétiens 3 ou des femmes Chrétiennes entrent au fervice des
Juifs pour quelque ufage quecefoit. On y renouvelle les anciens
canon* fur la conduite que les Chrétiens doivent tenir à l'égard
(bj AB.Con* des Juifs & des autres infidèles (b). On verra ces chofès plus en dé-
tail dans l'hiftoire du Concile de Bade,
u ville de XXXVIII. Cette même année mourut Conrad III. arche.
Ma^k-bour- v£nue de Mayence , & Theodoric comte & Erbach fut mis en la
c:n le ion 1 J . 1 A
Archevêque, place. Ce dernier envoya auiii-tot a Eugène IV. qui etoit alors à
Florence pour lui notifier fon élection, èc en obtint la confirma-
tion 6c le Pallium. Il envoya tout de même à l'Empereur qui étoit
(c) Kerar. £ Presbourg , & qui confirma auffi cette élection (c). Il y eut à peu
gunt.Tri.p. près en ce même temps de grands démêlez entre la ville de Maq-
748* debourg , &. Gunthier de Swartzembourg fon archevêque. Les habi-
tans voulant fortifier leur ville pour le défendre contre leurs en-
nemis , &en particulier contre les Bohémiens, qui tout afFoiblis
qu'ils étoient ne laifloient pas de faire des courfes, propoferent
que l'Archevêque feroit une partie des frais , & le Clergé l'autre.
L'Archevêque rejetta la proposition 3 mais les citoyens perfiftant
dans leur réfolution enlevèrent ce qu'il y avoit de plus précieux
ET DU CONCILE DE BASLE. Zlv. XVÎI. 43 î
chez l'Archevêque & chez Tes Capitulaires , pour le mettre en 1434,
lieu de fureté. Il fallut céder à la force. Les Chanoines fe diflî-
percnt, l'Archevêque qui s'étoit fauve à Calbe y fut affiégé par
ceux de Magdeboucg. Ayant avec beaucoup de peine échappé
de leurs mains, il porta ion affaire au Concile y & devant l'Em- . . ¥dfk
pereur. Il gagna (a caufe dans l'un & l'autre tribunal. La vil- Orig'. Saxon,
le de Maedeboure fut condamnée à l'interdit eccléfiaftique , l iK v,n'r'
& au ban de 1 Empire 3 il dans un certain terme elle ne retablilioit ann. I4?4.
les chofes dans leur premier état (a). num- LVHI-
XXXIX. Le R.oi de Pologne avoir aufli envoyé fes ambaf- VoUgne.
fadeurs au Concile. Ce n'étoit pas feulement pour y traiter avec ™££t duca"
les autres des affaires de l'Eglife en général , c'étoit aullî pour fe Roi de Polo-
juil-ifier des mauvaifes imprelîions que les Chevaliers Teutoni- loSne-
ques & l'Empereur lui-même, avoient voulu donner de lui, à
caufe de fesliaifons avec les Bohémiens. Ces ambafladeurs n'é-
toient encore qu'à Pofnanïe , lorfqu'ils y apprirent la mort de La-
diflas. Ce Prince mourut fort chrétiennement à Grodck le dernier
de Mai de cette année. L'Hiftoire lui attribue de grandes qua-
litez mêlées de grands vices. Le dernier paroit par les fréquentes
cenfures que lui faifoit l'intrépide Evêque de Cracovie. Celle qu'il
lui addrefla à fon départ pour fon ambaflade au Concile étoit des
plus hardies, &elle mérite qu'on en donne ici le précis, parce
qu'elle fait en même temps connoître,, & le caractère du Roi 6c
celui du Prélat. » Je fuis, dit -il à ion Prince , dans une grande
» inquiétude fur le témoignage que je pourrai rendre de vos
» mœurs à l'Eglife univerfelle dans leConcile^qui ne manquera pas
y> de m'interroger là-defEus. Je fçais que vous êtes un prince doux ,
» dévot, libéral, patient 3 humble & clément. Mais vous avez
y» des vices qui ofïufquent ces vertus, & qui même les égalent.
«Car vous paflez les nuits dans la crapule ( 1) , & la plus grande
» partie du jour dans le fommeil. Vous n'entendez fouvent la
» Méfie que fur la fin du jour. Vous opprimez tellement les eglifes
»>& les monafteres, que fouvent les eccléfiaftiques Scies religieux
» font obligez de les abandonner , & fous ce prétexte vous confif-
«quez les biens de l'Eglife. A l'égard de votre cour, qui eft-ce
» qui pourroit en fouffrir les excès ? Tout le monde fe plaint d'en
«être accablé. On y vit fans règles & fans loix. Une avarice infa-
( i) Tous les HiftoriensPulonois témoignent unanimement qu'il ne bûvoit jamais que de
l'eau j & qu'il nogoûta jamais de rin. Il faut pourtant, fi le reproche de l'Evéque cft vérita-
ble, qu'il but de quelques liqueurs enyvrantes. Il mangeoit d'ailleurs à l'excès. Cr orner, ubi
fupr. p. 471.
Iii ij
43 6 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
'i±\\ . M tiable porte vos courcifans aux exa&ions les plus onereufes. Vous
», faites faire à votre gré des changemens dans la monnoye , qui
» ruineront à la fin le Royaume. Vous n'écoutez ni la veuve , ni
» l'orphelin , ni les oppreiTez. Il y a ici préfens plufieurs de vos fu-
» jets furie biendefquels vous avez porté vos mains avares, fous de
35 vains prétextes , & fans les avoir entendus ». Après lui avoir fait
d'autres reproches, il finit en ces termes: »Je vous ai fouvent
» averti de toutes ces chofes depuis que de votre fujet , je fuis de-
» venu votre père, tant en particulier qu'en prefence de témoins,
» vous follicitanc inftamment de changer de vie avant votre mort,
» qui fans doute n'eft pas éloignée , & de quitter vos anciennes fu-
» perditions dont j'ai honte de parler (i). A prefent que je fuis fur
» mon départ , & que , comme j'ai lieu de le croire , je ne vous ver-
» rai plus dans cette vie , j'ai voulu vous adrefler cette cenfure pu-
«blique (i), pour le bien de votre ame, pour votre honneur 3 &
»pour fatisfaireà mon devoir. O Roi ! je voudrois bien aufli (3)
» vous complaire , mais j'aime mieux votre falut , & celui de la Ré-
» publique s quand même vous m'en devriez haïr. Que fi vous per-
»fifiez^dans votre train 3 je vous déclare que je fuis rèfolu de lancer con-
» tre vous les cenfures ecclèfiaftiques > afin de vous dompter -par la verge
» Apofiolique , fi je ne puis vous ramener far des exhortations pater-
» nelles ». Ce difcours fut applaudi de toute l'aflemblée. Il n'en fut
pas de même du Roi. Il entra dans une telle fureur , qu'il ne me-
naçoit pas de moins que de perdre le prélat. Cependant il en re-
vint 3 éc témoigna même ce retour avant fa mort par plufieurs
reftitutions confiderables. Il donna en mourant une belle mar-
que de fon bon naturel ôc defon repentir, lorfque tirant de fon
doigt un anneau que la reine Edwige lui avoit donné en foi de ma-
riage , & qu'il avoit toujours porté , il ordonna à un de fes cham-
bellans d'en faire prefent de fa part à Sbinko évêque de Cracovie ,
r^Tir' ^ ^e ^e Pr^er de Ie porter en mémoire de lui, de lui pardonner fes
6$\. emportemens, lorfqu'il l'avoit fi juitement repris (a).
Sonfiiseft XL. Auffi- tôt après la mort d'Vladifias , les Ambafîàdeurs qui
«lu Roi. alloient au Concile furent rappeliez, parce qu'on jugea que les
affaires du Royaume prefloient plus que celles du Concile , où il y
( 1 ) Il confervoit encore quelques njperftitio.'ispayennes. Superftitiones qttafdam ttb ineunte
ittate imbibitas , adextremumufque retinttit : in qnibus illa fritt , quoi quotidie priuj quant pro~
iiretinpublicumterfefeingyrttmvertebat, $$ flipulatn ter confraiïam in terrant abjiciebat. Cro-
jner. ubifupr-
(1) Les autres ambafîàdeurs, & tout leconfeildu Roi e'toient prefens.
(3J II taxoit indirectement l'archevêque de Gncfne qui molliiïoit, quoique depuis il eût
approuvé la feverité de Sbinkjt.
ET DU CONCILE DE BASLE. Zh. JfVll. 43 7
avoit déjà afîez de gens pour pourvoir au bien de l'Eglife. Sbinko 1434,1
aflembla cous les Grands de la Haute Pologne 36c propofa de cou-
ronner inceflamment Uladijlas fils aîné du Roi , prince d'une gran-
de efperance. Cecte propofition ne pafla pas fans beaucoup de con-
tradictions , à caufe de la jeunefle du prince royal. Enfin toutes les
difficultez funnontées 3 il fut couronné à Cracoviepar l'archevê-
que de Gnefne , le jour de la fête de St. Jacques.
XLI. Il fut réfolu d'abord d'envoyer des ambafladeurs à l'Em- AmbafTadc
pereur qui étoit alors à Presbourg. Le but de cette ambaflade étoic ?e Folrène,
de propofer le mariage du jeune Roi avec la fille à* Albert archiduc
d'autriche, afin d'affermir entre l'Empereur &, la Pologne une
paix fort chancelante. Mais le Palatin de Cracovie mécontent
de l'élection du Roi avoit fait entendre à Sigifmond que l'ambak
fade avoit ordre de lui offrir les rênes du Gouvernement du royau-
me , & de le mettre fous fa protection. On prétend que Sigifmond
fut la dupe d'une fi agréable proposition , àc qu'il s'en vanta en
plein confeil , où il y avoit alors des Electeurs de l'Empire. Ce-
pendant il fut bien furpris, lorfquel'ambaflade arrivée, on ne lui
propofa que le mariage dont on vient de parler. Irrité de cet af-
front, il fit propofer aux ambafladeurs de leur donner 1000. flo-
rins tous les ans, s'ils vouloient lui faire déférer le gouvernement
de Pologne, promettant qu'il n'accepceroit point cette offre. Mais
les ambafladeurs refuferent d'outrepafler leurs ordres 3 &: s'en tin-
rent à la propofition du mariage. Sur quoi Sigifmond répondit qu'il
n'étoit pas raifonnable de conclure une telle alliance , avant que
d'avoir termine les démêlez entre les Rois & les Royaumes. En mê-
me temson envoya de nouveaux ambafladeurs au Concile pour
fe joindre à ceux qui y é toient déjà. La nouvelle de la mort du Roi
de Pologne que portèrent ces ambafladeurs, caufa une tiifteife
générale , & on lui fit des obféques magnifiques à Balle.
lii iij
H I S T O I R
DE LA
GUERRE
DES
H U S S I T E S
ET DU
CONCILE DE BASLE.
LIVRE XVIII.
1435-
Conditions
propofées ;i
Sigijmond
pour le rece-
voir en Bo-
bine.
I,
E n d A n T l'abfence de l'Empereur qui s'en étoit
rlB^Si rec<xirné en Hongrie, les Etats de Bohême s'afîern-
"^HB blerent pour délibérer des conditions fous lefquel-
| les on l'accepteroit pour Roi. On convint de ces
14. articles. Le 1. que l'Empereur confirmeroit&feroit foigneu-
fement obferver les quatre articles accordez par le Concile de Ba-
lle. Le 1. Qu'ilauroità fa cour des prédicateurs Hufîîtes. Le 3.
qu'il n'obligeroit perfonne à bâtir des châteaux fur Tes terres 7 ni à
ET DU CONCILE DE B A S LE. Liv. JCVllI-w
recevoir des moines. Le 4. Qu'il récabliroic l'Académie , & aug- ^ ^
menteroic les revenus de l'Hôpital. Le 5. Que les habicans du
royaume ne feroienc point forcez à rebâtir les monafteres qui a-
voient été détruits. Le 6. Qu'il reftitueroit au Royaume (es pri-
vilèges , & qu'il lui rendroit les Reliques & les ornemens royaux
(0- 7- Quehorsdel'Eglifeonprêcheroiten Allemand, mais que
dans l'Eglife on prêcheroit en Bohémien (2). Le 8. Qu'on ne re-
cevroit point d'étrangers dans le Sénat. Le 9. Que les orphelins
6c les pupilles ne fe marieroient point fans leconfentement de leurs
païens. Le 10. Qu'il feroit battre de bonne monnoie , & relever
les murailles des villes bâties fur les montagnes (3). Le 11. Qu'en
ion abfence il ne donneroit i'adminiilration à aucun étranger.
Le 1 2 . Qu'on rendît aux Juifs ce qu'on leur devoit , fans payer les
intérêts (1). Le 13. Que ceux qui pendant les troubles, s'etoient
retirez (de Bohême) ou,, ce qu'à Dieu ne plaife, s'en retireroient
dans la fuite par quelque nouvelle émeute, ne revinflent point chez
eux malgré les citoyens (5). Le 14. Qu'on donneroit uneamnif-
tie générale.
II. Ces articles arrêtez 3 on réfolut d'envoyer une ambalïade Troubles en
[olemndle à S igifrnond pour les luipréfenter, Ôc lui offrir leroyau-
me à ces conditions. Mais elle fut retardée par ces deux raifons.
L'une, qu'il furvint une ambaflade de Sigifhiond lui-même j on
n'en dit ni le fujet ni le réfultar. L'autre , qu'il arriva de nouveaux
troubles fur ces entrefaites. Un prêtre Taborite ayant aiTemblé
quelques troupes, avoit enlevé la ville de Colin aux Orphelins,
qui fe defendirenc vaillamment contre lui. De peur que cette étin-
celle ne produiiît un incendie, ks Taborites & les Orphelins
convinrent de donner cette ville en féqueitre à Mai fon Neuve ,
en attendant qu'on pût décidera qui elle appartiendroit. Pendant
ce temps là il fe tint une conférence à Beronne entre les eccléfiafti-
ques. Il y eut tant de conteitations , que chacun étoit réïblu de fe
("i) C'ctoit un privilège du Royaume degarder fes Reliques & Tes ornemens*, mais quand
Sijrifmond fe fit couronner il les mit en dépôt à Wisrhad, où il avoit laiffé garnifon avant que
de prendre la fuite.
(2) Cet article efi équivoque i c'eft-à-dire apparemment que dans les Eglifes on ne prêche-
roit qu'en Bohémien , & que fi l'on préchoit en Allem md ce feroit dans d'autresendroits.
( 1 ) Ut probam monetttm cuderet , fnontattafque civitates extolleret. Theob. ubi fupr. cap.
LXXXI1I.
[±)Utrjttdœisfaitemfor$, quœip/ù deberetur , redderetur , nec itidetn ufura exfoheretnr. ubi
(<) Oui tempore (editionis , vel profugiffcnt, ant ( quod tetmen Dens npt. max. clementijjtmc
Hvertat) in ulla deinceps prcfitgituri ejjlnt , itivitis civibus ad (uos ne redirent, ubi fupr. J'ai m, s
en parenthefc ( de Bohêrûe ) pour éclaircir cet Art'clc fort équivoque dans l'original.
44o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
143 ?• rec'rer cnez f°i ^ans r^en conclure, lorfqu'il arriva des Légats
du Concile qui firent reprendre la négociation avec tant de fuc-
ccs, que tous généralement, l'Univerfité, les Huffites , les Ta-
borites & les Orphelins promirent d'obferver le concordat de
Bafle. Cependant lesTaborites remuoient toujours 5 700. d'en-
tre eux, fçavoir 500. fantaffins , & 2 00. chevaux, entreprirent de
reprendre Lomnit^. Mais Rofemberg y étant accouru , leur donna
la chalîe, ôc en tua 400. entre lesquels fe trouva leur prêtre qui
leur avoit fait prendre les armes.
L'Empereur ***• ^e re*te de troubles appaifé , l'ambaflade partit pour Brinn,
accepte ces ou Brina en Moravie, où étoit Sigifmond avec l'Archiduc fon
conditions. gencjre> Cette ambafla de confiftoir en huit Seigneurs, à la tête
defquels étoit Mainardde Maifon Neuve , ôc en trois prêtres , à
la tête defquels étoit Rocki^ane , aufquels Te joignirent quelques-
uns des principaux citoyens de Prague (1). Ces articles furent
prefentez à l'Empereur, avec l'offre emprefîee de la couronne de
Bohême. Il les confirma tous en prefence d'une grande quantité
de nobleiTe de Bohême & de Moravie, quiattendoit avec impa-
tience la conclulîon d'une fi importante affaire.
i« Légats du IV. Les mêmes légats du Concile, quiavoientété à Ratif-
Suvcntà b°nne & à Prague , s'étoient rendus à Brinn avec l'explication des
Brinn. quatre articles du concordat. Il y eut une difpute fort échauffée
entre les Bohémiens , fur tout entre leurs prêtres & les Légats , au
iujet de l'article des biens d'Eglife. Le Concile dans le projet du
concordat avoit mis cation ne fouvoit les ufurper fans facrilege.
Mais les Bohémiens prétendant qu'en pafiànt cet article, ils fe
confeiïeroient eux-mêmes fa cri leg£ s , vouloient qu'on mît quon ne
devoit pas les retenir injufiement , ou , qu'il étoit injuffede les retenir.
L'Empereur , pour empêcher que cet incident ne rompît le
traité, fut d'avis d'envoyer un des légats du Concile, pour avoir
/adécifionlà-deilus. On y eny oy a. Bokmar. En attendant, l'Em-
pereur donna rendez- vous à Albe Royale en Hongrie, tant aux
légats du Concile , qu'aux députez de Bohême.
Députez des V. Cependant ces derniers allèrent faire leur rapport au gou-
Et..t$ de Bo- verneurdu Royaume. Ilaflemblaauflî-tôtles Etats, où de nou-
pinn, veau 1 on convint unanimement de recevoir & de reconnoître <SÏ-
gifmond, puifqu'il avoit confirmé leurs articles , aufîî-bien c\\xAL
bertion gendre, qui devoit être fon fucceiïeur. GafparSlich chan-
celier de l'Empereur , étoit à cette diète de la part de ce Prince
( 1 j On peut voir le nom des uns & des autres dans le M#rs Mor civique, pag. 524.
jour
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JfVllI.^i
pour apporter la confirmation de ce qui avoit été réfolu à Brinn. I4, c
De quoi les Bohémiens témoignèrent une grande reconnoifîance
à ce Chancelier envers Sigifmond. En même temps on nomma une
ambaflade à l'Empereur. Elle étoit compofée d'un député de cha-
que état , entre lefquels il y avoit quatre des principaux éccléfiaf-
tiques. Ilsavoient un ordre exprès & (celle du Sceau du Royau-
me , de fe préfenter au ?iom de tous les corps des Bohémiens & des Jlfo-
raves , aux légats du Concile , & de leur promettre obéiffance a fainte
mère Eglifc , & aufaint Siège apoflolique. Voici l'Acte. » Au nom
«de Dieu. Amen. Nous Alefs de Ri^enberg , autrement de Wir^ef-
»tiow 6c Swibow gouverneur du royaume de Bohême, barons,
«nobles, écuiers (milites) clients, vafïaux, la ville de Prague, 6c
» les autres villes , 6c les prêtres faifant 6c repréfentant la congré-
gation générale du royaume de Bohême & du marquifat de
«Moravie, en vertu de ces préfentes, nous vous établirions ôc
«envoyons, vous R. M.WenceJlas de Prahow officiai de l'arche-
«vêché, les honorables & diferets perfonnages Paul de Slauvi-
« kovitx^ bachelier aux Arts libéraux , curé de St. Gilles , 6c Cor-
» redeur du clergé épifcopal , Wenceflas curé de St. Nicolas dans la -
«vieille ville de Prague , Bohunko de Choczjza , redeur 6c doyen
» del'EglifedeLitomeritz , nos chers prêtres en J. C. pour vous
«préfenterau révérend père en Chrift Philibert evêque de Cou-
« tance, & à Tes collègues légats du faint Concile général de Baf-
« le , pour l'accomplifîèment 6c l'exécution des concordats ( Corn-
»pa[latorum ) par vous tous , ou par la plus grande partie , 6c
«prêrer la révérence due, 6c l'obédience canonique à fainte mère
«Eglife, au facré Concile général , au Pontife Romain, 6c à nos
«prélats canoniquement élus, comme il a été réfolu à Brinn ,
» voulant au nom de tous les éccléfiaftiques de Bohême 6c de Mo-
« ravie , accepter & ratifier de bonne foi tout ce que vous ferez en
» vertu des préfentes. En foi de quoi , nous avons muni nos lettres
» du Sceau du Royaume de Bohême. A Prague, dans le Collège
O ' O r \ f> Al'
« de Charles , le jour de St. Matthieu apôtre & évangelifte. L'an Xïîvmx.v,'
» 1435 (a)- 288-
VI. Polemar revint bientôt à Albc Royale , avec Padoucifle- Retour de«
ment que le Concile avoit donné à l'article des biens d'Eelife. Députez du
/-^ ii i- • • r t i -i > •/• Concile a
Cette nouvelle répandit une joie générale: ce comme il ne s agit- Aihe^au.
foit plus que d'une confirmation plus folemnelle, de la part de
l'Empereur , des Bohémiens, & des Moraves , l'Empereur indiqua
pour cela un congrès à Iglau en Moravie, fur les frontières de la
Tom. I. K k k
# h
442 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
... - Bohême. On dit que dans cette occafion Sigfmond gagna le cœur
de tout le monde, parfa douceur & (on affabilité , parlant popu-
lairement aux uns ôc aux autres , félon leur inclination et leur ca-
ractère. Ce fut apparemment dans cette même occafion qu'il ex-
pliqua, en leur faveur, quelques articles du concordat , qui n'y
étoient pasaflez cclaircis. Il leur accorda même un privilège qui
n'y étoit pas énoncé, c'étoit de s'élire un Archevêque. Il étoit
conçu en ces termes : » Nous Voulons aufli que les généreux , no-
» blés , vaillans , illuftres Seigneurs de Bohême 3 la ville de Prague,
»»& les autres villes avec le Clergé, puiflent élire un Archevêque
» de Prague , & d'autres Evêques furfragants ^ lefquels étant élus,
«nous les confirmerons, fans qu'il foit befoin d'autre confïrma-
» tion ^ après quoi ils feront facrez Evêques , fans que la cérémonie
» du Pallium (oit néceflaire , & fans rien payer aux Notaires , &:
» tout le clergé du Diocéfe de Prague fera obligé d'obéir à l'Ar-
(0 Rockji.. » chevêque ainfi élu (a). » Il rit aufîi de grandes large/les aux am-
ubiibpr.p. bafladeurs de Bohême &.dc Moravie ; caril leur donna foixante
Manù'i.coà. mille ducats ou écus d'or {aureorum)6i une prodigieufe quantité
far. Gem. Je gros bétail. De forte qu'ils s'en retournèrent fort contens dans
1 fL/"part. leur Pais > ou ^s arrivèrent le 1 7. de Juin de l'année fuivante. En
11. p. 141. attendant nous parcourerons les autres païs,pour voir ce qui s'y eft
142# pailé cette année 143 5.
Affairesc- VII. Cette année mourut Jeanne II. reine de Sicile âgée de
trS>r& Ef- 65. ans, après un règne fort malheureux d'environ 11. an. On
yagtté. dit qu'elle voulut être inhumée fort fimplement dans l'églife delà
_Mori : de la yiercre de Y Annonciade , en pénitence de fa vie luxurieufe. Comme
pi.s. elle ne laifla point d'enfans, elle établit par ion teltament René
duc d'Anjou , frère de Loiiis , qu'elle avoit adopté , & nomma flx
des Seigneurs du Royaume pour l'adminiftrer en attendant l'arri-
vée de ce Prince que le Duc de Bourgogne tenoit prifonnier (1).
Dès o^ Eugène IV . eut appris la mort de Jeanne, il envoya à Na-
ples lignifier aux Grands du Royaume qu'ils euiTènt à s'abftenir de
toute élection jufqu'à ce qu'il en eût difpofé lui-même , prétendant
par la mort de Jeanne qu'il étoit dévolu à l'Eglife Romaine. Il
envoya en effet pour en prendre poffeflîon de h part JeanVitellef-
chi évêque de Racanati , & patriarche d'Alexandrie3qui paflbic
pour un homme de tête ôc de main. Mais les Napolitains partagez
entre Alphonfe à'Arragon, & René à.' Anjou , ne jugèrent pas àpro-
(1) Il fut pris en combattant pour le duché de Lorrain centre Antoine de Yauhmont fon
concurrent.
ET DU CONCILE DE B AS LE. Zip. XVIIl.^
posderien réfoudre en faveur du Pape ;& à la pluralité des voix 14*5.
ils envoyèrent à René pour lui offrir le Royaume. Comme ce Prin-
ce avoit été élargi fur fa parole , plutôt que de la violer il envoya
à Naples avec fes deux ÇÂsJfabclle fon époufe , à qui l'Empereur
Sigifmond avoit adjugé le duché de Lorraine dans le Concile de
Bafle. Elle y fut reçue avec toutes fortes d'honneurs, & en l'ài^-
fence de fon époux , on lui adjoignit des adminiftrateurs du royau-
n\e. Le Pape écrivit au Duc de Bourgogne une lettre fort tou-
chante & fore chrétienne , pour lui demander l'élargiflement de
René (a). 00 *a7*- *■■
Cependant les partifansd'^//>,W/£ roi d'Arragon envoyèrent I4'^'
desambafladeursàce Prince, pour l'inviter à venir prendre pof- .
feiîion du Royaume, ôc lui mirent entre les mains la ville de Ca-
poue } dont ils s'étoient emparez par furprife. Alphonfe étoit alors
en Sicile avec une bonne flotte , accompagnée de Jean roi de Na-
varre&des Infants. Il commença fon expédition parlefiégede
Gayete , place forte dans la terre de Labour, environ à 18. lieuë's
de Naples. Mais les Génois, qui avoient beaucoup de leurs citoyens
à Gayete avec quantité de précieufes marchandifes ; follicitez
d'ailleurs par Philippe duc de Milan, équipèrent auffi une flotte
pour s'oppofer aux deiîeinsde i'Arragonois. Il fallut en venir aux
mains non loin del'iflede./^tff/^. Le combat fut rude, &; la vic-
toire long-temps difputée. Elle fe déclara enfin pour le parti du
Duc à' Anjou. La flotte à* Alphonfe fut battue, & prefque toute
coulée à fond. Il fut pris lui-même prifonnier avec les Princes fes
frères s & remis entre les mains du Duc de Milan. Ce dernier don-
na la liberté aux prifonniers , après les avoir comblez de préfens -y
& promit même à Alphonfe de s'unir avec lui contre les François
pour la conquête de la Sicile. Par cette victoire Gayete fut déli-
vrée j les Génois triomphèrent & fecouérentle joug du Duc de %
Milan. Le Roi de France qui foutenoit René a l'Anjou , foupçon-
nant que l'entreprife de i'Arragonois s'étoit faite de concert avec
lePape,lui en fit de grands reproches. Eugène IV. s'en difculpa
par une Bulle , & ordonna en même temps aux deux partis de de-
meurer dans l'inaction jufqu'à nouvel ordre(b). Le Pape étoit (b)'Bxjv.
alors à Florence , ouil manqua d'être arrêté. Le Duc de Milan ami. 1455. &
qui lui en vouloit toujours , à caufe de la protection qu'il donnoit anS"i4u!
à l'Angevin , lui envoya Barthelemi évêque de Novarre , fous pré- num.xii. &
texte de lui parler de paix, mais dans le fond pour l'arrêter lors ^'141". '
qu'il forriroit de la ville pour quelque promenade. Ce Prélat étoic aum. iv.
Kkk ij
444 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
jnc affifté dans cette entreprife par Nicolas Piccinin Général du Duc;"
mais la confpiration fut découverte. Le Pape pardonna à PEvêque
par l'interceflion du Cardinal Alberyiti. La paix fe conclut cette
année entre le Pape, le Duc de Milan ^"les Vénitiens, & les Flo-
rentins.
Trame & VUE. L'Afïemblée d'Arras occupa cette année les efprits en
Angleterre. prance en Angleterre , en Italie, &à Balle. L'Hiftoire témoigne
Congres mu- > , O ' * , ' ©
tka^Arras. que depuis long-temps il n'y en avoir point eu déplus celebre^I!
s'agifloit de faire la paix entre la France &. l'Angleterre , & de ré-
concilier Philippe duc de Bourgogne, dit le Bon , avec Charles
VII. Les ambaiîadeurs des deux Royaumes y étoient en grand
nombre, aufïî-bien que ceux de ce Duc. Le Concile & le Pape,
comme on l'a déjà dit , yavoient chacun leurs légats pour fervir
de médiateurs. 1 1 s'y rendit aufîi des ambaiîadeurs de l'Empereur,
& des Rois de Chypre, de Portugal, de Sicile, d'Efpagne, de
Navarre, de Pologne, deDannemarck, des Ducs de Bretagne
& de Milan , outre les députez de l'Univerfité de Paris , & de plu-
fleurs autres, aufli-bienque des principales villes, qui pouvoient
avoir intérêt au traité. Tout ce grand attirail de monde , & ces
fpécieux préparatifs ne produifirentprefque aucun effet , tant les
prétentions des deux partis étoient oppofées. On jugea même
qu'ils avoient plus d'envie d'amufer le monde par des apparences
de paix , que de faire en effet une paix dont ils avoient fi grand be-
foin les uns &: les autres. Les dernières offres de la France furent
de céder au Roi d'Angleterre toute la Guienne èc toute la Nor-
mandie qu'il pofifedoit -y à condition qu'il quitteroit le nom de Roi
(a) Spotid. de France , & qu'il feroit hommage de ces deux Provinces à
nuni vi. và. Charles VII. Ces propofitions parurent fi raifonnables aux Mê-
le p. Dan. diateurs, qu'ils preflerent inftamment les Anglois de les accepter.
Franc. To%. Mais ceux-ci , qui outre ces deux Provinces prétendoient gar-
iv. | . s>9- der tout ce qu'ils tenoient dans le Royaume , ôc conferver à leur
d'Angl. ' R°ile titre de Roi de France, furent fi choquez de ces offres,
Tum^iv.p. qu'ils fe retirèrent brufquement du congrès fans donner même
8?* aucune réponfe (a).
Réconcilia- j x. Le Duc de Bourgogne, qui avoit déjaréfolu defe détacher
de France, & des Anglois fut plus facile à difpofer à la paix. Pour la faciliter da-
du Duc de vantage,le cardinal de Ste Croix légat du Pape dégagea le Duc du
uri^gne. ferment de fidélité qu'il avoit prêté au Roi d'Angleterre. Les Hif-
toriens Anglois ont regardé cette démarche d'Eugène IV. comme
une infidélité. Mais d'autres y ont trouvé beaucoup de prudence.
ET DU CONCILE DE B AS LE. Liv.XVIII.^
parce qu'il valloic mieux fauver l'un des deux Royaumes enpaci- I(4, ^
fiant la France , que de les perdre tous deux en donnant lieu à la
continuation de la guerre parla jonction du Duc avecl'Anglois.
Quoi qu'il en foit, lapaixfe fît à des conditions défavantageules,,&;
fort peu honorables au Roi de France. Il faut avouerait le P. Da-
niel 3 qu'en cette occafion le vaffal donna la loi à fonfouverain. Zapaix
fut conclue à des conditions que la feule nece(]itè,& le fuccès avaîitageux
quelle eutpour L' Etat3peuventjuflifîer(a.).On peut voir ces conditions (a) Tom.iv.
dans toute leur étendue chez les hiftoriensFrançois.Je ne donnerai ubl fupr'
que les trois premières, comme les plus interelîantes par rapport à
l'hiftoire générale. On fçait que Jean Duc de Bourgogne , qui en
1407. avoit fait afla/Iîner Louis Duc à' Orléans , fut lui - même af-
faffiné en 141 9. à Montereau-Faut-Yonne dans l'Ifle de France
par les gens qui accompagnoient le Dauphin dans une entrevue
que ces deux Princes dévoient avoir en ce lieu-la (b). On peut ju- ^ ut.Dm.
ger que cet aflaiïinat augmenta beaucoup l'aigreur des deux fac- Tom. in.P„
tions Françoifes. Le Duc Philippe fils de Jean s'unit plus étroite- j?0I,p02*
ment que jamais avecl'Anglois pour vanger la mort de fon père.
La première condition du traité fut donc , que le Roi de France fc-
roit dire au Duc de Bourgogne , que le meurtre du Duc Jean fon père
avoit été fait injujiement , & par mauvais confeil ; que cette aiïion lui
avoit toujours déplu , & lui déplaifoit toujours ; & que s'il eût feu ce
deffein , & qu'il eût eu l'âge & la connoiffance qu'il avoit pré fentementr
il s'y fût oppofé de tout fon pouvoir jqu 'il prioit le Duc de Bourgogne d'où*
blier cette injure , & de fe réconcilier fincerement avec lui. Il fut ajouté
à cet article 3 que dans le traité d'accommodement 3 il feroit parlé de
cette fatisfaHion que le Roi fai foit au Duc (c). Peut-être qu'en effet, tc\ iep ^^
comme quelques-uns l'ont crû , quoi que peu vraifemblablemenr, ««at.IV.
Je Dauphin n'eut point de part à cette perfidie , &. que ce fut un ubl fupr*
complot fecret des Orleanois qui l'accompagnoient. Quoi qu'il
en foit, le fécond article du traité étoit, que ceux quiavoient eu
part à ce meurtre feroient recherchez &: punis. J'exprimerai le
troifiéme dans les termes du P. Daniel. Que pour l'ame du feu Duc
^Bourgogne, ^^'ArchambauddeEoix , comte de Noailles qui
fut tué avec lui , & pour les autres qui avoient péri dans les guerres
dont ce meurtre avoit été l 'occafion 3 le Roi fonderoit a fes dépens une
chapelle à Montereau-F aut-Yonne où le meurtre avoit été commis 3 &
que ce Bénéfice feroit à la collation du Duc9de Bourgogne, & de fes
defeendans à perpétuité. Que le Roi pour le même fuj£t fonderoit en la
même ville une églife , & un couvent de Chartreux , & qu'il ferait éle-
Kkkiij,
446 HÏST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
ver fur le pont ou le Duc avoit été tué s une belle croix qui y fer oit tou-
^' purs entretenue & reparée aux frais du Roi ; qu'aux Chartreux de
Dijon , ou le corps du Duc repofoit actuellement , le Roi fonderoit une
fa) ubi fupr. grande MeJJe de Requiem , qui fe diroita perpétuité tous les jours (aJ.
p. ioo. Ces conditions étoient fletriffantes, les autres étoient plus dures.
Te ne m'y arrêterai pas , parce que ces fortes de conventions ex-
torquées par la néceflîté ne habilitent pas long- temps.
Allemagne. X. Le Concile tint cette année trois Sellions. Dans la première
SciHonsdu quiétoit la XX. on décréta contre les prêtres concubinaires, de
B.XCilC dC on ordonna aux féculiers de garder la foi conjugale , & à ceux qui
n'ont pas le don de continence, de fe marier. On y défendit d'é-
viter le commerce des excommuniez dont l'excommunication
n'auroit pas été publiée canoniquement , comme aufli de ne pas
mettre légèrement les villes & lescommunautez à l'interdit ,&de
ne pas appeller fans de grandes raifons, pour ne pas prolonger 6c
multiplier les procès. Dans la Seflîon XXI. on réfokit de nouveau
l'abolition des Annates $ mais ce décret ne pafla pas fans de gran-
des oppofitions delà part des légats du Pape. On défendit la Si-
monie fous des peines très-griéves, dont le Pape lui-même ne fe-
roit pas exempt , devant être déféré au Concile s'il y tombait. On
fit quelques autres Reglemens concernant la difeipline écciéiiafîi-
que , & l'Office divin. Dans cette même Seflîon , on fit un décret
contre certains fpectacles qui fe donnoient^dans les églifes pen-
dant quelques Fêtes , fous le nom de Fêtes desfoux. Je rapporterai
la chofe dans les termes du Continuateur de l'Abbé Fleury ». Ces
» fpe&acles , dit-il 3 fe faifoient en certaines Fêtes, où l'on habil-
itait des enfans en évêques, avec la mître, lacrofïe3& les habits
» pontificaux 3 leur faifant imiter dans cet équipage les fondions
?» des évêques. D'autres étoient habillez en rois , ôcc'eftce que le
» Concile dit qu'on appelloit la fête des foux , ou des innocens.
«On y parle aufïi des danfes 6c des mafearades d'hommes 6c de
» femmes que le Concile défend aux Ordinaires, aux Doyens,
» Redeurs & Curez de fouffrir , fous peine d'être privez de leur
» revenu pendant trois mois. Il parle auffi des ventes qu'on faifoit
«dans les églifes ou dans les cimetières, 6c qu'on ne doit pas per-
» mettre, foumettant ceux qui y contreviendroient aux cenfures
(b)o«tz-»écCléfiaftiques (b)». On apprend du P. Pagi que fur la fin du
nuat.deiien, y^w^ fiécle , Odon évêqi*e de Paris , par ordre de Pierre cardinal
p.'iio • deCapoue légat en France, avoit défendu ces fortes de jeux ■ 6c
que la Pragmatique -Sanction avoit confirmé la défenfe duÇon-
ET DU CONCILE DE B A S L E. Ziv. XVril. 447
cilede Bafle »cec égard. Cependant ce même Auteur rnousap- ,,, * <
* prend qu'on faifoic encore la fête des fouxen quelques endroits de
France, fous prétexte que la Pragmatique - Sanction avoit été
abolie. Cette Fête durcit encore à Rheims en 1 509. (a). La Sefîion (.1) Paj/ubi
XXII. fut employée à l'examen des erreurs d'un certain Do&eur, fuPr-P- S71'
appelle AugujHn de Rome , archevêque titulaire de Nazareth.
Oeil à peu-près ce quife lut dans ces trois Sefîïons publiques.
Mais dans les congrégations générales il y eut toute cette année
de longues & pénible^ négociations fur deux affaires importantes.
La première etoit entre le Pape & le Concile 3 qui par fes décrets
donnoit tous les jours de nouvelles atteintes à fon autorité ôc à fes
revenus. L'autreregardoit la réunion des Grecs. Ces négociations
furent infru&ueufes ,, le Pape 6c le Concile ne voulant rien relâ-
cher de leurs prétentions réciproques. D'ailleurs, ce même Pape
& ce même Concile fe croifoient dans l'affaire des Grecs. Le Con-
cile prétendoit que leur réunion fe fît à Bafle , mais Eugène , avec
quiilfemble que les Grecs s'entendoient, vouloit que ce fût ail-
leurs, dans un lieu à fa bienféance, & où. il pût être préfent comme
les Grecs le demandoient aufli.
XL Le règne du jeune Wladiflas commença fous d'heureux Pologne.
aufpices. On a vu les années précédentes Switrigal chalîé de la iJJcSa-
Lithuanie dont il s'étoiteimparé avec le titre de Grand Duc par licrs Teuto-
ia connivence de feu Wladiflas fon frère. Comme il refufoit de "a^es dé~
faire hommage de ce Duché à la Pologne 3 &que même il s'étoit
foulevé contre fon bienfaiteur, le Roi donna charge à Sigifmond
Starodubsky frère du feu grand Duc Withoud de ranger Switrigal
à la raifon 3 ôcdefe mettre en pofïefîïon de la Lithuanie. Switrigal
en effet fut battu , Sigifmond prit fa place , & fît hommage du
Grand Duché à la Pologne. Cette année le rebelle Switrigal vou-
lut fe.relever • il fe ligua avec les Chevaliers Teutoniques Se Coribut
pour dépofîeder Starodubsky. Dès que ce dernier en eut la nou-
velle, nefefentantpasen état de réfifter à une fi forte ligue, il
'envoya demander du fecours à Wladislas fon neveu. Le jeune
Roi, duconfeildes Prélats & des Barons, envoya auflî-tôt une
bonne armée au fecours de fon oncle. Switrigal effrayé de la jonc-
tion des Lithuaniens & des Polonois , dont il connoifîoit la bra-
voure 3 au lieu qu'il avoit fouvent éprouvé la lâcheté des Cheva-
liers, demanda la paix pour ainfî dire à genoux. Il propofoit de
remettre leurs démêle^ réciproques à l'arbitrage , ou du Pape , ou de
Sigifmond , ou de quelques autres Princes Catholiques , ou même en~
448 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1 43 f . fin de quelques gens de bien , pourvu feulement quils fuffent chrétiens 9
{z)biug. ubi (a) voulant apparemment infirmer les Bohémiens , ou quelques
iupr.p.tf3j. princes du rit grec. Mais les Polonois & les Lithuaniens ne fe
trouvant pas d'humeur de manquer uneaufli belle occaûon que
celle que leur donnoic l'épouvante de Switrigal, refuférent tout
accommodement avec beaucoup de hauteur. Ils étoient prêts à
donner , lors que Switrigal décampa, tout à coup, pour attendre
quelque fecours qui lui de voit venir de Livonie. Coribut non moins
effrayé en fit autant. On lui attribue un allez bon mot dans cette
occasion. Les Chevaliers étoient lefles & brillants dans leurs ha-
bits & dans leurs armes. Les Polonois au contraire & les Lithua-
niens étoient prefque à demi nuds , & tout bafanez. Comme
quelques-uns fe mocquoientde ces derniers : Sifavois a choifîr ,
dit Coribut, je prendrjis parti dans £ armée noire. Les Chevaliers,
les Livoniens , les Tartares , les RufTes , ayant étépourfuivis dans
leur retraite, il y eut pendant une heure un fanglant combat.
Mais enfin ils furent tous mis en fuite, tuez, ou faits prifonniers.
Jamais on ne vit tant de carnage , ni victoire aufïi çomplette. Swi-
trigalqui fçavoit les chemins fe fauva avec quelque peu de Rufles.
Coributtwx. pris les armes à la main tout percé <le coups , & mourut
bientôt après de fes blefîures. L'Empereur Sigifmond avoit envoyé
des ambafTadeurs à Wladislas pour le prier d'accommoder les dé-
mêlez de Switrigal &du grand DucdeLithuanie. Mais à peine
l'ambaflade fut-elle arrivée, qu'on apporta la nouvelle de la victoi-
re des P ^lonois & des Lithuaniens. Cette victoire facilita beau-
coup la paix entre la Pologne &. les Chevaliers. Elle fut conclue ôc
lignée fur la fin de cette année. On rapporte que les conditions du
traité étoient d'une fi grande étendue, qu'elles faifoient un volume
confidérable , &. que là-defTus les prélats &. les barons de Pologne
exhortèrent les prélatsôc les commandeurs de Prufîe, à être plus
fidèles & plus exacts à obfcrver cette paix que les précédentes , parce
que celle-ci é toit dans un livre , au lieu que les autres étoient fur des
1436. feuilles volan tes ( 1 ) .
Dicte à XII. Au commencement de 1436. les Etats de Bohême fe raf-
i&mnu femblerentpour envoyer en Hongrie une nouvelle ambaffade à
( 1 ) Diug. ubi fupr. p. 62j.. 6ZZ. Il ne faut pas omettre ici la mort de Ptvtl Vladimir de
Brudx.evvo, dofteur en droit, chanoine deCracovie , delà noble maifon de Dolenga, C'eft le
même qu'on a vu paroitre avec éclat aai-Concilc de Confiance , & y fîgnaler fon r.elc en far-
ceur de la Pologne contre les chevaliers de Pruffe. Il fit la même chofe à Rgme , à Bade , & en
plufieurs autres lieux. lia paffé pour un des plus illuflrcs hommes de fon temps, tant par fa
y*rtu que par fon fça voir & fes négociations.
Sigifmond ,
m
ET DU CONCILE DE B AS LE. Ziv.Jrril 1.445
Sigifmond, avec d'inftantes prières de venir prendre pofîefTion de IAt 6t
fon royaume. La paix étoit conclue. Les Taborites, quoiqu'avec
peine ôc avec regret , s'étoient fournis au concordat arrêté à Bide.
L'Empereur l'avoit déjà confirmé à Albe royale j mais comme il
reftoit encore quelques difficultez à lever, il avoit promis de le
confirmer plus folemnellement à Iglaw 3 ôc d'y mettre la dernière
main. Il s'y rendit en effet au mois de Juin, avec l'Archiduc fon
gendre. Il y avoic déjà quelques jours que les légats du Concile l'y
accendoient. Ilparoîcpar les dates, que ces légats avoient reçu,
de nouveaux pleins pouvoirs plus amples que les précédents. J'en
trouve deux qui ont été tirez delà Bibliothèque de Wolfembutel 3 ôc
datez du même jour, ou à un jour l'un de l'autre , c'eft-à-dire le
1 2. ou le 13. de Mars de cette année. L'un eft plus général , ôc
nerenfermequeleplein-pouvoir. L'autre entredans un plusgrand
détail, ôc eft conçu à peu près en ces termes. », Nous avons jugé à
«propos de vous envoyer en qualité de nos légats en Bohême ôc
» en Moravie, avec plein-pouvoir , comme il paroît par nos au-
» très lettres. Mais parce que ces termes généraux de pouvoir ôc
»de juriidi&ion eccléfiaftique pourroient fouffrir quelque am-
«biguité, nous vous déclarons par les prefentes , que nous vous
» donnons , ou à trois , ou à deux d'entre vous , pouvoir de con-
«noître de toutes les caufestant civiles qu'eccié(iaftiques_, crimi-
nelles Ôc fpirituelles j d'entendre ou faire entendre les parties j
5» de décerner , défaire enquête des crimes $ de punir les délin-
»quans, ou de les abfoudre fi vous le jugez à propos > de conférer
«toute forte de Bénéfices , quand même ils feroient dévolus au
» Siège apoftolique -y ôc généralement d'exercer toute jurifdsctioa
» volontaire ôc contentieufe dans tout le royaume de Bohême, ôc
»lemarquifat de Moravie , ôc la même puiflance eccléfiaftique
» qu'ont accoutumé d'avoir les Cardinaux légats à latere. A Bafie
» ce 13. Mars (aj ». Il s'y rendit une quantité de monde fi prodi- (a) c*cbi. ubi
gieufe , fur tout de noble/le, qu'à peine y avoit-il en Bohême & en ÎXmj. cw!
Moravie aucun homme de diftin&ion , qui ne voulut être témoin jur.Gent.ubi
delaconclufiond'une affaire fi importante. C'eft icil'occafion ôc (uPr.p.-i4tf.
lelieu de reprefentercettepiecefifameufe/i folemnellement jurée,
ôc fi fouvent violée de part Ôc d'autre. Il faut la traduire mot à mot.
XIII. A 'u nom de notre Seigneur J '. C, Amen. On eft convenu far Concordats
la grâce du St. Efprit , dans la ville de Prague 3 de ce qui eft- écrit ci- ta dcs '^^c.
de (fous entre les légats dufacré Concile de B a fie , & ï a [[emblée généra- miens nvec
le de lillufire royaume de Bohème § & du marquifat de Moravie. ' '^'m
Tem. I. LU
4jo HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
E43 6, " r • Ladite afïembiée au nom defdits royaume & marquifat , &
»> pour cous 6c chacun d'eux , recevra, acceptera, 6c ratifiera en la
« meilleure forme ce traité de paix perpétuelle & d'unité eccléfiaf-
» tique. 2. Cela fait , lefdits légats , au nom 5c en l'autorité dudic
» facré Concile 3 admettront & recevront ladite paix & unité , £c
» publieront une paix générale de tout le peuple Chrétien avec
» tous les habitans defdits royaume 6c marquifat. Ils lèveront cou-
rtes les fentences de cenfures (ou d'excommunication) 6ccndon-
» neront une entière abolition. Ils ordonneront à tous les chré-
» tiens , 6c à chacun d'eux , que déformais perfonne n'ait à difFa-
« mer lefdits royaume bc marquifat pour ce qui s'eft patlé 5 qu'on
-, » ne fafle aucune injuftice ni violence à leurs habitans, mais qu'au
» contraire on vivra avec eux dans une paix chrétienne, 6c dans
»>une conitante amitié, 6c qu'on les regardera comme frères, 6c
» enfans obéïfîans à fainte mère Eglife. 3 . Sur Je premier article
k que les Ambafladeurs de Bohême 6c de Moravie ont prefenté au
» facré Concile en ces termes -y Que la Communion de la très-divine
» Euchariftie , four être utile & falutaire , doit être librement admi-
» nijirèe par les prêtres fous l'une & l'autre efpece , Ravoir du pain &
» du vin y à tous les fidèles de Bohême & de Moravie , & dans tous les
» lieux où il y a des gens de leur fentiment , à cet égards Sur cet article
» on eft convenu de ceci ', Que les Bohémiens 6c les Moraves de l'un
» ôc de l'autre fexe,qui embrafTeront réellement 6c de fait l'unité de
» la paix eccléfiaftique , 6c qui dans toutes les autres chofes fc con-
» formeront à la foi 6c aux cérémonies del'Eglife univerfelle , que
» ceux-là ôccelles-ià qui ont un telulage,, communieront fous l'u-
rne èc l'autre efpece, par l'autorité de notre Seigneur J. C. & de
» l'Eglife fon époufe. Et cet article fera pleinement difcuté au
x Concile par rapport à la nature du précepte, où Ton verra ce
» qu'il faut tenir, 6c comment il faut agir fur cet article pour la
» vérité catholique, & pour l'utilité du peuple chrétien. Quefîa-
* près avoir mûrement traité 6c digéré cette affaire, les Bohê-
M miens pcrfïftent par leurs ambafîadeurs à délirer la Communion
» fous les deux efpeces , le facré Concile donnera 3 au nom du Sei -
»gneur , aux prêtres defdits royaume 6c marquifat le pouvoir de
» communier le peuple fous l'une 6c l'autre efpece 5 fçavoir les per-
sonnes qui étant en âge de difcretion le demanderont avec dé-
» votion 6c révérence 3 en obfervant toujours que les prêtres ne
» manquent jamais de dire à ceux qui communient ainfi , qu'ils doi-
» vent croire fermement que la chair de J. C. ntft pas feulement fous
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv.JFfTIII.if*
*> tefpece du -pain , ni le fangjeulement fous l'efpece du vin , mais que r ^, £
^J .C. efi tout entier fous chacune des efpeces. Et les légats du fàcrc
» Concile écriront en ion nom pour ordonner à tout le monde , de
» quelque condition 6c état qu'on foie , denepointinfulter, nifai-
» re aucun tort , foie en paroles , foit en adions , aux Bohémiens
» & aux Moraves qui communieront fous les deux efpeces. Ce que
» le Concile ordonnera aufli.
»4. Sur les trois articles fui vans , les légats du facré Concile
» concluent ainfi j Comme il faut aller f'obrement & avec circonf-
»pe&ion, quand il s'agit de la vérité catholique, fur tout dans
» un Concile général, afin que la vérité foit tellement éclaircie,
» qu'il n'y ait point de fujet d'erreur ou de fcandale, ou, comme
■» parle St. Ifidore , de furprife &. d'ambiguïté par l'obfeurité des
» exprefîîons , ileftbon de s'expliquer nettement. Sur la répré-
»henfion , ou punition des péchez, vous avez pofé cet article -.Tous
»lespecbezjnoriels , & fur tout les publics , doivent être réprimez^, cor-
» rirez^ & bannis raifonnablement , & félon la loi de Dieu , par ceux
» qui y ont intérêt. Ôr ( difoient les légats) ces mots , par ceux
» qui y ont intérêt (per cos quorum intereft) font trop généraux ,
» & pourroient être en piège & en fcandale à quelqu'un ■> ce qui eh:
» contre l'Ecriture , qui ne veut pas quon mette rien devant l'aveugle
» quipuife le faire tomber (a) , & qui veut qu'on bouche les foffes , de (a) levk.
» peur que le bœuf du v 01 fin ne s'y ble/Je (i). Nous difons donc que XIX" I4*
» félon l'Ecriture & les fainrs Docteurs, les péchez mortels & fur
» tout les publics doivent être repris, corrigez, & bannis, autant
» que cela fe peur raifonnablement félon la loi de Dieu & les régle-
» mens des faints Pères, & que le pouvoir de punir les coupables
» n'appartient pas à des particuliers, mais feulement à ceux à qui
»le droit & la juftice donnent juridiction fur eux.
» 5. Sur votre article de la prédication de la parole de Dieu ,
» conçu en ces termes , que la parole de Dieu doit être prêchee libre-
» ment & fidèlement par des prêtres & des lévites qui en fuient capa-
» blés , (ou qui y foient propres , idoneos) de peur que ce mot libre-
ornent ne donne occafïon dune liberté vague &: générale , quilé-
» roit préjudiciable, & que vous ne prétendez pas, comme vous
» l'avez fouvent dit, il faut y apporter quelque limitation. Nous
» difons donc que , félon l'Ecriture & les faints Dodeurs , la parole
» de Dieu doit être prêchée librement , non toutefois par tout in- 0
(l) Il y a, félon la VuIgate.Dç uteronome XXII, 4. Si vtdetis tfinxmfratris ttti aut brvem «-
lidiffe in vi<* , ntn defpicies , fed lublevabis cum to.
L 1 1 ij
45i HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
J4." 6. " différemment, par des prêtres du Seigneur , & des lévites qui y
Û foient propres &; qui foient approuvez & envoyez par les fupé-
» rieurs légitimes , fauf néanmoins l'autorité du Pape, qui en
» toutes chofeseft le préordinateur , {Prœordinator) félon les fta-
» tuts des faints Pères.
» 6. A l'égard du dernier article qui porte , quilnefl pas fer-
» mis au clergé , fous la loi de grâce , de dominer féculieremcnt fur des
» biens temporels , nous nous fouvenons que quand, cette matière
» fut agitée en plein Concile , celui qui avoit été député pour trai-
ter cette queftion , pofa ces deux concluions. La première, que
x leseccléfiaftiquesféculiers , & non religieux, c'eft-à-dire, qui
^ n'ont point fait vœu de pauvreté , peuvent légitimement avoir
»&pofTeder toute forte de biens temporels, comme les hérita^
»ges& les fucceiîions de leurs pères , ou d'autres perfonnes, &;
«tous autres biens juftement acquis , foit par donation, foit par
» contrat , foit par légitime induitrie. (arte licita) La féconde con-
» clufion étoit que l'Eglifè peut légitimement avoir & pofTeder des
» biens temporels } meubles, immeubles, des maifons , des terres,
» des métairies, des villes, des châteaux, 5c y avoir des domai-
» nés civils & particuliers. Celui de vos députez qui portoit la pa-
» rôle fur cet article convint que ces conclufions, fi on les enten-
te doit bien, n'étoient point contraires à fon article , parce qu'il
«l'entendoit d'un Domaine formellement civil ; par où il donnoit
» allez à entendre que par dominer féculierement , il vouloit par-
» 1er d'une certaine manière , Ôc d'un certain ufage particulier de
x domination. Orcommela doctrine de l'Egîife doit être expri-
» mée , non en termes ambigus , mais clairs, nous difons nettement
» que , félon l'Ecriture & les faints Docteurs , ces deux conclufions
» font véritables, quelesEccléfiaftiques doivent administrer fidè-
lement les biens d'Egliie dont ils font administrateurs , & que
» ces mêmes biens ne doivent point être détenus & occupez injuf-
» tement par d'autres.
» 7. Ladite congrégation (1) (ou aiïembléej reçoit & accepte
» la déclaration de ces trois articles, comme étant conforme à
5» l'Ecriture Sainte. Mais parce que quelques uns trouvent qu'il s'eft
»glilîé plufieursabus Scdéfordresau fujet de ces mêmes trois arti-
»»cles , l'intention de l'afTembléeeit d'en demander la réformation
»au Concile. Ce que les légats du Concile accordent 6c approu-
» vent,pourvû qu'on le fafle d'une manière honnête 6c licite,parce
(.0 C'eA l'afîemblcc des Etats de Bohême , & de Moravie.
ET DU CONCILE DE B ASLE. Liv.JCVlll.^
» que l'intention du Concile eft de réformer les mœurs , à quoi les I+ j $f
» légats veulent aulîi concourir de tout leur pouvoir.
» 8 . Quand , par la bénédi&ion de Dieu , la guerre en matière
»de foi fera terminée, &que la paix fera bien établie, il paroîc
»fort expédient que fi dans d'autre^ caufes qui ne concernent
» point la foi , les Bohémiens & les Moraves ont des démêlez avec
» leurs voifins5 on s'abftienne de toute voie de fait, Se qu'on les
» termine amiablement, ou dansleConcile , ou dans des confé-
" «rences., ailleurs. Pourl'afFermuTement delà paix, les légats du
y» Concile en obtiendront une Bulle authentique avec des lettres
» à tous les princes & eommunautez des environs (pour les engager
» à maintenir la paix;. De leur côté les députez de Bohême & de
» Moravie donneront des lettres patentes fcellées de leurs fceaux,
» ( & on échangera les ratifications ) fans rien omettre de parc
» & d'autre de ce qui peut contribuer à affermir & à conferver la
» paix (i).
XIV. Ce Traité fut exécuté à Ulaw , & muni des fecaux de Autres pic-
• ,-. i iS* • « i -» r j 1»^ ces concer-
l'Empereur d'une parc , &. des Bohémiens & des Moraves de 1 au- nant le Coa,.
tre,auffi bien que des députez du Concile. On en peut voir la con- cordau
iirmation dans plufîeurs pièces que Cochlée nous a confervées. La
première eft la Bulle des légats du Concile en exécution du con-
cordat ci-defTus. On y ratifie tous les articles de ce concordat , &C
on y ajoute quelques éclaircilïemens & quelques précautions. Les
légats , par exemple , difent que par la foi ils entendent la premiè-
re vérité , & toutes les autres veritez à croire fuivanc l'Ecriture àc
la doctrine de PEglife entendue fainement. Sur les rites & les céré-
monies de PEgliie univerfelle, ils difent qu'ils n'entendenc pas
par là cercaines cérémonies & certains ufages particuliers qui peu-
vent varier en diverfes Provinces , mais qu'ils entendent ce qui fe
pratique généralement & communément dans le Service divin.
Ils ajoutent que s'il arrivoit que quelques-uns ne s'y foumilïent
pas d'abord 3 la faute de quelques particuliers ne devoir pas rom-
pre la paix & l'union. On charge dans cette pièce l'Archevêque-
de Prague, quand il y en aura un, les évêques àJOlmut^ & de Li-
tomils , & tous ks prélats qui ont cure d'ames , de tenir la main à
* Pobfervation de ce traité ^ & on y déclare que s'il y a dans l'Uni-
(ij CocW.Hift.Huff. Lib. VII. p. 271. 274. Cette pièce eft fort informe dans l'original.
Pour lui donner une meilleure forme on a numérote' les articles , & donné foit en marge, foifc
en parenthefes , quelques petits éclairciflemens , fans rien changer au fond. On trouve aufli
cette piece,& quelques autres y appartenantes, dans le livre intitule' LeibnitZ.- MantiJf>Cod.Jttr*
Geut. Dipltm.Pait. IL p. ij8. 140.
LU ii],
454 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.16, verfiré des écoliers qui communient fous les deux efpece.s, cecu-
fli^ene doit point empêcher leur promotion aux ordres facrez ,
de venir au Concile, & d'y propofer modeftement leurs difficul-
tez fur la foi , fur les facremens 3 fur les cérémonies i & même fur
la réformation de l'Eglife daçs (on chef & dans les membres. Cet-
te pièce eft fignée de Philibert évoque de Coutance , de Jean Po~
Icmar auditeur de Rote, & de Tilmann prévôt de Saint Florin „
pour tous leurs collègues abfents. Elle eft datée du 5. de Juillet
U) cww.ubi(a)- Je trouve dans une autre copie de cette pièce un article omis
iupr. p. *8p. par Cochlée , ou exprès , ou par mégarde. Il porte , que les légats
du Concile déclarent que le Juge ( 1 ) qui a été nomme , & énoncé dans
la conférence d'Egre ,acté , eft , & fera le juge a l 'égard de tout ce qu'il
faut croire & faire dans la fainte Eglife d.c Dieu , & que l'intention du
Concile eft de fuivre ce juge en toutes chofes avec l'affijlance dufaint Ef
prit (1). On parle les autres pièces , parce qu'elles ne font que des
confirmations & des répétitions du concordat , 6c des éclairciffe-
mens.
Dccrctdu XV. Aurefte, on prétend que l'Empereur impatient de régner
Concile fur en Bohême, accorda aux Bohémiens quelques articles fecrets
le Cjncor- r . i i i
dat. qui ne font point énoncez dans le concordat , comme par exem-
ple^Que ceux qui s'étaient emparezjles biens des Eglifes les garderaient
& les tiendraient en gages jufqu'a ce qu'on les rachetât i Que les Reli-
gieux de l'un & de l'autre fexe a qui on avoit oté les monafleres, & quon
avoit bannis , ne feraient point rappelle^ ; Que Rockizane ferait élu
archevêque de Prague ; Qu'on bteroit au Pape le gouvernement & la
(b)Cvchtr. difpojîtion des Eglifes de Bohème (b). Il paroît en effet par une re-
<q3^F P* ponfe qui fuz t'àltc dans une congrégation générale aux ambafla-
deurs de l'Empereur, que les Pères de Bafleappréhendoient que
ce Prince ne le laiiTât gagner aux follicitations des Bohémiens
pour leur accorder des chofes au de -là & au préjudice du con-
cordat. >» Jufqu'à prefent , difentles Orateurs du Concile , il n'a tenu
« qu'aux Bohémiens , que la paix ne foit conclue depuis plufieurs
» années que le concordat a été arrêté. -Mais leurs agens font tou-
jours naître de nouveaux incidens , & ils demandent même plu-
7» rieurs chofes qui non feulement excédent les traitez , mais qui
»y font contraires. En dernier lieu , après plufieurs demandes
» qu'ils ont faites mal-à-propos aux légats du Concile , ils ont ofé
» exiger de l'Empereur qu'il convînt avec eux de la Communion
Ci) Ce Juge , c'efl l'Ecriture fainte , comme on en convint à Egre.
{l) Leïbnitt* Mantiff. Cod. Jur. Gent. Piplom. ubi fupr. p. 147.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv.J£VIII.^$
» fous les deux efpeces : Qu'il eût âcs chapelains qui communia f- T j, Ç"
»fent ainfi le peuple j Qu'on n'admît dansfon confeil 3 &, aux af-
» faires du Royaume que des Subutraquiftes ( i ) 5 Que les Religieux
»& les Religieufes ne feroient point rappeliez lans le confènte-
m ment de l'Archevêque 6c du Gouverneur j Qu'ils euiTent le droit
« de s'élire un Archevêque^ plufieurs autres chofes contraires à
» l'ordre .& à l'autorité éccléfiaftique. Par ces raifons le Synode,
» qui a intention de guérir la plaie , & non de la cacher , voudroic
» être allure fi les Bohémiens veulent s'en tenir Amplement & pu-
rement au Concordat 3 & l'exécuter lans délai, & fans extor-
» quer aux Puiilances féculieres des chofes qui font à la difpofition
» de l'Eglife. Le Concile prétend outre cela que perfonne ne foit
» contraint à communier fous les deux efpéces. Que s'ils ont quel-
que chofe à demander qui foit du reflbrt de l'Eglife, qu'ils s'ad-
»dreiîent au Concile, où on les fovorifera autant qu'ilfèpeut,
» fauf le concordat. Cette réponfe fut faire le 29. d'Odobrede
l'année précédente ,& celle-ci portée à Iglaw (a). Mais apparem- (a) Bx.ov.nn.
ment l'Empereur ne fe trouva pas d'humeur à facrirler une couron- '4?*- num°
ne aux précautions du Concile. Il fit à peu-prés ce que les Bohé-
miens fouhaitoient, fauf à s'en dédire, comme il paroîtra par la
fuite.
XVI. Quoiqu'il en foit, toutes chofes réglées , les légats le- R#f$jt*«i
verent publiquement toutes les fentences d'excommunication accorde par
contre les Bohémiens & les Moraves du parti HuiTite j & de leur aux Bohc-
côté , ils jurèrent obéïiïance à l'Eglife Romaine 3 & à Sipfmond. miens pour
On a vu que dans les conférences de Brinn & d'Albe royale , l'Em- Archev*iuc'
pereur avoit accordé aux Bohémiens le pouvoir de fe faire un ar-
chevêque. Ilsdemandérent dans celle- ci ce Bénéfice your Rocki-
z/tne , qui depuis long- temps étoit béant après ce friand morceau.
L'Empereur le leur accorda en ces termes : » Nous Sigifmond 3 &c.
» Comme les Seigneurs , les Chevaliers, les Nobles, & les Villes
» de notre Royaume de Bohême, nous ont fupplié (2) de leur faire
» part de notre droit à l'élection d'un archevêque de Prague j nous
» leur avons gracieufement accordé cette demande, pour le bien
» du païs 3 & cédé notredit droit à cette élection 3 comme il ap-
»pert par nos patentes à ce fujet. Ainfl ayant fait leur élection y
»iis nous ont propofé le Révérend Maître Jean de Rockiz&ne , avec
(1) Ce font ceux qui communioient fous les deux efpeces.
(2.) Le traduûeur latin ditque cette Requête fut prefentée à Brinn j mais l'original Aile»
mand ne u«ounc point de lieu. On a vu que ce fut à Albe Rc).ik.
45* HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1436. »deux(i) fuffragans j nous avons approuvé cette éle&ion des
» uns & des autres 3 6c nous la confirmons par ces préfentes , pro-
» mettant de ne point prendre d'autre archevêque pendant la vie
« de celui-ci, 6c nous allons donner incefïamment nos ordres pour
» fa confécration , 6c pour maintenir 6c défendre cette élection.
fa) ihtoh.vfoi (a) L'acte eft daté du jour de St. Apollinaire. Les dernières paroles
fupr. vu. onC £ajc juger que par là l'Empereur s'engageoit à faire maintenir
xo.zu' & confirmer l'élection par le Pape , ou par le Concile.
Entrcprife XVII. Les Hiftoriens des deux partis témoignent que Rocki^a-
àc VLockjxAnt ne n'imita, pas ces anciens Evêques, que i'hiftoire nous reprefente
àlgUw. prefque toujours refufants leurs épaules au fardeau épifcopal. Il
l'accepta avec autant de joie qu'il i'avoit ambitionné avec ardeur.
Il fe préfenta quelques jours après dans la place publique d'Iglaw,
où étoient l'Empereur , l'Archiduc, les Ambafladeurs de part ôc
d'autres, tantféculiersqu'éccléfiaftiques, 6c où l'on avoir élevé
un théâtre pour la cérémonie. Là de fa part, 6c de celle de foii
clergé , il jura folemnellement obéïflance & fidélité à l'Eglifè Ro-
maine, contre laquelle il avoir fifouvent déclamé. L'Hiftoiredit
unanimement qu'il entreprit dans cette occafion une choie qui
penfa rompre la paix. On prétend qu'il avoit apode un feculier
dansl'Eglife d'Iglaw, où il célébra la Méfie pontifîcalement, 6c
■qu'il lui donna la Communion fous les deux efpéces , en préfence
de l'Empereur 6c des légats du Pape. Ces derniers en furent fcanda-
lifez , prétendant que cette entreprife étoit une violation du con-
cordat , parce qu'elle fe faifoit dans un autre diocefe , 6c dans une
Egiife qui apparemment étoit toute catholique. On dit même que
peu s'en fallut qu'on n'en vînt aux voies de fait , 6c que Polemarzn
fureur vouloir mettre les mains fur Rocki^ane. Mais l'Empereur fe
mit entre deux, 6c pour appaifer la querelle, il allégua l'article du
concordat , qui portoit., que quand ?nème quelque particulier en vio-
Uroit quelque article , cela ne âev oit point être un obflacle à la paix.
Jen'entreprens pas de juger de l'affaire, mais j'en puis pourtant
dire mon fentimenten hiftorien. S'il eft vrai que Rockizgne affec-
ta de faire trouver là un laïque Hufîite , ileuttrès-grand tort , 6c
il en a été juftement blâmé par les hiftoriens Proteftants. Il étoit
hien d'humeur à cela. Car il eft reprefenté par tout comme un
homme artificieux 6c fouple, quand il s'agifloit de parvenir à ks
' (1) C'était Martin Lupatitts & If'efuejlas de Maut. Le premier mourut en 1468. Il avoit et :
«nvoye' au Concile de Bafle. L'Auteur dont je tire ceci , témoigne qu'il avoit vu piufieurs de
f<:$ manuferits. Luoat. Epheai. Rer. Bobem. xx. ApriL
fins,
ET DU CONCILE DE B A SLE. Ziv.JXTriIl. 457
fins, mais comme un homme hautain, quand ilavoic le defliis. 1426,
Mais fi d'ailleurs le laïque Hufîite fé trouva là de lui - même , &
fans que Rockizane l'y eût attiré, je ne vois rien dans le concordat
qui pût empêcher Rocki^ane de le communier fous les deux efpé-
ces. j'y apperçois bien quelques tours équivoques qui peuvent
tendre là , comme on fait dans les traitez , &: fur tout dans les dé-
cidions des Conciles. Quoi qu'il en foit, l'affaire fut ain Ci terminée
autant par l'impatience qu'avoit Sigifmond de faire fon entrée à
Prague 3 que paria modération.
XVIII. Afin qu'il y fut reçu fans nul obftacle , les ambafTadeurs Lettre c.Vcu-
de Bohême £c de Moravie qui étoient à Iglaw envoyèrent des let- landaus [c
très circulaires dans le royaume y pour ordonner à tous les Etats de Bohême
garder inviolablement le traité qui venoit d'être conclu. Elles pour foire
étoient conçues en ces termes :«Nous, Alzo de Riz£mbourg(z) Concordat.
» Gouverneur du Royaume de Bohême , les Barons, les Gentils- ,, , .
j * ' (<i ! Autre-
«hommes , ïqs Officiers de Guerre } ( milites)ÏGs Clients , ( ou les mentde^».
«Vaflàux) la Ville de Prague ., faifant ôcrepréfentant l'ailèmblée ^lîiavv-
«générale du Royaume de Bohême , &; du Marquifat de Mora-
«vie^ àtouslesfujets, & habitans defdits Royaume &. Marquifat
«qui font de notre parti, de quelque état &: condition qu'ils puif-
«fentêtre, faliat & affection. Commeà l'occafiondes difficultez
«furvenuës touchant la Foi, &c des quatre articles entre nous de
w nos voifïns , tant au dedans qu'au dehors du Marquifat 3 il y a eu
» de longues guerres , & que par la grâce de Dieu la paix a été
»> conclue entre les légats du facré Concile général , & l'Aflemblée
«générale dudit Royaume -Nous, voulant accepter & mainte-
nir ladite paix au fujetdefdites matières & defdits articles , com-
bine nous l'avons promis iincerement fur notre foi, Se fur notre
» honneur 3 A ces caufes 3 nous vous ordonnons à tous , & à cha-
cun en particulier par les préfentes, de garder Se entretenir une
«paix chrétienne, ferme à perpétuelle , & de ne la jamais violer,
» ou foufFrir qu'on la viole , foit au dedans , foit au dehors du
« Royaume , mais au contraire de tenir la main à ce qu'elle foit
» conflamment obfervée. En foi de quoi nous avons muni les pré-
» fentes du fceau du royaume de Bohême. Donné à Iglaw le 1 2.
« de Juillet 143 6 «. Ces lettres furent mifes le r 5. d'Août entre les fupr. ub.
mains du légat du Concile en préfence de l'Empereur (b). vm.p.zp/.
XIX. Ce Prince fit donc fon entrée à Prague le 13 . d'Août (1), Receptio»
&il y fut reçu avec les acclamations de tout le monde. Ce riètoit d? lEi;]pc~
J i r reur a i'ra-
(0 Iheobald dit que ce ne fut que le 14. Septembre. Sue«
Tom. I. M m ni
4^3 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.^6. flus> dit ^neasSylvius, cet ennemi de la Bohème , cet homme né en
adultère , ce fils de l' Ante-chrifl , ce facrilège à la perte de qui tout le
monde devoit confpirer. Jl fut reçu avec tous les honneurs pojjîb le s. Les
barons & les villes lui prêtèrent ferment de fidélité , & acceptèrent les
magifirats qti il leur donna. C'était à qui témoignerait le plus d'obèïf-
f») j¥.n. Sjlv. fiance , tant l'efprit humain efl extrême , quelque parti qu'il prenne (a).
cap. LIL Toutes les trois villes , die un autre Auteur, a lièrent enfouie au devant
de lui avec une quantité prodigieufe de noble ffc , & le proclamèrent leur
légitime fouverain au milieu des acclamations publiques. Vous euffiez^
dit que c' et oit une autre ville , & d'autres hommes s tant le peuple cfi
inconfiant. Quatre jours après , fc avoir le Dimanche d'après la Saine
Barthelemi ( 1 ) , ajjis fur un thrbnc 3 & orné du diadème royal 3 il reçut
dans la place publique de la vieille Ville 3 l'hommage des grands 3 de la
noble (fe , des gens de guerre , de la ville de Prague , & des de 'pute \ des
autres villes , en prefience du duc de Stettin & du comte de Cilley , après
s'être engagé lui - mèyne par ferment & par caution de ratifier & de
maintenir les anciens privilèges du Royaume. Le 3 o. d' Août il renou-
Cb)C%jecbor. ve^a les Confuls & les Sénateurs des trois villes , & confirma par de
ubi fupr. p. nouvelles Patentes tous les droits , ftatuts & immunité^ de la nouvelle
S M' ville (b).
LcsTabori- XX. Theobald & après lui Balbin témoignent qu'il fît un accueil
lieVave"01 fort favorable auxTaboritesqui vinrent aulli fe rendre à lui, 6c
l'Empereur, qu'il accorda de fi beaux privilèges à leur ville de Tabor^ qu'ils
fc)T*«>*.ubi n'avoient pas de termes pour exprimer leur reconnoiflance (c). Il
lvyxv*" y avoit long-temps queSigifmondavoit fore à cœur de fe reconci-
lier avec des ennemis dont il avoit fifouvent éprouvé l'invincible
valeur. Dès l'an 1434. étant au Concile de Bade il avoit tenté un
accommodement fecret avec eux 3 par l'entremife d'Vlric de lio-
fies à qui il avoic envoyé un plein-pouvoir de faire la paix avec les
Taboritesaux conditions qu'il jugeroit à propos. Cette pénible
négociation traîna pendant deux ans ^ enfin cette année , devenus
moins inflexibles par leurs pertes, & par la mort- de leurs Géné-
raux , ils confentirent à la paix fous ces conditions -y Que le Tabor
feroit une ville royale ; qu'elle demeureroir touj ours libre ; qu'elle
jouiroit des mêmes droits de privilèges qu'avoit eu la ville d'Auft
détruite par les Taborites j que ces derniers ne payeroient au Roi
que 600. gros de Bohême. Outre cela l'Empereur par une grâce
fpéciale leur fit préfent d'un païs qui étokeftimé 1 16000. gros de
( 1 ) Il faut qu'il y ait erreur. La St. Bartbelemi étant le 24. d'Août , ceci doit s'etre pafle le
lendemain de fon entrée.
lie R$.
ET DU CONCILE DE BASLE. Ziv. JTVIIl.w
Bohême (a,1. jEneasSylvius contemporain ajoute même qu'il leur 143^.
accorda pour cinq ans une entière liberté de confeience. Cette in- [aj Baiy.
dulgence pour les Taborites fut (ans doute un trait de fa politique, E^p- 4P7%
pour avoir plus de liberté de difpofer de toutes choies à fon gré
dans lerefte du Royaume. On lui fait dire, que quand on ne peut
pas franchir en fautant , il faut fe baiffer & pafjerpar de (fous.
XXI. Il s'en falloir pourtant beaucoup que l'embrafement ne RCVo!te-d\m
fût tout-à-fait éteint. Pendant que l'Empereur étoit encore à GcntUhom-
, .. r r , . * . l , , me Bolie-
Iglaw , il le rorma contre lui un orage qui 11 etoit pas encore con- micn contre
juré quand il entra dans Prague. Un certain gentilhomme Bohê- Sigtfmoni.
mien d'une qualité diftinguée , nommé Jean de Rohac {b) , avoit (b) ibeobaii
fait bâtir fur une coline au milieu des bois, non loin des montagnes \*^f"'
deKuttemberg, un château qu'il appelloit Sion^ parce qu'il pré-
tendoit que de là fortiroit la vérité & en même temps la liberté de
la Bohême. Il avoit fortifié cette place déjà très-forte par fa fî-
tuation, de remparts , de foflez 6c de murailles , & il y avoit faic
entrer toute forte de munitions de guerre & de bouche. Il avoit à
fa pode quantité de gens nobles, 6c autres qui parleurs pillages
bien loin aux environs lui fournifîoient abondamment de quoi fe
foûtenir. Rohac , pendant que toute la noblefle alloit à Iglaw faire
hommage à Sigifmond, demeura conftamment dans fon château
d'où il infeftoit tout le voifinage, animé par des gens qui trou-
voient mieux leur compte à la guerre , qu'à la paix. Il n'épargnoit
pas même Sigifmond ni fes officiers quand il trouvoit occafîon de
les infulter. Ayant appris que ce Prince faifoit venir du bétail 6c
des vins de Hongrie , il alla s'en faifir avec fon monde , & tua les
conducteurs de ce convoi. A cette nouvelle l'Empereur envoya
Henri Plac^ek fon cou fin avec une armée pour afîiéger la forte-
refle, 6c donner la chafTe à Rohac. Ce fiége dura 4. mois. Enfin
après une vigoureufe défenfe, 6c une attaque opiniâtte, la place
fut emportée, tant par flraragême, que de vive force. Rohac fat
pris avec fa garnifon , 6c emmené à Prague, où il fut pendu, lui
6c ks complices. JEneas Sylvius qui raconte ce fait dit qu'on drefla
des potences de diverfes grandeurs. Rohac fut pendu à la plus hau-
te 3 environ 100. des complices furent attachez aux plus balles,,
6c le pierre de la garnifon qui s'appelloit Milieu (1) (Médius) à
celie du milieu. Theobald, qui ne rapporte point cette particula-
rité des potences , dit que pour les conftruire on fe fervit du bois
(\) Media Sacerdotcm fripait tttmine Medittm : tttque ita Médita i;i medio fur car um , damnât am
tintmam devetamque Satanareddidit. Mu, Sylv. cap. Lll. fin.
M m m ij
46o HIST. DE LA GUERRE DES HUSSÏTES
14." 6 ^ue ceux de Prague avoient deftiné à bâtir une Eglife , ce nue cet
Hiftorien a regardé comme une infulte que leur voulut faire l'Em-
pereur (i). Il ajoute que ce Prince , félon le proverbe Latin , Di-
vide & impera , avoit pour politique de commettre les Bohémiens
HufTites les uns contre les autres ^ ou , pour s'en mieux défaire , de
les envoyer à la guerre contre les Turcs.
Rébellion de XXII. Toutes les villes de Bohême s'étoient foumifes , à la
h ville de referve deGratz, oui refufa conftamment de reconnoître Sfaif^
Gratz contre . •ni j • i> • • i
l'Empereur, mond , parce que cette ville le regardoit comme 1 ennemi capital
delà Bohême, quelque beau femblant qu'il fît de l'aimer. Cefi 3
difoient les citoyens de cette ville , unfauxVliffe h il ne cherche quà
gagner du tems , & il ne flatte les Bohémiens que four les opprimer à
l'improvifle ^fa maxime efl de diffimulcrpour régner j s'il ne faut pas ai"
fément fe fier , même à un ami réconcilie , a plus forte raifon 3âun Prin-
( a ) Cuchor. ce tant défais offenfè 3 & provoqué par tant d'affronts & de défaites (a) .
F- $99- Cette obftination , ou cette fermeté d'une feule ville fouleva con-
tre elle toute la noblefîé qui la déclara ennemie de la Republique.
Le général Guillaume deKotz,ka3o.vec les généraux Borz^ck, ÎDa-
holics , & Pardo de Horka , fe mit à la tête d'un bon corps d'armée,
avec une ferme réfolution de périr ou de la réduire. Cependant
n'ofant pas d'abord en former le fiege , il alla camper à demi lieue
de la ville , pour mieux prendre fes mefures. Cette précaution fut
inutile 3 car dès le lendemain les bourgeois profitant du clair de la
lune firent., en grand filence,, une fortie, & allèrent fondre par
deux endroits furie camp ennemi, qui ne s'étoit retranché que
foibiement&fort à la hâte. Lesfentineiles égorgées, ce fut une
épouvante de une clameur générale dans tout le voifinage. On fon-
na l'allarme j mais avant qu'on fût prêt à s'armer Se à s'équiper , il
y avoit déjà eu beaucoup de tuerie dans le village même & aux ha-
bitations d'alentour. Kotzjza reveillé par le bruit des tambours &
des trompettes , ramafla précipitamment ce qu'il put de monde ,
& fe préfenta prefque tout nud à l'ennemi. Mais l'irruption fut fi
imprévue & fi violente, qu'il fut impofîiblede refifler longtems.
En vain iO/^bz , pour montrer exemple, fe jetta avec fureur au
milieu des pelotons ennemis ; n'étant pas foutenu , il mourut per-
cé de mille coups. Il vendit pourtant cher fa vie. Il fendit la tête,
& coupa bras &: jambes à plufieurs avec un grand fabre qu'il te-
(l) Patibulo criçindo Itgnum adhibuertitit , quo cives Prajenfes templum ~Redintuinenfe Jive
ïktinanum ab altéra farte exflritcturi erant i ejujque rei caufa cuivis facile liquet. Thcob. Part» IL
cap. I.
ET DU CONCILE DE VAS LE. ZÏv.^riII. 4.61
noircies deux mains. BorzekècPardo qui étoienc dans des portes jai6
plus éloignez ne purent arriver aiîez à rems pour donner dufe-
cours, & voyant le chef tué 6c l'armée diiîipée _, ils prirent cha-
cun de Ton côcé le parti de la retraire. Mais les vainqueurs ne joui-
rent pas long-tems de leur victoire. Borz,ck eut fa revanche des le
premier jour de Tannée fuivante. Et quelques femaines après ils (a) Bobujias
furent entièrement défaits par un autre Général (aY Enfin ils fi- f/^?^'*
rent leur paix avec 1 Empereur par 1 entremile de leur propre Corn- (c) iatk.
mandant (b) homme de qualité, qui avoit quitté le froc pour fe E/>"-p-4P4-
• • , r t er / \ Gcecbor. p.
joindre aux Munîtes (c). 6o0t 6o[m
XXI IL A peine Sigifmond fut -il le maître , qu'il découvrit fes Si&ii,m„dv<i.
fecretes intentions. Ne voulant entrer dans aucune églife des Huf- tablit le culte
fîtes , il fe fit donner l'eglife de S t. Jacques qui avoit appartenu aux 3°^" en
Frères Mineurs, &; dont on avoit fait un arfenal. Il rappella les
moines & les prêtres exilez , comme les Celeftins , les Benedi&ins
Efclavons, les Servites de St. Marc , les Chevaliers Teutoniques
&de Jerufalem , les Abbezde plulleurs monafteres , les Religieu-
fes de St. George dont l'abbeiTe eft princefle & porte la crolîe pafto-
rale (1 ). On rétablit auffi les chanoines de l'Eglife cathédrale , les
vicaires & les menfionnaires (1). Les ornemens furent remis dans
les eglifes , & le culte fut rétabli fur l'ancien pied. Comme les Bo-
hémiens Huiïites ou Taborkes s'étoient emparés des revenus des
eglifes , l'Empereur ordonna qu'on tirât du tréfor royal ou du file
de quoi entretenir les chanoines. On leur donnoit un,écu d'or par
femaine,, & au moindre la moitié 3 eequifaifoie par an la fomme
de 6000. écus d'or. Tous les bons Catholiques félicitèrent Sigif-
mond de cette reflauration , &; le Pape lui envoya la rofe d'or (3 ) ,
avec une lettre de congratulation.
XXIV. Cependant ce rappel des Ecclefiaftiques tant réguliers Infidélité de
que ieculiers étoit une infidélité manifefte, puifque l'Empereur s'«m"7*'
avoit promis folemnellement Se par écrit à Iglaw 3 de ne les point
rappeller. En voici l'acte. Sigismond ^ par la grâce de Dieu , Em-
pereur , &c. Après que la paix fut arrêtée entre les légats du facrê Con-
cile de Bafle 3 & les ambajjadeurs de notre royaume de Bohème , nous
étant rendus ici avec lefdits ambajjadeurs de Bohème , les très-honora-
bles ambafiadeur s &députez^de notre Royaume & des villes nous ont
( 1) Elle étoit obligée de prefenter tous les ans au Roi un pain nouveau , le jour de la fête
de St. Vit. JEn. Sylv. nbifupr. cap. LU.
(2.) Motécclc'fiaftique qui vient du latin metifa^table.C'étolcnt des Ecclefiaftiques qui e'toient
chargea du foin des eglifes, & entretenus de leurs revenus.
Ç\\ Sur la rofe d'ur , voyez 17///?. du Conc. de Conjl-Liv. VL
M m m iij
46i H1ST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
s -prié de ne pas permettre que malgré eux , aucun des Religieux & des
Séculiers qui avoient habité dans ces villes 3 & qui par quelque raifon
que ce foit avoient été contraints d'enfortir , y retournaient . ^ re n-
traffent en pofeffion de leurs biens. A ces caufes 3 pour ne point mettre
d'obftacle à la paix &hla concorde , & ayant égard a leur demande ,
nous y confentons , déclarant que nous ne voulons contraindre en aucune
manière le [dite s villes fur cefujet. En foi de quoi nous avons appofé nos
Cccaux a ce prcfent diplôme. Donné à Iglaw le jour de la fête de Marie
Magdeléne l\tnde Chrifi 1436. le fo. de notre règne de Hongrie 3 le
1 6. de notre règne des Romains , le iG.de notre règne de Bohème , & le.
4. de notre Empire ( 1 ). Je laide à juger aux lecteurs fi la fidélité 6c
la bonne foi dans ces promefïes n'étoient pas aufîî eflentielles à la
Religion, & un engagement auiK important par rapport à Sigif-
mond 3 que le rappel de quelques Ecclefiaftiques contre fa parole,
ou fi ce Prince n'auroit pas mieux fait de ne point s'engager , fans
doute contre fa confeience 3 que de fe dégager contre la confeien-
ce aufti. Mais il s'agifïoit d'une couronne. JEneas Sylvius n'a pas
rrop mal jugé de cette conduite de Sigifmond > il en a pénètre le
motif, fans pourtant le défaprouver, fuivant fans doute un au-
tre principe que celui de 67. j7^»/, qui ne veut pas qu'on faiîe du
mal afin qu'il en arrive du bien. Jlparoit , dit-il, de tout cela que
les traite^ que fit l'Empereur avec les hérétiques , il les fit plus par ne-
cefjîté que de fon bon gré. Ilvouloit de quelque manière que ce fût entrer
en pofjcjjîon de fon royaume héréditaire , & après cela ramener infenfi-
(a) Mn. Sylv. [,lement (i)fesfujets à la vraie religion de Je fus- Chrifi félon l'ufage de
LU. leurs ancêtres (a) .
il rejette XXV. Sigifmond fit bien plus. Etant à Albe royale, il avoic
jLockjxjtne accordé aux Bohémiens la liberté de s'élire un Archevêque. De-
contre fi pa' pUjs jj avoic approuvé & confirmé à Iglaw l'éledion qu'ils avoient
faite de Ilockiz<z?ie. Cependant par une nouvelle infidélité, il leur
manqua de parole en n'offrant l'archevêché à Rockiz^me , qu'à des
conditions 11 dures , qu'il ne pouvoit les accepter en confeience ,
&: même fans agir contre fes intérêts, parce que les Bohémiens
n'auroient pas voulu le recevoir fur ce pied-là. Car il lui propofoit
de fe foumettretout-à- fait à l'Eglife Romaine, & de renoncer à la
Communion fous les deux efpeces, lui déclarant que fans cela il
pepouvoit être archevêque, quand memeil auroit été confacré.
( 1 ) Il ne compte fon règne de Bohême que depuis qu'il fut couronne a Prague en 1 4ZO. &.
fon Empire que depuis 143 3 . qu'il fut couronné à Rome.
(%) Il le fit avec trop de pre'cipitation,.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv.XVUI.^
Ce qui déconcerta tellement Rocki^ane qu'il s'emporta plus que 14*6,
jamais contre l'Empereur , & contre l'Eglifé Romaine. L'Empe-
reur cependant donna l'adminiftration de l'archevêché de Pra-
gue, à. Philibert évêque de Coutance, qui l'avoit accompagné.
Ce Prélat fe donna mille mouvemens pour remettre les églifes dans
leur premier luflre , &; pour purifier ce qui félon lui avoit été pro-
fané. Il confacra les églifes & les baptiiteres , rétablit les méfies ,
remit les flmulacres, les images, les étendarts dans les temples,
fit allumer les cierges, expofa en vue les ciboires,, fit porter de l'eau
bénite dans les églifes , &; rendit aux prêtres leurs ornemens facer-
dotaux négligez depuis long-tems. En un mot , il remit tout fur le
pied de l'Eglife Romaine. Rocki^ane de fon côté débouté de (es
prétentions fulminoit contre les moines, contre les cérémonies
Romaines, & contre Sigifmond, comme contreun perfide qui lui
avoit manqué de parole (a). Il revient chaque jour } difoit-il en (*) D»W.
chaire , de ces démons quon appelle des moines _, pourféduire le peuple ', Li(,t xxvL*
mais fi nous avons du cœur il faudra les égorger plutôt que de le fou f ri r. p. 225.
Un Hiftorien dit que cette menace regardoit Sigifmond lui-même
(b). Quoi qu'il en foit, ces paroles ayant été rapportées à Sigif- (b) Duirxv.
mond : Nous immolerions , dit-il , nous-mêmes Rockizane aux pieds lbd*
de l'autel. Cette repartie de Sigifmond fît peur à Rockizane , & il ai-
ma mieux fe retirer _, que de rifquer fa vie. Il fut accompagné par
un Seigneur defespartifansavecuneefeorte de 1 oc. chevaux jus-
qu'à Gratz 3 oùil demeura long-tems caché , ôc on donna fa pa- (c) Jem r,J-
roiile a un prédicateur plus modère (c). Sylv;
XX VI. Eugène IV. ne manquoit pas d'affaires en Italie. Le Affairestr..
Roi d'Arragons'étoit joint au Concile pour le pourfuivre^ & il trangeres.
écrivit même à cette afïemblée pour l'exhorter à confier à quel- ltalie>*fPa-
* r * gne on 1 ortu-
qu'autre le foin du Siège apoftolique, promettant de lui faire rel-^/.
tituer tout ce qui lui avoit été enlevé. Ce Prince écrivit au Pape
lui-même une lettre fulminante, où il le fommoit d'adhérer au
Concile, & de ne le plus traverfer lui-même dans la conquête du
Royaume de Napies. Autrement , difoit-il , je prens Dieu à témoin ,
avjji-bien que les Cardinaux 3 & l'Eglife Univcrfelle 3 quon ne doit
imputer qu'au Pape le mal qui pour r oit arriver de fe s refus (d). En ef~ (à) spemf.
fet cette même année le Roi d'Arraeon s'empara d'une bonne par- ann* l+&
ne delà ville de Rome, &il porta la delolation dans tout le royau-
me de Napies. Mais fon ambition fut reprimée par le brave Vitel-
lefchi qui fut depuis Cardinal , par l'Archevêque de Florence, £c
par le Patriarche d'Alexandrie , qui cenoienr peur le Papeêt pour
la faction Angevine.
4^4 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
jjî £ Le Pape eue cette année de grands démêlez avec Edouard roi
de Portugal au fujet des libertez eccléfiaftiques ,, 6c de l'autorité
pontificale, qu'il prétendoit être violées dans ce Royaume, parce
que les Magiftrats féculiers s'arrogeoient la connoillance et le ju*
gement des caufes eccléfiaftiques. Eugène IV. écrivit là-deflus au
Roi une lettre très dure , où. il lui reprochoit Savoir mis la faucille
dans la moiffond 'autrui , en permettant qu'au grand mépris de la
dignité eccléfiaftique, fes officiers citafïent perfonnellement de-
vant eux des Evêques 6c des Archevêques. La lettre eft datée de
Bologne qui étoit rentrée dans l'obéiflance du Siège de Rome.
Comme le Roi de Portugal avoit fort à cœur la conquête de l'A-
frique , il avoit obtenu du Pape des lettres pour lever une croiiade
# , , ., contre les Maures. Mais Jean roi de Caftille &de Léon , quipré-
(a) Kaytmld. û i • • c j i j
ànn. 1430. tendoit que cette conquête un appartenoit _, en ht de grandes
nura. 24.27. plaintes au Pape. C'efr, ce qui obligea ce dernier à écrire à Edouard
gkt?Jre'&. E~ de ne rien faire en vertu de fes lettres, au préjudice du Roi de Caf-
tojfe. tille (a).
LeDucde XXVII. Le Roi de France , 6c le Duc de Bourgogne s'étoienc
pourgogne reconciliez l'année précédente. L'Angleterre mécontente de
euerr^aiw cette paix , exerça tant d'hoftilitez contreleDuc, que ce dernier
Anglais. pouflé à bout fe réfolur à faire la guerre à l'Anglois. Cette nouvelle
donna beaucoup de joie à la France j fe joignant au Duc elle re-
couvra Paris , 6cen chaflales Anglois. Le Duc cependant mit le
fiége devant Calais 5 mais la nouvelle de l'arrivée des Anglois
pour fecourir cette place, <k la révolte de fon armée l'obligea de
lever le flége.
Rfl-ad^atffU XXVIII. Cette année , ou au commencement de la fuivante y
" Jacques!, roi d'Ecoiïe fut afïaffiné la nuit dans fon lit par les or-
dres du Comte d'^tbolCon oncle , qui vouloit ufurper le Royau-
me. Une des filles d'honneur de la Reine , nommée Catherine
Douglas , fit alors une action de courage & de fidélité , qui mérite
d'être remarquée. Un des aflaffins avoit enlevé le verroiiil de la
porte du Roi, afin d'introduire les conjurez dans fa chambre.
Cette genereufe fille mit fon bras dans le trou pour fervir de ver-
roiiil j mais les aiïafiins lui ayant coupé le bras entrèrent dans la
chambre & percèrent le Roi de mille coups. La reine Jeanne fon
époufe le voulant couvrir de fon corps reçut deux blefîures. Le
comte d1 'Athol , chef des conjurez , fut mis trois jours à la torture,
& enfin brûlé d'une couronne de feu qu'on lui mit fur la tête avec
cette infeription , le Roi des Traîtres 3 parce qu'une devinereiTe lui
avo^t
ET DU CONCILE DE B A SLE. Ziv.JTjrf II. 4.6 f
avoit prédit qu'il feroit un jour Roi. On trouve une letrre du Pape *43 6.
où il témoigne fa douleur de cet aflaffinat au cardinal Antoine d'Ur-
bin fon légat en Ecofle. Le Roi d'Ecofle avoic peu de tems aupara-
vant marié Marguerite fa fille à Louis dauphin de France. On rap-
porte (\\iJEneas Sylvius étoit alors en Ecofle s où. il avoit été en-
voyé d'Arras par le cardinal de Ste. Croix , pour quelques affai- (a)Kaynaid.
res eccléfîaftiques (a). Il y avoit en effet alors des brouilleries en- ann* hi&
tre le royaume d'Ecofle 3 & la cour de Rome à l'occafion fuivante. Sïwi'aM.
Le Roi d'Ecofîe avoit fait publier par l'Evêque deGlafco fon chan- h?^* num,
celier, certaines ordonnances contraires à l'autorité du Pape. Ce '
dernier en étant informé ordonna à" deux Cardinaux de citer l'E-
vêque. Le Roi en fut tellement irrité, qu'il déclara traître &; en-
nemi public 3 Guillaume Creiz^er archidiacre , dont les Cardinaux
s'étoient fervispour faire la citation. LePape de fon côté cafîa tou-
te la procédure du Roi > & rétablit l'archidiacre. Il ordonna mê-
me à trois Cardinaux de faire exécuter fa fentence fous peine de
lancer l'anathême. L'affaire fe raccommoda depuis ( 1 ).
XXIX. Le Concile tenoit toujours fes féancesà Bafle. Je n'en Allemagne &
trouve que deux cette année , favoir la X X 1 1 1. & la X X I V. Fats *,N#r''
»Dans la XXIII. tenue le 15. de Mars, le Concile publia des
» reglemens touchant l'élection du Pape j la profeffion de foi
» qu'il eft tenu de faire , fes devoirs & fa conduite , le nombre des
» Cardinaux que le Concile veut qu'on réduife à 24. 6c leurs quali-
»tez j la manière de les élire par les fuffrages du collège des Car-
» dinaux , leurs obligations & leurs devoirs 3 le rétabliflement des
» élections , & l'abolition des referves Se de%graces expectatives ».
On renouvella aufïi dans cette féance la Conftitution de Grégoire
JT. couchant le conclave. C'étoit beaucoup fe radoucir par fuc-
cefîion de temps. Adrien V. & Jean JCJCI. l'avoient abrogée.
Elle avoit été rétablie par Celefiin V. ôc par Boniface VIII. En
voici les claufes. Que dix jours après la mort (ou la dépofition du
Pape) les Cardinaux entreroienc au conclave avec chacun deux
domeftiques ou conclavifies feulement j Qu'il y auroit deux clercs ,
dont l'un feroit notaire pour régler les cérémonies 3 que le came-
rierenexcluroit tous les autres 3 Qu'on ôteroit des cellules toute
forte de vivres , à la referve de ceux qui pourroient fervir de remè-
de 5 Qu'on examineroit tous les jours les plats qu'on portoit aux
(1) V.ctyn. ubi fupr. num. 28. 30. Comme quelques-unes de ces pièces font datées de Flo-
rence, il fa ut que ceci fe fuit palTé avant la mort du Roi, ou qu'il ne foit mort qu'en 1437*
puis que la lettre date'e de Bologne fait mention de cet affaiïïnat.
Tom. I. Nnn
466 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
ia.%6. Cardinaux j Qu'on ne recevroic poinc de lettres dans le conclave
Que les Cardinaux avant le fcrutin , jureroient d'élire pour Pape
celui qui en feroic le plus digne j Que le Pape élu donneroit fa pro-
feflîon de foi , &. que tous les ans on lui liroit pendant la MelTe cet-
te profeffion le jour de l'anniverfaire de fon couronnement (a\
&m.p?tfZ. «Dans la XXIVVSeiïion du 16. d'Avril l'on propofa & on ap-
» prouva l'acte projette entre les ambaffadeurs du Concile , &, les
» Grecs :on lut le fauf- conduit que le Concile accordoit aux der-
niers, les Bulles de l'Empereur & du Patriarche de Conflanti-
» nople au Concile., Se le décret par lequel le Concile accordoit des
» indulgences à tous ceux qui travailleroient à la réunion des Grecs,
(b) Dnpin foy Outre ces deux fefllons il y eut une congrégation générale le
Mioth' des 1 l • ^e Mai i Pour enEendre les légats que le Pape avoit envoyez
Aut. Eccie- au Concile. Ils y firent de la part de ce pontife des plaintes tres-
x\i J °? graves au fujet des deux feffions précédentes , prétendant que le
coionn.2.' Concile n'étoit en droit, nide régler le Pape, ni de donner des
indulgences. Mais le Concile tenant ferme, déclara qu'il avoit
été en droit de prendre ces réfolutions , &: de donner des indul-
gences , puifque le Pape avoit refufé de le faire. Le refte de l'an-
née s'employa à prendre des mefures pour le voyage des Grecs ,
foie en Italie, foiten Allemagne, &pour leur réunion avec l'E-
glife Latine. Sur quoi le Concile & le Pape n'étoient pas d'ac-
cord.
d^R^de*1 X^X. Eric (ou Henri) VIII. Roi de Dannemarc , de Suéde
Efcnncmarc & de Norvège abdiqua cette année. Si ce fut volontairement ou
par force , c'elt fur cfuoi les Hiftoriens ne font pas d'accord. II
efl certain qu'il gouverna fort tyranniquement , & fur tout en Sué-
de , où il exerça de grandes cruautez en 1434. Engelbert gentil-
homme Suédois entreprit d'en délivrer fa patrie , & il en feroit ve-
nu à bout, s'il n'eût pas été tué par des gens jaloux de fon bon^
heur & de fa vertu tout enfemble. C'eftce qui arriva en 143 6,
Après fa mort , Eric pour fe reconcilier avec le royaume de Suéde
envoya des ambaffadeurs au Concile de Bafle, où l'on termina
ces difFerens. Cependant le Roi voyant qu'il n'étoit pas agréable
àfesfujets, prit le parti de fe retirer en Gothie, puis en Pomera-
nie fa patrie. Il mourut en 1459. âgé de 77. ans (1). Au refte, le
favant Danois que j'ai déjà allégué ne donne pas une grande idée
delafincerité du Roi de Dannemarc dans fon voyage de Jerufa-
(i)Spond.an. 1436. num. 13. On peut aufii confultcr là-deflus les Révolutions de Suedèo-
p. 16.ÎJ fuiv..
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv. Jtrr III. 4.67
lem , &dans Tes offres de fecourir Sigifmond contre les Hufïïces* 14^
Il prétend que tous ces dehors de religion n'étoienc que pour fe
rendre favorables le Pape, l'Empereur 6c les Cardinaux dans les
démêlez qu'il avoit avec fes propres fujets, les ducs de Holftein,
ôc les Villes anféatiques. Il allègue pour preuve de fes foupçons
les faufïes accufations qu'il avoit intentées contre ceux de Lubec,
comme on l'a vu dans fon temps. D'ailleurs, lorfqu'à la follicita-
cion des ducs de Holftein , & des Villes anfeatiques , le Pape vou-
lut intervenir dans fes démêlez ,Eric s'y oppofa hautement, parce
que ce n'étoit pas une affaire du reflort de l'Eglife. On fçait aufïi
qu'il avoit perfecuté les Prélats de fon royaume. Il maltraita fur
tout un fecretaire du Pape, qui lui apportoit de fa part un Bref
plombé , en lui donnant de ce plomb un fi grand coup par le nez,
qu'il en fortit beaucoup de fang. Il voulut même le contraindre
d'avaler la Bulle ; mais n'ayant pas voulu obéir, il le tint long-
tems dans une prifon très-dure.
XXXI. Il ne fepafla rien de fort mémorable en Pologne cette Pologne.
année , pendant laquelle mourut Albertjaftrembec archevêque de Mortde ^m
Gnefne , dont on a eu occafîon de parler pius d'une fois. Ce Pré- GncS-T
lat eft reprefenté par les Hiftoriens de Pologne , comme un hom-
me fore prudent, & fort attaché à la patrie. D'autres difentpour-
rant que fa prudence alloitjufqu'à la mollefïe, & qu'il n'avoir pas
la même vigueur que l'Evêque de Cracovie pour défendre les biens
eccléfîafiiques contre les entreprifes du Roi. Vincent Cotas , ou
comme l'appelle Dlugojf, Rot h de Bambus , de la maifon d'Oliva,
gardien de Gnefne, chantre de Cracovie, chancelier du Royau-
me, lui fucceda. Cette élection faite parle Chapitre de Gnefne
fut pourtant conteftée par les Grands du royaume , qui ne trou-
voient pas bon qu'on mît fur le premier Siège un homme quines'é-
toit fïgnalé par aucun fervice envers la République. Ils vouïoienc
qu'on mît Sbinko évêque de Cracovie , fur le trône archiepifcopal
de Gnefne , Wladiflas évêque de Wiadiflow à Cracovie , & Vin-
cent Roth à Wladiflow. L'Evêque de Cracovie ayant refufé cette
dignité , l'Evêque de Wladiflow & Vincent Roth entrèrent en
concurrence. Mais l'élection de Roth fut confirmée à Bologne par
le pape Eugène IV. malgré les oppofitions du Roi & des Seigneurs
de Pologne.
XXXII. Dans ce même temps le Roi de Pologne envoya des AmbaflfaJc
Ambafladeurs à S igifmond qui èzoit à Prague, pour lui propofer PoWneà
de marier fes deux nièces qu'il avoit d'Albert d'Autriche fon gen- Sigifmond.
Nnn ij
46S HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1436. dre, l'une au jeune roi Ladijlas > l'autre iCafinir frère du Roi.
L'ambaffade fut fore bien reçue. Sigifmond répondit favorable-
ment aux ambaiïadcurs , que ces propofitions lui étoient agréa-
bles ^ mais que comme il étoit tout occupé à régler les affaires de
Bohême, il prioit le Roi de lui envoyer d'autres ambaffàdeurs,
quand il feroit en Hongrie ou en Autriche.
I43 7- XXXIII. Il faut commencer cette année par le couronnement
mensdclir" ^e l'Impératrice Barbe, qui fe fit dans le même château de Pra-
gifmond à gue, où fon époux avoir été couronné il y avoit environ 1 7. ans.
Pngte. qg çut iT£vêque de Coutance administrateur de l'archevêché de
Prague , qui en fit la cérémonie le 1 1 . de Février. Cette Princefîe
traverfa la ville avec la couronne fur la tête , 6c les ornemens
royaux , diftribuant de l'argent au peuple , jufqu'au palais royal.
L'Empereur non moins attentif aux affaires civiles 3 qu'à celles de
religion, avoit établi auparavant un fuprème tribunal compofé de
douze d'entre les Seigneurs ou Barons , & de huit d'entre les Gen-
tilshommes ou Chevaliers (1). Les Hiftoriens de Bohême ont re-
marqué que ce fur pour la première fois que les Gentilshommes
furent admis au gouvernement de la République, 6c qu'aupara-
vant on n'y recevoit que des Seigneurs jles Gentilshommes étaient
employez à la guerre. Dans le même tempsl'Empereur établit une
Chambre Royale , dont il fitPréfident un Chevalier d'une maifon Se
(*) mteîtms d'une vertu diflinguée (a). Vers le milieu de l'année Sigifmond fie
Kew?»/ un voyage à Egre , & laifla le gouvernement du Royaume au bur-
grave Mènard de Maifon Neuve. Là il donna folemnellement à
plufieurs Princes de l'Empire qui s'y trouvèrent, Pinveftiture de
quelques païs du Voipland, de la Mifnie , de la Franconie3 du
territoire de Nuremberg & de la Bavière , quiétoient fiefs de la
Couronne de Bohême. Il envoya auffi de là des ambafîadeurs au
Concile avec une lettre pour demander de nouveau la confirma-
tion du concordat. La lettre efl du 2 1 . de Juillet. L'Univerfité de
Prague avoit auffi envoyé quelques jours auparavant deux dépu-
tb)Cocbi. ubi tez (2) au Concile fur le mêmefujet, 6c pour demander quelques
ufs. p' *°* êclairciiïemens, & quelques conceffions au de-là du concordat (b).
On parlera dans la fuite de ces nouvelles demandes, 6c de la répon-
fe du Concile. Ce fut quelques jours après qu'on publia en pré-
fence de l'Empereur & du Légat un décret en Latin, en Bohc-
( i) On peut voir leurs noms dans le Mars Moravique , Lib. V. çap. V. p. 6oz. 6a\~
(z) TrecopedeFilfcn Pafteur de l'Eglife de St. Henri , dans la nouvelle Ville, & Jeattds
Frz.ibr.vn Pafteur de St. Gilles dans la grande Ville.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv.JsTVlii.^
mien , en Hongrois &: en Allemand , par lequel on déclaroit qu'il x ., jt
feroit permis aux Bohémiens & aux Moraves de communier ions
les deux efpeces, ou fous une feule, Ôtque ceux qui communie-
roient fous les deux efpeces, feroienc tenus comme les autres , pour
de vrais enfans de l'Eglife catholique j en mémoire de quoi on affi-
cha dans les principales églifes de Prague cet édit écrit en lettres
d'or fur des tables de marbre. L'Auteur du Mars Moravique dit
qu'on voyoit encore ce monument de fon tems, c'effc-à-dire en
i 677. Cet Auteur ajoute que ceux de la vieille Ville firent mectre
un grand calice doré avec une épée dorée au haut du frontifpice
de l'Eglife de Teyn entre les deux tours , où l'on voit à prefent
l'image de la bienheureufe Vierge (1). Il revint au bouc de fix fe-
maines à Prague 3 où il fut reçu avec beaucoup de pompe.
XXXIV. Il s'en falloir bien que les chofes ne fullent tranquilli- Les Bohê-
fées à Prague par rapport à la religion. L'exil de Rockizane , quoi- mienf de*
, &-ri • -D/\, . . . ^ ,^„ mandent
qu en partie volontaire , avoit extrêmement irrite ceux de fon inutilement
parti , & la noblefîe Hufiite menaçoit déjà de courir aux armes. Il R****" ai>
yavoitentre autres dans ce parti un Seigneur de diftinclion (a), ^uTnrkus
qui parloit plus haut que les autres. De plus , PEvêque de Coutan- Pm**** W/-
ce avoit fait chafler de la ville deux prêtres Calixtins en grande vé- ^phlm, p. '
nération parmi eux^, favoij Pierre Peyne PAnglois , qui s'étoit fi- 45*5.
gnalé dans ces démêlez, éc un autre prêtre nommé Coranda (2).
Pour prévenir les facheufes fuites de ces divifions , Sigifmond , de
concert avec le parti Calixtin , établit un confiftoire inférieur d'où
releveroient tous les prêtres de ce parti. Il en établit chef Chriflian
Prachaticsky profefleur dans l'Académie , ôcpafteur de l'Eglife de
St. Michel dans la vieille Ville (3). Cependant les Bohémiens n'ou-
blièrent pas Rockizane. Ils envoyèrent cette année des ambaiïa-
deurs à Balle pour demander fa confirmation à l'archevêché de
Prague. Mais il leur fut répondu qu'il n'étoit pas raifonnable que
Rockizane fût élevé à cette dignité , parce que depuis le concor-
dat il n'avoit rien oublié pour troubler la paix & l'union, &: que
même , depuis peu , il s'étoit retiré de Prague clandeftinement,
&fans prendre congé del'Empereur.
XXXV. Le Concile refufa encore quelques autres articles que Le Concile
leur relu le
(1) B#/£/'« place ceci au ip. de Janvier. nl/i fup. Lupxcins le place au îz. d'Avril. Voyez divt-rlcs^u"
auili Cteckorod. MarsMorav. p. 6o\ . trcs choics"
(2)Sic'eft Wencejlas Conrad* , on en a parléplus d'une fois. Il mourut en 1$*$- âgé dep$.
ans.
(î) Balbin témoigne que cet Administrateur du Confiftoire étoit bon Catholique, tdi fup.
P3S-4P5-
N n n ii j
470 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
, les députez de Bohême avoienc demandez au delà du concor-
dac. Ils avoienc demandé, par exemple, fort inftamment de pou-
voir communier les petits enfans_, ce qui leur fut refufé , parce que
le concordat portoit qu'on ne donneroitla Communion qu'à des
gens enâgededifcretion. Ilsavoient auiïi prié qu'on leur permît
de lire 6c de chanter dans leurs Eglifes au moins les Evangiles 3 les
Epîtres Ôc le Symbole en langue Efclavone5 comme cela s'etoit pra-
tiqué , difoient-ils autrefois. Cet article ne leur fut pas non plus
accordé , parce qu'à la referve des quatre articles , ils s'étoient en-
gagez à fe conformer au culte de l'Eglife Romaine. Le Concile fut
plus favorable à la demande qu'ils firent d'attacher à l'Univerfîté
quelques Prébendes & Bénéfices. Sur l'article de la réformation ,
la réponfe fut : Que des le commencement le Concile s'etoit ap-
pliqué , & qu'il s'appliquoic encore foigneufement à ladite réfor-
mation, & qu'il avoit déjà fait quelques décrets là-deflus,, mais
[a]Addit.ad que le Démon y apportoit toujours plufieursobftacles, qu'on ef~
/En. Syh. peroic furmonter avec l'aide de Dieu , pourvu qu'on s'y prît dou-
CFreher.'p. ' cernent & à propos , de peur de tout gâter en faifant les choies hors
153-170. defaifon(a).
Mouvemens XXXVI. Les HuiTites de Moravie mécontents du traité exer-
des Huffites cojcnc de grandes hofiilitez dans cette Province , fur tout dans le
en Moravie. », . _ ..ÇL, A , , ,» •«./!-.-.
diocèfe d Olmutz. Ayant a leur tête un certain Smilo de Mora-
van , ils s'étoient emparés de quelques places , d'où ils incommo-
doient extrêmement tout le voifinage. Ceux d'Olmutz fe mirent
à la vérité en devoir de les déloger , mais avec peu de fuccês. Il y
eut même un combat où les Huflîtes eurent l'avantage, quoique
non fans perte. Smilo avoit laifîé dans la Chartreufe de la Vallée
de Jofaphat un commandant que l'on foupçonnoit de n'être pas à
l'épreuve d'une fomme d'argent. On lui en offrit , il écouta d'a-
bord , mais n'ofant rien conclure fans l'ordre du Général , il offrit
de fa part de rendre le cloître pour la fomme de 1 0000. écus ou
[bj Atirco- ducal:s d'or (b). Il fe contenta pourtant de 6000, & rendit le
cloître qui fut aufïî-tôt rafé: On plaça les Religieux dans un
fauxbourg d'Olmutz. Ceci fe pafla au commencement du prin-
tems.
Défaite des XXXVII. Quelques mois après , plufieurs Seigneurs de Bohê-
Huflïtcscn me fe liguèrent enfemble pour faire unecourfeen Moravie. Ils
jetterent d'abdrd la vue fur la ville de Lïnovcl, où ils favoient
qu'il y avoit de grandes richeilcs. Un matin à la faveur d'un nuage
qui déroboit la vue de l'ennemi, quelques-uns d'entre eux de-
ET DU CONCILE DE BASLE.Zw.zr/77.471
guifez en païfans , mais pourtant de bonnes armes fous leurs ha- 14.27
bits ruftiques, approchèrent de la place, tuèrent les fentinelles.,
&,fefaifirent d'une des portes de la ville, quines'attendoitàrien
moins. Le refte fuivit aufli-tôt. La ville fut prife & pillée- On y
trouva quantité d'or , d'argent , de draps & autres marchandifes.
Mais comme il y avoit auffi toute forte de vins en abondance,
le foldat s'en donna au cœur joie , fe mocquant des ordres des
officiers qui vouloient qu'on fe recirât promptement avec le butin.
Comme Zittovelrieft qu'à deux lieues d'Olmutz , les habitans de
cette dernière ville , avertis par les fugitifs , du défaftre de l'autre,
allèrent de nuit avec de bonnes troupes pour la reprendre. Ayant
trouvé les gardes endormies, &la foldatefqueenyvrée, ils y en-
trèrent fans peine. Alors on ferma les portes de la ville , &on fe
faifîtdetous les pafîages pour empêcher la fuite des ennemis. Ils
furent affommez & égorgez comme des bêces _, fans pouvoir trou-
ver ni retraire,ni quartier nulle part. Quelques-uns des chefs écha-
pérent pourtant, & entre autres Parào de Horka, à la faveur d'une
échelle. Mais il fut fi bien cherché , qu'on le trouva caché fous un
rocher à quekjue diftance de la ville. Il y fut emmené en triom-
phe , & de là à Olmutz avec quelques-uns de fes conjurez. On en
fit pendre 6 3. & le refte auroit eu le même fort fans le Sous-Came-
rier de Moravie qui s'y oppofa par cette raifon ; C'eft que ces Sei-
gneurs ayant des places fortes avec garnifon au voiflnage de la
Moravie , on pourroiten les retenant long-tems en prifon, les leur
faire rendre, & découvrir plufieurs intrigues fecretes. Paul Mi-
lie fin x qui étoit alors évêque d'Olmutz , ordonna qu'en mémoire rir
de cette délivrance on chanteroit tous les ans le Te Deum le jour Libtv. cap!
de la Fête des Trépaflez qu'elle arriva (a). v p- 6o7-
XXXVIII. La politique de Sigifmond étoit , comme on l'a dit , vift)nefi.s
d'employer à la guerre contre les Turcs ceux d'entre les Bohê- Hongrois fuc
miens & les Moraves que leurs opinions lui rendoient fufpects, es wcs
■parce que foit qu'ils fufjcnt vainqueurs } foit qu'ils fujjcnt vaincus , il y
trouvoit également fin compte (bje L'Empereur fè trouva fort bien [hicodi uft
cette année de cette politique. Amurat empereur des Turcs ayant fuPr- P- l°$-
fait la paix avec Ibraïm prince d|*Caramanie, étoit retourné l'au-
tomne précédente à Andrinople{\) , & avoit pafîé l'hyver à faire
des préparatifs de guerre dans le deflein de la porter en Hongrie.
Les Turcs s'étoient emparez de plufieurs places de la Servie,,
comme de Culpenic, de Baritz^, 6c d'autres villes du comté â&
£1 0 Ville de la Turquie en Europe. C'était alors le fiége de l'Empire Ottoman,-
47* HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
ïa.% 7. Sirraifch ( Sirmium) dans la Haute Hongrie. Sigifmond en ayant
eu avis par Fofcaro doge de Venife , ordonna auffi-tôt au Palatin
[a] Uurmt de Hongrie (a), capitaine fort vaillant, de s'armer en diligence
dehedcrvarM. p0ur gar der les frontières 6c faire tête à l'ennemi, ne pouvant y
aller lui-même , parce qu'il étoit encore trop occupé en Bohême.
LePalatin fans perdre de temps avoit marqué à l'arméeHongroife,
un jour 6c un lieu pour s'y rendre 6c recevoir lès ordres. Mais les
Hongrois parelîèux <k arrogants tout enfemble, répondirent qu'il
étoit contre leur liberté 6c contre leur honneur d'avoir à leur tête
un autre que le Roi , 6c qu'ils ne marcheroient pas fous le Palatin.
Ce refus donna tout le temps aux Turcs de courir de toutes parts
la campagne. Us fe feroient emparez de tout ce fertile 6c beau
païs entre les rivières de Save 6c de Drave , fans le fecours des
vaillantes troupes de Moravie 6c de Bohême 3 qui accoururent
fort à propos. Les barbares furent repouflèz par deux fois, 6c tel-
lement battus latroifiéme , que de 40000. hommes à peine en
refta-t-il le tiers qui périt miférablement dans la fuite. 11 n'y eue
que peu de prifonniers _, parce que le Palatin avoit ordonné de ne
faire quartier à perfonne , à la referve de ceux à qui les Bohémiens
[b] Qmch$r. & les Moraves auroient donné la vie pour les emmener dans leur
P. 609. 610. païs en £gne j£ jeur yjâôire.
intrigues de XXXIX. Il y avoit déjà quelque tems que Sigifmond^ encore
dantlamaia- plus accablé de travaux que d'années , ne joùiiïoit que d'une fanté
diede%i/- fort chancelante. Un Hiftorien Hongrois dit qu'il étoit attaqué
[c{ibvvrocs. deparalyfie (c). L'Impératrice prévoyant la mort de fon époux
çhrocHun- fort prochaine , prit des mefares pour procurer à la Bohême un
T^Bolln. fucceileur qu'elle pût époufer , 6c pour éloigner de la fuccelîîon
Albert d'Autriche fon gendre } à qui il fembloit qu'elle apparte-
noit le plus légitimement. Dans cette vue ayant appris des méde-
cins que la maladie où tomba alors Sipfmond étoit mortelle, 6c
qu'on défefperoit de fa vie, elle aflemblafecrettement les princi-
paux Seigneurs Calixtins , 6c leur reprefenta combien il feroit dan-
gereux de ne fe pas pourvoir d'un fuccefTeur au royaume, avant la
mort de l'Empereur qui n 'avoit pas long-tems à vivre. Là-dcfTus
elle leur propofa Wladiflas fils ii Roi de Pologne. C'eft, difoit-
elle, un Prince piaffant, jeunet bien fait. Elle leur promettoit
en même tems l'affiftance des comtes deCilley , l'un fon neveu ,
l'autre fon frere%, qu'elle venoit de faire déclarer Comte. La pro-
portion plut à ces Seigneurs , parce qu'ils appréhendoient le zèle
& Albert pour la religion Romaine, 6c ils promirent de la favorifer
dans
ET DU CONCILE DE B ASLE. Zh.Arrifl. 473
dans fon deflein. L'affaire étoit des plus délicates. Albert étoit \a\-i,
maîrre de la plus grande partie de la Moravie ôc de l'Autriche ;
on l'avoit élevé dans l'efperance du royaume de Bohême, & il
étoit déjà défigné Roi de Hongrie. Les Turcs d'ailleurs écoient
aux portes , & ce n'étoitpas le tems de jetter des femences de guer-
re entre les Princes Chrétiens. Cette intrigue ne put être fi fe-
crete que Sipfmond n'en fût informé. Comme on redoutoit le pou-
voir de l'Impératrice en Bohême , le Confèil de Sipfmond fut
d'avis qu'il allât en Moravie , où. il feroit plus en état de s'oppofer
aux defleins de fa femme > dont l'ambition & la lubricité jointes
enfemble ne refpiroient qu'après un nouveau mari qui lui mît fur
la tête la couronne de Bohême.
XL. Sigifmonds'y fît mener tout malade qu'il étoit, fous pré- sigifmtnd *t
texte de voir encore pour la dernière fois fa fille Elisabeth , mais en gravie
dans le fond pour afîurer le Royaume à fon gendre. L'Impératrice çCvokAlbtrt.
l'y fuivitjoyeufement avec fon frère Vlric, ne fe doutant de rien,
& n'attendant que la mort de fon époux. Dbs qu'on fut arrivé a\
Znoima ville de Moravie 3 l'Impératrice y fut arrêtée par ordre de
l'Empereur. Son frère prit la fuite, & Albert Tut mandé avec fon
époufe en toute diligence. L'Empereur avoitavec lui les princi-
paux Seigneurs Catholiques. Les ayant afTemblez en particulier il
leur recommanda par un difeours fort éloquent Albert fon gendre
& Elisabeth fa fille.
XLI. Ils lui promirent fidélité ôcafliftance, &: luiconfeillerent s$g$fm*»ê
d'envoyer promptement une ambafTade bien folemnelleen Bohê- eMV,oy^ ljnc
1 m » -a 1 ri » ambailade
me , de peur qu'il n y arrivât quelque loulevement , 6c pour y por- en Bohème
ter le teftament du Roi par lequel il nommoit Albert pour fon fuc- "> hi'eiic
ceiTeur. A la tête de cette ambafTade étoit GafpardSlick , cet illuf-
tre & grand homme qui eut l'avantage d'être Chancelier de trois
Empereurs tout de fuite 3 fçavoir de Sipfmond , d'Albert Se de Fré-
déric III. Il étoit au Concile de Confiance, &y protefla contre
la condamnation de Jean Mus & de Jérôme de Prague , ce qu'il ne
fit pas , fans doute , fans ordre de l'Empereur. Aineas Sylvius qui
l'avoit connu à la cour de l'Empereur, en fait une éloge magnifi-
que en reconnoiflance des obligations qu'il témoigne lui avoir,
Cette ambaflade exhorta fortement les Etats afTemblez à recevoir
Albert pour Roi , félon la dernière volonté de Sipfmond. Les prin-
cipaux motifs qu'alleguoient les ambafladeurs étoient 1 . Les gran-
des <\\id\\tQz à Albert prince à leur voifinage, & ami de la Bohê-
me. 2. Les obligations qu'elle avoir aux rois Jean , Charles IV*
Tem.J. Ooo
474 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
I4,.- Venceflas , &à Sigifmond lui-même. 3. Qu'il n'étoit pas jufte de
priver Elisabeth femme & Albert, du droic qu'elle avoit au Royau-
me 3 comme étant de leur fang, 4= Qu'ils ne dévoient point faire
de difficulté de choifirpour leur Roi un Prince qui avoir été élu
avec tant d'empreflèment en Hongrie. 5. Qu'il y avoit un traité
confirmé par l'Empereur &. par les Grands, par lequel on étoic
convenu que lesenfans maies venant à manquer dans l'une des
deux maiîons de Bohême & d'Autriche 3 l'autre pofîedercit le
.£ Roïaume,& qu'ainfi les mâles ayant manqué dans la Maifon Roïa-
le de Bohême .. il falloir avoir recours à l'Autriche (1). L'affaire
ne fouffrit point de difficulté du côté des Seigneurs Catholiques
qui déiignerentauiTi-tôt^/^r/pour Roi de Bohême.
Les existais XLII. Mais il n'en fut pas de même des Seigneurs Calixtins qui
poinTd'ii/- s'étoient liguez avec l'Impératrice pendant la maladie de Sigif-
hert pour mond. Ils déclarèrent qu'ils n'accepteroient point Albert fans une
Roi# bonne capitulation, & lui envoyèrent des ambalïadeurs. Leurs
principales raifons étoient 1. Que Sipfmond ayant d'abord violé
le concordat , fon gendre en pourroit faire de même. 2. Que l'é-
lection d'un Roi devoit être libre , &. non vénale ou furprife par
des difeours fpécieux , & qu'ils avoient acheté cette liberté au
prix de leur fang Se de leurs fortunes. 3. Que ce prétendu traité
avoit été extorqué à Ottocarus roi de Bohême dans des rems où la
Bohême étoit cruellement opprimée par l'Empereur d'Allema-
gne- 4. Qu'ils aimoient mieux un Roi Polonoisde même langage
qu'eux 3 qu'un Roi pris d'entre les Allemands , dont ils avoienc
tant fouffert. 5 . Qu Albert lui-même étoit venu à main armée dans
le royaume de Bohême , & que par toutes ces raifons ils ne le vou-
Part iL'cnp. loient point pour leur Roi que fous de bonnes conditions (a). On.
111. verra l'année prochaine comment cette ambaiTade fut reçue.
Mort de XLIII. Cependant la maladie allant toujours empirant , Si-
l'Empcrcur. gifmondmourut iznoima le 7. le 8. ouïe 9. de Décembre, (caries
Hiitoriensvarient)âgéde69.ou 70. ans après avoir régné 5 1. ans,
feavoir en Hongrie jufqu'à (a mort, dans l'Empire 27. ans , & en
Bohême 17.(2,). Son corps fut tranfporté au grand Varadin , fé-
pultifre des Rois de Hongrie. C'étoit unfpe&acle lamentable de
( I ) Cette pièce fe trouve dans Cochlée , elle porte qu'en cas qu'il ne fe trouve point d'héri-
tiers , ni mâles, ni femelles de la maifon royale de Bohême , l'eiechon du Roi retournera aux
Etats de Bohême. Cschl. HHt. Huff. Lib. IX. p. 3 \J. Cttte claufe n'étoit nullement favorable
au parti Cali-xtin pwfquEUfabetb femme d' Albert e'toit fille de Stgifmtni rôi de Bohême.
(2) Il naquit en 1 3 <?8. fut Roi de Hongrie en 1387. de Bohême en 1410. & Empereur en
143 3. mais un compte fon Empire depuis 1410. qu'il fut clu Roi des Romains.
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv.JCVllI.^^
voir la Reine prifonniere à la fuite du cadavre du Roi Ton époux. r43 7*
Après les obféques Albert rut élu Roi de Hongrie d'une voix una-
nime , & couronné à Albe Royale le i . de Janvier de l'année fui-
vante. Barbe mife en liberté le retira à Gratz qui étoit Ton douaire,
& finit fa vie libertine & infâme en 1457. à Milczjm petite ville de
Bohême proche de Tabor ( 1 ) , ou à Gratz félon d'autres.
XLIV. Quoique de l'aveu de tout le monde Sigifmond eàt de G»rïdere &
grandes qualitez & des vertus vraiement royales , il faut convenir £&àÇ&iif-
auiîi qu'il fut plus illuftre par Cqs malheurs que par fcs exploits. S'il mntd.
fit de belles actions , il fit aufli de grandes fautes qui lui attirèrent
bien des infortunes. A peine étoit-il en poileiTion du royaume de
Hongrie qui lui étoit dévolu par la mort de Louis , dont il avoir,
époufé la tille à cette condition, que peu s'en fallut qu'il n'en fut
dépofTedé. Les Hongrois méprifant fa jeunelîè, appellerent Charr-
ies de Duras io\ do. Naples. Ce Prince ambitieux & imprudent ac-
courut en Hongrie malgré les confeils de la Reine fonépoufe , ôc
de fes amis : il fe rît couronner à Albe Royale , pendant que Sigif
mond étoit en Bohême. Charles voulut même que la reine Marie
époufe de oê dernier , & la Reine mère alîift aflent au fpectacle ,
fous prétexte de leur faire honneur , mais au fond pour les inful-
ter. La Reine mère s'en vangea cruellement, & même perfide-
ment en le faifantaiTailinerlorfqu'il étoit endormi fur une chaife.
Ce meurtre ne fut pas longtemps impuni. Les gens afhdez \char-
/^jpourfuivirent la Reine qui s'alloit réfugier dans quelque châ-
teau. Quand ils l'eurent atteinte , après l'avoir garottée , ils la pré-
cipitèrent du haut d'un rocher dans le Danube. L'époufe de Sipf-
?nond demeura prifonniere. Cependant ce Prince vint de Bohêm-e
avec une bonne armée pour rentrer enpolTefîion de fon Royaume,
& délivrer fon époufe 5 mais oubliant dans cette occafion la clé-
mence dont l'Hiftoire lui fait honneur , (quoiqu'il ait donné pen-
dant fa vie plufieurs marques de cruauté) il s'attira de nouveaux
malheurs par unefévérité finon injufte, au moins précipitée. Il
fie trancher la tête à 3 1. des Seigneurs Hongrois qui avoient conf-
piré contre lui. Cette fanglante exécution allarma tout le monde.
Les InterelTez, par une nouvelle conjuration réfolurent d'aller
dans fon palais pour le prendre ou pour le malîacrer , lî on ne pou-
voit pas en venir à bout autrement. On dit que dans cette rencon-
tre il fit une a&ion de vigueur & de courage. Voyant les conjurez
(1) /£ neas Sv]viusczp. LIII-LIV. Cêchl. ubi fupr. p. % 12. 3 1 3 .T&»£.Part. II. cap. II. TïMh*
Eptorti. Lib. V. cap. I. p. 4^6". 4P7. C%jcch. L. V. cap. V. p. 61 1 .
Ooo ij
47^ HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14.x 7 approcher , il alla au devant d'eux l'épée à la main : Qui efl-ce , dit-
il , d'entre vous qui mettra le premier la main fur moi 1 Que vous a fait
votre Roi pour entreprendre de le tuer ? Quoi de plus lâche & de plus in-
digne , que de fe jetter contre un homme feul / S* il y en a un d'ajfez^ hardi \
qu il s'avance , & je me battrai avec lui. A ce difeours les conjurez
jt^Ai^b ^ diffiperent chacun de fon côté (a). Cependant il fut pris dans
J^.LVin. une autre «ccafion , & enfermé dans une prifon d'où il ne fortic
3p.aP. Mn. nU'en donnant efperanced'épouferJW^ fille de Herman comte
'h* iJ* de Cilley , la plus indigne femme qui de mémoire d'homme , file
montée fur le trône , félon le témoignage de tous les Hiffcoriens.
Sigifmond ayant été élu Roi des Romains entra dans une car-
rière fort épineufe dans les conjonctures d'alors. Il s'acquit à la
veriré une gloire immortelle par fes longs travaux, &[fes pénibles
voyages dans la plus grande partie de l'Europe, non fans courir
fouvent rifque de la vie pour éteindre le grand fchifme d'Occi-
dent, & pour aflembler le Concile de Confiance dans cette vûë.
Mais on peut dire que dans une conjoncture au (fi favorable il fit
trois fautes capitales , qui ternirent fa gloire, & qui le plongèrent
dans de nouvelles difgraces. La première _, c'eft qu'ai*lieu de pro-
fiter de l'occafion du fchifme pour mettre le Pape à la raifon, 6c
mettre l'Empire hors de page , il fe mit indignement à genoux de-
vant Jean JTJCIII. dès la moindre foumiflion qu'on extorqua â
ce Pontife 3 il tint les rênes de fon cheval , & celui de fon fuccef-
feur au fortir de Confiance 3 ôcs'alla faire couronnera Romefans
nulle nécefîité que celle qu'impofoit la coutume & la tyrannie pa-
pale. L'autre faute qu'il fit, c'eîl que par fa foumiffion aveugle
pour le clergé , il fouffrit qu'on violât le fàuf-conduit authentique
qu'il avoitdonnéà Jean Hus } qu'on emprifonnât ce docteur de
Bohême , 6c qu'enfin on le brûlât. C'efl ce qui lui attira une haine
implacable de la part des Bohémiens, ôc cette longue 6c cruelle
guerre dont nous écrivons l'Hifloire. Il y fut battu 1 2 . ou 1 3 . ba-
tailles rangées par des gens inférieurs en nombre , mais qui com-
battant pour leurs autels 6c pour leurs foyers fe battoient moins en
guerriers qu'en lions. Troifiéme faute } je ne juge point de la qua-
lité des dogmes foit de l'Eglife Romaine 3 foit du Hulîitifme 3 mais
au moins il falloit temporifer6cnepass5expofer à de nouveaux af-
fauts par un zèle prématuré. La guerre étoit à peine un peu afi\ u-
pie, qu'il la renouvella contre fa parole , par une feverité préci-
pitée enrétabliflant dans toute fa fplendeur un culte qui faifoit
l'horreur de la plus grande partie de la Bohême, comme s'il eût
ET DU CONCILE DE BASLE. Liv.XVIU.W}
pris plaifir à rallumer le feu qui n'étoit que caché fous des cendres I4, 7
encore coures chaudes. La more empêcha qu'il ne fût la vi&ime
de fon imprudence 3 mais il en coûta cher à fon fuccefïeur , comme
on le verra dans la fuite.
Si Ton marque ici les fautes de ce grand Empereur, on a fait
ailleurs l'éloge de fes vertus,, & donné le caradere de (es mœurs»,
& de fon efprit. Il fe rendit fur tout recommandable par fon
amour pour les fciencesôc les belles lettres, parla diftin&ion qu'il
faifoitdeceuxqui les cultivoient. Au refte, fî on eft curieux de
connoître l'extérieur de ce Prince , j'en donnerai l'idée d'après le
P. Maimbourg qui l'a tirée de Cufpinien > de Bonfinius & d'autres
auteurs qui conviennent des avantages qu'il avoic reçus de la na-
ture à cet égard. Ce fut , dit le Père Maimbourg , l'un des hommes
de fon temps le mieux fait , & par fa haute flature , & fon port plein de
majefiè , par la beauté des traits de fon vifage , par fa barbe longue & , » -,.. .
fes cheveux blonds qui luiflottoientfur les épaules à grojfes boucles na- du grand
turellement formées , & qui par un certain air de grandeur digne de Scj'fme d'0c'
F Empire 3 s'attiroit le refpecl de tout le monde , & faifoit avouer d%a- \\, p,' %%{.
bord en le voyant , qu'il étoit digne de commander (a). i*4-
XLV. Le Pape Eugène étoit toujours dans de grandes angoiffes. Affaires <■-
La plupart des Princes de l'Europe l'ayant abandonné , en faveur Sfcrc»V
du Concile de Bade , il n'avoit de reflource qu'en Italie , où il ne g™ &portu.
manquoitpasnon plus d'affaires. D'autre côté, il étoit dans des gcl1'
tranfes mortelles que les Grecs acceptant la ville de Bade , leur transférée
réunion ne fe fît fans fa participation. De trois villes que ce Con- ConciIe <*e
cile leur avoir propofées , aucune ne lui plaifoit, ni Balle où écoienc rare! a
ailemblez fes parties, ni Avignon aux portes de la France où le
Roi lui étoit fufpect , ni aucun endroit de la Savoye donr il foup-
çonnoit le Duc de le vouloir fupplanter. Dans cette perplexité , il
confuita fon fidèle ami Nicolas marquis à'Efi , des confeils de qui
il s'étoitfouvent bien trouvé j ils réfolurent enfemble d'envoyer
inceiîamment une ambalTade à l'Empereur Paleologue pour lui
propofér la ville de Ferrare ^ &lui offrir l'argent &les galères né-
ceflaires pourletranfport. L'Empereur Grec accepta ce parti, 6c
l'ambaiTade de retour avec une réponfe favorable, Eugène manda ^ Bmv:
le Concile à Ferrare. La Bulle eft datée de Bologne le i 8 . de Sep- i v.
tembre, & lignée du Pape 6c de huit Cardinaux(b). On verra bien- Le roi d'Ar-
tôr comment cette Bulle fut regardée au Concile de Balle, ragontraver-
X L V I. Le Roi d'Arragon traverfoit Eugène de tout. fon pou- ConcUe"dcU
voir. Ce Prince ayant appris que les Génois 3 les Florentins , 6c les Bailc.
O o o iij
473 HiST. DE LA GUERRE DES HUSSïTES
1437. Vénitiens s'étoient liguez avec le Pape pour s'oppofer à /es def-
feins fur le royaume de Naples , tâcha d'engager contre eux le
Roi de Caftifle avec qui il s'etoit accommode depuis peu , afin de
les obliger par force à fe détacher à' Eugène. Comme le Roi de
Cafbille ne vouloir pas rompre avec la France il refufa de prendre
les armes contre ces Republiques, parce qu'elles étoient alliées
avec la France. Ce fecours lui ayant manqué , il prit d'autres me-
fores. Il avoit déjà envoyé un bon nombre de Prélats au Concile
pour traverfer Eugène au moins indirectement. Mais afin de renj.
forcer cette ambaffade , ii envoya ordre aux autres Prélats deion
Royaume , deTe rendre à Baiîe , menaçant ceux qui refuferoienc,
de les dépouiller de leur temporel. Cependant pour amu fer Eu-
gène il lui fit offrir de lui faire hommage du Royaume de Naples ,
s'il vouioit l'en mettre en pofleffion , & lui donner une certaine
fomme d'argent pour les arrérages , avec plufieurs autres condi-
tions très-avantageufes , pendant qu'il follicitoit le Concile à le
dépofer & à lui déclarer la guerre s'il ne vouioit pas fe foumettre.
En même temps, ou peu après, Alphonfe envoya une armée dans,
le royaume de Naples pour s'en emparer , 6c en chafîer le légat du
Pape , & la reine J fa belle femme de René d'Anjou.
E*ge*e fou- X L VI I. Cette Princefle fe trouvant trop foible pour réfifter
tient René aux forces du Roi d'Arragon envoya demander du fecours au
trcSSwî* Pape, qui de fon côté lui envoya le Patriarche d* A quitte avec
6000. hommes tant de cavalerie que d'infanterie. Après bien des
pourparlers à Naples , Jfabelle & le Patriarche ne pouvant pas
convenir enfemble , parce que le Légat vouioit retenir le Royau-
me au nom du Pape, & qu' Jfabelle vouioit le garder au nom de
René hn époux, le Légat fe retira dans fon camp. Il remporta
d'abord quelque avantage fur le parti Arragonois 5 mais au lieu
d'en profiter , il demanda une trêve qui lui fut accordée pour
deux mois. Le Duc de Milan qui depuis long-temps en vouioit à
Eugène fe joignit à Alphonfe pour l'inquiéter. Ayant appris qu'on
déliberoit à Bafle fur un lieu propre à exécuter la réunion des
Grecs, & que le Pape avoit choifiFerrare pour cet effet, il envoya
à Bafle propofer Pavie ville du Milanois , à quelques lieues de Mi-
lan , offrant de groiîes fommes d'argent pour le voyage des
Grecs, 6c de livrer le Pape Eugène. Cette propofition portée par
l'éloquent JEneas Sylvius qui n'étoit pas alors aufïï zélé partifan
des Papes & du fiége de Rome, qu'il le fut depuis, penfa ébran-
ler le Concile j mais elle n'eut pourtant pas de lieu.
ET DU CONCILE DE B AS LE. Ziv. XVIll.±-i<) T />
^ ' ' 143 7.
X L V 1 1 1. Le Roi de Portugal avoit obtenu du Pape l'année . . _
précédente une croifade contre les Maures. Ce Prince avoit cinq cfesduRoidc
frères tout brûlant d'ardeur defe fignaler par cette conquête. Ils *•**&* ca
levèrent environ 6000. hommes, oc avec cette petite armée ils riquc*
oferent entrer en Afrique malgré l'avis du Roi & defon confeil ,
qui leur prédirent ç£ qui leur arriva. Quand ils furent à Ceuta qui
étoit alors aux Portugais, on tint confeil fur les opérations de la
campagne. L'avis fut de commencer par le fiége de Tanger. La
place le défendit pendant un mois dans l'efpérance d'avoir bien-
tôt du fecours. En effet , les Rois de Fez & de Maroc , & les autres
Princes d'Afrique y accoururent. On prétend que leur armée
étoit de 600000. hommes de pied, & 70000. chevaux. Il n'en
falloit pas tant pour envelopper bientôt une poignée de gens qui
fe défendirent pourtant fort bien pendant long -temps. Enfin il
fallut demander la paix. Les Maures ne la voulurent donner qu'à
condition de rendre Ceuta. Les Portugais le promirent, quoique
cela ne fut point en leur pouvoir. Cependant les principaux d'en-
tre eux , & fur tout Ferdinand , l'un des frères du Roi, qui avoic
été le plus ardent à cette expédition , demeurèrent en otage. Le
Confeil du Roi de Portugal ne fe trouvant pas d'humeur à rendre
Ceuta , Ferdinand fat retenu en prifon , où il mourut.
X L I X. Le Roi de France n'étoit pas plus content du Pape France &
Euzene , que les Princes dont on vient déparier. Ce Pontife lui A«ghterr'-
avoit rerulc deux choies qui i avoient irrite contre lui 3 1 une etoit ics vu. fait
l'invelliture du royaume de Naples en faveur de René & Anjou ,Çontni™* à
l'autre la ville d'Avignon pour la réunion des Grecs. C'effc ce qui aris*
l'obligea de défendre à les Prélats d'aller à Ferrare où le Pape
avoit transféré le Concile. Ce fut cette année que ce Monarque
fit fon entrée à Paris ^ où on ne l'avoit point vu depuis près de
vingt ans. On peut voir la defeription de l'accueil magnifique
qu'on lui fit , dans l'Hiftoire de France du P. Daniel. J'en rappor-
terai feulement une particularité dans les termes de cet Hiftorien.
» Au Ponceau St. Ladre '(a) il parut uneefpéce demafearade de [n] c/eft-.u
» dévotion compofée de 1 4. perfonnes , dont 7. reprefentoient les diic St- la-
» 4. vertus cardinales , & les 3 . vertus théologales , & fept autres tm e
»les fept péchez mortels. Leurs habits étoient également bifarres
» & magnifiques , aulîi bien que leurs montures & tous leurs équi-
pages. A la porte St. Denis parut en l'air un enfant habillé en
»Ange, comme defeendant du Ciel., qui tenoir un Ecu d'azur à
4§o HÏST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
14^7. » 3- fleurs de lis d'or ,6c on entendit en même temps un concert de
» Mufique , qui chantoit ces quatre vers :
Très - excellent Roi , & Seigneur ,
Les manans de votre cité
Vous reçoivent en tout honneur ,
Et en très -grande humilité.
Une fepafïa rien de confïdérable cette année en Angleterre.
Les Anglois remportoient toujours en France d'aflez grands avan-
tages pour rendre à Charles VII. la pofïeflion de ce Royaume in-
certaine. Louis d'Orléans qui é toit toujours prifonnier en Angle-
terre, tâcha de renouer les négociations de la paix, qui avoient
manqué l'année précédente , afin d'obtenir fa liberté. Il demanda
pour cet effet permiffion de s'aboucher à Calais avec le Duc de
Bretagne. Le Confeii d'Angleterre y étoit aflez difpofé , mais le
duc de Gloceflerjugea. qu'il falloit attendre qu'on fut plus en état
de faire une paix avantageufe.
MUmugnt. L. Le Pape & le Concile de Balle étoient toujours aux prifes,
Sdïions du tant fur l'autorité de l'un & de l'autre , que fur le lieu qu'on choifi-
Bafle.lk d° roitpourla réunion des-Grecs. Le Pape la vouloit abfolument à
Ferrare , où il l'avoit déjà mandé. Les François l'avoient deman-
dé à Avignon , & les Pères de Bafle n'en étoient pas éloignez,
quoiqu'ils eufïent mieux aimé que ce fût à Bafle même. Il fe tint
cette année fîx Seffions dans ce Concile. Dans la XXV. tenue le
7. Mai , on réfolut que s'il y avoit trop de difficulté à recevoir les
Grecs à Bafie, on choifiroit Avignon , ou quelque endroit de la
Savoye 3 on prit des mefures en même temps pour faciliter leur
voyage , & leur inftruction. Dans cette Seflîon il fe fît deux décrets
contraires l'un à l'autre , touchant le lieu de la réunion des Grecs.
L'un de la part des Légats du Siège Apoftolique, des Présidents
du Concile, & de la plupart des Prélats. L'autre décret étoit du
refte du Concile. Les premiers fe déclaroient pour Florence , ou
quelque autre endroit de l'Italie , comme le Frioul. Les autres
pour Bafle, ou pour Avignon. Cependant les députez de l'Eglife
Grecque arrivèrent à Bologne 3 où étoit le Pape. D'abord ils pro-
tégèrent contre le choix de la ville d'Avignon , & demandèrent
Florence. Le Pape y confentit, & envoya des Légats à l'Empe-
reur , aux Rois de France , d'Angleterre , de Sicile ôc de Portugal
[q&nsil. pour le leur notifier fa). Dans la XXVI. tenue le 3 1 . de Juillet ,
b*Î*Tm4I Eugene lïr> fuC ç*c^ * comparoître au Concile , ou en perfonne ou
3I" Par
ET DU CONCILE DE I3ASLE. Liv.XVÏII.^lï
par procureur 3 avec menace de procéder contre lui félon les Ca-
nons _, en cas de refus , & on y fit une longue énumeracion des
griefs qu'on avoir, contre lui. Dans la XXVII. tenue le 26. de Sep-
tembre , on cafla l'éle&ion de quelques Cardinaux ( 1 ) , que le Pa-
pe avoir créez contre les décrets du Concile. Comme le bruit
s'étoit répandu que le Pape vouloit vendre Avignon fous prétexte
de fournir de l'argent aux Grecs , le Concile défendit cette vente.
L'Archevêque de Tarente avoit fuppofé des Bulles par lefquelles
on feienoit que le Concile avoit confenti au choix de Florence ou
d'Vdine pour recevoir les Grecs. Ces Bulles furent defavouées
&annulléesdans cette Sefîion. Sigifmond vivoit encore alors. Le
Concile lui écrivit pour lui demander fa protedion costre Eugène
IV. qui le traverfoit , & pour lui faire fçavoir que ce Pape avoit
été ajourné. Cette nouvelle déplut à l'Empereur, qui écrivit de ne
pas pouffer davantage Eugène IV. qu'autrement il le joindroit aux
autres Princes pour le foutenir. Cependant dans la Sefîion
XXVIII. tenue le premier d'Octobre, fon terme étant expiré ,
il fut déclaré contumace. La plupart des Princes furent fort irri-
tez de cette démarche. Les Ambafladeurs du Roi d'Arragon fe
retirèrent du Concile avec proteftation. L'Empereur envoya
Pierre comte de Schaumbourg, évêque d'Augsbourg , à Bafle
pour détourner les Pères d'une réfolution qu'il trouvoit feanda-
leufe & inouie. Le Roi d'Angleterre leur écrivit en termes très-
forts dans la même vue 3 leur donnant le nom d'Afïemblée, & non
de Concile. Je ne trouve point d'oppofition de la part du Roi de
France. Les Pères nonobftant cela tinrent leur XXIX. Sefïïonle
1 2 . d'O&obre. Comme le Pape avoit publié fa Bulle de la tranfla-
tion du Concile à Ferrare, qu'il jugeoit plus propre que Florence,
ils déclarèrent nulle cette tranflation , à enjoignirent au Pape de
la révoquer , réfutant fa Bulie de point en point.
LI. On fît dans la XXX. tenue le 1 3 . de Décembre un décret Dccrct fur îa
touchant la Communion fous les deux efpeces. Comme ce décret fomm™lon
appartient au principal lujet de cette Hiitoire,, on le mettra ici efpscct.
tout entier. Le Sacré Concile Général de Bàfle affemblé par le faim
Efprit , & reprefentant l'Eglife univerjelle en mémoire perpétuelle.
» Afin de voir plus clairement , en déclaration de la vérité catholi-
» que } ce qu'il faut croire & ce qu'il faut pratiquer pour le falut du
«peuple Chrétien au fujet de la fainte Euchariftie , après avoir re-
» cherché diligemment , & pendant long-tems dans les faintes
(ï) Entre autres Vttellefcbi , dont on a fouvent parle.
Tom. I. P p p
43 i HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
1417. «Ecritures, dans les facrez Canons, & dans la tradition desSts.
» Pères &c des Docteurs, &confideré tout ce qui peut contribuer
»à l'explication de cette matière, le facré Synode décerne, Se
» déclare , i . Que les Laïques communians quand ils ne célèbrent
» pas , {non confidentes) ne font point obligez à prendre le St. Sacre-
» ment de PEuchariftie fous les deux efpeces, c'eft à-dire fous celle
» du pain 6c fous celle du vin. 2. QuePEglife qui eft gouvernée par
» le St. Efprit demeurant avec elle éternellement , & avec laquelle
» J. C. demeure jufqu'à laconfommation des fiecles félon PEcritu-
=> re , doit régler Padminiftration de PEuchariftie à ceux qui ne
"célèbrent pas , félon qu'elle le jugera à propos, pour larévéren-
» ce du Sacrement, èc pour le flxlut des Fidèles. 3. Que foit que
» l'on communie fous une feule efpece, foit que l'on communie fous
» deux , félon Tordre ou Pobfervation de PÉglife , la Communion
* eft également falutaire de Tune & de l'autre façon. Et il ne faut
» nullement douter que la chair n 'eft pas feulement fous l'efpece
"du pain, ni le fang feulement fous l'efpece du vin,. &que J. C.
» ne foit tout entier fous chacune desefpeces. 4. Que la louable
=» coutume de communier le peuple fous une feule efpece intro-
» duite raisonnablement par l'Eglife &. par les Sts. Pères, obfervée
(a) AïïrCoK- »jufqu'ici depuis très-long-temps & recommandée depuis long-
"wri^ft °3" "cemPsaunTi parles fçavans Do&eurs de la Loi divine, des Stes.
HuiT. Lib. » Ecritures & des Canons , doit être regardée comme une loi qu'il
vin. p. 308. «n'eil permis à perfonnede rejetterou de changer, fans l'autorité
îni£ 14Ï7T" »-de PEglife. Donné à Balle dans notre folemneile & publique
uum.xxi. «Sefïïonie 23. de Décembre 1437. (a).
Reflexions LU. Sans toucher au fond de la controverfe , on peut ajouter
îe"tCe Ds" ici quelques reflexions fur ce décretàcelles qu'on a faites fur celui
fb) Hift. du de Confiance (b). 1 . Voici deux Conciles généraux , qui donnent
CandeConft. fur }a même matière de foi, deux décifîons, finon oppofées , au
moins fort différentes l'une de l'autre. Le Concile de Confiance
regarde comme des hérétiques qui doivent être pourfuivis 8c pu-
nis, ceux qui établiiïent la necefïîté de la Communion fous les
deux efpeces ,& le Concile de Bafleautorife, ou au moins permet
cette Communion, & par confeqnent il autorife indirectement
unehéréfîe. Car ceux qui demandoient la Communion fous les
deux efpeces, fuppofoient bien que le retranchement de l'efpece
du vin étoit un facrilege, &que par confequent cette efpece eft
neceffaire dans le Sacrement. 2. Cette claufe qui remet à PEglife
univerfelle la décifion des cas où il eft exoedienx de communier
ET DU CONCILE DE B ASLZ.Ziv.ATIII.^}
fous les deux efpeces, ou non, eft fujecteà de grands inconve- 14.57.
niencs. Car comme , félon la doctrine du Concile de Bafle, l'Eglife
univerfelle n'eft reprefencée que dans un Concile général _, il s'en-
fuit de là que dans cous les cas , & les inchients qui pouvoient naî-
tre fort fouvent là-deflus , il auroit fallu aflembler un tel Concile.
Si le Concile de Bafle avoit crû que le Pape reprefente l'Eglife
univerfelle , l'expédient eût été plus court, parce qu'il eft plus
aifédeconfulter le Pape , qued'airemblerun Concile œcuméni-
que. Mais c'efl ce que le Concile necroyoit pas, puisqu'il foûte-
noitàcorôcà cri que le Concile général eft au- defTus du Pape,
qu'il peut le juger _, 6c qu'en effet il dépofa Eugène IV. 3. Cet au-
tre article où Ton fourient que J. C. eft tout entier fous chacune
des efpéces , eft auffi fujet à une conféquence très-fâcheufe & fore
contraire à l'inftitution dej C. Car il s'enfuit delà que le prêtre
qui communie fous les deux efpéces fait ôc prend deux Chrifts, tout
de même que le peuple qui communie fous l'une & l'autre efpéce.
LUI. A l'occaflon des affaires de Bohême, on a été engagé à Me de Re-
parler de celles de Pologne & de Hongrie. Cette année mourut dc8'
Antoine Fluvian ou de la Rivière Grand Maître de Rhodes. Pen-
dant fon Magifiere l'Ordre fe trouva engagé en plufïeurs guerres
contre les Turcs, tant pour fe foûtenir lui-même, que pour fe-
courir le refte des Chrétiens , ôc en partie l'Empereur de Conftan-
tinople. Mais cet Ordre eut à foûtenir l'effort d'un autre ennemi
plus redoutable que ne l'avoitété Amurat II. dont Scanderberg
d'un côté , àejean Munniade de l'autre, avoient arrêté les pro-
grès. C'étoit le Sultan & Egypte (a). Ce Prince pourfe foûtenir fa) Ainai*.
dans fa dignité en donnant de l'occupation aux Mamelus ( 1 ) qui Hift!deMal-
fa voient mis fur le trône, 6c qui pouvoient l'en chaflèr, déclara thc. Tom.
la guerre 2, J anus de Zufignanxoi de Chypre , qui eut recours àII,pIp*'
l'Ordre comme à fon Allié. Après avoir faic pluiïeurs tentatives
pour accorder les Chypriots avec les Sarrafîns , l'Ordre envoya
de puiflancs fecours aux premiers. La guerre fut longue & meur-
trière. On en vint enfin à une bataille que les Chrétiens perdirent,
&le Prince de Chypre fut emmené prifonnier à Alexandrie. Le
Sultan d'Egypte, pour fe venger du fecours que les Chré-
tiens avoient donné à fon ennemi , réfolut fecrettement de
tourner l'effort de fes armes contre l'Ifle de Rhodes. Mais le
Grand Maître qui avoit des intelligences à Alexandrie, ayant eu
Ci) C'étoit unpuiffant Gorps en Egypte , compofe d'efchves étrangers enlevez par l«s
Tartarcs*
4$4 HIST. DE LA GUERRE DES HUSSITES
avis de cette trame , implora le fecours du Pape Eugène IV. de des
Princes Chrétiens , 6c ordonna à tous les Prieurez de l'Ordre ré-
pandus dans la chrétienté devenir au fecours de l'Ifle. Ces ordres
furent fi bien exécutez , que le Sultan fut obligé de fufpendre fon
entreprife. Cependant le Grand Maître convoqua un Chapitre
général aRhodes, où l'on prit des mefurespour mettre l'Ordre en
état de fe foûtenir. Son tréfor étoit fort épuifé tant par les guerres
que par le fchifme. » Il ne tiroir prefque plus rien des Prieurez de
«France _, dont les Commanderies avoient été ruinées pendant la
» guerre que les Anglois avoient faite dans ce Royaume. La Bohê-
» me , la Moravie 3 & la Siléfîe, ravagées par les Huffites^ ne four-
»niiïoient aucun contingenta l'Ordre. La Pologne occupée de
y> (es guerres contre les Chevaliers Teutoniques y ne confervoic
«plus de relation avec l'Ordre»». Ce fut là l'objet des mefures du
Maithc. ûbi Chapitre. On peut les voir dans l'Hiftorien de Malthe (a). Jean de
fupr. p. 20 r. zafoç fucceda à Fluvian , dans le Magiflere de Rhodes (b ).
(b)p. zoj\ i 9 O ^ J
FIN BU TOME PREMIER.
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